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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 7 janvier 2010, n° 08-03668

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sofeb (SAS)

Défendeur :

Canon France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

M. Testut, Mme Poinseaux

Avoués :

SCP Boiteau Pedroletti, SCP Lissarague Dupuis Boccon-Gibod

Avocats :

Mes Hindre-Gueguen, Le Fustec

T. com. Nanterre, 1re ch., du 5 févr. 20…

5 février 2008

La société Sofeb distribuait depuis 1983 des produits de la société Canon dans le cadre de contrats que cette dernière a dénoncés le 8 mars 2005.

Le 14 mars 2005 la société Sofeb a repris l'activité d'une société Force Bureautique, également distributeur de la société Canon, dans le cadre d'un plan de cession homologué par le Tribunal de commerce de Paris.

Par un jugement du 5 février 2008 le Tribunal de commerce de Nanterre a jugé :

- que le non-renouvellement à l'échéance par la société Canon des contrats de la société Sofeb n'était pas abusif,

- que la société Sofeb était seule responsable du préjudice subi par elle du fait de la reprise d'activité de la société Force Bureautique, qu'il n'y avait pas de pratiques anticoncurrentielles de la part de la société Sofeb [sic].

La société Sofeb a formé appel de cette décision le 14 mai 2008.

Dans ses dernières conclusions du 9 juin 2009, elle demande à voir :

- infirmer la décision entreprise,

- condamner la société Canon à lui payer la somme de 7 981 166 euro de dommages-intérêts,

- condamner la société Canon aux frais irrépétibles et aux dépens dont distraction.

Dans ses dernières conclusions du 21 septembre 2009 la société Canon demande à voir :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Sofeb de ses demandes,

- la condamner à 30 000 euro pour procédure abusive,

- la condamner en outre à lui payer la somme de 30 000 euro de frais irrépétibles et les entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Lissarague Dupuis Boccon-Gobod, avoués.

Sur ce

Sur la résiliation des contrats de distribution:

Considérant que, pour dire non abusif le non-renouvellement par la société Canon à l'échéance des contrats de distribution convenus avec la société Sofeb, le premier juge a relevé :

- que les relations commerciales entre les deux entreprises s'étaient progressivement dégradées, sans volonté de concessions réciproques,

- que l'utilisation par la société Sofeb d'une marque personnelle "Action", sans constituer une réelle contrefaçon, pouvait induire une confusion dans l'esprit de la clientèle,

- qu'elle tendait à s'affranchir du contrôle des constructeurs qu'elle distribuait en exacerbant leur mise en concurrence à son profit,

- que la société Sofeb ne pouvait donc s'étonner, en l'absence d'exclusivité, de voir ses fournisseurs faire directement des offres à des grands comptes,

- que le préavis de rupture et les conditions de fin de contrat, notamment dans le suivi des consommables et des pièces détachées pour permettre la poursuite de contrats d'après-vente, étaient conformes à la pratique;

Considérant qu'en cause d'appel, la société Sofeb fait grief à la société Canon d'une rupture abusive et brutale des contrats de distribution convenus avec la société Canon ;

Considérant que les relations commerciales entre la société Sofeb et la société Canon ont été engagées dans le courant de l'année 1983 ; qu'à compter du 1er janvier 2001 les parties ont réaménagé leurs relations en concluant deux nouveaux contrats, l'un de distribution sélective pour les matériels bureautiques de la société Canon et l'autre de distribution agréée pour les produits standard de la société Canon ;

Considérant que ces nouveaux contrats étaient à durée déterminée d'un an renouvelable par tacite reconduction, le contrat de distribution sélective prévoyant expressément une durée maximale de 5 ans;

Considérant que le contrat de distribution sélective venait donc, de par la volonté expresse des parties, à expiration le 31 décembre 2005;

