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Décisions

CA Pau, 1re ch., 17 décembre 2008, n° 08-02499

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dumousseau (ès qual.), Joncour

Défendeur :

JCD Landes (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Nègre

Conseillers :

M. Augey, Mme Carthe Mazères

Avoués :

SCP de Ginestet-Duale-Ligney, SCP Longin, Longin-Dupeyron, Omariol

Avocats :

Mes Soulem, Remblière

T. com. Dax, du 19 déc. 2006

19 décembre 2006

Monsieur Joncour a travaillé en qualité d'agent commercial pour le compte de la SARL JCD Landes en vertu d'un contrat du 1er avril 2003, soumis aux dispositions des articles L. 134-1 à L. 134-17 du Code du commerce.

Aux termes de son mandat, il était chargé dans le département des Landes, de la commercialisation et de la construction de maisons individuelles ainsi que de bâtiments publics ou privés,

Les obligations principales de Monsieur Joncour consistaient à fournir tous les documents nécessaires en vue des démarches administratives (demandes de permis de construire, de financement, etc.), et il devait réaliser un chiffre d'affaires mensuel hors taxes de 80 000 euro minimum.

Sa rémunération était composée de commissions fixées de la manière suivante:

- 2,5 % du marché hors taxes à la signature du contrat;

- 2,5 % du marché hors taxes à l'ouverture du chantier.

Les relations contractuelles se sont poursuivies normalement pendant environ deux ans puis elles se sont dégradées, et la SARL JCD Landes a adressé à Monsieur Joncour une lettre de rupture du contrat de mandat pour faute grave le 28 février 2005.

Plusieurs griefs sont articulés à l'encontre de Monsieur Joncour :

- son attitude irrespectueuse et déloyale;

- des fautes commises dans l'exécution de plusieurs contrats;

- ses demandes d'avance sur paiement de commissions;

- des manquements à son obligation de loyauté et de discrétion;

- le fait qu'il fournisse comme adresse celle de son lieu de travail ; etc...

Monsieur Joncour soutient que ces griefs ne sont pas établis et il a sollicité le paiement de commissions, ainsi que de l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article L. 134-12 du Code du commerce, correspondant à deux années de commissions brutes.

Par jugement du 19 décembre 2006, le Tribunal de commerce de Dax a jugé que la rupture du contrat d'agent commercial est imputable à Monsieur Joncour, et l'a débouté de sa demande en paiement d'une indemnité de rupture.

D'autre part, cette juridiction a condamné la société JCD Landes à lui payer la somme de 12 011,64 euro représentant le montant des commissions.

Monsieur Joncour a interjeté appel de ce jugement.

Il a été placé en liquidation judiciaire et par acte d'huissier du 2 janvier 2008, la SARL JCD Landes a fait assigner le liquidateur en intervention forcée dans la procédure. Il y a lieu de prononcer la jonction de cette procédure avec celle enregistrée sous le numéro 08-02499.

Dans ses ultimes conclusions, Maître Dumousseau, ès qualités de liquidateur de Monsieur Joncour, a conclu à la réformation de cette décision, ainsi qu'à la condamnation de l'intimée au paiement des sommes suivantes :

- 263 446,65 euro représentant le montant de l'indemnité de rupture;

- 77 591,67 euro correspondant au solde des commissions;

- une indemnité de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles.

Elle a reconnu par ailleurs devoir à cette société la somme de 34 953,70 euro représentant le montant des avances ainsi que des commissions indûment perçues pour des contrats annulés ou surévalués.

L'appelant soutient que la SARL JCD Landes ne rapporte pas la preuve d'une faute grave justifiant la rupture sans indemnité du contrat de mandat.

Il a repris point par point les différents griefs en faisant observer que c'est son mandant qui a fait preuve de déloyauté à son égard, et que par ailleurs, il avait toujours donné son accord jusqu'à la présente procédure pour lui allouer des avances sur commissions, et qu'il a été contraint enfin d'expliquer aux clients les difficultés qu'il rencontrait pour pouvoir mener à bien les opérations en cours.

Pour ce qui est de son adresse, il fait observer que la dénomination JBC correspond à " Joncour Bernard Commercial" et qu'elle ne peut donc être confondue avec JCD Landes.

