Comm. CE, 23 septembre 2008, n° M.4980
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
ABF/GBI Business
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57, vu le règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (1), et notamment son article 8, paragraphe 2, vu la décision de la Commission du 16 avril 2008 d'engager la procédure dans la présente affaire, vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises (2), vu le rapport final du conseiller-auditeur dans la présente affaire (3), Considérant ce qui suit:
1 INTRODUCTION
(1) Le 22 février 2008, la Commission a reçu une notification, conformément à l'article 4 du règlement (CE) n° 139-2004 (" règlement sur les concentrations "), concernant le projet de rachat de plusieurs filiales ayant des activités dans le secteur de la levure et détenues par GBI Holding BV (" GBI Holding ") ainsi que d'un groupe d'actifs détenu par GBI Ingredients The Netherlands BV (" GBI Ingredients ") et DSM Bakery Ingredients BV (" DSM Bakery ", les actifs cibles dénommés conjointement " les activités GBI " (4)), par Associated British Foods plc (" ABF " ou " la partie notifiante ") (ABF et GBI Business sont ci-après conjointement dénommées "les parties").
(2) Dans la présente affaire, la compétence de la Commission est basée sur la demande de renvoi datée du 7 novembre 2007 et introduite, en application de l'article 22, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations, par l'autorité espagnole compétente en matière de concurrence, demande à laquelle les autorités portugaise et française compétentes en matière de concurrence, se sont jointes respectivement les 28 et 29 novembre 2007. Conformément à l'article 22, paragraphe 3 du règlement sur les concentrations du 13 décembre 2007, la Commission a accepté les demandes par voie de décision. Le 22 février 2008, ABF a notifié l'opération à la Commission.
(3) Au cours de la procédure initiale ("Phase 1"), la partie notifiante a présenté des mesures correctives préalables afin de rendre la concentration compatible avec le marché commun. Eu égard aux nombreuses faiblesses révélées dans le cadre du test de marché effectué par la Commission, cette dernière a conclu que l'opération de concentration soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun et l'accord EEE. 1 JO L 24 du 29.1.2004, p. 1. Une procédure a donc été engagée le 16 avril 2008 conformément à l'article 6, paragraphe 1, sous c, du règlement sur les concentrations. Les parties ont répondu le 5 mai 2008 à la décision prise au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c. Le 10 juillet 2008, la Commission a transmis à ABF une décision au titre de l'article 11, paragraphe 3 et a ensuite suspendu les délais à compter du 26 juin 2008. La suspension a pris fin le 16 juillet 2008.
(4) Au cours de l'enquête approfondie ("Phase 2"), la partie notifiante a proposé de nouveaux engagements écartant tout doute sérieux quant à la compatibilité de l'opération notifiée avec le marché commun. En conséquence, la concentration peut être déclarée compatible avec le marché commun et l'accord EEE conformément aux articles 8, paragraphe 2, et 10, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations et à l'article 57 de l'accord EEE.
2 LES PARTIES
(5) ABF est un groupe international exerçant des activités de gros et de détail dans les secteurs de l'alimentation et des ingrédients avec des implantations en Europe, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Les activités d'ABF comprennent la production et la commercialisation de levure et sont gérées par la section AB Mauri qui possède des usines dans le monde entier. Au moment de la notification, ABF disposait de cinq usines dans l'Union européenne (Royaume-Uni, Irlande, Allemagne, Espagne et Portugal). Le site de Nuremberg (Allemagne) a été vendu le 31 mars 2008 conformément à la décision d'autorisation adoptée par l'autorité compétente en matière de concurrence (le Bundeskartellamt (5)). ABF détient également deux usines d'ingrédients de boulangerie au Royaume-Uni (Cereform Ltd).
(6) Les activités GBI sont principalement axées sur la production et la commercialisation de divers types de levure, notamment la levure fraîche (sous forme liquide et sous forme comprimée) et la levure sèche pour les secteurs de la boulangerie artisanale, industrielle et à domicile (6). Les activités GBI ne possédant d'usine ni en Espagne, ni au Portugal, ni en France, la quantité totale de levure commercialisée dans cette région provient de l'usine italienne des activités GBI (Casteggio) ou d'une usine allemande gérée par l'entreprise commune Uniferm GmbH & Co KG (" Uniferm "), dans laquelle elle détient une participation de 50%. Les activités GBI sont vendues par le fonds d'investissement privé néerlandais Gilde Buy-Out Partners (" Gilde ") qui les contrôle.
3 LA CONCENTRATION
(7) Conformément au contrat de vente signé par ABF et Gilde le 2 octobre 2007, l'opération notifiée concerne le projet de rachat par ABF des activités liées à la levure de GBI Holding en Belgique, aux Pays-Bas, en France, en Espagne, au Portugal, en Allemagne et en Italie, ainsi qu'une participation de 50% dans Uniferm et de 10% dans le capital de Somadir SA (Maroc). En outre, ABF va acquérir certains actifs détenus par GBI Ingredients et par DSM Bakery, notamment des salariés, des contrats et des droits de propriété intellectuelle aux Pays-Bas, ainsi qu'une partie des activités d'exportation de GBI Holding gérées par le groupe Bakery Export.
(8) Suite à la conclusion du contrat, ABF acquerra le contrôle exclusif des activités GBI (7), ce qui constitue, par conséquent, une concentration au sens de l'article 3 du règlement sur les concentrations.
(9) L'acquisition par ABF du contrôle de ces actifs constitue une opération de concentration unique. Tout d'abord, il s'agit d'un contrat de vente unique signé le 2 octobre 2007 selon lequel, après un processus de négociation unique, le vendeur accepte de vendre la totalité des activités GBI (se composant d'un certain nombre d'actifs) à un acheteur unique, ce contrat étant assorti d'une série de conditions générales et de clauses particulières et présentant, notamment, une motivation économique claire, à savoir le transfert de la totalité des activités GBI à l'acheteur ABF.
(10) Cette motivation est, entre autres, basée sur le lien économique fort entre les différents actifs faisant l'objet de l'acquisition: par exemple, toutes les ventes de levure liées aux activités GBI en Espagne proviennent de son usine en Italie. En outre, Uniferm fournit des quantités fixes de levure aux activités GBI en France.
(11) Le contrat en lui-même contient un certain nombre d'éléments qui, pris conjointement, démontrent que les différentes parties des activités GBI sont liées d'un point de vue économique. Le contrat de vente révèle que les principaux actifs (notamment les sites de production allemands et italiens et les droits de propriété intellectuelle) qui sont acquis sont liés à l'achat d'autres actifs (ventes et distribution) (8).
(12) Les éléments contractuels étayent la motivation économique de l'accord, à savoir l'acquisition des activités GBI dans leur ensemble, tel que spécifié dans le contrat de vente.
(13) La transaction a été effectuée avant le renvoi dans l'ensemble des États membres à l'exception du Portugal, de l'Espagne et de l'Allemagne où elle a du être notifiée aux autorités compétentes en matière de concurrence. Le 29 novembre 2007, le "Bundeskartellamt" a approuvé les acquisitions par ABF des activités GBI liées à la levure en Allemagne (participation de 50% dans la société allemande Uniferm sous réserve de la vente des activités allemandes existantes d'ABF liées à la levure (" activités Nuremberg ") à la société suisse Indawisa (cette vente a été proposée par les parties en tant qu'engagement initial). La mise en œuvre de la concentration en deux étapes (9) ne modifie en rien la logique économique unitaire de l'accord. Ces deux étapes de la mise en œuvre ne concernent que la clôture de la transaction et non l'acquisition des actifs et ont été imposées par les différentes réglementations applicables aux actifs.
4 COMPÉTENCE DE LA COMMISSION
(14) Eu égard aux informations communiquées par les autorités compétentes et par ABF, la concentration n'est pas de dimension communautaire au sens de l'article 1er du règlement sur les concentrations. Toutefois, le 13 décembre 2007, la Commission a décidé, conformément à l'article 22, paragraphes 3 et 4, du règlement sur les concentrations, d'examiner la concentration suite aux demandes introduites par les autorités compétentes en matière de concurrence d'Espagne, de France et du Portugal, et ce au nom et pour le compte de ces États membres (10). Les autorités des États membres compétentes en matière de concurrence et les entreprises concernées ont ensuite été informées de ces décisions. Par conséquent, la compétence de la Commission se fonde sur ces décisions prises au titre de l'article 22 du règlement CE sur les concentrations.
5 MARCHÉS EN CAUSE
5.1 MARCHÉS DE PRODUITS EN CAUSE
(15) La levure est un ingrédient essentiel dans le cadre de la production de pain et d'autres produits de boulangerie, de pizza, de pâtes, de bière, de vin et d'autres produits alimentaires. Il s'agit d'un micro-organisme vivant appartenant à la famille des champignons, jouant un rôle d'agent de levage dans le processus de cuisson et améliorant l'arôme et le goût ainsi que l'élasticité de la pâte. La présente opération concerne uniquement la levure destinée au secteur de la boulangerie (11).
(16) La production de levure consiste en sa reproduction par multiplication des cellules (à partir de "cellules mères") dans la mélasse de sucre (12). Tout d'abord, une souche de levure est fabriquée dans un laboratoire. Différentes souches de levure pouvant présenter différentes caractéristiques, un choix doit être fait en fonction des applications nécessaires pour le produit final. Une cuve de fermentation est remplie de mélasse et d'eau et inoculée d'une souche de levure spécifique pour devenir un produit de levure de base. La fermentation est un processus consommant de l'énergie par le biais duquel la levure actuelle est produite par multiplication des cellules de levure. Après la fermentation, les cellules de levure sont séparées du liquide de fermentation et concentrées en un produit de levure liquide de base. La cuve de fermentation est ensuite nettoyée et stérilisée. Chaque fois que la cuve a été nettoyée, un nouveau processus de production peut commencer. Ceci permet la production, sur le même site, de nombreux lots particuliers, chacun répondant à une spécification différente. Le nombre de différents types de levure qu'un fournisseur pourra produire dans une usine diffère selon les fournisseurs.
(17) Ce produit de base, correspondant pour l'essentiel à de la levure liquide, est refroidi et conservé, et peut être mis dans des conteneurs ou des camions en tant que produit final, ce qui convient particulièrement aux clients industriels de plus grande taille. Toutefois, la levure liquide peut également subir l'étape suivante du processus de production, la filtration. Après la filtration et la déshydratation, l'excès d'eau est retiré de la crème de levure et la levure est extrudée et comprimée pour former un autre produit final, la levure comprimée. La levure comprimée peut soit être coupée pour former des blocs de levure (généralement, les blocs de levure pèsent 0,5 kg et sont emballés dans du papier) soit être tamisée à travers une grille pour former de la levure sous forme de granulés qui sont emballés dans des conditionnements plus importants. Le produit final est immédiatement transféré dans une chambre froide pour être ensuite transporté dans des véhicules réfrigérés vers des installations de réfrigération proches des clients. Dans l'industrie, la levure liquide et la levure comprimée sont toutes deux appelées la levure fraîche (ou levure humide). Afin d'obtenir une levure dont la durée de conservation est plus élevée, la levure comprimée peut également être séchée dans des séchoirs pour obtenir un pourcentage de matières sèches élevé (13). C'est ce que l'on appelle la levure sèche.
Figure 1: Le processus de production de la levure
<emplacement tableau>
(18) Les trois produits de levure de base se présentent comme suit:
(19) La levure liquide est une forme de levure fraîche et constitue essentiellement le produit brut du processus de fabrication. Elle contient généralement environ 20 à 25% de solides de levure sèche. Sa durée de conservation est d'environ trois semaines si elle est réfrigérée.
(20) La levure liquide est principalement vendue aux boulangers industriels. Ces derniers produisent des produits de boulangerie et d'autres produits nécessitant de la levure dans d'importants sites de production industrielle et possèdent les équipements permettant d'utiliser la levure liquide. La levure liquide est habituellement transportée directement du site de fabrication au site du client dans des camions réfrigérés.
(21) Toutefois, dans certains cas, la levure liquide est également distribuée dans des récipients de plus petite taille tels que les Tetra Paks d'1,5 l qui n'obligent pas les clients à utiliser de tels équipements. Ceux-ci sont utilisés par les artisans boulangers. Toutefois, il s'agit d'un produit de niche et les ventes de cette levure liquide conditionnée dans de petits récipients sont marginales.
(22) La levure comprimée présente généralement une teneur en matières sèches d'environ 30 à 35%. Elle est produite en filtrant la levure liquide et extrudée en blocs emballés dans du papier paraffiné et réfrigérés jusqu'à leur distribution. Ces blocs sont distribués dans des cartons par des camions réfrigérés. Les clients doivent posséder une chambre froide dans laquelle la levure comprimée est conservée. La levure comprimée présente une durée de conservation de maximum 45 jours.
(23) La levure comprimée sous la forme de blocs est habituellement utilisée par les boulangeries artisanales de petite et de moyenne taille. Le conditionnement le plus courant de la levure comprimée correspond aux blocs de 0,5 kg emballés dans des cartons de 20. Toutefois, la levure comprimée est également distribuée sous forme de granulés et utilisée par les boulangers semi-industriels et industriels de plus grande taille.
(24) La levure sèche se caractérise par un pourcentage de matières sèches de plus de 95%. Elle est produite en séchant la levure comprimée et possède une durée de conservation d'environ 2 ans. Les producteurs des pays en voie de développement utilisent généralement la levure sèche en raison du transport réfrigéré, de la conservation en chambre froide ainsi que du système de distribution plus développé qui sont nécessaires à la levure fraîche et, proportionnellement, seule une quantité relativement faible de levure sèche est vendue dans la Communauté.
5.1.1 Substituabilité du côté de la demande
(25) La partie notifiante estime que les clients ne considèrent pas la levure fraîche et la levure sèche comme substituables et que, s'agissant de la levure fraîche, la substitution de la demande entre la levure comprimée et la levure liquide est limitée (14).
(26) En effet, du point de vue de la demande, la levure fraîche et la levure sèche ne peuvent pas être considérées comme substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur dosage et de leur durée de conservation qui diffèrent fortement et qui sont intégrés dans les habitudes des boulangers européens (qu'il s'agisse des boulangers industriels ou des artisans boulangers), qui n'utilisent généralement pas la levure sèche dans leur processus de cuisson mais se servent plutôt de la levure fraîche. La quantité de levure sèche vendue dans la Communauté est limitée (15). Une certaine quantité de levure sèche (conditionnée dans de petits sachets) est également vendue en Europe dans des supermarchés pour un usage domestique. Les concurrents soulignent également que les clients ne passent que très peu de la levure fraîche à la levure sèche en Europe. (16)
(27) S'agissant de la levure liquide et de la levure comprimée, elles sont substituables dans le cadre de leur fonction générale, comme c'est le cas pour la levure sèche, mais il existe des différences fondamentales au niveau de l'utilisation de ces deux types de produit de levure, ce qui signifie que la substituabilité entre la levure comprimée et la levure liquide est très limitée pour les clients.
(28) D'abord, la levure liquide est généralement livrée en vrac et est destinée aux boulangers industriels qui possèdent les équipements nécessaires à sa transformation et sa conservation. S'agissant du processus de cuisson industriel qui est dans une large mesure automatisé, la levure liquide présente une supériorité fonctionnelle par rapport à la levure comprimée, dans la mesure où elle permet d'obtenir un résultat plus régulier et peut être utilisée dans le cadre d'une automatisation du processus de cuisson plus poussée que dans le cas de la levure comprimée, le produit n'étant pas emballé (17). Afin de permettre l'utilisation de la levure liquide livrée en vrac par les clients industriels, des ajustements dans le processus de production et des équipements spéciaux sont nécessaires. Un tel système comprend des citernes de stockage, des unités de réfrigération, des canalisations et d'autres équipements similaires. L'installation de ces équipements nécessite des investissements considérables pour les clients (entre 300 000 et 350 000 euro) (18) et peut prendre jusqu'à un an. Il semble évident que les avantages de l'utilisation de la levure liquide ne sont accessibles qu'aux boulangers d'une certaine taille (et ayant atteint un certain niveau d'industrialisation), justifiant l'investissement dans les équipements nécessaires. Le passage de la levure comprimée à la levure liquide en vrac n'est possible que pour les boulangers ayant atteint une certaine taille. Les limitations économiques liées à ce passage excluent, par conséquent, une partie considérable de la demande représentée par les artisans boulangers, dont la proportion est particulièrement élevée dans les États membres concernés par l'enquête.
(29) Ensuite, la substituabilité est considérablement limitée au niveau des clients industriels de plus grande taille susceptibles de passer à la levure liquide en vrac et de profiter des bénéfices engendrés. Il a été observé et confirmé par les concurrents (19) que les clients industriels de plus grande taille passent effectivement de la levure comprimée à la levure liquide. Il apparaît qu'un tel passage constitue, plutôt qu'une simple réaction aux fluctuations de prix, un choix stratégique pour le client, dans la mesure où il implique des frais considérables, nécessite une planification avancée qui empêche tout caractère immédiat et implique un choix technique concernant le processus de production. Ceci signifie également que, une fois que ce choix stratégique a été fait, il est peu probable que le client repasse à la levure comprimée. Cet argument est systématiquement avancé par les opérateurs du marché, notamment la partie notifiante. (20)
(30) Les clients industriels de plus petite taille et les artisans boulangers (approvisionnés par les distributeurs) utilisent habituellement la levure comprimée. Ces clients ne seraient pas capables de passer à la levure liquide en vrac dans la mesure où ils ne possèdent pas la dimension leur permettant d'acheter les équipements nécessaires ni de besoins en approvisionnement assez importants pour justifier l'utilisation de levure liquide en vrac. Outre la levure liquide livrée en grande quantité, GBI et Compagnie des levures Lesaffre ("Lesaffre") ont, il y quelques années, introduit sur le marché de la levure liquide conditionnée dans de petits récipients (GBI en Tetrapaks d'1,5 litre et Lesaffre en récipients de 20 litres appelés "Kastalia") destinée aux clients de petite et moyenne taille. Toutefois, ce produit est considéré comme un produit de niche et ne représente pas des volumes considérables. Par exemple, les données de GBI concernant Fermipan liquid Tetra Pak confirment les volumes infimes des ventes et, s'agissant du marché espagnol, la tendance à la baisse des ventes. Les opérateurs du marché interrogés durant l'enquête ont souligné que le potentiel commercial de ces produits de niche est notablement limité et que l'on ne s'attend pas à ce que ces produits atteignent des volumes de vente importants ou qu'ils influent de manière significative sur les volumes de vente de levure comprimée (21). La qualité du produit Tetrapak de GBI a également été mise en cause (22).