Considérant qu'il est établi que, durant la période où les parties étaient convenues d'une distribution sélective, la société Sofeb a apposé sa marque "Action" sur le matériel qu'elle distribuait; que cette estampille venait non pas en complément de la marque de fabrique des matériels de la société Canon qu'elle distribuait mais était apposée en recouvrant la marque d'origine ; qu'une telle manœuvre, susceptible d'entraîner une confusion dans l'esprit des utilisateurs sur la qualité et l'origine du matériel, contrevient à l'obligation de l'exécution de bonne foi des conventions, alors justement que la finalité d'un accord de distribution sélective est de garantir au fabriquant la pérennité de son image dans la clientèle de son distributeur ; que la société Canon pouvait alors, à l'issue de la période de 5 années convenue, décider de ne pas renouveler des contrats de distribution au regard du comportement déloyal de son partenaire;

Considérant qu'en notifiant par écrit le 8 mars 2005 à la société Sofeb que les contrats expiraient fin 2005, la société Canon a respecté l'obligation d'une durée minimale de préavis ; que ces 10 mois retenus par la société Canon étaient d'ailleurs largement supérieurs aux usages du commerce pour des relations commerciales continues de dix ans et plus concernant des biens d'équipement technique de séries sous marque de fabriquant;

Considérant que le grief formulé par la société Sofeb d'un manquement de la société Canon à l'obligation d'assistance durant la période précédant la cessation des relations commerciales est dépourvu de portée ; qu'en effet la société Sofeb ne soutient nullement que la société Canon aurait manqué soit à la délivrance de matériel déjà commandé soit à des prestations de garantie ou d'après-vente mettant la société Sofeb en péril dans sa propre clientèle; qu'elle prête seulement que la société Canon n'aurait pas favorisé, par des cotations de prix adéquates, l'attribution de marchés à la société Sofeb, lui garantissant ainsi un exercice normal de son activité après la résiliation du contrat de distribution;

Considérant cependant que le contrat liant la société Sofeb et la société Canon est un contrat de distribution sélective, mais en aucune façon un contrat de distribution exclusive ; que pour étayer ce grief la société Sofeb fait état dans un courrier du 30 mars 2005 adressé à la société Canon "du refus, vendredi dernier, du responsable régional de la société Canon ... de donner une cotation pour notre client Atos ..." ; que cependant la date limite pour soumissionner à l'appel d'offre d'Atos était le 3 février 2005 ; que l'absence de cotation par la société Canon le 25 mars 2005 ne pouvait en aucune façon faire grief à la société Sofeb qui était de toute façon forclose à concourir;

Sur la reprise de la société Force Bureautique :

Considérant que, pour dire la société Sofeb seule responsable du préjudice subi du fait de la reprise d'activité de la société Force Bureautique, les premiers juges ont relevé que la société Sofeb, informée du non-renouvellement de ses contrats de distribution, ne pouvait espérer retrouver une position de fait de distributeur par le biais de la reprise de Force Bureautique en redressement judiciaire;

Considérant que la société Sofeb a repris la société Force Bureautique en suite d'un jugement du 14 mars 2005 du Tribunal de commerce de Paris ; que les cessionnaires potentiels et les cocontractants de Force Bureautique ont été entendus le 28 février 2005 en chambre du conseil ; que devant le tribunal la société Canon a précisé ne pas vouloir renouveler le contrat de distribution avec la société Sofeb, repreneur pressenti;

Considérant que c'est par un motif pertinent que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que la société Canon avait agi en toute loyauté en informant le tribunal de sa décision de ne pas renouveler le contrat de Force Bureautique et que la société Sofeb a fait en toute connaissance de cause le choix de la reprise de Force Bureautique;

Qu'ainsi le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Sur les demandes accessoires, les frais irrépétibles et les dépens:

Considérant que la société Canon ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui compensé par l'allocation faite au titre des frais irrépétibles;

Considérant que la société Canon a dû engager des frais non compris dans les dépens que la cour fixe à la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; que les dépens d'appel seront mis à la charge de la société Sofeb, dont distraction au profit de la SCP Lissarague Dupuis Boccon-Gibod, avoués;

Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, - Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, - Y ajoutant, - Condamne la société Sofeb à payer à la société Canon la somme complémentaire de 10 000 euro (dix mille euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - Met les dépens d'appel à la charge de la société Sofeb, dont distraction au profit de la SCP Lissarague Dupuis Boccon-Gibod, avoués, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.