La SARL JCD Landes a conclu à la confirmation du jugement imputant la rupture du contrat d'agent commercial à Monsieur Joncour. Elle a sollicité par contre sa réformation en ce qui concerne le montant des commissions restant dues, qu'elle évalue à la somme de 5 561,51 euro, ainsi que la condamnation de l'appelant au paiement d'une indemnité de 4 000 euro pour frais irrépétibles.

À titre subsidiaire, elle a fait valoir que Monsieur Joncour ne justifie d'aucun préjudice consécutif à la rupture du contrat de mandat, au motif notamment qu'il n'a pas apporté de clientèle à la société.

Elle fait observer que Monsieur Joncour a cessé de réaliser son quota à la fin de l'année 2004, et que dans le même temps il a adopté envers son mandant une attitude irrespectueuse et déloyale qui a fait l'objet de lettres d'avertissement dont celui-ci n'a pas tenu compte.

Elle ajoute que l'échec de plusieurs ventes est exclusivement imputable à Monsieur Joncour, en particulier les ventes Reslinger et Dansin.

Elle déclare enfin que Monsieur Joncour s'est fait remettre par de nouveaux clients des chèques d'acompte, alors que le contrat de construction n'était pas signé, et que ces faits constituent un délit pénal.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 septembre 2008.

Motifs de l'arrêt

Monsieur Joncour a travaillé en qualité d'agent commercial pour le compte de la SARL JCD Landes en vertu d'un contrat du 1er avril 2003, soumis aux dispositions des articles L. 134-1 à L. 134-17 du Code du commerce.

Aux termes de son mandat, il était chargé dans le département des Landes, de la commercialisation et de la construction de maisons individuelles ainsi que de bâtiments publics ou privés,

Les obligations principales de Monsieur Joncour consistaient à fournir tous les documents nécessaires en vue des démarches administratives (demandes de permis de construire, de financement, etc.), et il devait réaliser un chiffre d'affaires mensuel hors taxes de 80 000 euro minimum.

Sa rémunération était composée de commissions fixées de la manière suivante :

- 2,5 % du marché hors taxes à la signature du contrat;

- 2,5 % du marché hors taxes à l'ouverture du chantier.

1) Sur la rupture du contrat

Les relations contractuelles se sont poursuivies normalement pendant environ deux ans puis elles se sont dégradées, et la SARL JCD Landes a adressé à Monsieur Joncour une lettre de rupture du contrat de mandat pour faute grave le 28 février 2005.

Plusieurs griefs sont énoncés à l'encontre de Monsieur Joncour :

- son attitude irrespectueuse et déloyale;

- des fautes commises dans l'exécution de plusieurs contrats;

- ses demandes d'avances sur paiement de commissions;

- des manquements à son obligation de loyauté et de discrétion;

- le fait qu'il fournisse comme adresse celle de son lieu de travail ; etc...

L'article L. 134-12 du Code du commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'article L. 134-13 du même Code précise que cette rémunération n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

Pour apprécier les éventuels manquements de Monsieur Joncour à ses obligations ainsi que les fautes qu'il aurait commises dans l'exercice de son mandat, il y a lieu d'autre part de rappeler les dispositions de l'article L. 134-4 du Code du commerce qui précise que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ; que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exercer son mandat.

La dégradation des relations entre les parties s'est manifestée au travers d'un courrier du 3 novembre 2004 adressé par la société JCD Landes à Monsieur Joncour, dans lequel le mandant fait état du mauvais comportement de celui-ci ainsi que de son manque de respect.

Dans un deuxième courrier du 3 décembre 2004, la société JCD Landes a confirmé les termes de son courrier antérieur en lui faisant observer d'autre part son insuffisance de résultats.

En ce qui concerne le manquement aux obligations de loyauté et de discrétion, force est de constater que la société JCD Landes ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, puisque les reproches adressés à Monsieur Joncour sont énoncés en termes vagues et très généraux, et que le mandant n'a fourni aucune pièce ou élément justifiant ses allégations, à savoir notamment des lettres de clients.