(31) En réponse à l'enquête de marché, les distributeurs (qui servent les clients industriels de plus petite taille et les artisans boulangers) ont majoritairement confirmé que leurs clients ne passeraient pas d'une forme de levure à une autre en cas de hausse permanente des prix de 5% à 10% (23).
5.1.2 Substituabilité du côté de l'offre
(32) La partie notifiante avance l'argument selon lequel il existe un degré important de substituabilité du côté de l'offre entre les différentes formes de levure et qu'il est facile, pour un producteur, de passer d'un type de production à l'autre.
(33) S'il est vrai qu'il existe un certain degré de substituabilité du côté de l'offre dans la mesure où le processus de production des différentes formes de levure est interconnecté, le passage d'un processus de production à l'autre impose également certaines contraintes. Dans le cadre de l'enquête de marché, il a été souligné que, si le site de production particulier possède déjà tous les équipements nécessaires à un type particulier de levure, il serait relativement facile de passer d'un type de production à l'autre. Toutefois, si l'usine est actuellement optimisée pour produire un certain volume en termes de levure comprimée, de levure sèche et de levure liquide, il serait nécessaire d'investir dans des équipements particuliers afin de permettre une production accrue d'un certain type de levure.
(34) Le passage à la production de levure sèche implique un investissement considérable au niveau des équipements de séchage nécessaires (un séchoir peut coûter jusqu'à 6 millions d'euro, ce qui impose une contrainte au producteur). En fait, ce ne sont pas toutes les usines de production et tous les fournisseurs (en particulier ceux de plus petite taille) qui produisent de la levure sèche.
(35) De même, un changement de la levure liquide à la levure comprimée nécessiterait des machines de filtration spéciales, des équipements de conditionnement et des chambres froides. Ceci suppose qu'il y ait suffisamment d'espace permettant d'installer ces équipements, espace qui n'est pas toujours disponible sur tous les sites de production. On estime que cet investissement prend de 6 à 12 mois, ce qui montre que le passage ne serait pas immédiat et impliquerait des coûts importants.
(36) Les limitations liées au passage d'un type de production à l'autre sont démontrées par les réponses des producteurs de plus petite taille - Gebrueder Asmussen GmBH + Co. KG ("Asmussen"), un petit producteur allemand, considère ainsi qu'il est facile de passer de la levure liquide à la levure comprimée (mais pas l'inverse), probablement en raison des goulets d'étranglement techniques et de l'optimisation. Zeus IBA SPA ("Zeus"), un petit producteur italien, explique quant à lui qu'il ne passerait pas à la levure sèche dans la mesure où il ne dispose pas, sur son site de production, d'équipement de séchage.
(37) De plus, il apparaît qu'une simple augmentation de 5 % à 10 % du prix d'un produit particulier ne suffit pas à rendre un certain type de levure attractif au point de justifier une diversification de la production. En particulier, si un producteur fournit de la levure liquide à de gros clients industriels, il n'apprécierait pas de les perdre uniquement parce que le niveau des prix de la levure comprimée augmente. Comme un concurrent l'explique, il planifie l'utilisation de son usine à l'avance (en fonction de la demande prévisionnelle de certains types de levure). Il donne un exemple d'augmentation de la production de la levure liquide au détriment de la levure comprimée que si un accord sur les volumes de levure liquide a été conclu avec les clients. La pérennité des ventes de levure liquide est souvent renforcée par les contrats de location des équipements de production de levure liquide proposés par les fournisseurs. La diversification de l'offre de levure liquide au détriment des clients industriels et en faveur de la levure comprimée largement vendue par les distributeurs au segment artisanal et dont les ventes ne sont pas garanties peut impliquer un risque commercial que le producteur hésiterait à courir.
(38) S'agissant de la substituabilité du côté de l'offre entre la levure comprimée et la levure liquide, il convient de prendre également en compte la différence entre les distances d'expédition des deux produits. Même si le passage au niveau de la production est possible, à un certain coût, les producteurs fournissant de la levure comprimée à une région plus distante pourraient trouver très difficile, voire impossible, de fournir de la levure liquide à cette région. Ceci est attesté par GBI, qui alimente l'Espagne et le Portugal de levure comprimée provenant de Casteggio (Italie) mais est incapable de fournir de la levure liquide en vrac (ou seulement de faibles volumes dans de petits récipients Tetrapak) à ces marchés. GBI a perdu l'ensemble de ses clients de levure liquide en vrac en Espagne et au Portugal lorsqu'elle a transféré sa production de levure du Portugal vers l'Italie aux alentours de 2001. La période de conservation et la périssabilité de la levure liquide et de la levure comprimée étant différentes, la distance de transport revêt, par conséquent, une grande importance dans la mesure où le transport réfrigéré de longue distance peut également avoir une incidence sur la qualité de la levure, surtout s'il s'agit de levure liquide transportée en vrac. Les coûts du transport sont bien plus élevés pour la levure liquide (transport d'eau) et il n'est donc pas économiquement viable de la transporter sur de longues distances. Les clients industriels, qui recherchent surtout la constance de la qualité, de l'offre et des délais, ne sont généralement pas disposés à courir un risque accru du fait de la distance.
(39) Toutefois, ceci ne signifie pas que la possibilité de modifier les capacités utilisées pour la production de différentes formes de levure ne doit pas être prise en considération dans le cadre de l'appréciation sous l'angle de la concurrence. Les contraintes liées au passage d'une forme de levure à l'autre, principalement de la levure sèche à la levure comprimée, sont analysées dans la partie de l'appréciation sous l'angle de la concurrence y afférente.
5.1.3 Conclusion sur les marchés de produits en cause
(40) Même si un certain degré de substituabilité entre les différentes formes de levure a été observé du côté de l'offre, l'on considère, en définitive, que le caractère fortement limité de la substituabilité du côté de la demande justifie des marchés de produits distincts pour la levure sèche, la levure comprimée et la levure liquide.
(41) La levure liquide en petit format (récipients Tetrapak de 1,5 litre notamment) ne constitue pas une alternative pour les clients industriels qui se procurent de la levure liquide en vrac. De plus, elle peut être transportée sur de plus grandes distances. Par conséquent, il convient d'exclure la levure liquide distribuée dans des récipients de plus petite taille du marché de la levure liquide en vrac (l'expression levure liquide utilisée dans la suite de la présente décision désignera la levure liquide en vrac). Par ailleurs, ces produits semblent, dans une certaine mesure, entrer en concurrence avec la levure comprimée. La question de savoir si la levure liquide vendue dans des petits récipients devrait être intégrée au marché de la levure comprimée peut être néanmoins laissée ouverte. Ces produits ont été développés pour les artisans boulangers, sont vendus par le biais de distributeurs et peuvent donc être considérés comme substituables à la levure comprimée. Toutefois, la quantité infime vendue au Portugal, en Espagne et en France ainsi que l'enquête de marché montrant que ces ventes ne devraient pas augmenter de manière significative signifient que l'appréciation sous l'angle de la concurrence ne sera pas différente dès lors que le marché de la levure comprimée inclurait la levure liquide en petits récipients; la question de savoir si la levure comprimée et la levure liquide en petits récipients appartiennent au même marché peut donc être laissée en suspens dans la présente affaire, dans la mesure où cela ne change en rien l'appréciation sous l'angle de la concurrence (24).
(42) Il est donc conclu que la levure liquide (incluant la levure liquide en vrac mais pas la levure liquide vendue dans de petits récipients), la levure comprimée et la levure sèche constituent trois marchés de produits distincts aux fins de la présente décision.
5.2 MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES EN CAUSE
5.2.1 Levure comprimée
(43) L'enquête approfondie qui a été effectuée dans le cadre de cette affaire a mis en lumière plusieurs éléments appuyant la conclusion selon laquelle les marchés de la levure comprimée sont de dimension nationale pour les territoires français, portugais et espagnol.
(44) Selon la communication de la Commission concernant la définition du marché en cause au sens du droit communautaire de la concurrence, "le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable" (25). De fait, les conditions de concurrence diffèrent de manière significative en France, en Espagne et au Portugal.
5.2.1.1 Les parts de marché et les positions des fournisseurs varient de manière considérable
(45) La structure de marché en France, en Espagne et au Portugal varie de manière considérable. S'agissant des fournisseurs, l'on peut observer que leur part de marché varie fortement d'un État membre à l'autre, ce qui reflète, dans une large mesure, leur présence historique et traditionnelle sur les marchés.
(46) Lesaffre est sans aucun doute leader de marché dans son pays, la France ([60-70] % des parts de marché pour la levure comprimée), avec une histoire de plus de 100 ans et trois usines de production. Lesaffre est également très présente en Espagne ([40-50] %) où la société possède également une usine de production, alors que dans le Portugal voisin, Lesaffre ne possède que [20-30] % des parts de marché et est considérée comme un arrivant relativement nouveau, la société n'étant sur le marché que depuis les années quatre-vingt dix.
(47) GBI est leader de marché au Portugal ([40-50] %), où elle est fortement présente et occupe une position traditionnelle riche d'une histoire de 80 ans. GBI exploitait une usine de production au Portugal jusqu'en 2001-2002, période au cours de laquelle la production a été délocalisée dans le nord de l'Italie dans le cadre d'un processus de consolidation. GBI possède seulement [10-20] % des parts de marché dans l'Espagne voisine et [10-20] % en France (en France, elle est toujours perçue comme un acteur "français" en raison de sa présence historique et d'une ancienne usine qui était située en France).
(48) ABF est fortement présente en Espagne et au Portugal où elle possède ses usines de production ([20-30] % des parts de marché au Portugal et [30-40] % en Espagne) et, dans une moindre mesure, en France ([10-20] %) des parts de marché, où elle est considérée comme un producteur étranger.
(49) La présence des opérateurs marginaux est également différente: Puratos Group ("Puratos"), un producteur belge de levure, est le plus important des opérateurs marginaux en France avec [0-5] % des parts de marché alors qu'il est virtuellement inexistant en Espagne et au Portugal en ce qui concerne la levure comprimée (26).
(50) Les différences importantes au niveau des parts de marché des principaux fournisseurs reflètent leurs différents positionnements et rôles en terme de leadership dans un État membre donné. Les différentes structures de marché et positions sur le marché affectent évidemment leur comportement sur le marché et ont un impact sur l'interaction concurrentielle des opérateurs (27).
5.2.1.2 La structure de la demande et les systèmes de distribution sont très différents sur une base nationale
(51) La structure de la demande est très différente en France, au Portugal et en Espagne. Tout d'abord, il existe une différence frappante entre les proportions des deux groupes de clients - artisans boulangers (qui sont approvisionnés par les distributeurs) et clients directs (à savoir principalement les grandes boulangeries industrielles ou les boulangeries situées dans les supermarchés). Au Portugal, le segment de la distribution servant habituellement les artisans boulangers représente [90-100] % de la demande de levure comprimée, alors que les clients directs représentent seulement [0-5] % de la demande. Le Portugal étant un pays d'artisans boulangers, les boulangers industriels ne se sont pas développés. En Espagne, les clients directs/industriels représentent [20-30] % et en France jusqu'à [50-60] % de la demande de levure comprimée.
(52) De telles différences dans la composition du marché s'agissant des deux segments de marché influencent nécessairement les conditions dans lesquelles les opérateurs se font concurrence sur un marché donné.
(53) Ensuite, le système de distribution qui dessert principalement le secteur artisanal est totalement différent en France par rapport à celui de l'Espagne et du Portugal, ces deux derniers pays présentant également des caractéristiques spécifiques en ce qui concerne la distribution.
(54) Comme la partie notifiante l'a indiqué et l'enquête de marché confirmé, la plupart des distributeurs français sont associés à l'un des 3-4 groupements d'achat qui, ensemble, couvrent une large majorité de la distribution de levure comprimée en France. Ces groupes se caractérisent habituellement par une couverture nationale et regroupent les distributeurs indépendants de levure ainsi que d'un grand nombre d'autres produits destinés aux boulangers. Les groupements d'achat sont divisés au niveau interne en régions locales exclusives pour chaque membre. Le groupe négocie les conditions d'approvisionnement (principalement les remises) au nom de leurs membres auprès des producteurs qui sont ensuite référencés par le groupe (chaque groupe référencie deux ou parfois trois fournisseurs). Habituellement, les distributeurs - qui sont membres du groupe - s'approvisionnent ensuite en levure auprès des producteurs référencés par leur groupe dans la mesure où ils bénéficient des remises et autres bénéfices négociés au niveau du groupe.
(55) De telles structures n'existent ni au Portugal ni en Espagne, où l'enquête de marché a clairement démontré que le système de distribution fonctionne d'une manière totalement différente. Les distributeurs de ces deux pays ont soit une relation exclusive avec un fournisseur unique, soit, en l'absence de contrats écrits, un fonctionnement sur une base exclusive de facto, ce qui signifie que, à quelques exceptions près, un distributeur ne travaille qu'avec un producteur de levure. Il n'existe pas de groupe de distribution au niveau national et les distributeurs sont habituellement régionaux avec une forte orientation locale.
(56) Il existe également des différences entre les systèmes de distribution au Portugal et en Espagne.
(57) Les distributeurs au Portugal, du moins en ce qui concerne les distributeurs d'ABF et de GBI, ont en effet des marges fixes et ne déterminent pas eux-mêmes le prix final pour les artisans boulangers, ce qui les assimile à de simples agents et opérateurs logistiques de leur fournisseur, sans aucune influence sur le prix final. La situation est différente en Espagne où les distributeurs sont libres de déterminer le prix payé par le consommateur final de levure.
5.2.1.3 Importance de la présence locale en termes de force de vente et de réseau de distribution local
(58) L'enquête de marché a également montré qu'une force de vente locale constitue, pour les fournisseurs, un élément important dans le cadre des ventes de levure.
(59) Afin de maintenir une présence significative dans un pays, les fournisseurs doivent compter sur une force de vente spécialisée qui reste en relation avec les distributeurs et les clients industriels. Il n'est pas inhabituel que le personnel de vente spécialisé se rende également chez les artisans boulangers. Les membres du personnel de vente font des promotions et des démonstrations de nouveaux produits et, en général, établissent et maintiennent de bonnes relations avec les distributeurs et les clients considérés comme très importants dans le secteur de la boulangerie.
(60) Les opérateurs du marché expliquent combien il est important pour eux d'avoir une force de vente spécialisée au niveau national pour soutenir les ventes de levure dans un pays donné.
(61) Par exemple, le producteur belge Puratos qui est présent sur le marché français estime que " dans le secteur de la levure, il est vital d'avoir un bon réseau de ventes et de distribution local, du moins sur le marché français où la proportion des artisans boulangers est élevée. Les membres du personnel de vente de Puratos (via Patisfrance) se rendent chez les artisans boulangers et font " campagne " pour leurs marques " (28).
(62) Lallemand Inc ("Lallemand") explique également que "la force de vente locale constitue un élément clé dans le secteur de la levure, les membres du personnel de vente de Lallemand se rendent également chez les artisans boulangers et établissent des relations, ce qui est très important " (29).
(63) Dans un même registre, le concurrent suisse Indawisa qui possède à présent les activités de levure appartenant auparavant à ABF en Allemagne déclare: " avoir une force de vente dans un pays donné revêt une importance capitale. Il y a peu de chance qu'un fournisseur se développe sans avoir recours à du personnel de vente. Indawisa possède même une force de vente aux Pays-Bas, alors que les volumes vendus dans ce pays sont relativement peu importants " (30).
(64) En Espagne, au Portugal et en France, tous les opérateurs qui ont une présence significative sur le marché (ABF, GBI, Lesaffre et, dans une moindre mesure, Puratos en France) possèdent des forces de vente locales sur lesquelles ils s'appuient dans le cadre de leurs contacts avec le marché. Par contre, il est avéré que les opérateurs marginaux présents dans ces pays (comme Lallemand, Zeus, Asmussen) ne possèdent pas de personnel de vente sur le terrain et qu'ils comptent seulement sur des ventes plutôt anecdotiques à quelques distributeurs individuels.
(65) Les forces de vente développent les relations avec les principaux clients industriels pour lesquels la constance de l'offre et de la qualité constituent un élément essentiel et qui recherchent une garantie de rapidité de réaction en cas de perturbations d'approvisionnement.
(66) Une présence locale du personnel de vente est également particulièrement importante dans les pays où une large partie des ventes est destinée au segment artisanal et où les fournisseurs doivent maintenir un contact permanent avec leurs distributeurs. Il a été indiqué qu'il est très difficile d'entrer sur un marché étranger sans y avoir de contacts, en particulier lorsqu'il s'agit de développer une chaîne de distribution (31). Notamment en Espagne et au Portugal, les relations traditionnelles entre fournisseurs et distributeurs jouent un rôle essentiel dans le secteur.
(67) En Espagne et au Portugal, les relations avec les distributeurs ont été décrites par le responsable local de GBI comme " des relations intenses où la loyauté doit être assurée " (32). Ceci s'explique en grande partie par les relations exclusives formelles ou de facto établies avec les distributeurs et qui constituent la norme en Espagne et au Portugal où la tradition joue un rôle significatif. En Espagne, par exemple, les parties n'ont généralement pas de contrat écrit avec leurs distributeurs et les relations sont largement basées sur la confiance. Au Portugal, le personnel de vente de GBI et d'ABF se charge même de la négociation des remises faites aux clients artisans individuels par les distributeurs, ces derniers n'étant pas habilités à fixer les prix finals payés par leurs clients et jouant le rôle de " filiales " de leurs fournisseurs.
