CA Amiens, 1re ch. sect. 2, 6 novembre 2008, n° 07-02098
AMIENS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Roby
Défendeur :
ARP (SARL), Dambry
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. de Lageneste
Conseillers :
M. Florentin, Mme Six
Avoués :
Me Caussain, SCP Tetelin Marguet, de Surirey
Vu le jugement contradictoire rendu le 26 avril 2007 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Soissons;
Vu l'appel formé le 14 mai 2007 par M. Patrick Roby;
Vu les dernières conclusions déposées le 12 décembre 2007 pour M. Patrick Roby;
Vu les conclusions déposées le 23 octobre 2007 pour la SARL anciennement Roby Publicité dénommée en abrégé "ARP" et M. Georges Dambry;
Vu l'ordonnance de clôture du 20 février 2008
Par acte de Maître Michel Houdry, notaire associé à Fere-en-Tardenois, du 25 mai 1990, MM. Patrick Roby et Georges Dambry ont constitué entre eux une société civile en nom collectif dénommée " Roby Publicité ", dont les 1 200 parts du capital social ont été réparties à concurrence de moitié entre les deux associés.
Par acte de ce même notaire du 28 novembre 1995, M. Patrick Roby a cédé 300 de ses 600 parts à M. Georges Dambry; dans ledit acte, a été insérée une clause de non-concurrence aux termes de laquelle M. Patrick Roby s'est engagé " envers le cessionnaire, pendant dix années à compter de ce jour, à n'entreprendre par lui-même ou par l'intermédiaire de toute entreprise quelconque, aucune activité similaire à celle de la société émettrice des parts cédées dans les départements suivants : Aisne et Marne, à savoir :
Réseau d'affichage et de panneaux de longue conservation (à l'exception des pré-enseignes)
... toutefois cet engagement ne concernera pas l'activité actuellement exercée par M. Patrick Roby à savoir : prestation de service et sous-traitance relatives à l'affichage et le montage.
De même, M. Patrick Roby pourra devenir salarié dans une entreprise exerçant la même activité que la SNC "Roby Publicité " sous réserve de recueillir l'accord préalable de M. Georges Dambry ".
Par acte de Maître Michel Houdry du 4 juin 1998, M. Patrick Roby a cédé à M. Georges Dambry les 300 autres parts qu'il détenait encore dans le capital social de la SNC Roby Publicité ; dans ledit acte, a été insérée une clause de non-concurrence aux termes de laquelle M. Patrick Roby s'est engagé " envers le cessionnaire, pendant dix années à compter de ce jour, à n'entreprendre par lui-même ou par l'intermédiaire de toute entreprise quelconque, aucune activité de nature à concurrencer la société émettrice des parts cédées dans les secteurs d'activité qu'elle exploite actuellement... toutefois cet engagement ne concernera pas l'activité actuellement exercée par M Patrick Roby à savoir : prestation de service et sous-traitance relatives à l'affichage et le montage ".
Par acte sous seing privé en date du 4 juin 1998, dénommé " avenant au protocole d'accord du 28 novembre 1995 ", M. Patrick Roby s'est obligé " à ne pas monter de réseau d'affichage en dimensions 240x160 ou 400x300 dans le département de l'Aisne et de la Marne, dans les secteurs dont la désignation suit, à l'exclusion des pré-enseignes et après accord des deux parties en ce qui concerne les panneaux de longue conservation ".
Par assignation du 5 juillet 2002, M. Georges Dambry et la SARL ARP (nouvelle société venant aux droits de la SNC Roby Publicité ensuite d'une décision de l'assemblée générale extraordinaire des associés du 1er juillet 1999) ont saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Soissons d'une demande à l'encontre de M. Patrick Roby au motif que ce dernier s'était rendu coupable d'actes de concurrence déloyale.
L'affaire ayant été renvoyée au fond après ordonnance du Président du tribunal de commerce du 20 septembre 2002, le Tribunal de commerce de Soissons a, par jugement du 28 février 2003, déclaré valables les deux clauses de non-concurrence précitées et a ordonné "la cessation immédiate, sous astreinte de 100 euro par jour de retard, laquelle courra à compter de la signification du jugement à intervenir, de l'activité anticoncurrentielle et interdite exercée par M. Roby sur le département de l'Aisne et de la Marne" ; le tribunal a ajouté "rappelle que l'activité anticoncurrentielle et interdite visée par cette cessation sur les départements considérés est celle de l'objet social de la SARL ARP savoir : toutes activités et prestations relatives à l'affichage et panneaux publicitaires" ;
Par arrêt rendu le 13 septembre 2005, la chambre économique de la Cour d'appel d'Amiens a confirmé ledit jugement du 28 février 2003 en précisant, dans ses motifs, que les deux engagements de non-concurrence se cumulaient, dès lors que les obligations souscrites le 4 juin 1998 par M. Patrick Roby dans l'avenant au protocole d'accord ne faisaient qu'apporter des précisions par rapport à la clause de non-concurrence prévue dans l'acte du même jour et dans ceux qui l'avaient précédé.