La preuve n'est donc pas formellement rapportée de ce que le comportement de Monsieur Joncour aurait été de nature à jeter le discrédit sur la société JCD Landes, étant précisé d'autre part que celui-ci a versé aux débats une quinzaine d'attestations de clients et de plusieurs agences immobilières qui se déclarent tous satisfaits de son comportement ainsi que de la qualité de son travail.

Pour ce qui est de la dégradation de ses résultats, là encore la société JCD Landes n'a fourni aucun élément statistique, comptable ou financier permettant d'apprécier la réalité et l'importance de ce grief. Elle n'a pas plus communiqué les résultats d'activité des autres agents commerciaux, ainsi que des éléments sur les objectifs chiffrés à atteindre et les résultats constatés.

La société JCD Landes lui reproche d'autre part de s'être fait remettre à plusieurs reprises des acomptes sur commissions de manière illégale ce qui était selon elle susceptible d'engager sa responsabilité pénale mais également celle de son mandant.

Or, il ressort des termes mêmes du courrier du 3 novembre 2004 adressé à Monsieur Joncour que c'est la société JCD Landes qui a accepté jusqu'alors de lui régler des avances sur commissions, puisqu'elle y indique " nous n'acceptons plus de vous faire en permanence des avances sur commissions ".

Dès lors que la société JCD Landes a accepté de lui régler des avances sur commissions, elle est malvenue aujourd'hui de lui en faire reproche.

Il est reproché d'autre part à Monsieur Joncour une mauvaise gestion de plusieurs dossiers, et de s'être fait remettre de manière illégale de la part des nouveaux clients, à savoir Monsieur et Madame Vilain, un chèque d'acompte de 5 100 euro libellé à l'ordre du mandant alors que le contrat de construction n'avait pas été signé.

Certains de ces manquements sont avérés et notamment le fait que la société JCD Landes a dû reprendre plusieurs dossiers de demandes de permis de construire, mais cependant Monsieur Joncour a fourni des explications pour justifier les retards et les difficultés rencontrées sur certains chantiers, et notamment celui de Madame Lecompte.

D'autre part en ce qui concerne Monsieur et Madame Vilain, Monsieur Joncour a déclaré sans être sérieusement contesté que le chèque d'acompte a été remis après la signature du plan de construction, et qu'il appartenait à la société JCD Landes de ne l'encaisser qu'après signature du contrat définitif.

En tout état de cause, ces fautes ne sont pas de nature à justifier la rupture du contrat pour faute grave laquelle s'applique aux manquements d'une importance telle qu'ils justifient la rupture immédiate du contrat.

D'autre part la société JCD Landes soutient mais sans en rapporter la moindre preuve qu'elle aurait subi un préjudice économique et financier ainsi qu'une dégradation de son image auprès de sa clientèle.

Enfin, la société JCD Landes a fait valoir que Monsieur Joncour a mentionné son lieu de travail comme adresse sur le Registre des Agents Commerciaux. Cette preuve n'est pas rapportée, l'intimé se bornant à verser aux débats un courrier du 25 janvier 2005 dans lequel elle demande à Monsieur Joncour de ne plus se servir du tampon de la société ainsi que du papier à en-tête.

En définitive, la cour d'appel juge que la SARL JCD Landes ne rapporte pas la preuve d'une faute grave seule susceptible de justifier la rupture du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de Monsieur Joncour.

En conséquence, celui-ci est en droit de prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code du commerce, dont le montant est fonction du préjudice subi.

Les relations contractuelles entre les parties ont duré un peu moins de deux ans, d'avril 2003 à la fin du mois de février 2005.

D'autre part, il y a lieu de prendre en compte l'apport de clientèle réalisé par Monsieur Joncour, et le fait qu'il a déployé une activité certaine, ainsi qu'il résulte du nombre significatif de transactions qu'il a conclues.

La somme qu'il sollicite équivalente à deux années de commissions est cependant très excessive compte tenu notamment de la brièveté de la relation contractuelle.

En conséquence, il y a lieu de fixer à la somme de 100 000 euro le montant de l'indemnité que la société JCD Landes sera condamnée à lui payer en réparation de son préjudice.