(68) En Espagne et au Portugal, les distributeurs sont en effet généralement très loyaux envers leur fournisseur. L'absence de présence locale, la loyauté des distributeurs et l'orientation régionale des distributeurs rendent difficile, pour les nouveaux arrivants, l'établissement d'un réseau de distribution de dimension raisonnable permettant d'approvisionner les territoires nationaux d'une certaine distance.
5.2.1.4 Les marques varient d'un État membre à l'autre
(69) La notoriété des marques locales dans un État membre particulier est également importante pour les artisans boulangers. La levure est un produit essentiel dans le processus de cuisson des boulangers et, à ce titre, la qualité et la constance jouent un rôle déterminant. La marque, associée à l'image du producteur, fournit une garantie de qualité du produit. Dans les segments industriels, les marques ne sont pas importantes.
(70) Comme l'observe un concurrent (concernant spécifiquement le marché français où il est présent), " Les boulangeries artisanales (...) accordent une grande importance aux marques et, même si la levure est une matière première, sont disposées à payer une prime pour une marque connue ". Les opérateurs locaux puissants utilisent l'image de qualité de leurs marques établies pour obtenir des prix supérieurs (33).
(71) Il a été observé qu'au sein des trois pays étudiés, les marques des principaux fournisseurs varient fortement - certaines marques traditionnelles locales qui sont très populaires dans un État membre sont à peine connues dans un autre, montrant que la notoriété locale de certaines marques est assez différente et que les portefeuilles de marque des producteurs sont loin d'être homogènes dans l'ensemble de la région.
(72) Par exemple, les grandes marques de GBI au Portugal sont Activa et Jacto, constituant [...]* des ventes de GBI dans cet État membre, alors qu'elles ne se vendent ni en Espagne ni en France. La marque de Lesaffre [...]* représente d'importantes ventes en Espagne alors qu'elle ne se vend ni en France ni au Portugal et [...]* qui est une autre marque importante de Lesaffre en Espagne ne représente que des ventes mineures en France et au Portugal. ABF réalise la plupart de ses ventes en France avec les marques Universal et Europa, marques qui ne se vendent ni en Espagne ni au Portugal. Il arrive que certaines marques existent dans plusieurs États membres, comme la marque de [...]*, mais la position de cette marque est très différente en France où elle représente clairement les meilleures ventes par rapport au Portugal, où elle se vend nettement moins que [...]*.
5.2.1.5 Les niveaux de prix et la dynamique des prix sont différents en France, au Portugal et en Espagne
(73) Les niveaux de prix diffèrent également en France, au Portugal et en Espagne. Il existe d'importantes disparités entre le prix moyen de la levure comprimée au Portugal (où les prix moyens sont les plus élevés), en Espagne et en France (où les prix moyens sont les plus bas), reflétant sans doute, dans une large mesure, les différentes structures de la demande sur chacun des marchés.
(74) La partie notifiante affirme que le prix moyen d'ABF pour la levure comprimée s'élève à [...]* euro la tonne en France, à [...]* euro la tonne en Espagne et à [...]* euro la tonne au Portugal. Sur la base de ces chiffres, le prix de vente moyen de la levure comprimée d'ABF était de [...]* supérieur en Espagne par rapport à la France, tandis que le prix moyen d'ABF au Portugal était de [...]* supérieur à celui de l'Espagne et de [...]* supérieur à celui de la France. Le prix moyen de la levure comprimée vendue par GBI présente une orientation similaire, avec d'importantes disparités entre l'Espagne, le Portugal et la France - [...]* euro la tonne en France, [...]* euro la tonne en Espagne et [...]* euro la tonne au Portugal (34).
(75) L'évolution dynamique des niveaux de prix témoigne encore davantage des différences en termes d'interaction concurrentielle entre les trois États membres. Les variations des prix moyens en France, en Espagne et au Portugal ont été reconstituées sur la base de données liées aux transactions mensuelles communiquées par les principaux fournisseurs concernant leurs ventes de levure comprimée dans ces pays. Ces variations de prix sont représentées dans les graphiques des figures 2, 3 et 4 ci-après (35).
Figure 2 Prix moyen de la levure comprimée en Espagne
<emplacement tableau>
Figure 3 Prix moyen de la levure comprimée au Portugal
<emplacement tableau>
Figure 4 Prix moyen de la levure comprimée en France
<emplacement tableau>
(76) S'agissant des variations de prix présentées ci-dessus, l'on observe une différence frappante au niveau des dynamiques des prix entre le Portugal et, notamment, l'Espagne voisine. Tandis que les prix moyens au Portugal ont chuté de 2003 au premier semestre de 2005 pour ensuite augmenter à nouveau brusquement fin 2005 et début 2006, l'évolution des prix en Espagne montre, depuis 2002, une tendance constante à la hausse. La chute importante du niveau des prix au Portugal ne semble pas avoir eu d'influence sur les prix en Espagne. Ceci indique que les dynamiques de marché sont effectivement différentes dans ces deux États membres et que l'interaction concurrentielle entre les producteurs et la demande est, dans une large mesure, indépendante.
(77) De plus, les corrélations des mouvements des prix moyens reconstitués à des niveaux régionaux montrent que, dans toutes les régions d'Espagne, les prix ont évolué d'une manière très homogène, tandis que la corrélation n'est pas si forte lorsque l'on compare les régions du Portugal et de la France. Par exemple, le graphique de la figure 5 représente les corrélations de prix avec la région de base de Madrid, l'intensité de la couleur indiquant la force de la corrélation. Le graphique montre que les prix des différentes régions d'Espagne sont très fortement corrélés avec les prix prévalant dans la région de Madrid et, dans une moindre mesure, avec les prix de la région extérieure à l'Espagne.
Figure 5 Corrélation des prix entre les régions avec Madrid comme région de base.
<emplacement tableau>
5.2.1.6 Considérations du côté de l'offre
(78) La partie notifiante souligne le fait que la levure comprimée est expédiée des sites de production au-delà des frontières nationales, expliquant que la durée de conservation et les frais de transport ne constituent pas un obstacle à l'expédition, même sur de longues distances. En substance, le fait que la levure comprimée voyage est démontré par les schémas d'approvisionnement des principaux opérateurs. La partie notifiante attire également l'attention sur les approvisionnements effectués en Espagne, au Portugal et en France par des producteurs de plus petite taille situés à une certaine distance, indiquant qu'il est profitable d'approvisionner des clients éloignés et que ce serait également le cas si les prix venaient à augmenter. (36)
(79) En effet, la levure comprimée est transportée au-delà des frontières, les producteurs ne possédant pas forcément d'usine de production dans l'État membre où ils sont présents. Cette configuration est particulièrement applicable à GBI qui approvisionne l'Espagne, le Portugal et une partie du territoire français depuis son importante usine de Casteggio (Italie). Certains des clients français de GBI sont également approvisionnés depuis Monheim (Allemagne) grâce à la production de l'entreprise commune Uniferm. ABF possède une usine à Setúbal (Portugal) qui approvisionne les clients portugais [...]*. La deuxième usine d'ABF à Córdoba (Espagne) approvisionne quasi entièrement le marché espagnol [...]*. L'usine de production de Lesaffre à Valladolid (Espagne) produit principalement pour [...]*.En effet, les opérateurs marginaux expédient leur levure depuis leur siège d'origine, notamment en Italie ou en Allemagne.
(80) En ce qui concerne les trois États membres analysés, l'enquête a révélé l'existence de liens particuliers entre les territoires espagnol et portugais du côté de l'offre. Premièrement, la proximité géographique et la localisation des marchés espagnol et portugais sont des éléments à prendre en compte pour ce qui est du rayon d'approvisionnement (potentiel) en levure produite dans les autres régions d'Europe et de la proximité des approvisionnements dans la péninsule Ibérique. Lesaffre en est un parfait exemple, puisqu'elle dispose d'un site de production à Valladolid (Espagne), implanté à proximité immédiate de la frontière portugaise et donc parfaitement adapté pour desservir également les clients portugais. Deuxièmement, la taille relativement modeste du marché portugais par rapport au marché espagnol et son isolement géographique font que, s'agissant de l'offre, le Portugal est dans une certaine mesure lié au marché espagnol voisin, d'une taille plus de trois fois supérieure. Cet élément, auquel s'ajoute peut-être celui de la proximité culturelle relative, est sans doute la raison pour laquelle deux grands fournisseurs dans la région - BGI et Lesaffre - disposent l'un et l'autre d'un siège régional central appelé à prendre les décisions commerciales pour le Portugal et l'Espagne.
(81) Cela étant, si l'on adopte une approche équilibrée et si l'on tient compte des spécificités nationales très fortes des marchés décrites dans les paragraphes ci-dessus, les marchés de la levure comprimée doivent être considérés comme des marchés de dimension nationale, en dépit des liens existants entre l'Espagne et le Portugal du côté de l'offre et du fait que les produits ne sont pas nécessairement produits localement mais souvent expédiés par-delà les frontières. Les contraintes concurrentielles imposées par les producteurs situés à une distance d'approvisionnement raisonnable de l'Espagne, du Portugal et de la France ont bien évidemment été analysées en détail dans les parties correspondantes de l'appréciation sous l'angle de la concurrence effectuée dans la présente décision.
5.2.1.7 Avis de la partie notifiante concernant le marché géographique de la levure comprimée
(82) Dans le formulaire CO, la partie notifiante est d'avis, en se basant principalement sur des considérations du côté de l'offre, que le marché de la levure comprimée dépasse très probablement le territoire national et est de plus en plus européen en termes de dimension géographique.
(83) Toutefois, il est intéressant de noter que, dans une précédente communication adressée à la Commission dans le cadre d'une demande de renvoi conformément à l'article 22 du règlement sur les concentrations (37), la partie notifiante fait valoir des arguments plaidant fortement en faveur de marchés nationaux. En particulier, dans un contexte d'échanges interétatiques, ABF déclare que " ABF convient [...] que, du côté de l'offre du marché de la levure, il existe des contraintes concurrentielles au niveau des importations dans chacun des pays, alors que du côté de la demande, pour les raisons décrites dans les notifications [nationales], les évolutions de la demande sont manifestement nationales, avec des différences au niveau des structures de distribution, des distributeurs, des évolutions de la demande au détail et des prix de gros et de détail " (38). Dans sa communication, la partie notifiante affirme que " Au regard des notifications nationales, il est clair que les marchés géographiques concernés présentent des caractéristiques nationales distinctes " (39). ABF reconnaît également que " du côté de l'offre, la structure des territoires nationaux diffère de manière significative entre les Etats Membres " et souligne les différences significatives en termes de parts de marché (40). ABF attire également l'attention sur d'autres différences liées aux caractéristiques de la demande: " les marchés du pain en Espagne et au Portugal se caractérisent par un nombre très important d'artisans boulangers approvisionnés par des distributeurs, alors que les structures de distribution de ces deux territoires sont sensiblement différentes " (41). ABF rajoute qu'une différence supplémentaire résulte du fait que la consommation de la levure liquide représente une part bien plus importante de la consommation de levure totale en Espagne qu'au Portugal, ce qui correspond à une proportion plus importante de boulangeries artisanales au Portugal, engendrant des caractéristiques différentes au niveau de la distribution dans les deux territoires. " Au Portugal où il faut effectuer beaucoup de " petites livraisons ", les réseaux de distribution sont essentiels et ABF y a, par conséquent, conclu des contrats de distribution exclusive. Par contre, en Espagne, ABF ne cherche pas à conclure des contrats formels avec des distributeurs; toute exclusivité est de facto plutôt que contractuelle et décidée par les distributeurs et non par ABF " (42). Plus loin, ABF déclare que " les différences significatives entre les États membres en ce qui concerne le prix de la levure constituent un autre facteur indiquant clairement l'orientation nationale de la transaction " (43). ABF conclut que " À la lumière des différentes caractéristiques de l'offre et de la demande exposées ci-dessus et des différences significatives entre les États membres au niveau des prix de la levure, toute appréciation concurrentielle sera orientée vers les marchés nationaux... " (44).
5.2.1.8 Conclusion concernant le marché géographique de la levure comprimée
(84) Au vu des considérations qui précèdent, le marché géographique de la levure comprimée est considéré comme national sur les territoires de l'Espagne, du Portugal et de la France.
5.2.2 Levure liquide
(85) La partie notifiante suggère que le marché géographique en cause pour la levure liquide serait plutôt limité et pourrait être national. Elle fournit des exemples de cas où la levure liquide a été expédiée au-delà de frontières, notamment de l'usine de GBI située en Italie vers l'Espagne et le Portugal, mais admet que ces cas (marginaux) concernaient des approvisionnements de levure liquide conditionnée dans des cartons de Tetrapak d'1,5 litre et non de la levure livrée en vrac aux clients industriels, qui constitue la majorité écrasante des approvisionnements en levure liquide.
(86) Les distances de transport dépendent de différents facteurs comme la demande et les préférences d'un client individuel ou d'un groupe de clients situés dans une région spécifique (telles que la fréquence et la fiabilité des livraisons) ainsi que la taille du site de production qui détermine le niveau d'efficacité et les marges. Ces facteurs déterminent le rayon d'expédition maximal techniquement réalisable et économiquement rentable, qui est nécessairement spécifique à chaque usine.
(87) Les données concernant le transport sur une base usine par usine communiquées par les parties indiquent que ce type de levure est quasi exclusivement fourni aux clients du pays où se situe l'usine, à l'exception de certaines expéditions constantes dans le temps effectuées par GBI d'Allemagne en Italie et en France. Les concurrents expliquent qu'ils seraient toujours d'abord à la recherche d'opportunités se situant relativement près de leurs sites de production, dans la mesure où ils devraient assurer une qualité durable de ce produit sensible en faisant face à des frais de transport plus élevés que ceux de leurs concurrents dont les usines pourraient se situer plus près d'un client donné.
(88) Dans l'enquête de marché, les clients et les concurrents indiquent qu'en raison de la durée de conservation limitée de la levure liquide (environ 3 à 4 semaines) et des coûts liés au transport de la levure liquide en vrac dans des camions réfrigérés, ce type de levure n'est généralement livré qu'à une distance maximum de 300 à 600 km. Ce n'est que dans certaines circonstances très spécifiques que les fournisseurs pourraient trouver commercialement attractif de transporter ce type de levure sur de plus longues distances (45).
(89) Par conséquent, les schémas d'expédition des parties elles-mêmes ainsi que les résultats de l'enquête de marché suggèrent une dimension de marché nationale pour la levure liquide en vrac. Toutefois, dans le cadre de la présente décision, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur la dimension exacte du marché géographique de la levure liquide.
5.2.3 Levure sèche
(90) La partie notifiante suggère que le marché géographique de la levure sèche est mondial en raison des flux d'échanges transfrontaliers importants et significatifs au sein de la Communauté ainsi qu'entre la Communauté et des pays tiers du Moyen-Orient, de l'Asie et de l'Afrique. Elle indique que la levure sèche possède une durée de conservation très élevée (environ 2 ans) qui permet un transport peu coûteux dans de très grandes unités et sur de longues distances. Par exemple, [...]*.
(91) L'enquête de marché a globalement confirmé que le marché géographique en cause pour la levure sèche est de portée EEE, voire mondiale. Toutefois, dans le cadre de la présente décision, la question de la définition exacte du marché peut être laissée en suspens.
6 APPRÉCIATION SOUS L'ANGLE DE LA CONCURRENCE
(92) Il existe un certain nombre de similarités structurelles entre les marchés de la levure liquide, de la levure comprimée et de la levure sèche. Toutefois, les éléments découverts dans le cadre de l'enquête de marché indiquent que l'opération de concentration en question ne soulève des problèmes que sur le marché de la levure comprimée. S'agissant des marchés de la levure liquide et de la levure sèche, malgré des indications permettant de conclure à une interaction concurrentielle limitée, l'on peut s'attendre à ce que l'opération de concentration n'ait pas d'impact significatif.
6.1 PRODUCTEURS DE LEVURE ACTIFS SUR LES MARCHÉS AFFECTÉS
6.1.1 Les principaux opérateurs
(93) ABF est un producteur mondial de levure de boulangerie fortement présent sur tous les continents. Dans la Communauté, la société possède des sites de production de levure dans un certain nombre d'États membres, notamment au Royaume-Uni (Hull), en Irlande (Dublin), en Espagne (Córdoba) et au Portugal (Setúbal). Elle est présente sur les marchés espagnol et portugais depuis plusieurs décennies, alors qu'elle est entrée sur le marché français plus récemment (au début des années quatre-vingt dix). ABF n'a pas intégré verticalement la distribution aux artisans boulangers et ne possède, par conséquent, pas de propres distributeurs internes. Pour ce qui est de la distribution, ABF s'appuie sur un réseau d'agents de distribution officiellement indépendants auxquels elle est liée dans le cadre de relations établies à long terme. Elle possède des antennes au Portugal, en Espagne et en France.
(94) GBI possède actuellement des usines à Casteggio (Italie) et en Allemagne dans le cadre de l'entreprise commune Uniferm. La société est traditionnellement présente au Portugal (depuis plus de 80 ans) (46) et n'est entrée sur le marché espagnol qu'en 1992. Comme ABF, GBI n'a pas intégré verticalement la distribution. Elle possède des antennes au Portugal, en Espagne et en France.
