CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 14 janvier 2010, n° 08-08544
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Pélican Production (SARL), Wyse Production (SARL)
Défendeur :
SFR (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
M. Testud, Mme Poinseaux
Avoués :
SCP Bommart Minault, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod
Avocats :
Mes Davy, Leroux
La société Wy Production a déposé en janvier 2006 auprès de la SACD un manuscrit intitulé "mort de rire" décrivant un concept de téléréalité sur téléphone mobile prenant la forme d'un concours ouvert à de jeunes talents comiques soumis à un jury populaire.
La société SFR prenait à ce moment là connaissance de ce projet "d'humour sur le mode des émissions de real TV" et répondait qu'elle l'étudiait.
En novembre 2006, SFR annonçait le lancement de trois nouveaux univers artistiques dédiés à la photo, au cinéma et à l'humour, avec la volonté d'utiliser le mobile et le web, comme média.
En mars 2007 la société Pélican Production se présente comme co-titulaire des droits d'exploitation du concept "mort de rire" et signale à SFR le caractère illicite du concours "SFR Jeunes Talents Rire", qui exploiterait le même concept que celui qui lui avait été présenté en janvier 2006 par la société Wy Production.
Par un jugement du 26 septembre 2008 le Tribunal de commerce de Nanterre a débouté les sociétés Pélican Production et Wy Production de leurs demandes et les a condamnées solidairement au paiement des frais irrépétibles et aux dépens.
Les sociétés Pélican Production et Wy Production ont formé appel le 10 novembre 2008.
Dans leurs dernières conclusions les sociétés Pélican Production et Wyse Production nouvelle dénomination de Wy Production demandent à voir:
- condamner SFR à réparer le préjudice causé aux appelantes à hauteur de 130 000 euro de dommages-intérêts au profit de Pélican Production et 75 000 euro de dommages-intérêts au profit de Wyse Production,
- condamner en outre SFR à leur payer la somme de 7 500 euro de frais irrépétibles et les dépens dont distraction au profit de la SCP Bommart Minault, avoués.
Par conclusions du 12 mai 2009 la société SFR demande à voir:
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
- débouter les sociétés Pélican et Wyse Production nouvelle dénomination de Wy Production de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement lesdites sociétés à verser à la société SFR la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner ces dernières aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Lissarague Dupuis Boccon-Gibod, avoués.
Sur ce
Considérant que, pour se déterminer, les premiers juges ont relevé que:
- le projet déposé à la SACD en la forme de power-point de 20 pages constitue une plateforme de propositions et ne saurait être qualifié de savoir-faire,
- l'idée en cause dans le projet, à savoir un concours ouvert au public et soumis à l'appréciation d'un jury à la fois public et professionnel ne présente aucune spécificité et ne saurait par conséquent être qualifiée d'investissement intellectuel,
- le fait que l'humoriste retenu comme parrain par SFR soit cité parmi plusieurs parrains possibles du projet "Mort de rire" ne suffit pas à établir l'existence d'un plagiat de la part de SFR;
Considérant que la société Pélican Production soutient que le plagiat peut constituer sous certaines conditions un agissement parasitaire fautif, l'originalité n'étant pas une condition de l'action en concurrence déloyale ou en agissement parasitaire ; que l'innovation caractéristique du concept "Mort de rire" consiste notamment en la découverte de jeunes artistes, auteurs de leur propres sketches ; qu'elle s'appuie sur l'utilisation du même média, en l'espèce le téléphone mobile, pour le visionnage comme pour le vote, ce qui constitue une innovation majeure;
Considérant que, devant la cour, la société Pélican Production se place donc exclusivement sur le terrain de la concurrence déloyale, qu'il n'y a donc plus lieu de discuter de l'originalité du concept "mort de rire";
Considérant qu'il appartient alors à la société Pélican Production de démontrer l'existence d'une faute de la société SFR caractérisant l'agissement parasitaire de cette dernière ; que la société Pélican Production décrit le parasitisme invoqué comme étant le fait pour un agent économique, dans un but purement lucratif, de s'inspirer ou de copier de façon injustifiée une valeur économique d'autrui, fruit d'un travail intellectuel et d'investissements;
Considérant que la société Pélican Production décrit le travail intellectuel préalablement réalisé, et dont la société SFR aurait voulu s'approprier la valeur, comme étant l'effort intellectuel fourni pendant près de 40 jours de travail à temps plein pour réaliser:
- étude du marché de la téléphonie mobile,
- étude des programmes existants,
- évaluation des possibilités créatives du média,
- recherches sur technologie 3G,
- conception plan média/création logo,
- phase commerciale de démarchage et présentation du projet auprès des différents agrégateurs de contenu;
Que cependant, faisant connaître son projet à la société SFR comme à d'autres opérateurs de la téléphonie mobile dans le cadre d'une prospection commerciale initiale, la société Pélican Production ne transmettait que les éléments du power-point déposé le 21 janvier 2006 ; que ce document se borne à décrire succinctement le concept allégué de mobi-réalité, dont il a été convenu l'absence d'originalité que ce soit sur le principe d'organisation d'un concours, du parrainage par des vedettes du spectacle ou celui de l'élection du gagnant par le public concerné; que, pour l'essentiel, il décrit un phasage éventuel des opérations de production et une segmentation des cibles susceptibles d'être intéressées par le concept proposé; que ce document ne contient aucune donnée chiffrée susceptible d'être appropriée par les sociétés démarchées par la société Pélican Production, qui leur auraient permis de développer un projet similaire sans l'assistance préalable de celle-ci, ou en profitant des travaux préparatoires déjà engagés par la société Pélican Production ; que par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges la décision entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions;
Considérant que la société SFR a dû engager des frais irrépétibles en cause d'appel que la cour fixe à la somme de 5 000 euro ; que les dépens seront mis à la charge des sociétés Pélican Production et Wyse Production nouvelle dénomination de Wy Production, dont distraction au profit de la SCP Lissarague Dupuis Boccon-Gibod, avoués;
Par ces motifs, LA COUR statuant par arrêt contradictoire, - Confirme le jugement entrepris, - Y ajoutant, - Condamne les sociétés Pélican Production et Wyse Production nouvelle dénomination de Wy Production à payer à la société SFR la somme complémentaire de 5 000 euro (cinq mille euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - Met les dépens d'appel à la charge des sociétés Pélican Production et Wyse Production nouvelle dénomination de Wy Production, dont distraction au profit de la SCP Lissarague Dupuis Boccon-Gibod, avoués, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.