Par assignation du 16 novembre 2005, M. Georges Dambry et la SARL ARP ont saisi le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Soissons d'une demande tendant à la liquidation de l'astreinte précitée pour la période du 21 mars au 30 juin 2003.
Par décision du 2 juin 2006, le juge de l'exécution a dit que M. Patrick Roby avait partiellement violé l'obligation de non-concurrence pour la période du 26 mars au 30 juin 2003, a modifié le taux de l'astreinte provisoire à la somme de 50 euro par jour de retard et liquidé l'astreinte à la somme de 4 800 euro.
Par assignation du 4 octobre 2006, M. Georges Dambry et la SARL ARP ont à nouveau saisi le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Soissons d'une demande aux fins de liquidation de l'astreinte pour la période postérieure au 30 juin 2003.
Par le jugement du 26 avril 2007 susvisé, le juge de l'exécution a statué en ces termes :
- dit que M. Patrick Roby a violé l'obligation de non-concurrence pour la période du 1er juillet 2003 au 8 juin 2006, soit 1 073 jours,
- modifie le taux de l'astreinte provisoire de 100 euro par jour de retard à 20 euro par jour de retard et liquide l'astreinte provisoire pour la période précitée,
- condamne M. Patrick Roby à payer à la société ARP et à M. Georges Dambry la somme de 21 460 euro au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire et celle de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
M. Patrick Roby conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de débouter la SARL ARP et M. Georges Dambry de leurs demandes et de les condamner à lui restituer la somme de 23 195,32 euro qu'il leur a payée du fait de l'exécution provisoire attachée à la décision querellée ; il sollicite, en outre, la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il expose n'avoir commis aucun acte de concurrence déloyale sanctionnée par le jugement du Tribunal de commerce de Soissons du 23 févier 2003, confirmé par arrêt de la Cour d'appel d'Amiens du 13 septembre 2005, postérieurement au 30 juin 2003 ; qu'en effet, les prétendues violations de l'obligation de non-concurrence constatées par Maître Bruno Bellanger, huissier de justice à Soissons, d'une part, le 7 juin 2006, qui concerne une pré-enseigne "Peugeot ", et, d'autre part, le 1er décembre 2006, qui concerne une enseigne " TPSP ", sont respectivement soumises au régime des pré-enseignes dérogatoires et des enseignes non prévues par la clause de non-concurrence liant les parties.
La SARL ARP et M. Georges Dambry demandent à la cour de porter le taux de l'astreinte liquidée par le juge de l'exécution à la somme de 50 euro par jour de retard et de condamner, en conséquence, M. Patrick Roby à leur payer la somme de 53 650 euro pour la période du 1er juillet 2003 au 8 juin 2006; ils sollicitent, en outre, la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils font valoir que M. Patrick Roby a cédé, fin juin 2003, son fonds artisanal à une société Forum Communication, dont le siège social est établi au domicile de celui-ci et dont il est l'un des salariés, et qu'elle justifie par trois constats d'huissier des 7 juin, 8 juin et 1er décembre 2006 que ladite société a implanté des panneaux publicitaires et des pré-enseignes dans le département de l'Aisne, de sorte qu'il est établi que M. Patrick Roby a, par l'intermédiaire de ladite société, contrevenu à la clause de non-concurrence les liant.
I - Attendu que, selon les clauses de non-concurrence précitées, dont il a été rappelé par la chambre économique de la Cour d'appel d'Amiens le 13 septembre 2005 qu'elles se cumulaient, M. Patrick Roby est autorisé à poser ou à faire poser par l'intermédiaire d'une entreprise, des pré-enseignes et à effectuer des prestations de service et de la sous-traitance relatives à l'affichage et au montage ;
Attendu que, selon les dispositions de l'article L. 581-3 paragraphe 3 du Code de l'environnement, " constitue une pré-enseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d'un immeuble où s'exerce une activité déterminée ";
Que, selon l'article L. 581-19 du dit Code, "un décret en Conseil d'Etat détermine les cas et les conditions dans lesquels l'installation de pré-enseignes peut déroger aux dispositions visées au premier alinéa du présent article (les pré-enseignes sont soumises aux dispositions qui régissent la publicité) lorsqu'il s'agit de signaler les activités soit particulièrement utiles pour les personnes en déplacement ou liées à des services publics ou d'urgence, soit s'exerçant en retrait de la voie publique, soit en relation avec la fabrication ou la vente de produits du terroir par des entreprises locales";
Qu'en application des dispositions de l'article R. 581-71 dudit Code, les dimensions des pré-enseignes ne doivent pas excéder 1 mètre en hauteur et 1,50 mètre en largeur;
Attendu qu'il convient donc d'examiner, au vu des précisions ci-dessus, un à un les trois constats qui, selon les intimés, caractériseraient des infractions aux clauses de non-concurrence :