(95) Lesaffre oriente ses activités principales sur la production de levure de boulangerie, avec une forte présence sur l'ensemble des continents. En Europe occidentale, la société possède une usine en Espagne (Valladolid) et d'autres en France, en Belgique et en Italie. Tout comme ABF et GBI, Lesaffre est active dans les secteurs de la levure sèche, de la levure liquide et de la levure comprimée, avec des antennes locales au Portugal, en Espagne et en France, et n'a pas intégré verticalement la distribution de la levure aux artisans boulangers. Les actions et le comportement de marché de Lesaffre sont systématiquement suivis par ses concurrents. Ceci est démontré par un certain nombre de documents internes analysés au cours de l'enquête, et notamment par [...]* (47).
6.1.2 Opérateurs marginaux
(96) Il existe aussi quelques opérateurs de plus petite taille dont la présence est marginale au Portugal, en Espagne et en France.
(97) Lallemand est, à l'origine, une société canadienne également active aux États-Unis qui, en 1993, est entrée en activité en Europe avec l'acquisition d'une usine en Estonie. Ces dernières années, elle a suivi une stratégie d'acquisition d'usines de production de levure de plus petite taille (la plus grande ayant actuellement 10 à 20 kt suite à une récente expansion de la capacité) (48) auprès de producteurs indépendants de plus petite taille du nord, du centre et de l'Est de l'Europe. Elle ne possède pas d'usines dans le Sud ou l'Ouest de l'Europe et livre actuellement de très petites quantités de levure comprimée au Portugal ([...] t en 2007), en Espagne ([...] t) et en France ([...] t) - ces quantités sont minimes et représentent des parts de marché de [0-5] % maximum dans les marchés concernés. Les usines de production de Lallemand les plus proches se situent en Allemagne et en Autriche. Lallemand ne possède ni force de vente ni structure de distribution en France, en Espagne et au Portugal.
(98) Puratos est une société belge dont les activités sont principalement axées sur les ingrédients de boulangerie et le chocolat. Puratos ne possède qu'une usine de production de taille relativement réduite (17 kt) (49) située en Belgique où elle produit de la levure mais la société a expliqué qu'elle accordait actuellement la priorité à sa consommation interne et qu'elle ne vendait sur le marché libre que le reste de sa production afin de compléter sa gamme d'ingrédients de boulangerie. Puratos vend de la levure liquide en Belgique et de petites quantités de levure comprimée en France (avec une part de marché de [0-5] %) et en Belgique. De toute manière, elle n'a effectué, au cours de ces trois dernières années, aucune vente de levure comprimée au Portugal et en Espagne, ses ventes dans ce dernier pays étant limitées à de très faibles volumes de levure sèche. Elle ne possède ni présence commerciale ni structure en vue de la vente de levure au Portugal ou en Espagne.
(99) Zeus (anciennement connue sous le nom de Grechi (Italie)) est une société familiale traditionnelle dont la plupart des activités sont axées sur son marché local italien. Elle ne possède qu'une seule usine située à Florence qui, selon les estimations d'ABF (qui sont examinées en détail ci-après), présenterait une capacité de 20 kt et ne vendrait que des quantités marginales de levure comprimée en France et en Espagne ([...] k) à un petit nombre de clients, les quantités vendues au Portugal étant négligeables. Elle ne possède ni force de vente ni structure officielle, de quel que type que ce soit, en France, en Espagne ou au Portugal.
(100) Gebrüder Asmussen (Allemagne) ne possède qu'une petite usine (7 kt) située au nord de l'Allemagne et dont la capacité disponible est limitée (seulement 1 kt). La société ne réalise que des ventes très peu importantes de levure comprimée en Espagne [...] k qui ne constitueraient qu'une part négligeable de [0-5] % de ce marché. Elle n'est présente ni au Portugal ni en France. Ses activités principales sont axées sur l'approvisionnement en levure liquide des boulangeries du nord de l'Allemagne.
6.1.3 Entrants potentiels
(101) ABF affirme qu'un certain nombre d'opérateurs peuvent être considérés comme des entrants potentiels en Espagne et au Portugal. ABF indique qu'elle " perçoit " la présence, en particulier, de Pakmaya et de Somadir en Espagne (50). Toutefois, sur la base des données communiquées par ABF elle-même, Pakmaya, Somadir ou Akmaya ne fournissent que de faibles quantités de levure comprimée et de levure sèche en France, en Espagne et au Portugal. L'enquête de marché a confirmé qu'aucun de ces opérateurs ne fournit actuellement de la levure liquide ou de la levure comprimée en Espagne, au Portugal ou en France et que, pour ce qui est de la levure sèche, les ventes actuelles négligeables peuvent être considérées comme sporadiques.
(102) Néanmoins, ABF a déclaré que Pakmaya, Somadir, Akmaya et également Indawisa pourraient soit être des entrants potentiels, soit renforcer leur présence sur les marchés nationaux français, espagnol ou portugais en réponse à une augmentation des prix.
(103) S'agissant de Pakmaya, ABF affirme que la société ne distribue que de la levure comprimée en Espagne par le biais du distributeur Lozano. Elle possède trois sites de production de taille relativement grande en Turquie, à environ 4 000 km de l'Espagne, présentant, selon la partie notifiante, d'importantes capacités de production inutilisées (51). L'on peut souligner qu'aucun des documents internes concernant le secteur européen de la levure [...]* - ne suit Pakmaya en tant que producteur de levure comprimée en Europe (52) (53). D'autres producteurs ont indiqué que, lorsque Pakmaya a essayé d'entrer sur certains marchés de la Communauté, la société a dû faire face à une baisse des prix déclenchée sur son marché domestique turc par les entreprises en place qui possèdent également des usines en Turquie et a depuis réduit ses efforts concurrentiels en Europe (54).
(104) Somadir est un producteur de levure marocain possédant deux usines de, respectivement, 20 et 50 kt (55) au Maroc - Gilde, le propriétaire de GBI, possède une part de 10% dans Somadir, qui fait également l'objet de l'opération de concentration envisagée par ABF. Bien que la partie notifiante affirme que Somadir distribue de " petites quantités " au Portugal, aucun des distributeurs qui ont participé à l'enquête réalisée par la Commission n'a mentionné Somadir, même en tant que fournisseur potentiel de levure au Portugal. L'enquête a révélé que les quantités de levure par Somadir en Espagne sont infimes et que la société avait fait l'objet d'une acquisition au comptant par un distributeur qui n'envisageait pas d'achats supplémentaires en raison de problèmes de qualité (56). Aucun des documents internes [...]*ne mentionne Somadir dans le cadre de leurs activités européennes liées à la levure.
(105) Akmaya est un opérateur turc fondé en 1994, qui possède une usine produisant de la levure fraîche et de la levure sèche en Turquie. La Commission ne dispose d'aucune information quant à d'éventuelles ventes de levure comprimée qu'Akmaya aurait réalisées en France, en Espagne ou au Portugal. L'on peut aussi souligner qu'aucun des documents internes concernant le secteur européen de la levure [...]* - ne suit Akmaya en tant que concurrent dans le secteur de la levure comprimée en Europe (57).
(106) Enfin, dans le cadre d'une mesure corrective préalable imposée par le Bundeskartellamt, la société suisse Indawisa a acquis l'usine de Nuremberg et a repris la force de vente d'ABF, limitant ses ventes au marché allemand. Traditionnellement, Indawisa n'était présente que sur le marché suisse, un marché caractérisé, selon Indawisa, par des prix plus élevés qu'ailleurs dans l'EEE, les taxes à l'importation de la levure rendant l'entrée de ce produit difficile. Toutefois, Indawisa a indiqué au cours de la procédure que l'usine de Nuremberg fonctionne déjà actuellement à pleine capacité et qu'elle ne prévoit pas la possibilité de vendre de la levure en France, en Espagne ou au Portugal. (58).
6.2 CONTEXTE DE LA TRANSACTION
(107) Avant d'être acquise par Gilde en 2005, l'activité "levure" de GBI Holding (précédemment détenue par Gist-Brocades et DSM) était devenue le numéro 2 du secteur en Europe de l'Ouest, occupant une position dominante en Allemagne, au Portugal et aux Pays-Bas, le numéro 3 en Amérique Latine, occupant une position dominante au Chili, et le numéro 1 en Afrique. En Europe de l'Ouest, l'activité "levure" de GBI a été l'opérateur historique sur les marchés portugais, allemand et néerlandais. Avant la vente de l'activité "levure" à ABF et des activités du Royaume-Uni à Lesaffre, GBI Holding était fortement présente dans la Communauté avec trois grandes usines affectées à la production de levure: Felixstowe au Royaume-Uni, Casteggio en Italie et l'entreprise conjointe Uniferm à Moonheim en Allemagne. Avec ces trois usines, GBI Holding était en mesure d'approvisionner de grandes parties des marchés de l'Ouest, du Sud et du centre de l'Europe. Les usines situées en Amérique du Sud permettaient à GBI Holding d'occuper également une position importante sur le marché de la levure fraîche d'Amérique du Sud. GBI Holding était également présente sur le marché mondial de la levure sèche.
(108) Au moment de l'acquisition par le fonds d'investissement privé allemand Gilde et considérant que le précédent propriétaire des activités de GBI Holding, Gist-Brocades, souhaitait vendre en bloc la totalité des activités "levure" liées à GBI Holding, Gilde a vu dans cette situation l'opportunité d'acheter les activités "levure" de GBI Holding et de revendre à profit et à court terme des parties de ces activités à différents acheteurs, dans la mesure où elle pressentait que l'acquisition de l'ensemble des activités par Lesaffre, ABF et peut-être Lallemand engendrerait des problèmes de concurrence (59) .
(109) Gilde avait dès lors l'intention de vendre les activités "levure" de GBI Holding à la première occasion. Par conséquent, il n'avait donc élaboré aucun plan d'entreprise ni de développement à long terme mais plutôt une stratégie à court terme en vue de réaliser rapidement des bénéfices.
(110) Dans ces conditions, l'objectif de GBI Holding était d'éviter une concurrence acharnée sur les prix en Europe, comme en témoigne leurs documents internes: " Concernant le marché de la levure, il s'agit de prendre conscience que les trois principaux opérateurs autres que GBI, à savoir Lesaffre, ABF et Lallemand, se sont livrés une guerre des prix aux États-Unis depuis déjà plus de dix ans. Les prix de la levure dans ce pays étant les plus bas au monde, les trois opérateurs y perdent de l'argent depuis des années. L'on ne perçoit aucun signe indiquant que cette situation va évoluer dans le futur (à court ou long terme). Il est difficile de comprendre pourquoi ils ne sont pas capables de résoudre ce problème mais il est clair que nous mettrons tout en œuvre pour éviter une telle situation sur le marché européen. " (60)
(111) Cette stratégie de maximisation des bénéfices à court terme a été confirmée dans un document interne de GBI Holding mentionnant que: " Notre objectif est d'augmenter les prix de la levure de manière à pouvoir maintenir le résultat d'exploitation (EBIT) à son niveau actuel ou, si possible, à un niveau supérieur. Comme, pour les boulangers, le prix de la levure constitue 3% du prix de revient du pain et que les augmentations de prix mentionnées portent sur l'ensemble de l'industrie de la levure, nous pensons - du moins pour le moment - que nous parviendrons à nos fins " (61).
(112) Les négociations entre Gilde et les acheteurs potentiels ont débouché sur un partage de l'activité "levure" de GBI Holding entre, d'une part, Lesaffre (acquérant les sites du Royaume-Uni et d'Amérique du Sud (62)) et, d'autre part, ABF (acquérant les sites allemands et italiens). Les deux acquéreurs, Lesaffre et ABF, occupent, au niveau mondial, les places respectives de numéro 1 et de numéro 2 sur le marché de la levure. En acquérant les parties de l'activité "levure" de GBI Holding en Amérique du Sud et au Royaume-Uni, Lesaffre a renforcé ses positions dans des régions géographiques où la société était relativement faible en termes de parts de marché par rapport à ABF. Par ailleurs, ABF, en acquérant les activités GBI en Europe continentale, occuperait une position plus solide en Europe occidentale où Lesaffre a été traditionnellement plus présente sur le marché. Grâce aux usines de GBI Business (activités GBI) situées à Casteggio et à l'entreprise commune avec Uniferm (après avoir vendu le site de Nuremberg à Indawisa), ABF renforcerait sa position en France (le marché d'origine de Lesaffre), au Portugal et en Espagne.
6.3 MARCHÉS DE LA LEVURE COMPRIMÉE
(113) Il existe certaines caractéristiques de marché qui, que ce soit du côté de la demande ou du côté de l'offre, sont similaires dans les trois marchés nationaux de la levure comprimée (Espagne, France et Portugal). Par conséquent, il est utile, avant d'évaluer les principaux impacts de la fusion envisagée sur la concurrence sur chaque marché individuel, de procéder à une analyse de fond des conditions de la demande et de l'offre sur ces marchés.
6.3.1 Caractéristiques de marché communes aux trois marchés de la levure comprimée affectés
6.3.1.1 La demande de levure comprimée est relativement stable ou en légère baisse
(114) Le marché de la levure de boulangerie dans la Communauté peut être considéré comme relativement mature. La demande de levure de boulangerie est principalement déterminée par la taille, l'âge et la distribution des revenus de la population ainsi que par la structure de la consommation alimentaire au niveau national ou régional. Ces facteurs varient généralement très peu dans le temps.
(115) S'agissant de la levure comprimée, le marché peut être considéré comme relativement stable, ayant néanmoins connu un léger déclin au cours des cinq dernières années. Au Portugal, la demande de levure comprimée a chuté d'environ [...]* en 2002 à environ [...]* en 2007. En Espagne, cette baisse a fait chuter la demande de [...]* en 2002 à [...]* en 2007 et en France de [...]* en 2002 à [...]* en 2007.
(116) Selon l'avis des parties, ce léger déclin enregistré par la demande de levure comprimée s'explique en grande partie par un passage progressif, en particulier en France et en Espagne, des artisans boulangers vers les boulangers industriels (63). Les boulangers industriels, de manière générale, consomment davantage de levure liquide et peuvent également utiliser la levure plus efficacement. Toutefois, il semble que cette évolution ne devrait pas se poursuivre davantage. En effet, malgré cette tendance à une augmentation du nombre des acheteurs industriels sur le marché de la levure de boulangerie, de manière générale, les artisans boulangers constituent toujours la partie la plus importante de la demande. Ainsi, le segment de distribution qui dessert principalement les artisans boulangers représente [40-50] % du chiffre d'affaires de la levure comprimée en France, [70-80] % (64) en Espagne et [90-100] % au Portugal.
(117) Sur ces trois marchés, la demande peut être légèrement saisonnière, la consommation de levure au cours des mois chauds étant inférieure à celle des mois froids. Cette différence s'explique principalement de deux manières : (a) la consommation de pain, spécialement dans le Sud de l'Europe, est sensiblement plus réduite durant les mois chauds et (b) la production de pâte nécessite une quantité de levure qui est inférieure durant les mois chauds.
6.3.1.2 Concentration de l'offre
(118) Au cours des quelques dernières années, le marché communautaire de la levure de boulangerie s'est caractérisé par une concentration accrue, les usines et entreprises familiales traditionnelles de plus petite taille ayant été acquises par certains des principaux opérateurs au niveau mondial tels qu'ABF, Lesaffre et Lallemand. Parallèlement, un certain nombre d'usines ont été fermées dans la Communauté et très peu de nouvelles usines ont été construites au cours de la dernière décennie. Cette évolution tend à confirmer la thèse selon laquelle les activités de production de la levure en Europe sont relativement développées.
(119) L'entité issue de l'opération posséderait une part de marché de [70-80] % au Portugal, de [40-50] % en Espagne et de [30-40] % en France et serait accompagnée d'un nombre limité de petits opérateurs actuellement actifs sur le marché, les deux principaux producteurs (ABF/GBI et Lesaffre) issus de l'opération représentant [90- 100] % du marché au Portugal, [90-100] % en Espagne et [90-100] % en France.
<emplacement tableau>
6.3.1.3 Maturité technologique de la production de levure
(120) La technologie de la production de levure est parvenue à maturité, le processus de production de base n'ayant pas été modifié de manière significative depuis plusieurs années et ABF a montré que, même si certains brevets existent, il est possible de parvenir à des résultats et produits équivalents par le biais de procédés différents (65).
(121) De plus, alors qu'il semble encore exister, dans l'industrie, certaines possibilités, notamment en termes d'innovation au niveau des processus et d'améliorations marginales des techniques d'emballage, l'enquête de marché montre qu'aucun des opérateurs de marché ne s'attend à ce qu'un saut technologique ne vienne menacer la position établie des opérateurs historiques, à savoir ABF, GBI et Lesaffre, sur les marchés affectés (ou ailleurs).
(122) Enfin, certains produits récents ont été développés et vendus (tels que la levure liquide en Tetrapak par GBI et Kastalia par Lesaffre) mais n'ont eu qu'une incidence très mineure sur le marché, l'industrie ne s'attendant pas à ce que ces produits se développent de manière significative.
6.3.1.4 Le rôle des distributeurs
(123) L'enquête de marché a révélé que les distributeurs jouaient un rôle très important dans la distribution de la levure, en particulier au niveau du segment artisanal du marché de la levure comprimée, dans la mesure où ils constituent le point d'accès nécessaire à ces clients.
(124) Le segment artisanal implique, par définition, des opérateurs qui ont besoin d'approvisionnements peu importants mais fréquents, en particulier en raison de la nécessité de réfrigérer la levure comprimée. Toutefois, aucun des producteurs de levure ne possède ses propres réseaux de distribution intégrés permettant d'approvisionner ces clients. Il convient de noter que les artisans boulangers représentent [70-80] % du chiffre d'affaires total en Espagne, [90-100] % au Portugal et [40-50] % en France.
(125) L'importance des contacts réguliers entre les artisans boulangers et les distributeurs ne saurait être trop soulignée. Le marché des artisans boulangers est relativement traditionnel. La plupart des boulangeries artisanales sont des entreprises familiales orientées au niveau local qui sont souvent en activité depuis des années, voire, dans certains cas, depuis des générations. Dans ce contexte, un contact personnel et des relations stables avec des fournisseurs fiables revêtent une importance fondamentale. Néanmoins, il existe certaines différences au niveau du rôle des distributeurs en France par rapport à l'Espagne et au Portugal.