2) Sur le paiement des commissions

La société JCD Landes a reconnu devoir une partie des commissions sollicitées par Monsieur Joncour, mais elle conteste en tout ou en partie le montant de certaines d'entre elles :

- dossier Lolli : elle justifie par les pièces produites au débat que Monsieur Joncour avait droit au titre de ce marché d'un montant de 108 400 euro, à une commission égale à 5 %, soit 5 420 euro, alors qu'il a déjà perçu un acompte de 2 855 euro. Il lui reste effectivement dû une somme de 2 565 euro au lieu de celle de 2 710 euro qu'il réclame au titre de ce dossier ;

- dossier Lapios : l'intimé justifie que le montant de la commission de 5 % devait être calculé sur un montant de 97 130 euro et non de 101 450 euro compte tenu des ristournes accordées aux acquéreurs, soit une commission de 4 856,50 euro, sur laquelle Monsieur Joncour a perçu une avance de 2 614,50 euro; il ne reste donc dû que 2 242 euro au lieu de 2 536,25 euro ;

- dossier Daverat : la société JCD Landes justifie qu'il reste dû une commission de 1 872,82 euro au lieu de 1 815,50 euro;

- dossier Musard : le montant de la commission sur ce marché de 96 690 euro était de 4 834,50 euro sur laquelle Monsieur Joncour a perçu une avance de 2 462 euro; le solde est donc de 2 372,50 euro au lieu de 2 417,25 euro;

- dossier Sourbe : la société JCD Landes justifie que la commission devait être calculée sur un prix réel de 103 530 euro au lieu de 106 030 euro, les maîtres de l'ouvrage s'étant réservés une partie des travaux, de sorte que la commission s'élève à la somme de 5 176,50 euro sur laquelle Monsieur Joncour a perçu une avance de 2 735,75 euro. Le solde restant dû est donc de 2 440,79 euro au lieu de 2 735,75 euro.

D'autre part, la société JCD Landes rapporte la preuve que Monsieur Joncour a perçu des commissions au titre de contrats qui ont été finalement annulés; il s'agit des dossiers suivants Mourey, Farque et Olheyer, représentant un montant de commission égal à 1 607,08 euro plus 1 728,25 euro, plus 4 403 euro, soit un total de 7 738,33 euro. Il convient d'observer que Monsieur Joncour n'a pas formellement contesté cette réclamation, pas plus que sur les dossiers retenus par le tribunal de commerce qui ont donné lieu à perception d'une commission alors que les contrats ont été annulés (dossiers Teissonnière, Buceta, Mallet-Valognes et Clave).

Il convient enfin de tenir compte du fait que Monsieur Joncour a fait pratiquer un avis à tiers détenteur au préjudice de la société JCD Landes entre les mains du Trésor Public, et que cela a donné lieu à l'établissement de deux chèques du 14 novembre 2005 et du 5 juillet 2006 d'un montant respectif de 7 959,27 euro et 3 043,39 euro, soit un total de 11 002,66 euro, et que cette somme doit donc être déduite du montant des commissions réclamées.

En définitive, après apurement des comptes entre les parties, il reste dû à Monsieur Joncour une somme de 5 561,51 euro que la société JCD Landes sera donc condamnée à payer à Maître Dumousseau ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de Monsieur Joncour, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2005, date de l'assignation en justice.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Maître Dumousseau ès qualités de liquidateur de Monsieur Joncour les frais irrépétibles qu'il a dû engager pour faire valoir sa demande en justice ; la société JCD Landes sera donc condamnée à lui payer une indemnité de 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société JCD Landes qui succombe sur les demandes sera déboutée de sa demande en indemnité pour frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort; Prononce la jonction de la procédure 08-94 avec celle enregistrée sous le numéro 08-2499; Réforme le jugement du Tribunal de commerce de Dax du 19 décembre 2006 et statuant à nouveau, Condamne la SARL JCD Landes à payer à Maître Dumousseau ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de Monsieur Joncour : - la somme de 100 000 euro (cent mille euro) correspondant au montant de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial; - celle de 5 561,51 euro (cinq mille cinq cent soixante et un euro et cinquante et un centimes) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2005 ; - une indemnité de 3 000 euro (trois mille euro) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne la SARL JCD Landes aux dépens et autorise la SCP de Ginestet-Duale-Ligney, avoués, à recouvrer directement ceux d'appel, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.