1°) constat de Maître Bruno Bellanger, huissier de justice à Soissons, du 7 juin 2006 :
Attendu que Maître Bruno Bellanger a constaté la présence à l'entrée de la ville de Soissons d'un panneau piqué sur le sol devant le pignon d'une maison portant la mention "Peugeot" " Garage des Lions SA 57 avenue du Gal de Gaulle Tél. 03 23 76 33 00 ", puis en dessous "face à l'hôpital";
Attendu qu'il résulte des autocollants apposés sur le poteau métallique de support que ce panneau a été installé par la société Forum Communication, dont M. Patrick Roby est le salarié;
Attendu que si le constat en cause ne mentionne pas les dimensions du panneau, M. Patrick Roby n'est pas contredit lorsqu'il affirme qu'il mesure 1 x 1,50 m;
Attendu que ce panneau qui signale une activité particulièrement utile pour les personnes en déplacement, puisqu'il indique aux automobilistes de passage l'adresse d'un garagiste de la marque Peugeot, constitue bien une pré-enseigne, autorisée par les clauses de non-concurrence;
2°) constat de Mme Blandine Jullien clerc assermenté de la SCP François Chauvin, huissier de justice associé à Château-Thierry, du 8 juin 2006 :
Attendu que Mme Blandine Jullien a constaté la présence, à la sortie du village de Brasles (02), de deux panneaux mesurant chacun 1 x 1,50 m, qu'elle qualifie elle-même de pré-enseigne, sur lesquels figurent, pour l'un, des mentions relatives à un hôtel Campanile situé "en direction de Soissons A 4" et, pour l'autre, des mentions relatives à un restaurant Restau Marché situé "ZI de l'Europe";
Attendu que ces deux panneaux qui signalent une activité particulièrement utile pour les personnes en déplacement, puisqu'ils indiquent l'adresse d'un hôtel et d'un restaurant où elles peuvent se loger et se restaurer, constituent bien des pré-enseignes, autorisées par les clauses de non-concurrence;
Attendu que Mme Blandine Jullien a également constaté la présence, "sur le bord de la Route Départementale 1" à Bezuet (02), d'un panneau mesurant 1 x 1,50 m, qu'elle qualifie elle-même de pré-enseigne, sur lequel figure la mention " Bricorama " "Direction Troyes";
Attendu que ce panneau qui signale une activité particulièrement utile pour les personnes en déplacement, puisqu'il indique l'adresse d'un magasin de vente de produits, notamment, de dépannage pour les automobilistes (petit outillage, ampoules, huile, liquide de refroidissement, etc...), constitue bien une pré-enseigne, autorisée par les clauses de non-concurrence;
3°) constat de Maître Bruno Bellanger du 1er décembre 2006 :
Attendu que Maître Bruno Bellanger a constaté la présence, sur la commune de Villeneuve-Saint-Germain (02), d'un panneau publicitaire pour le marchand de matériaux de constructions Vacherand, mesurant 3 x 4 m, sur lequel figure la mention "TPSP";
Attendu qu'il s'agit d'une enseigne dont la pose est autorisée par les clauses de non-concurrence puisqu'il s'agit d'une " prestation de service et sous-traitance relative à l'affichage et le montage ", ainsi que cela résulte de la facture du 29 janvier 1996 établie par la société TPSP;
Attendu, en conséquence, qu'il n'est démontré aucune infraction qu'aurait commise M. Patrick Roby aux clauses de non-concurrence cumulatives régissant les rapports entre les parties ;
Attendu, dès lors, qu'il y a lieu d'infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, de débouter M. Georges Dambry et la SARL ARP de l'ensemble de leurs demandes;
II - Attendu que la demande formée par M. Patrick Roby tendant à la restitution de la somme de 23 195,32 euro qu'il a payée à M. Georges Dambry et à la SARL ARP au titre de l'exécution provisoire attachée à la décision entreprise, est sans objet dès lors que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, étant rappelé que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution ;
III - Attendu que M. Georges Dambry et la SARL ARP, qui succombent, doivent supporter les dépens de première instance et d'appel;
Attendu que M. Georges Dambry et la SARL ARP étant condamnés aux dépens, la demande qu'ils ont formée au titre des frais irrépétibles doit être rejetée;
Attendu qu'il serait inéquitable que M. Patrick Roby conserve la charge des frais irrépétibles qu'il a exposés ; qu'il y a donc lieu de condamner M. Georges Dambry et la SARL ARP à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
Par ces motifs, LA COUR, statuant contradictoirement, Infirme le jugement entrepris; Statuant à nouveau, Déboute M. Georges Dambry et la SARL ARP de l'ensemble de leurs demandes ; Condamne M. Georges Dambry et la SARL ARP à payer à M. Patrick Roby la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; Dit sans objet la demande de restitution formée par M. Patrick Roby; Rappelle que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution; Condamne M. Georges Dambry et la SARL ARP aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.