6.3.1.4.1 Portugal et Espagne
(126) Sur les marchés espagnol et portugais, les producteurs et les distributeurs de levure, d'une part, et les distributeurs et les artisans boulangers, d'autre part, entretiennent des relations durables et basées sur le long terme.
(127) La nature de ces relations est clairement exposée dans les réponses fournies par les distributeurs espagnols et portugais mais ressort également, en ce qui concerne le Portugal, des accords contractuels écrits conclus entre le producteur et le distributeur de levure (66). La plupart de ces contrats couvrent officiellement une période d'un an mais prévoient des reconductions ou renouvellements automatiques si bien qu'il est rare qu'un distributeur mette fin effectivement à sa relation avec son ancien fournisseur pour en prendre un autre.
(128) Les contrats de distribution types envoyés par la partie notifiante en tant qu'annexes au formulaire CO ainsi que l'enquête de marché indiquent que, au Portugal, tous les accords de distribution sont de nature exclusive, les distributeurs ne pouvant notamment pas distribuer de levure provenant de concurrents et ne pouvant approvisionner qu'une région géographique déterminée. En effet, au Portugal, un nombre extrêmement limité de distributeurs a changé de fournisseur de levure au cours des quelques dernières années (67).
(129) En Espagne, GBI a conclu avec ses distributeurs des accords similaires se traduisant par une exclusivité de fait qui constitue également la norme pour les autres opérateurs (68). En effet, ABF elle-même affirme que " habituellement, les distributeurs espagnols achètent en permanence les produits de levure auprès d'un seul et même fournisseur " (69), ce qui est mentionné en des termes plus catégoriques par d'autres opérateurs du marché.
(130) Même s'il existe certaines exceptions à cette exclusivité d'approvisionnement (de fait) des distributeurs, l'on n'en relève que très peu d'exemples, qui souvent sont dus à des circonstances très spécifiques.
(131) Par conséquent, l'on peut conclure que, dans une très large mesure, ABF, GBI et Lessafre travaillent avec un réseau de distributeurs exclusifs de fait ou contractuels qui distribuent de la levure ne provenant que d'un seul distributeur. De plus, ces distributeurs sont le plus souvent organisés de telle sorte qu'il n'existe le plus souvent qu'un seul distributeur d'un fournisseur donné sur un territoire régional ou plus local (voir considérant (214)) (70). Comme c'est le cas au Portugal, l'enquête de marché en Espagne a montré que très peu de distributeurs ont changé de fournisseur au cours de ces dernières années (71).
(132) Il s'ensuit de ces relations verticales traditionnelles et exclusives établies à long terme entre distributeurs et producteurs de levure que les artisans boulangers tendent à considérer un distributeur particulier comme l'antenne de distribution d'un producteur de levure particulier dans une province ou une région donnée (72).
(133) Ainsi, comme il a été mentionné dans les considérants (125) et (126), les artisans boulangers préfèrent développer des relations étroites et établies à long terme avec leurs distributeurs (et, par conséquent, avec le producteur de levure chargé de l'approvisionnement). Néanmoins, il n'est pas inhabituel pour un artisan boulanger de s'appuyer principalement sur un seul distributeur pour la majeure partie de son approvisionnement en levure tout en établissant également des liens avec un fournisseur secondaire. Dans ce cadre, l'objectif principal est d'assurer l'approvisionnement, dans la mesure où l'interruption de ce dernier au cours d'une journée peut avoir des conséquences sérieuses sur la réputation d'un artisan boulanger et directement affecter ses revenus. En principe, un distributeur " de réserve " peut également permettre à l'artisan boulanger d'obtenir des informations concernant les prix d'autres producteurs de levure et donc offrir une certaine marge de négociation sur les prix (73). Toutefois, l'enquête de marché a révélé que, même si les quantités achetées à un distributeur particulier (et donc à un producteur particulier) peuvent varier, ces quantités sont largement déterminées par les changements temporaires dans la proportion des achats réalisés auprès du fournisseur " principal " par rapport à ceux réalisés auprès du fournisseur " de réserve " (74). De telles variations dans les achats se produisent lorsque le fournisseur principal augmente ses prix avant le fournisseur de réserve et ne sont donc généralement que temporaires. Lorsque le fournisseur de réserve augmente ses prix au même niveau que le fournisseur principal, la proportion relative des achats revient à son niveau initial.
(134) Il convient de noter que la fidélité d'un artisan boulanger envers son distributeur principal n'est pas uniquement basée sur l'expérience passée ni sur la fiabilité avérée du distributeur, mais aussi sur les contacts directs permanents, incluant des visites hebdomadaires des distributeurs auprès de leurs clients et, dans certains cas, par la capacité du distributeur à fournir d'autres ingrédients complémentaires de boulangerie et à connaître les besoins généraux d'un artisan boulanger donné (75). Ces facteurs contribuent à ancrer la fidélité d'un artisan boulanger envers son fournisseur principal.
6.3.1.4.2 France
(135) En France, le système de distribution est organisé d'une manière quelque peu différente, avec un certain nombre de grandes centrales d'achat présentes au niveau national telles que Backeurop France ("Backeurop"). La plupart des distributeurs français sont regroupés au sein de l'une des trois grandes centrales d'achat (qui ensemble couvrent plus de quatre cinquièmes du marché de la distribution), qui négocient les conditions d'approvisionnement (principalement les remises) au nom de leurs membres auprès des producteurs qui sont ensuite référencés par la centrale (chaque centrale référencie deux ou parfois trois fournisseurs).
(136) Les grands groupes de distribution n'ont pas de relations exclusives avec un fournisseur de levure unique. Les distributeurs finals sont libres de fixer les prix finals.
6.3.1.5 Cas antérieurs de collusion sur les marchés de la levure comprimée
(137) Un certain nombre d'autorités nationales compétentes en matière de concurrence a précédemment adopté des décisions relatives à des ententes sur le marché de la levure fraîche. Notamment, l'autorité française compétente en matière de concurrence a adopté, en 1989, une décision relative à un comportement collusoire illégal sur le marché français de la levure fraîche (76). A l'époque, le marché français se caractérisait par une structure duopolistique s'appuyant fortement sur les distributeurs et dont les deux opérateurs étaient Lesaffre et Gist-Brocades (l'ancienne GBI). Les principaux éléments sur laquelle cette décision se fondait étaient: a) la correspondance des prix, avec des augmentations de prix quasi-simultanées pour les boulangeries artisanales; b) Lesaffre était généralement la première société à annoncer ces augmentations de prix et c) des entreprises coordonnant leur comportement s'étaient engagées à une réaction ciblée lors de l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché de la levure fraîche. En l'espèce, des producteurs italiens et allemands avaient tenté d'entrer sur le marché français et Lesaffre, suivie par Gist-Brocades, avait instauré un système de représailles basé sur la suppression ou la réduction des frais de livraison.
(138) Un autre exemple plus récent concerne la découverte d'un comportement collusoire par l'autorité turque compétente en matière de concurrence (77) suite à laquelle des producteurs de levure de boulangerie se sont vus infliger des amendes pour entente présumée sur les prix et pour s'être répartis les clients. En particulier, les producteurs de levure avaient annoncé des augmentations de prix uniformes sans aucun lien avec des changements au niveau des coûts (78).
6.3.2 Effets coordonnés sur les marchés espagnol et portugais de levure comprimée
(139) Les éléments révélés par l'enquête considérée dans son ensemble indiquent à l'envi que l'élimination de GBI en tant qu'opérateur indépendant conjuguée à l'émergence d'une structure de marché quasi-duopolistique avec deux gros producteurs de levure comprimée aboutira plus que probablement à des effets coordonnés en Espagne et au Portugal.
(140) Par nature, la coordination tacite peut être difficile à prouver. Les ententes sur les prix ou sur le partage du marché contraires à l'article 81 du traité CE peuvent généralement être établies par des preuves physiques (la plupart du temps, des documents écrits). A contrario, la probabilité d'une coordination tacite est, ainsi que la Cour de Justice l'indique, " plus forte si les concurrents peuvent facilement parvenir à une perception commune de la manière dont doit fonctionner la coordination ". (79) La coordination tacite peut donc uniquement être inférée indirectement de l'observation et de l'interprétation adéquate du comportement effectif des opérateurs du marché à la lumière des conditions existantes du marché qui affectent leur capacité et leur envie de coordonner tacitement leurs actions. Cette approche se reflète dans le paragraphe 43 des Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (" Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales ") (80) qui s'énonce comme suit : : " lors de l'évaluation de la probabilité d'effets coordonnés, la Commission tient compte de toutes les informations pertinentes et disponibles quant aux caractéristiques des marchés concernés, notamment celles concernant la structure des marchés et le comportement passé des entreprises ".
(141) À cet égard, dans son récent arrêt rendu dans l'affaire " Sony/BMG contre Impala (81) ", la Cour de justice aux points 120-121, a jugé que :
" (120) S'agissant d'une allégation de création ou de renforcement d'une position dominante collective, la Commission est tenue d'apprécier, selon une analyse prospective du marché de référence, si l'opération de concentration dont elle est saisie aboutit à une situation dans laquelle une concurrence effective dans le marché en cause est entravée de manière significative par les entreprises parties à la concentration et une ou plusieurs entreprises tierces qui ont, ensemble, notamment en raison des facteurs de corrélation existant entre elles, le pouvoir d'adopter une même ligne d'action sur le marché (voir arrêt Kali & Salz, précité, point 221) en vue de profiter d'une situation de puissance économique collective, et cela sans que les concurrents actuels ou potentiels, ou encore les clients et les consommateurs, puissent réagir de manière effective ".
(121) De tels facteurs de corrélation incluent en particulier la relation d'interdépendance existant entre les membres d'un oligopole restreint à l'intérieur duquel, sur un marché ayant les caractéristiques appropriées, notamment en termes de concentration du marché, de transparence et d'homogénéité du produit, ils sont en mesure de prévoir leurs comportements réciproques et sont donc fortement incités à aligner leur comportement sur le marché, de façon à maximiser leur profit commun en augmentant des prix, en réduisant la production, le choix ou la qualité des biens et des services, en diminuant l'innovation ou en exerçant, d'une autre manière, une influence sur les facteurs de la concurrence. En effet, dans un tel contexte, chaque opérateur sait qu'une action fortement concurrentielle de sa part provoquerait une réaction de la part des autres, de sorte qu'il ne retirerait aucun avantage de son initiative ".
(142) En outre, au point 123 de ce même arrêt, la Cour de justice (reformulant le point 62 de l'arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire Airtours contre Commission (82)) affirmait également que
" (123) La probabilité d'une telle coordination tacite est plus forte si les concurrents peuvent facilement parvenir à une perception commune de la manière dont doit fonctionner la coordination, notamment des paramètres susceptibles de faire l'objet de la coordination envisagée. En effet, sans pouvoir arriver tacitement à une compréhension partagée des modalités de la coordination, les concurrents devraient éventuellement recourir à des pratiques prohibées par l'article 81 CE pour pouvoir adopter une ligne commune d'action sur le marché. En outre, compte tenu notamment de l'éventuelle tentation qui peut exister pour chaque participant à une coordination tacite d'en dévier afin d'augmenter son profit à court terme, il convient d'apprécier si une telle coordination est susceptible d'être durable. À cet égard, les entreprises qui coordonnent leur comportement doivent être capables de surveiller dans une mesure suffisante si les modalités de la coordination sont respectées. La transparence sur le marché devrait, dès lors, être suffisante pour permettre, notamment, à chaque entreprise concernée de connaître, de manière suffisamment précise et immédiate, l'évolution du comportement sur le marché de chacun des autres participants à la coordination.
De plus, la discipline impose qu'il existe une forme de mécanisme de dissuasion crédible qui puisse être mise en œuvre si un comportement déviant est détecté. En outre, les réactions d'entreprises qui ne participent pas à la coordination, telles que les concurrents actuels ou futurs, ainsi que les réactions des clients, ne devraient pas pouvoir remettre en cause les résultats attendus de la coordination ".
(143) La section relative aux effets coordonnés figurant dans les lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales explique, de manière systématique, l'approche analytique prescrite par les juridictions européennes. Conformément aux orientations données par la Cour de justice au point cité ci-dessus, les lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales identifient quatre conditions cumulatives visant à établir l'émergence probable et la durabilité d'un comportement coordonné : (a) les entreprises peuvent convenir tacitement des termes de la coordination, (b) il existe une transparence suffisante pour contrôler toute déviation potentielle ; (c) il existe des mécanismes de dissuasion et (d) les réactions externes ne peuvent pas porter atteinte au comportement coordonné.
(144) Il ressort de ce qui précède que l'on peut structurer l'évaluation des effets coordonnés de la concentration proposée en trois parties :
(a) Évaluation de l'existence des conditions du marché susceptibles de conduire à une coordination tacite
(b) Identification d'un possible mécanisme de coordination tacite et le degré prévisible de coordination tacite qui en résulte en l'absence de concentration
(c) Évaluation de la mesure dans laquelle la concentration entrave, de manière significative, la concurrence en facilitant, rendant plus stable ou plus efficace la coordination entre les trois entreprises concernées, soit en confortant la coordination préexistante, soit en permettant aux entreprises de se coordonner sur des prix encore plus élevés.
(145) Dans la première partie de l'analyse, plusieurs conditions structurelles du marché susceptibles de faciliter l'émergence et la durabilité de la coordination sont identifiées. Ces facteurs sont communs aux marchés portugais et espagnol. Selon la Cour de Justice dans l'affaire Sony/BMG contre Impala, "il y a lieu d'éviter une démarche mécanique consistant à vérifier séparément chacun desdits critères pris isolément, en ignorant le mécanisme économique global d'une hypothétique coordination tacite" (83). Dans la deuxième partie, la Commission évalue, pour chaque marché en cause, dans quelle mesure les conditions du marché facilitent la compréhension tacite entre Lesaffre, ABF et GBI ainsi que les conditions possibles d'une coordination, la surveillance et la dissuasion de comportements déviants et les raisons pour lesquelles les entreprises non participantes ne peuvent pas porter atteinte au degré de coordination tacite qui en résulte.
(146) Enfin, conformément à une jurisprudence constante, il appartient également à la Commission d'établir sur la base d'une analyse prospective, la mesure dans laquelle " la modification qu'apporterait à la structure [du marché pertinent] la réalisation de l'opération " " entrave, de manière significative, la concurrence en facilitant, stabilisant ou rendant plus efficace la coordination entre les entreprises concernées, soit en confortant la coordination préexistante, soit en permettant aux entreprises de se coordonner sur des prix encore plus élevés " (84). La troisième partie de cette section montre par conséquent que, sur les marchés espagnol et portugais de la levure comprimée et pour des raisons similaires, " la modification qu'apporterait à la structure [du marché en cause] la réalisation de l'opération " est susceptible d'entraver de manière significative une concurrence effective en facilitant, stabilisant ou rendant plus efficace la coordination entre les deux entreprises restantes soit en confortant la coordination préexistante, soit en permettant aux entreprises de se coordonner sur des prix encore plus élevés.
6.3.2.1 Caractéristiques structurelles entraînant une coordination tacite dans les marchés espagnol et portugais de la levure comprimée
6.3.2.1.1 Un nombre réduit de concurrents actifs dans les marchés concernés
(147) Selon la théorie économique, la probabilité de l'émergence d'un comportement coordonné est plus élevée lorsque le nombre d'entreprises nécessaires à sa durabilité est faible. Actuellement, il n'y a en effet que très peu d'opérateurs actifs en Espagne et au Portugal. Le degré de concentration C3, englobant ABF, GBI et Lesaffre, est dans les deux marchés de [3500 à 4000] ([90-100] % de parts de marché combinées) et de [3500 à 4000] ([90-100] % de parts de marché combinées), respectivement (voir Tableau 1). Par conséquent, les marchés espagnol et portugais peuvent être définis comme un oligopole comprenant trois opérateurs principaux et quelques opérateurs marginaux.
(148) La théorie économique fournit une base analytique solide à la thèse selon laquelle les prestataires confrontés à de nombreux concurrents rencontreront des contraintes au niveau de leur motivation et leur capacité à coordonner. Cela s'explique par plusieurs raisons.
(149) Premièrement, plus le nombre de parties prenantes est élevé, plus la coordination est difficile. Cela est particulièrement vrai lorsque la coordination repose uniquement sur une compréhension tacite des conditions de coordination. Par exemple, l'identification d'un " point de convergence " en termes de prix ou de parts de marché peut s'avérer difficile, notamment lorsque les entreprises ne sont pas symétriques et qu'elles ont, de ce fait, des motivations différentes.
(150) Deuxièmement, lorsque le nombre de concurrents augmente, chaque fournisseur aura tendance à voir diminuer son intérêt personnel à réduire la production dans le secteur qui est nécessaire pour augmenter artificiellement les prix du marché.
(151) Troisièmement, il peut s'avérer plus difficile de détecter et de sanctionner les violations d'un consensus lorsque les concurrents sont plus nombreux. Une violation commise par un seul vendeur a plus de chance de passer inaperçue étant donné qu'il est peu probable qu'elle ait un effet spectaculaire sur les prix. Si la violation du consensus n'affecte pas sensiblement les prix, les concurrents auront moins tendance à punir sévèrement son auteur. Et, lorsque les peines sévères deviennent moins probables, les remises risquent de devenir la stratégie préférée des vendeurs.
