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Décisions

CA Besançon, 2e ch. com., 10 février 2010, n° 08-03421

BESANÇON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Bersem

Défendeur :

Pequignet (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Sanvido

Conseillers :

M. Polanchet, Mme Theurey-Parisot

Avoués :

Me Graciano, SCP Leroux

Avocats :

Mes Bouchard, Cadrot

T. com. Besançon, du 18 févr. 2008

18 février 2008

Faits et prétentions des parties

Selon contrat écrit en date du 18 décembre 2001 à effet du 1er janvier 2002, Erich Bersem devenait agent commercial de la SA Pequignet en Allemagne et Autriche, étant précisé que s'il avait l'exclusivité de la représentation sur ce territoire, il pouvait continuer à représenter d'autres marques figurant déjà dans son portefeuille, l'autorisation préalable de la mandante n'étant requise que pour contracter de nouvelles représentations.

À la suite de la rupture du contrat, Erich Bersem a assigné la SA Pequignet aux fins de règlement d'un solde de commissions (3 611,90 euro + 5 730,05 euro), d'un solde de préavis (12 267,02 euro), et de l'indemnisation du préjudice subi par suite de la rupture du contrat (98 136,13 euro).

Outre qu'elle s'est opposée à ces demandes sauf à reconnaître un solde encore dû de commissions d'un montant de 177,55 euro, la SA Pequignet a réclamé reconventionnellement la restitution, sous astreinte, de la collection confiée à Erich Bersem.

Par jugement en date du 18 février 2008, auquel il est référé pour plus ample exposé des faits et moyens, ainsi que pour les motifs, le Tribunal de commerce de Besançon a:

Donné acte à la SA Pequignet (de ce) que le solde restant dû à Erich Bersem, au titre de ses commissions, s'élève à la somme de 177,55 euro;

Débouté Erich Bersem de toutes ses autres demandes.

Ordonné à Erich Bersem de restituer à la SA Pequignet la collection qui lui avait été confiée dans le cadre de son mandat, sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 7 jours à compter de la signification du présent jugement.

Condamné Erich Bersem à payer à la SA Pequignet la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamné Erich Bersem aux dépens.

Celui-ci a régulièrement formé appel à l'encontre de la décision susvisée.

Sur ce,

Vu le dossier de la procédure,

Vu les conclusions d'Erich Bersem en date du 19 mai 2009,

Vu les conclusions de la SA Pequignet en date du 17 septembre 2009, auxquelles il est référé en application de l'article 455 du Code de procédure civile,

Vu les annexes régulièrement déposées,

Attendu qu'Erich Bersem, sauf à augmenter à 99 956,79 euro sa demande d'indemnisation, réitère ses demandes de première instance;

Attendu que la SA Pequignet en fait de même, sauf à obtenir, en cas de non-restitution de la collection dans le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir, la condamnation d'Erich Bersem à lui payer la somme de 45 013,45 euro;

Sur la rupture du contrat

Attendu que par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 17 septembre 2004 au conseil d'Erich Bersem, la SA Pequignet, se référant au contrat liant les parties, spécialement à son article 10, dénonçait officiellement ledit contrat avec trois mois de préavis comme prévu à l'article 10;

Attendu que par une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception adressée cette fois à Erich Bersem personnellement le 5 novembre 2004, la SA Pequignet notifiait à celui-ci une rupture du contrat à effet immédiat pour faute grave;

Attendu que la question qui se pose est celle de savoir si la rupture est ou non causée par une faute grave;

Attendu, d'abord, que la rupture notifiée par lettre du 17 septembre 2004, certes adressée au conseil d'Erich Bersem et non à lui personnellement, n'en est pas moins valable;

Attendu que dans cette courte lettre aucune faute grave n'est invoquée, tandis que le préavis contractuel de trois mois est expressément appliqué;

Attendu que l'on peut ainsi estimer que la rupture du contrat n'est aucunement basée sur une faute grave, la lettre du 5 novembre 2004 ne pouvant modifier les circonstances et les modalités de la rupture notifiée un mois et demi plus tôt;

Mais attendu qu'en tout état de cause, même si l'on devait estimer qu'il était possible, par la suite, de notifier une rupture pour faute grave, qu'une telle n'est nullement établie;

Attendu en effet que ce qui ressort de cette lettre est un reproche d'insuffisance de résultats, en particulier en 2004;

Attendu que selon cette lettre, au 30 octobre 2004 le chiffre d'affaires 2004 n'était que de 122 059,65 euro, après avoir été de 457 796 euro en 2003, et de 534 480 euro en 2003 ;

Attendu qu'outre le fait que le chiffre d'affaires 2004, limité au 31 octobre, ne tient évidemment pas compte de la période de fin d'année pourtant propice aux cadeaux de luxe, les comparaisons en pourcentage faites par la SA Pequignet dans sa lettre sont quelques peu critiquables, puisqu'elle prend pour référence l'année 2001 avec un chiffre d'affaires de 817 177 euro, mais nullement 2000, qu'elle cite également, et un chiffre d'affaires de seulement ... 226 003 euro;

