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Décisions

Cass. com., 23 mars 2010, n° 09-66.522

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Béry (SARL)

Défendeur :

Chanel (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Mandel

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez

TGI Chambéry, du 8 nov. 2007

8 novembre 2007

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Béry que sur le pourvoi incident relevé par la société Chanel ; - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Chambéry, 24 février 2009), que la société Chanel, propriétaire de diverses marques a agi à l'encontre de la société Béry pour usage illicite de marques et agissements parasitaires et déloyaux après que cette société eut proposé à la vente des produits cosmétiques et de parfumerie acquis auprès de la société Futura finances qui les avait elle-même achetés dans le cadre d'une vente aux enchères publiques du stock d'un distributeur agréé, la société Galeries Rémoises, mise en liquidation judiciaire ;

Sur le second moyen du pourvoi incident : - Attendu que la société Chanel fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en réparation du préjudice résultant des faits de concurrence déloyale commis par la société Béry, alors, selon le moyen : 1°) que la société Chanel faisait valoir, dans ses conclusions devant la cour d'appel, que la société Béry avait commis des fautes distinctes de l'usage illicite de ses marques en revendant des produits de marque Chanel portant la mention "cet article ne peut être vendu que par les dépositaires agréés Chanel", à prix réduits, dans une solderie située dans une zone commerciale et dans des conditions de présentation incompatibles avec leur image de prestige, les emballages de certains produits étant abîmés ; si bien qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que les juges du fond ont constaté que les articles portant la mention "cet article ne peut être vendu que par les dépositaires agréés Chanel" ont été mis en vente par la société Béry, dans une solderie, dans des conditions de présentation médiocres portant atteinte à la réputation de la marque, d'où il résulte que la société Chanel subissait un préjudice distinct de celui résultant du seul usage illicite de la marque, si bien qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-6 I 6° du Code de commerce et de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que si la revente, dans des conditions de présentation médiocres, par un distributeur non agréé, de produits destinés à être diffusés à travers un réseau de distribution sélective juridiquement étanche et licite au regard des règles de la concurrence constitue un acte de concurrence déloyale et de parasitisme engageant la responsabilité de son auteur sur le fondement de l'article L. 442-6 I 6° du Code de commerce, le préjudice allégué de ce chef par la société Chanel ne se distingue pas de celui que lui a causé l'usage illicite de la marque par la société Béry, dans la mesure où il trouve sa cause dans les mêmes faits de revente hors réseau par un distributeur non agréé qui caractérisent cet usage illicite ; que la cour d'appel qui a pris en considération les conditions de présentation des produits par la société Béry et a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la société Chanel ne subissait pas un préjudice distinct de celui résultant de l'usage illicite de marque, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Vu l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle ; - Attendu que pour accueillir la demande de condamnation pour usage illicite de marque, l'arrêt relève par motifs propres et adoptés que les produits en cause proviennent du stock de la société Galeries Rémoises, distributeur agréé de la société Chanel, que la société Futura finances qui a acquis ce stock ne pouvait ignorer que les produits Chanel étaient distribués par l'intermédiaire d'un réseau de distribution sélective, cette mention ressortant distinctement d'une mention apposée sur les emballages de chaque produit et que si la société Bery a régulièrement acquis les produits auprès de la société Futura finances, en sa qualité de professionnel et compte tenu des mentions figurant sur les produits, elle ne pouvait ignorer l'existence d'un réseau de distribution sélective ; qu'il en déduit que faute pour la société Béry de rapporter la preuve de l'existence du consentement de la société Chanel à la mise sur le marché de ses produits en dehors du circuit de distribution qu'elle a mis en place, la société Béry ne peut valablement se prévaloir de l'épuisement du droit des marques prévu par les dispositions de l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'usage illicite de marques ne peut résulter du seul fait de commercialiser des produits authentiques relevant d'un réseau de distribution sélective dès lors qu'il est constaté que leur première mise en circulation en France s'est faite avec l'accord du titulaire de la marque et qu'ils ont été régulièrement acquis par le revendeur poursuivi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la quatrième branche : - Vu l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle ; - Attendu qu'en se déterminant comme elle a fait, sans rechercher si la société Chanel établissait l'existence de motifs légitimes lui permettant de s'opposer à une nouvelle commercialisation des produits en question, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois principal et incident : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a dit que la société Béry avait fait un usage illicite des produits de marque Chanel et distribué des produits Chanel hors réseau et en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Chanel la somme de 10 000 euro, l'arrêt rendu le 24 février 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Grenoble.