(152) De manière plus générale, vu que les entreprises doivent se partager le bénéfice global découlant de la coordination tacite, lorsque leur nombre augmente, la part de gâteau de chacune d'elles diminue. Cette situation engendre deux conséquences. Tout d'abord, l'avantage qu'une entreprise retire d'un comportement déviant augmente pour chacune desdites entreprises étant donné qu'en se soustrayant au comportement coordonné, une entreprise peut voler des parts de marché à l'ensemble de ses concurrents ; en d'autres termes, comme leur part de marché est plus petite, chaque entreprise gagnerait davantage en s'emparant de la totalité du marché. Deuxièmement, pour chaque entreprise, l'avantage à long terme du comportement coordonné est réduit, précisément parce qu'il obtient une part moindre du bénéfice total. Par conséquent, l'avantage à court terme d'un comportement déviant augmente, tandis que, dans le même temps, l'avantage à long terme de la coordination diminue. Il est donc plus difficile d'empêcher les entreprises d'adopter un comportement déviant.
(153) ABF, GBI et Lesaffre sont actuellement fortement présentes en Espagne et au Portugal et ne sont pratiquement pas menacées par l'entrée ou l'expansion de concurrents. Elles profitent, par conséquent, davantage d'une coordination d'un prix plus élevé et de la durabilité de cette dernière que d'une concurrence effrénée pour glaner les clients de l'autre et se disputer les parts de marché.
6.3.2.1.2 Interaction répétée
(154) Selon la théorie économique, une coordination tacite a peu de chances d'émerger en l'absence d'une interaction fréquente et répétée entre les opérateurs du marché. En tant que telle, l'interaction doit être relativement fréquente afin d'éviter tout retard au niveau de la détection dont les entreprises pourraient profiter pour adopter un comportement déviant sans être sanctionnées. Ceci implique également que les transactions devraient prendre la forme de nombreuses commandes fréquentes et de petite taille au lieu de commandes importantes et irrégulières. De la même façon, la coordination est peu probable lorsque les sociétés interagissent sporadiquement étant donné que les bénéfices à court terme liés au non-respect d'un prix tacitement coordonné ne pourraient alors être " punis " que dans un avenir lointain.
(155) L'enquête de marché a clairement révélé que le marché de la levure comprimée se caractérise par une fréquence d'interaction élevée entre fournisseurs, indirectement, via leurs distributeurs. Les trois entreprises concernées - ABF, GBI et Lesaffre - approvisionnent directement et régulièrement des clients ou des distributeurs. Leurs distributeurs approvisionnent à leur tour les artisans boulangers sur une base hebdomadaire, voire bi-hebdomadaire et feront rapport à leurs fournisseurs de levure.
6.3.2.1.3 L'élasticité de la demande de levure comprimée pourrait être faible
(156) Selon la théorie économique, les problèmes au niveau de la coordination sont plus sérieux lorsque la demande est inélastique étant donné qu'il devient plus avantageux de coordonner les comportements et de répercuter l'augmentation du prix sur les consommateurs. Lorsqu'elles établissent un prix, les entreprises doivent compenser le bénéfice généré par une augmentation des prix par la réduction des ventes entraînée par cette augmentation des prix. Lorsque l'élasticité de la demande est faible, les entreprises peuvent se permettre de maintenir des prix élevés sans perdre trop de clients.
(157) L'enquête a révélé que la demande de levure comprimée est relativement inélastique.
Les raisons principales en sont le suivantes :
(a) la levure est un ingrédient nécessaire dans la production de produits de boulangerie et elle n'est pas significativement substituable. Ceci est de nature à laisser peu de place à la négociation, surtout dans le secteur de la boulangerie artisanale étant donné que la taille des entreprises y est relativement petite. Par conséquent, la production des boulangeries artisanales repose entièrement sur une livraison de levure régulière;
(b) la levure fraîche est un ingrédient périssable et a une durée de conservation limitée (de 30 à 45 jours pour la levure comprimée), étant donné que sa qualité se détériore inexorablement avec le temps. Ceci rend le stockage et l'entreposage relativement chers et incommodes, surtout pour les petits artisans boulangers. L'enquête a confirmé une préférence du client pour la levure fraîche et une livraison hebdomadaire (et parfois bi-hebdomadaire);
(c) par rapport à d'autres ingrédients, la levure reste un facteur de coût négligeable dans la production de produits de boulangerie (oscillant entre 3% et 10%).
(158) Tous ces facteurs considérés dans leur ensemble indiquent clairement que l'élasticité de la demande est relativement faible sur le marché de la levure comprimée.
6.3.2.1.4 Des barrières élevées à l'entrée et à l'expansion sur le marché
(159) La durabilité de la coordination tacite est compromise si les barrières à l'entrée sur le marché sont peu importantes. Tout d'abord, en l'absence de telles barrières, toute tentative visant à maintenir des prix supra compétitifs entraînerait l'entrée d'un concurrent (par exemple, les stratégies d'entrée à court terme ou de type " entrée sortie éclair "), ce qui éroderait la rentabilité de la collusion. Deuxièmement, la perspective d'une entrée future tend à réduire l'éventail des représailles, ce qui, à son tour, limite la durabilité de la collusion. L'idée de base est que les entreprises ont moins à perdre de représailles futures si l'entrée sur le marché d'une nouvelle entreprise est, de toute façon, inévitable. Plus exactement, la perspective d'une entrée future sur le marché n'affecte pas l'avantage à court terme qu'une entreprise peut retirer d'un comportement déviant mais elle réduit le coût potentiel de ce dernier en termes de bénéfices futurs prévisibles. En effet, les représailles prises à l'encontre d'une entreprise déviante sont moins significatives en cas d'entrée sur le marché étant donné que cette dernière compromet les bénéfices quel que soit le comportement passé des entreprises en place. Les entreprises sont alors plus enclines à se soustraire aux prix collusifs et la capacité à adopter un comportement collusoire diminue donc lorsque le risque d'entrée sur le marché augmente.
(160) La partie notifiante fait observer qu'il n'y a pas de barrières à l'entrée sur le marché au niveau de la production et de la vente de levure comprimée en Espagne et au Portugal (85). Toutefois, l'enquête de marché a abondamment réfuté cette affirmation. Une entrée ex nihilo réussie ou une expansion sur les marchés concernés à partir d'autres zones géographiques nécessite un accès au système de distribution local, avec des vendeurs locaux et des marques reconnues.
(161) L'enquête de marché révèle que tant les boulangers industriels que les artisans boulangers accordent une grande importance à la qualité des levures ainsi qu'à la fiabilité des approvisionnements. À cet égard, et en particulier au niveau des artisans boulangers, les marques jouent un rôle important dans les trois marchés géographiques de la levure comprimée étant donné qu'elles permettent aux artisans boulangers d'identifier l'origine de la levure et qu'elles en attestent la qualité. La reconnaissance de la marque constitue, dès lors, un obstacle à l'entrée sur le marché, plus particulièrement en ce qui concerne la fourniture de levure aux artisans boulangers étant donné que les marques constituent des indicateurs de la qualité et de la fiabilité du produit. Alors qu'en France les marques les plus réputées et les marques dites de premier prix sont davantage segmentées, les écarts de prix entre les grandes marques établies ne sont pas aussi prononcées en Espagne et au Portugal. Cela étant, les écarts de prix entre les marques des producteurs établis et celles des opérateurs plus marginaux sans grande notoriété ni réputation y demeurent importants. Une nouvelle marque d'un fournisseur traditionnellement peu connu sur le marché ne pourrait s'imposer que si le produit était commercialisé à très bas prix afin de convaincre les clients les plus sensibles aux prix de changer de produit.
(162) En outre, le besoin d'une force de vente locale établie conjugué à un réseau de distribution constitue un obstacle important à l'entrée sur le marché de concurrents non établis (86). Les concurrents ont expliqué qu'il serait très difficile de se développer de manière significative sans force de vente locale active. En Espagne et au Portugal, les distributeurs sont généralement plutôt petits et ne disposent pas de personnel technique de sorte qu'il faille, non seulement disposer d'une force de vente locale pour établir et développer des relations avec les distributeurs, mais également offrir l'assistance technique nécessaire pour aider lesdits distributeurs dans leurs relations avec leurs clients artisans boulangers.
(163) Par ailleurs, la nécessité de développer le réseau de distributeurs constitue un sérieux obstacle à l'entrée au Portugal et en Espagne, où l'essentiel de la levure comprimée est achetée par les artisans boulangers auprès de leurs distributeurs locaux. Les distributeurs y sont généralement de très petites entreprises, à vocation locale ou régionale et desservant bien souvent leurs clients artisans depuis plusieurs générations. De plus, les distributeurs ne distribuent en principe que la levure d'un seul fournisseur, avec lequel ils entretiennent une relation exclusive de fait ou formelle. L'enquête sur le marché a montré que les distributeurs étaient très loyaux à l'égard de leurs fournisseurs de levure (87), même en l'absence de contrats de distribution écrits pour bon nombre d'entre eux (ce qui confirme l'existence de relations traditionnelles fondées sur une confiance mutuelle qui s'est établie au fil des années). La mise en place d'un réseau de distribution d'une plus grande ampleur prendrait dès lors énormément de temps pour un nouvel entrant sur les marchés espagnol et portugais. L'absence d'une force de vente établie a également été citée par la plupart des distributeurs et des concurrents lors de l'enquête de marché comme constituant un obstacle à l'entrée d'un nouveau fournisseur sur le marché.
(164) L'importance de la reconnaissance de la marque et la nécessité de développer un réseau de distribution efficace et fiable ont été confirmées aussi bien par les producteurs de levure de boulangerie (88) que par les distributeurs portugais et espagnols, notamment en ce qui concerne l'éventualité de se voir, à l'avenir, approvisionnés par d'autres fournisseurs de levure que Lesaffre et les parties à la concentration.
(165) Des opérateurs tels que Pakmaya (Turquie) et Somadir (Maroc) entrent et quittent sporadiquement les marchés mais sont réputés peu fiables et ne sont pas suffisamment implantés dans les marchés (89). En général, les distributeurs ne considèrent pas ces opérateurs comme de véritables alternatives en raison des problèmes de fiabilité et de qualité rencontrés (90). En effet, de légères modifications au niveau de la qualité peuvent avoir une influence considérable sur le produit final. De nombreux distributeurs, par exemple, ont refusé la levure offerte par des producteurs turcs comme étant de qualité inférieure (91). Il s'ensuit que, dans un marché traditionnel comme le segment de l'artisanat, la plupart des clients ont souligné que cela peut prendre beaucoup de temps à un nouvel entrant comme ces opérateurs pour se forger une réputation de fiabilité en ce qui concerne un ingrédient considéré comme critique.
(166) En résumé, les barrières à de nouvelles entrées sont significatives et la réussite d'une entrée ou d'une expansion sur le marché nécessite d'avoir accès à un système de distribution local, avec des vendeurs locaux et des marques reconnues. En outre, les nouveaux entrants dans ces zones géographiques doivent se forger une réputation quant à la qualité de leur produit et à la fiabilité des approvisionnements.
6.3.2.1.4.1 Aucune entrée ex nihilo n'est prévue dans un future proche
(167) Il est hautement improbable que de nouvelles usines soient construites dans un pays d'Europe occidentale au cours des prochaines années. D'après la communication de la partie notifiante, l'investissement nécessaire pour construire une nouvelle installation de production de levure d'une capacité de 25 000 à 35 000 tonnes de levure fraîche serait de [20-30]* à [30-40]* millions d'euro; cette installation pourrait voir le jour dans un délai de [10-20]* à [20-30]* mois et être entièrement opérationnelle au terme d'une autre période de [1-5]* à [5-10]* mois. Toutefois, très peu d'usines ont été construites en Europe occidentale au cours de ces dernières décennies et plusieurs problèmes environnementaux de taille sont apparus, notamment au niveau du traitement des eaux usées.
(168) En effet, une seule usine a été construite en Europe occidentale au cours des 10 dernières années, - celle de Puratos (17 kt) construite en 2000 (92). ABF fait également référence à une nouvelle usine actuellement érigée par Lesaffre à Valladolid, en Espagne. Néanmoins, il ne s'agit que d'une relocalisation du centre-ville à un autre emplacement moins central dans la même ville. D'autres concurrents ont, par ailleurs, confirmé que, dans la situation actuelle d'un marché saturé, la construction d'une nouvelle usine est difficile et hautement improbable. En fait, aucun des concurrents n'a indiqué avoir l'intention de construire de nouvelles usines en Europe, créant de nouvelles capacités sur le marché.
(169) À dire vrai, la tendance opposée s'observe sur le marché, c'est-à-dire la diminution du nombre d'usines de production de levure en Europe. Outre l'activité "levure" de GBI Holding elle-même, qui a fermé deux de ses usines en France et au Portugal ces dernières années et qui a consolidé cette production dans son usine de Casteggio, en Italie, plusieurs autres usines de levure ont également été fermées depuis 2002 au sein de l'EEE. Cela concerne des usines de Lessafre en Autriche (2002), en République tchèque (2006), à Trento (2006, consolidée avec l'usine de Parme), ainsi que de l'usine polonaise de Lallemand établie à Lublin (acquise et fermée en 2006) (93) - l'enquête et les caractéristiques du marché ont révélé que ces fermetures découlaient essentiellement de considérations liées à la consolidation et à la rentabilité.
(170) Cette consolidation d'usines de plus petite taille en structures plus importantes donne à penser qu'il s'agit d'un secteur où les économies d'échelle jouent un rôle significatif, comme cela fut effectivement indiqué par la plupart des concurrents lors de l'enquête (94). En fait, Gilde, le propriétaire de GBI, a lui-même qualifié d'obstacle à l'entrée (95) cette nécessité de jouer sur les économies d'échelle. Ceci, à son tour, diminue les perspectives de voir de nouveaux entrants faire leur apparition sur les marchés concernés. Au vu de la possibilité de réaliser des économies d'échelle importantes caractérisant la production de levure, les entrants peuvent douter de leur capacité à gagner suffisamment de parts de marché pour justifier leur entrée sur le marché, même lorsque les prix, tels que pratiqués avant leur entrée, sont élevés et ce, d'autant plus que si l'ampleur de leur entrée est nécessairement importante, il est à craindre qu'elle ait un impact négatif sérieux sur les prix. Ces effets dissuaderont l'entrant de franchir le pas dans la mesure où certains frais d'entrée sont irrécupérables, alors que, d'autre part, l'absence de réseaux de distribution établis dans les relations commerciales traditionnelles avec les artisans boulangers et le manque de notoriété et de réputation d'une marque dissuaderaient les clients de quitter l'entreprise historique au profit du nouvel entrant. De plus, étant donné que la demande est relativement stable, tout nouvel entrant potentiel est confronté à la difficulté supplémentaire d'attirer des clients des fournisseurs existants (96).
(171) L'on peut en conclure qu'au vu des conditions du marché, de l'importance des économies d'échelle sur ces marchés, et, surtout, du manque manifeste d'intentions des concurrents de construire de nouvelles usines et de mettre ainsi sur le marché de nouvelles capacités, l'entrée sur le marché via la construction d'une nouvelle usine de levure dans la région plus vaste de l'Europe du Sud-Ouest, notamment en France, en Espagne et au Portugal, est hautement improbable. En tout cas, au regard des obstacles réglementaires pesant sur l'identification d'un site adéquat, il est clair que, outre le manque d'incitations économiques, il est plus qu'improbable qu'un des concurrents figurant dans le Formulaire CO fasse son entrée sur les marchés analysés de manière suffisamment rapide et durable pour prévenir ou contrecarrer l'exercice d'un pouvoir de marché par l'entité résultant de la fusion.
(172) Un autre moyen d'entrée potentiel sur le marché consiste, selon la partie notifiante, à passer par l'acquisition d'installations de production existantes. ABF mentionne Lallemand, un important producteur de levure établi aux USA et au Canada, comme ayant poursuivi cette stratégie consistant en l'achat d'usines existantes en Europe. Toutefois, il existe très peu d'usines indépendantes dans la région plus vaste de l'Europe du Sud-Ouest (seule l'usine Zeus de Florence n'est pas actuellement détenue par Lesaffre, GBI ou ABF). La partie notifiante n'indique pas que de telles usines pourraient être achetées par un nouvel entrant dans cette zone géographique et elle ne fournit aucune information suggérant qu'un tel achat est probable.
6.3.2.1.4.2 Capacité limitée des concurrents existants ou potentiels sur les marchés voisins d'étendre leurs infrastructures pour approvisionner l'Espagne ou le Portugal
(173) La partie notifiante fait observer que les concurrents existants et potentiels exercent une pression concurrentielle sur les entreprises historiquement en place en Espagne et au Portugal. Les concurrents marginaux pourraient entrer ou développer leur présence par le biais d'un commerce transfrontalier en utilisant les usines qui approvisionnent actuellement d'autres régions d'Europe (97).
(174) Selon la partie notifiante, ceci est possible, soit en utilisant la marge de production inemployée, soit en détournant les approvisionnements actuels d'autres zones géographiques vers l'Espagne et/ou le Portugal. ABF avance, en outre, que pour calculer les marges de production inemployée, il faudrait prendre en compte l'actuelle marge de production inemployée et la capacité utilisée pour la production de levure sèche dans un certain rayon autour des marchés concernés.
(175) S'il est possible de quelque peu ré-optimiser la gamme de produits constituée de levure liquide, de levure comprimée et de levure sèche dans certaines usines en réponse à des variations de marché temporaires, le transfert de production plus permanent de la levure sèche à la levure comprimée demandera des investissements supplémentaires en termes de capacités d'extrusion, de filtrage et de conditionnement.
(176) Par ailleurs, certains coûts d'opportunité découlant de la non-vente de levure sèche sont inévitables, puisque, pour qu'il y ait une motivation suffisante pour opérer le changement, le producteur en question doit réaliser une marge nettement supérieure sur la vente de levure comprimée et, à cet égard, la partie notifiante ne peut pas étayer ses déclarations en déclarant simplement que " les fournisseurs de levure livreront le produit dont ils peuvent tirer le meilleur rapport " (98).