Attendu qu'elle omet également de souligner que de sa propre volonté, elle n'a pas renouvelé en 2004 ses publicités dans divers magazines, ce qui n'est pas sans conséquence sur la promotion de ses produits, et n'a pas donné suite à la proposition d'Erich Bersem de prendre cette publicité en charge moyennant une augmentation à 20 % du pourcentage de commission;

Attendu que si, dans sa lettre, la SA Pequignet rappelait encore à Erich Bersem que le contrat d'agent l'obligeait "à ne pas prendre de nouvelle représentation sans avoir au préalable avisé le mandant et que celui-ci lui ait expressément donné son accord", et lui demandait ce qu'il était advenu de cet accord, aucun fait précis, aucun manquement, ne sont établis à cet égard ni même simplement allégués;

Attendu qu'aucune faute grave n'est ainsi justifiée de nature à priver Erich Bersem de la juste indemnisation de la rupture du contrat;

Sur l'indemnisation de la rupture du contrat

Attendu que le contrat prévoit expressément, si la durée du contrat, comme en l'espèce, a été de plus de deux ans, une indemnité d'un an de commissions calculée sur la moyenne des deux dernières années;

Attendu qu'Erich Bersem, qui réclame deux années de commissions, n'établit aucun préjudice supérieur à cette indemnisation contractuelle qu'il a, en toute connaissance de cause, librement acceptée;

Attendu que si l'on fait le total de ses commissions pendant les deux dernières années, soit de novembre 2002 à octobre 2004, on obtient, selon son relevé constituant sa pièce n° 24, un montant de 90 168,80 euro;

Attendu que son indemnisation sera ainsi fixée à 45 084,40 euro;

Sur l'indemnité de préavis

Attendu que le préavis de trois mois expirait le 17 décembre 2004;

Attendu qu'entre le 5 novembre 2004 et le 17 décembre 2004, il y a 43 jours;

Attendu que l'indemnité de préavis peut ainsi être fixée à:

45 084,40 euro / 12 mois x 43/30 = 5 385,08 euro;

Sur le rappel de commissions

Attendu qu'une partie du rappel (3 611,90 euro) est constituée par la différence entre un taux prétendu de 15 % et celui de 12 % appliqué;

Attendu que si la SA Pequignet, en 2003, a accordé à Erich Bersem un taux de commissionnement de 15 %, c'était expressément limité du 1er janvier au 31 décembre 2003, tandis que les dispositions contractuelles étaient rappelées, de même que le caractère exceptionnel de cette mesure (cf. lettre de la SA Pequignet du 24 février 2003);

Attendu qu'Erich Bersem est en conséquence mal fondé à solliciter, pour 2004, un rappel de commissions de ce chef;

Attendu que la seconde partie du rappel demandé (5 730,05 euro) est constituée par des commissions prétendument non versées en 2004, en particulier pendant la période exécutée de préavis;

Mais attendu que la SA Pequignet produit le décompte, mois par mois, du chiffre d'affaires réalisé en 2004 jusqu'au 5 novembre 2004, aboutissant à un solde dû de commissions de 177,55 euro;

Attendu qu'Erich Bersem n'établit pas qu'il lui serait dû une somme supérieure;

Sur la restitution de la collection

Attendu que si elle n'est effectivement pas prévue par le contrat, il n'en demeure pas moins qu'elle est habituelle dans de tels contrats;

Attendu qu'Erich Bersem, qui ne discute pas l'avoir en sa possession puisqu'il invoque son droit à la retenir compte tenu du refus adverse de lui verser l'indemnité compensatrice, sera en conséquence condamné à la restituer, cette opération devant être réalisée en même temps qu'il percevra les montants qui lui reviennent en application du présent arrêt en principal, intérêts, frais et dépens;

Attendu que la SA Pequignet, qui succombe pour l'essentiel, supportera les entiers dépens des deux instances;

Attendu qu'elle ne peut en conséquence revendiquer à son profit l'application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge d'Erich Bersem la totalité des sommes qu'il a dû exposer, non comprises dans les dépens ; qu'il y a donc lieu de condamner la SA Pequignet à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit, en la forme, Erich Bersem en son appel; Au fond, infirme la décision déférée et, statuant à nouveau : Dit que la rupture du contrat d'agent commercial n'est pas justifiée par une faute grave d'Erich Bersem; Condamne la SA Pequignet à payer à Erich Bersem : - la somme de quarante cinq mille quatre-vingt quatre euro quarante centimes (45 084,40 euro), à titre d'indemnisation de la rupture du contrat, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2006, date de l'assignation, - celle de cinq mille trois cent quatre-vingt cinq euro huit centimes (5 385,08 euro), à titre d'indemnisation de la partie non effectuée de préavis, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2006, date de l'assignation, - celle de cent soixante dix sept euro cinquante cinq centimes (177,55 euro), à titre de solde de commissions, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2006, date de l'assignation; Déboute Erich Bersem du surplus de sa demande en principal; Condamne Erich Bersem à restituer à la SA Pequignet la collection confiée par celle-ci et qu'il a en sa possession; Dit que cette restitution aura lieu en même temps que le règlement réciproque des sommes dues en vertu du présent arrêt en principal, intérêts, frais et dépens; Déboute la SA Pequignet de sa réclamation en application de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne la SA Pequignet à payer à Erich Bersem la somme de trois mille euro (3 000 euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SA Pequignet aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Maître Graciano, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.