(177) ABF ne fait référence qu'aux tendances générales mondiales qui indiquent qu'il pourrait y avoir un changement de la production de levure sèche au profit de la levure comprimée à l'avenir, au vu de la tendance des taux de change actuels et de la construction d'un certain nombre de nouvelles usines de levure sur d'autres marchés comme la Russie, la Chine et le Kazakhstan. Toutefois, parmi les marchés cités, seul le dernier est mentionné par ABF comme étant approvisionné par une usine établie en France (Lesaffre). En outre, les documents internes d'ABF montrent qu'il s'agit de marchés où la demande de levure sèche connaît une forte croissance ([...]*), de sorte que la production locale dans ces pays devrait être écoulée sur ces marchés.
(178) ABF n'a fourni aucun rapport ou plan établissant qu'une telle motivation de passer de la levure sèche à la levure comprimée existait.
(179) Enfin, même si les capacités de production de levure sèche étaient calculées afin de déterminer les capacités de marge de production inemployée de la levure comprimée, le fait est que ceci ne changerait pas de manière significative le scénario évoqué dans le tableau 2 dans la zone géographique considérée, étant donné que seuls ABF, Lesaffre et Puratos produisent de la levure sèche. L'enquête n'a mis en lumière aucun élément donnant à penser que Lesaffre ou Puratos envisagent de modifier leur gamme de production en passant de la levure sèche à la levure fraîche. La Commission considère au regard de tous ces motifs qu'il est peu probable que les producteurs de levure sèche aient la capacité ou la motivation de changer leur production et d'opter pour la levure comprimée.
(180) Comme la partie notifiante le reconnaît, des considérations similaires s'appliquent à l'entrée en Espagne et au Portugal de la levure comprimée provenant d'autres régions géographiques. Toutefois, il convient de tenir compte du coût d'opportunité des ventes aux endroits où les producteurs opèrent actuellement, par exemple en Allemagne. En outre, lorsque les producteurs éloignés ne disposent pas d'une présence locale établie, en termes de réseaux de distribution, de notoriété et de force de vente, et qu'ils doivent donc proposer des prix nettement inférieurs, ils se trouvent pénalisés par les coûts de transport qu'ils doivent supporter, supérieurs à ceux générés par l'approvisionnement de zones relativement plus proches de leurs usines de production.
(181) Les coûts de transport ont été cités par la plupart des concurrents au cours de l'enquête comme étant un facteur très important à prendre en considération pour pénétrer sur des marchés plus éloignés. En fait, on observe que les producteurs de levure essaient d'abord de desservir les marchés qui sont relativement proches de leurs sites de production, afin de tirer parti de leur avantage en matière de frais de transport, en plus de s'appuyer sur la présence généralement historique des fournisseurs dans leur région d'origine. Plus la région est éloignée de l'usine, moins elle est intéressante à approvisionner par transport réfrigéré. Comme l'a fait remarquer un concurrent, "la marge se fait littéralement 'sur la route'" et elle influence directement la compétitivité par rapport aux producteurs locaux (99). Toutefois, si les coûts de transport sont un facteur très important à prendre en compte dès lors que l'on envisage de pénétrer sur un marché éloigné, il apparaît que, pris isolément, ils ne constituent pas un obstacle insurmontable susceptible de dissuader un fournisseur de transporter ses produits sur une plus grande distance. C'est ce que démontrent les livraisons de GBI vers l'Espagne et le Portugal à partir de sites de production éloignés (son usine de Casteggio : les économies réalisées en centralisant la production dans une seule grande usine compensaient apparemment suffisamment les coûts de transport supplémentaires pour que GBI décide de délocaliser sa production du Portugal vers Casteggio, en 2001-2002). Les coûts de transport, qui ne sont pas prohibitifs en soi, ainsi que le montre l'exemple de GBI, seront pris en compte au même titre que d'autres obstacles à l'entrée liés à la nécessité d'établir une présence locale en termes de réseaux de distribution, de réputation et de reconnaissance des marques, ainsi que de force de vente, particulièrement sur des marchés traditionnels comme l'Espagne et le Portugal. Au contraire de nouveaux entrants provenant de régions éloignées, GBI a profité de sa position déjà bien établie sur le marché, de sorte qu'elle a pu maintenir une présence forte dans le segment de la distribution malgré l'éloignement de la source d'approvisionnement. Cela étant, il est néanmoins considéré que les coûts de transport jouent un rôle important dans la décision de se lancer sur un nouveau marché.
(182) ABF prétend qu'il est possible d'assurer le transport de la levure comprimée dans un rayon pouvant aller jusqu'à 4 000 km à partir du dépôt de GBI à Barcelone, faisant valoir que les marchés espagnol et portugais sont attractifs même pour les producteurs très éloignés. Si l'on examine les distances, on s'aperçoit que les livraisons de levure comprimée à partir de Casteggio, Córdoba ou Setubal vers des destinations éloignées de plus de 4 000 km sont extrêmement rares, voire inexistantes. En effet, sur de telles distances, les coûts de transport seraient très élevés (100).
(183) Concernant les concurrents plus proches, à savoir Lallemand, ABF affirme qu'il a la capacité et serait tenté, en cas d'augmentation des prix, d'approvisionner tant le Portugal que l'Espagne (101). ABF fonde cette conclusion sur une analyse du pourcentage des coûts de transport par rapport au prix final facturé, en calculant la différence au niveau des coûts par rapport à la distance parcourue, d'un point à un autre (102). Toutefois, cette analyse est beaucoup trop simpliste et ne tient pas compte des autres obstacles à l'entrée, examinés ailleurs dans la présente section, que ce concurrent ou tout autre nouvel arrivant devrait surmonter pour établir une présence raisonnable en Espagne et au Portugal. Un concurrent éloigné serait toujours relativement défavorisé en termes de coûts de transport et, en l'absence d'une présence établie auprès des distributeurs et clients finals espagnols et portugais, il serait très vulnérable aux attaques des opérateurs historiques puissants défendant leur marché traditionnel. En outre, ainsi qu'il est montré dans les considérants suivants, Lallemand, tout comme d'autres concurrents (potentiels) plus petits sur les marchés espagnol et portugais dotés d'usines implantées à une distance raisonnable de la péninsule Ibérique, ne dispose que d'une faible marge de production inemployée qui lui permettrait d'approvisionner ces marchés, à la différence des trois opérateurs historiques.
(184) À la lumière des éléments de preuve disponibles, il est considéré, aux fins de la présente décision, qu'une distance incrémentale de 2 500 km par rapport à la péninsule Ibérique représente l'extrême limite raisonnable de l'espace couvert par les usines de levure qui peuvent être considérées comme ayant potentiellement la capacité et la tentation d'approvisionner le Portugal et l'Espagne (103). Par ailleurs, il convient de considérer que ce calcul fait référence à une distance incrémentale de 2 500 km à partir du dépôt de GBI situé à Barcelone, de sorte que les distances à parcourir pour les autres régions occidentales du Portugal et de l'Espagne seraient encore plus élevées.
(185) Par conséquent, il est considéré que les marges de production inemployées à prendre en compte dans la présente analyse sont celles figurant au tableau 2 :
<emplacement tableau>
(186) Dans cet univers des usines de levure, Asmussen, Zeus, Indawisa, Lallemand et Puratos présentent un montant total (cumulé) de marge de capacité de production inemployée de 7,8 k. En considérant qu'en 2007, la taille de l'ensemble du marché de levure comprimée est de 46 kt en Espagne et de 14,5 kt au Portugal, il semble que les capacités des concurrents, même pris dans leur ensemble et en supposant, sur la base d'un scénario extrême, que la totalité de leurs capacités inemployées, cumulées, soit destinée à l'Espagne et au Portugal (et non à d'autres régions plus proches), ne pourraient couvrir qu'une petite proportion (moins de 13 %) du marché et ne pourraient donc qu'exercer une pression concurrentielle négligeable sur les trois opérateurs historiques.
(187) En outre, il faut souligner que, même en cas d'évolution du marché, improbable, appelant une augmentation des approvisionnements, ABF dispose actuellement de [...]*, GBI de [...]* et Lesaffre de [...]* de marge de capacité de production inemployée et de [...]* si l'on ne tient pas compte de l'usine de Felixstowe (ainsi qu'il ressort du tableau 2). Les deux parties disposent donc d'une marge suffisante pour développer leurs ventes en Espagne ou au Portugal, prenant ainsi les devants pour empêcher toute nouvelle entrée ou expansion possible de concurrents.
6.3.2.1.5 Degré élevé d'homogénéité du produit
(188) Selon la théorie économique, une grande homogénéité du produit peut être un facteur facilitant le contrôle, dans la mesure où l'homogénéité implique souvent l'existence de chocs communs de la demande sur les marques de différents fournisseurs. Comme les trois opérateurs historiques utilisent une technologie similaire parvenue à maturité et fournissent tous de la levure destinée aux mêmes applications (surtout du pain et d'autres produits de boulangerie), il est possible que la production de levure comprimée des différents fournisseurs soit influencée et réagisse de façon similaire aux chocs exogènes de l'offre et de la demande, ce qui aurait tendance à augmenter la capacité d'anticipation du comportement des concurrents, et donc le contrôle des comportements déviants.
(189) Dans ce contexte, il faut souligner que certains opérateurs ont été jusqu'à qualifier la levure comprimée de marché de matières premières. Le produit est relativement homogène, en particulier pour la levure des fournisseurs jouissant d'une réputation établie sur un marché national donné.
(190) S'il existe une certaine différenciation des marques, chaque fournisseur ne commercialise qu'un nombre limité de marques au Portugal et en Espagne. Comme expliqué précédemment, les marques sont, la plupart du temps, utilisées pour avoir une meilleure notoriété et permettre au producteur de jouir de sa réputation en termes de service et de fiabilité. Les marques permettent également de faire la distinction entre deux types de segments de consommateurs finals sur la base du prix et du conditionnement.
(191) Dans tous les cas, les marques et types de conditionnement différents actuellement vendus sur le marché de la levure comprimée au Portugal et en Espagne sont peu nombreux. De fait, chacun des trois principaux opérateurs couvre presque la totalité de sa demande de levure comprimée en n'utilisant que 3 à 4 marques dans chaque État membre. Le conditionnement de la levure comprimée est très similaire, avec des emballages de poids et de taille identiques: la majorité se compose de 20 blocs de 1/2 kg chacun et de sacs de 25 kg. Le produit lui-même présente peu de différence qu'il provienne d'ABF, de Lesaffre ou de GBI pour ce qui est des principaux aspects de concurrence qui importent aux yeux des acheteurs, à savoir la qualité, la durée de conservation, la disponibilité et le service après-vente. On peut dès lors en conclure que la levure comprimée est plutôt homogène parmi les fournisseurs et est donc soumise aux chocs de l'offre et de la demande tels qu'expliqués ci-dessus.
6.3.2.1.6 Transparence du marché au niveau des prix finals, des volumes et de la capacité des concurrents
(192) Le manque de transparence des prix et des ventes n'empêche pas nécessairement la coordination tacite mais rend son maintien plus difficile et limite sa portée. Ceci s'explique par le fait que lorsque les ventes d'une entreprise chutent au cours d'une période donnée, cette situation peut être due à la " malchance " (choc négatif de la demande), ou parce qu'un autre acteur du marché a " triché ou a dévié " (non-respect du prix concerté). Cela revient à dire que plus un marché est transparent, plus les opérateurs de ce marché sont en mesure de contrôler toute violation de la politique commune et plus les chances de durabilité de la coordination tacite augmentent.
(193) Le marché de la levure comprimée peut être considéré dans l'ensemble comme relativement transparent au niveau des prix pratiqués par les concurrents. Des entrevues avec des opérateurs du marché ont révélé que les producteurs de levure sont relativement bien informés des prix de la concurrence. Puratos déclare que "l'annonce d'une augmentation de prix de la concurrence se répand très vite dans le secteur. Les clients commencent à comparer les prix et demandent de nouvelles offres. L'augmentation des prix due à l'augmentation des prix des entrants peut être vérifiée dans la presse. Le secteur de la boulangerie est couvert par de nombreux journaux" et Indawisa confirme que "les informations relatives aux prix et aux augmentations de prix circulent sur le marché et se répandent comme une traînée de poudre" (104). L'enquête menée au niveau des distributeurs au Portugal et en Espagne confirme ces déclarations.
(194) Non seulement les prix sont très transparents, mais c'est également le cas d'autres aspects de la concurrence, notamment les capacités. Les parties ont pu réunir des données de capacité de tous les sites de production et de tous les concurrents au sein de l'EEE et en Turquie. Elles laissent entendre que ces données sont le fruit de leur propre veille commerciale. Même si les chiffres ne correspondent pas toujours exactement aux données fournies par les concurrents lors de l'enquête de marché, la précision générale et les détails relatifs à la capacité des concurrents par rapport à leur propre capacité (en général, mais également la capacité actuelle de production des trois types de levure différents) reste frappante et indique un degré de transparence très élevé dans ce domaine. Le fait que les chiffres relatifs à la capacité et aux rythmes de production soient transparents dans le secteur a également été confirmé par un certain nombre de concurrents.
(195) En outre, le processus conduisant au changement de propriété de l'activité "levure" de GBI Holding au cours des cinq dernières années, passant de Gist-Brocades à Gilde et aujourd'hui à ABF et Lesaffre a amené la plupart des concurrents, y compris Lallemand et Puratos, à réaliser des enquêtes préalables sur les actifs de GBI Holding, acquérant ainsi une connaissance détaillée des usines de production de GBI Holding (105).
(196) Dans l'ensemble, la transparence du marché est plutôt élevée dans le secteur. Comme le confirme Lallemand, "le marché de la levure est un secteur de petite taille et très poreux. Les gens se connaissent par le biais des principaux fournisseurs (équipement, mélasse) ainsi que par les clients (dans leurs négociations de prix, les fournisseurs (principalement) industriels se servent souvent des différentes offres proposées par les concurrents). D'anciens employés passent parfois à la concurrence et certains membres de petites entreprises 'indépendantes' se sont déjà rencontrés lors de projets de recherche auxquels ils ont coopéré et dont ils ont partagé les coûts. Certains concurrents sont même invités à visiter l'usine d'un autre concurrent à l'initiative de certains fournisseurs d'équipement désireux de montrer un appareillage particulier" (106).
(197) Dans ce contexte, les distributeurs et les fournisseurs expliquent également qu'il faut moins de deux mois pour découvrir au profit de qui un client a été perdu. "Puratos explique qu'il faut deux mois au commercial pour découvrir au profit de qui ses clients industriels l'ont quitté" (107). Il n'est pas rare qu'un distributeur visite l'atelier de clients artisans. S'agissant des prix, le fournisseur sera informé de la variation de consommation et de l'identité du "voleur" en raison de l'obligation/la pratique de compte rendu incombant au distributeur. À cet égard, les forces de vente locales semblent être un atout fondamental: "Lallemand perçoit bien ce qui se passe sur le marché dans les pays où il dispose d'une force de vente locale. Les marchés de la levure sont transparents si vous entretenez une bonne veille commerciale grâce au personnel sur le terrain; il n'est pas si difficile d'obtenir les prix des concurrents (par exemple, il arrive que les boulangers montrent même les factures qu'ils payent aux concurrents) ou de déterminer vers qui le client est allé. Les clients fournissent souvent ce type d'information dans le cadre des négociations de prix avec d'autres fournisseurs pour bénéficier d'un prix plus avantageux. Lallemand pense que les commerciaux n'ont pas trop de difficultés à surveiller le comportement des clients en termes de variations des quantités d'achats" (108).
(198) Comme expliqué en détail dans les sections correspondantes ci-dessous, les marchés nationaux montrent également des éléments indiquant une transparence importante du marché en ce qui concerne les prix et les volumes, particulièrement en Espagne et au Portugal, surtout si l'on tient compte du rôle des distributeurs dans ces deux pays.
6.3.2.1.7 Risque très limité de saut d'innovation
(199) La coordination tacite est plus facile à maintenir dans les marchés arrivés à maturité où l'innovation joue un moindre rôle que sur les marchés tirés par l'innovation. Un choc technologique qui surviendrait du côté de l'offre aurait pour effet de déstabiliser la coordination étant donné que cette situation entraînerait un découplage des motivations entre les nombreux opérateurs désireux d'exploiter leurs innovations technologiques. Par conséquent, il s'agit d'un facteur important pour apprécier si la coordination constitue un problème sérieux.
(200) Sur le marché, le sentiment général est que la technologie relative à la fabrication de levure est arrivée à maturité. Le processus de production de base décrit ci-dessus n'a pas changé depuis des décennies. Il y a de la place pour l'innovation du processus et pour l'apport d'améliorations marginales à la technologie de conditionnement. Toutefois, aucun des opérateurs du marché ne s'attend à observer un saut technologique de l'ordre de celui observé sur les marchés plus dynamiques ou de haute technologie, qui pourrait menacer la position établie des entreprises historiques sur les marchés concernés (ou ailleurs), ABF, GBI et Lesaffre.
(201) La recherche et développement est un aspect relativement mineur de l'activité de production de la levure et ABF a démontré qu'en dépit de l'existence de certains brevets, il existe un certain nombre de méthodes concurrentes pour réaliser des produits et arriver à des résultats équivalents (109). Dernièrement, quelques nouveaux produits sont apparus sur le marché (comme la levure liquide dans les briques Tetrapak de GBI et Kastalia de Lesaffre). Toutefois, toutes les données recueillies lors de l'enquête ainsi que les entrevues réalisées ont révélé qu'ils ont eu un impact mineur sur le marché (voir considérant (30)).
6.3.2.1.8 Contacts multi-marchés étendus
(202) Les contacts multi-marchés font référence à des situations où les entreprises interagissent sur plus d'un marché à la fois. Les contacts multi-marchés peuvent en particulier atténuer les asymétries de marché, par exemple, si chaque entreprise détient un avantage compétitif majeur sur un marché (qui pourrait comprendre une zone géographique d'un seul marché de produits). À cet égard, des contacts multi-marchés étendus facilitent pour les entreprises un comportement coordonné durable.
(203) ABF, GBI et Lesaffre se rencontrent actuellement sur plusieurs marchés en plus de celui de la levure comprimée au Portugal et en Espagne. En particulier, ces trois opérateurs sont largement présents sur un nombre important de marchés géographiques, non seulement en Europe, mais également à travers le monde, aussi bien pour la levure sèche et la levure comprimée que pour d'autres ingrédients de boulangerie. Il convient également de noter que la vente d'une partie des actifs de GBI à ABF et une autre à Lesaffre aboutira à une position plus symétrique des deux opérateurs au niveau mondial (voir également le point 6.2).
(204) En règle générale, il est possible que les conditions du marché ou des incitants facilitant un comportement coordonné puissent être moins efficaces au sein de certains marchés géographiques. Par exemple, la demande pourrait connaître une croissance rapide sur un marché géographique donné et une croissance lente sur un marché voisin. Il se peut également que, sur un marché, les entreprises puissent observer (ou répondre plus rapidement à) une "tricherie" et donc sanctionner plus rapidement. Dans ces cas, il existe une série de paramètres qui facilitent et induisent une coordination tacite sur les deux marchés par contacts multi-marchés, alors qu'en l'absence de ces contacts, cette coordination tacite serait comparativement plus difficile à maintenir sur un seul marché. De la même façon, la coordination tacite sur un marché peut favoriser l'efficacité et la durabilité de la coordination tacite sur un marché adjacent desservi par les mêmes opérateurs (110).
(205) Dans le contexte particulier de la présente affaire, le fait que les conditions du marché favorisent une coordination sur le marché espagnol peut également faciliter la coordination au Portugal, et vice-versa. En effet, Lesaffre détient [...]* de marge de capacité de production inemployée en Espagne, à Valladolid (voir le tableau 2), non loin de la frontière portugaise, et cette capacité correspond approximativement à [une proportion importante]* du marché total de la levure comprimée au Portugal. En outre, du fait de sa présence déjà établie au Portugal, Lesaffre ne rencontre virtuellement aucun des obstacles à l'entrée ou à son expansion mentionnés au point
6.3.2.1.4. Toutefois, dans la mesure où Lesaffre bénéficie sans doute d'un certain degré de coordination tacite en Espagne, l'entreprise risque de voir ses efforts pour étendre sa présence au Portugal entraîner une concurrence plus rude en Espagne. En effet, la taille du marché portugais est relativement faible par rapport à celle de son voisin espagnol, qui peut revêtir une importance beaucoup plus grande pour Lesaffre. Le mécanisme effectif de coordination tacite et les effets de la fusion notifiée sont évoqués pour chaque marché séparément dans les prochaines sections.
6.3.2.2 Le marché espagnol de la levure comprimée
6.3.2.2.1 Mécanisme de coordination tacite
6.3.2.2.1.1 Capacité à s'entendre sur les termes de la coordination
(206) Selon les lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales: "La coordination peut revêtir plusieurs formes. Sur certains marchés, la forme la plus probable peut être le maintien des prix à un niveau supra concurrentiel. Sur d'autres, la coordination peut viser à limiter la production ou la quantité de nouvelles capacités mises sur le marché. Les entreprises peuvent également coordonner leur comportement en se répartissant le marché, par exemple par zone géographique ou sur la base d'autres caractéristiques de leur clientèle, ou encore en se partageant les marchés dans les procédures d'appels d'offres".
(207) Les informations quantitatives et qualitatives recueillies lors de l'enquête révèlent que le marché espagnol de la levure comprimée présente déjà un certain degré de coordination tacite permettant à ABF, GBI et Lesaffre d'influer sur les prix et/ou sur les niveaux de vente dans certaines régions grâce, entre autres, à des relations exclusives avec les distributeurs. Comme expliqué ci-après, ces termes de coordination ont, par ailleurs, été corroborés par des informations fournies par plusieurs clients (distributeurs).
(208) Tout d'abord, comme expliqué au point 6.3.2.1.6, on observe un degré élevé de transparence au niveau des prix, des ventes et des capacités de chacune des trois entreprises historiques sur les marchés de la levure comprimée, y compris en Espagne. La transparence au niveau des capacités a été démontrée aux considérants (194) et (195).
(209) Concernant les ventes, il existe des relations historiques entre les producteurs et leurs distributeurs et, à leur tour, entre les distributeurs et leurs clients, tel qu'expliqué au point 6.3.1.4.1. Ceci, conjugué à une demande de marché relativement stable et comme le montre le Tableau 3, à des parts de marché relativement stables des trois principaux opérateurs en Espagne, assure qu'il existe une grande transparence au niveau de la répartition historique des clients entre les producteurs (s'agissant du changement de fournisseurs par les clients, voir également le point 6.3.2.2.1.2.).
Tableau 3 Évolution des parts de marché de 2005 à 2007 sur le marché espagnol de la levure comprimée
2005 2006 2007
Lesaffre [50-60] % [50-60] % [40-50] %
ABF [20-30] % [20-30] % [30-40] %
GBI [10-20] % [10-20] % [10-20] %
Zeus [0-5] % [0-5] % [0-5] %
Lallemand [0-5] % [0-5] % [0-5] %
Asmussen [0-5] % [0-5] % [0-5] %
* Source: enquête de marché.
(210) Concernant les prix, la transparence est accrue par le biais de différents mécanismes. Tout d'abord, tel qu'expliqué au point 6.3.2.1.5, la définition des termes de la coordination est facilitée par le fait que la levure comprimée présente peu de différences entre ABF, Lesaffre et GBI en termes de qualité, de durée de conservation, de disponibilité, de service après-vente ou d'autres paramètres susceptibles de présenter de l'importance aux yeux des acheteurs. Les fournisseurs n'ont, dès lors, pas besoin de spécifier les termes de la coordination séparément pour chaque aspect du produit, ni de mettre au point un consensus sur ce qui constitue des produits " suffisamment similaires " afin d'établir les termes de prix et de non-prix.
(211) Deuxièmement, les boulangeries se renseigneront souvent sur les prix pratiqués par les différents fournisseurs et en informeront les distributeurs en concurrence dans l'espoir d'obtenir un meilleur prix. Les clients font ainsi office de canal de communication efficace au niveau des prix des deux autres opérateurs du marché. Toutefois, souvent les clients n'en bénéficient pas eux-mêmes puisque a) un producteur particulier apprendra rapidement les augmentations de prix de ses concurrents et ajustera les siens en conséquence, et que, comme expliqué plus en détail ci-dessous, b) même s'il subsiste une certaine différence de prix, les producteurs pousseront, par des incitations, les distributeurs à retirer l'offre aux clients historiquement desservis par un concurrent.
(212) Troisièmement, les distributeurs jouent un rôle important dans la capacité à arriver à une entente tacite sur les termes de la coordination et dans la capacité accrue à mettre en œuvre et à soutenir la politique commune d'augmentation des prix.
(213) Comme mentionné au point 6.3.1.4.1 ci-dessus, la distribution en Espagne est de facto exclusive et les distributeurs entretiennent des relations étroites de longue date avec les fournisseurs et les clients finals. Même si la plupart des distributeurs ne disposent pas de contrat écrit et donc d'exclusivité formelle, la norme veut qu'ils ne travaillent qu'avec un seul fournisseur (111). ABF confirme également que c'est la pratique habituelle.
(214) L'enquête de marché confirme que les fournisseurs font appel à des distributeurs globalement répartis de manière à ce que, d'une manière générale, un seul distributeur (112) couvre une zone donnée, même en l'absence d'accord d'exclusivité territoriale. Le directeur général de GBI Espagne et Portugal, qui a une grande expérience du marché de la levure, confirme que "(...) l'exclusivité géographique, principalement basée sur les provinces, constitue la norme, même si, selon la taille de la province, le territoire affecté aux distributeurs peut relever de parties de provinces" (113). Même si ABF affirme qu'elle n'a pas conclu d'arrangement d'exclusivité territoriale, les distributeurs confirment que s'ils sont plusieurs dans une province donnée, celle-ci est dans la pratique alors répartie naturellement entre eux en zones plus petites, souvent en fonction de la présence historique des distributeurs. Des arrangements territoriaux informels semblent exister et peuvent être liés à des régions ou, lorsque la demande est forte, à des zones plus petites. Par exemple, ABF compte plusieurs distributeurs dans la même région (sur une "carte de distribution" d'ABF, on dénombre jusqu'à [...]* distributeurs à ([région espagnole]* et dans sa périphérie). Au cours de l'enquête de marché, un distributeur d'ABF dans [même région espagnole que dans la phrase précédente]* a confirmé que [...]* distributeurs étaient de très petite taille et que chacun se chargeait d'une partie de la région (par exemple, un seul couvre le centre-ville), aucun ne couvrant l'ensemble de la région, qu'ils ne se faisaient donc virtuellement pas concurrence (sauf en "lisière" de leur territoire) et qu'ils restaient dans leur zone de chalandise traditionnelle (114). De même, un distributeur d'ABF dans la région de [...]* (dans laquelle ABF en compte [...]*) indique qu'il est distributeur exclusif dans une zone donnée (115).
(215) La motivation des distributeurs à se développer et à exercer leurs activités à plus grande échelle semble limitée. Les distributeurs expliquent qu'ils restent dans leur région et qu'il ne leur servirait à rien de s'étendre au-delà de cette région, en raison par exemple des coûts élevés liés au transport réfrigéré pour approvisionner les artisans de régions plus éloignées. Le système en place semble limiter sensiblement la capacité des distributeurs à étendre leurs activités. Comme le dit un distributeur, "tout le système est organisé de manière à entraver/rendre difficile le développement des distributeurs" (116).
(216) Étant donné qu'en Espagne, les distributeurs ne sont pas contractuellement tenus de respecter certains prix à l'égard de leurs clients, le contrôle du distributeur (normalement exclusif) par chaque fournisseur constitue un élément clé dans la capacité du fournisseur à augmenter les prix simultanément (ou avec un faible décalage). Ce contrôle résulte de l'engagement de chaque fournisseur à fournir à ses distributeurs respectifs (pour chaque territoire) le volume normal basé sur une consommation historique.
(217) Il en résulte que, du fait des arrangements d'exclusivité (de facto) qui sont une caractéristique générale du marché espagnol, la structure du marché au niveau local est très simple et augmente la transparence. En général, chaque territoire est couvert essentiellement par les distributeurs exclusifs (de facto) des trois principaux fournisseurs et le marché est par essence divisé par l'engagement de chaque fournisseur à fournir à son ou ses distributeurs pour la zone concernée la quantité nécessaire précise, à défaut de quoi ceux-ci seraient tentés de développer leurs activités et de vendre davantage (117). Pour ce faire, le distributeur pourrait soit décider de s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs, soit essayer d'obtenir une quantité plus importante (en mentant sur ses besoins actuels) auprès de son fournisseur. Il en résulterait une rupture du comportement coordonné, une concurrence accrue et un niveau de prix qui retrouverait un niveau compétitif.
(218) Afin d'indemniser les distributeurs, les fournisseurs doivent donc leur offrir une marge suffisante sur le prix final. Généralement, la situation induit des revenus très élevés pour les distributeurs. L'enquête de marché confirme que les distributeurs bénéficient en Espagne d'une marge (marge prix - coût) de l'ordre de [...]*.
(219) L'enquête de marché confirme que, lors de tentatives de ce type, les fournisseurs réagissent rapidement pour éliminer de façon crédible toute capacité et/ou motivation du distributeur à élargir ses activités. Le fournisseur menace le distributeur de suspendre son approvisionnement ou d'augmenter les prix de façon disproportionnée. Ceci démontre comment le système s'autorégule lorsqu'un distributeur essaye de se soustraire au modèle imposé par les fournisseurs. L'enquête de marché a révélé un certain nombre de cas où cela s'est produit (118).
(220) En outre, comme l'indique la théorie économique, dans un territoire où la distribution est exclusive et où il y a deux distributeurs, chacun vendant une marque, les fournisseurs de chaque marque peuvent être moins disposés à baisser les prix, créant par ailleurs les conditions de durabilité d'une politique commune d'augmentation des prix (119).
(221) L'incidence de la distribution exclusive en tant que facteur favorisant une entente tacite sur les termes de la coordination est triple. Tout d'abord, les territoires exclusifs réduisent la concurrence entre les distributeurs au-delà du territoire qui leur est affecté. Deuxièmement, les territoires exclusifs ont également tendance à restreindre la concurrence entre les distributeurs de différents fournisseurs et peuvent de ce fait contribuer à stabiliser la coordination tacite. La coordination est donc plus efficace en gelant les relations existantes avec les distributeurs et les quantités de levure qui leur sont fournies. Troisièmement, la distribution exclusive contribue considérablement à augmenter la transparence du marché, ce qui facilite encore la coordination sur les prix et le contrôle. Généralement, dans une région/une partie d'une région espagnole donnée, il n'y a qu'un seul distributeur par fournisseur. Ceci permet d'assurer la simplicité et la transparence du système de distribution en Espagne, tout en limitant la concurrence entre les marques (120).
(222) De plus, les données relatives à la fixation des prix recueillies lors de l'enquête de marché, bien que partiellement incomplètes dans la phase où les parties ont soumis des mesures correctives, révèlent que les prix moyens des trois concurrents restaient relativement stables dans les années antérieures à 2006. À compter de 2006, l'on observait une augmentation simultanée des prix pour les trois producteurs.
(223) Il est à noter que ces dernières années, particulièrement depuis 2006, les prix ont augmenté de façon significative en Espagne et les trois opérateurs, ABF, Lesaffre et GBI ont aligné leurs augmentations de prix alors que, dans le même temps, les parts de marché étaient relativement stables et qu'il n'y avait pratiquement pas de nouvel entrant et une extension très limitée des opérateurs marginaux (121). En fait, Lallemand a progressivement abaissé ses prix jusqu'en 2005, ce qui a eu une incidence très limitée sur les prix des trois opérateurs historiques - ABF, GBI et Lesaffre - qui, au cours des cinq dernières années, ont conservé leur part de marché combinée de plus de [90-100] %.
(224) Il est utile d'analyser plus en détail l'augmentation progressive et parallèle des prix à compter de 2005. Il apparaît qu'à partir de cette date, les coûts des intrants ont commencé à augmenter. Ces chocs de l'offre peuvent, dans certaines circonstances, briser tout effort de comportement tacitement coordonné, particulièrement dans la mesure où ils affectent plus certains opérateurs que d'autres. Toutefois, comme indiqué au point 6.3.2.1.5, étant donné que les usines d'ABF, GBI et Lesaffre, qui desservent le marché espagnol, jouissent des mêmes conditions technologiques et climatiques, on pouvait s'attendre à ce que l'augmentation du coût des intrants affecte de façon similaire les trois opérateurs. Des documents internes de GBI indiquent que c'était bien ce que l'on espérait.
(225) L'opportunité d'augmenter les marges par une coordination plus efficace, à l'occasion de l'augmentation du coût des intrants est exprimée de façon plus explicite dans une note interne de GBI Holding: "Notre objectif est d'augmenter les prix de la levure de manière à pouvoir maintenir le résultat d'exploitation (EBIT) à son niveau actuel ou, si possible, à un niveau supérieur. Comme, pour les boulangers, le prix de la levure constitue 3 % du prix de revient du pain et que les augmentations de prix mentionnées portent sur l'ensemble de l'industrie de la levure, nous pensons - du moins pour le moment - que nous parviendrons à nos fins" (122).
(226) Ces citations indiquent que la stratégie de fixation des prix de GBI Holding était motivée par la conviction qu'il devait y avoir une perception commune du marché parmi les trois opérateurs principaux pour mettre en place des augmentations de prix au lieu de se livrer à une concurrence féroce visant à augmenter les ventes pour compenser les pertes possibles de marges résultant de l'augmentation du coût des intrants.
(227) Le comportement de GBI Holding a naturellement été bien compris par ABF qui indique, peu après l'acquisition par Gilde de l'activité "levure" de GBI Holding, soit en janvier 2006, que "nous prévoyons une pression moins forte des prix de la part de Gilde dans la mesure où ils cherchent à augmenter leur rentabilité" (123).
(228) Enfin, et comme expliqué dans les lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales, " des preuves d'une coordination passée sont une indication importante si les caractéristiques du marché en cause n'ont pas changé de façon notable ou ne sont pas susceptibles de se modifier sensiblement dans un proche avenir. De même, des preuves d'une coordination sur des marchés similaires peuvent constituer une information utile ". Des enseignements utiles peuvent être tirés quant à la meilleure façon de coordonner les comportements d'anciennes ententes sur le même marché de produits car ils ne font pas que mettre en lumière les termes probables de l'accord le plus efficace pour tous les opérateurs, mais ils fournissent les antécédents pour l'interprétation et les raisons d'un comportement spécifique stable, réduisant les informations nécessaires pour mettre en place un accord tacite.
(229) Il est frappant que dans les cas présumés d'entente mentionnés au point 6.3.1.5, les augmentations de prix soient mises en cause, ce qui renforce le point de vue selon lequel les augmentations de prix servent de point de convergence qui contribue à donner à Lesaffre, ABF et GBI une perception commune quant à la conduite possible de chacun d'entre eux (124).
6.3.2.2.1.2 Incitations à s'écarter du comportement convenu et surveillance des comportements déviants
(230) Conformément au paragraphe 49 des lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales, " les entreprises qui coordonnent leurs comportements sont souvent tentées d'accroître leurs parts de marché en s'écartant des modalités de la coordination, par exemple en diminuant les prix, en offrant secrètement des remises, en augmentant la qualité des produits ou leurs capacités ou en essayant de conquérir de nouveaux clients. Seule la menace crédible de représailles suffisantes et effectuées en temps utile peut les en dissuader. Les marchés doivent donc être assez transparents pour permettre à ces entreprises de connaître suffisamment les éventuels écarts des autres entreprises, et donc de savoir à quel moment elles doivent procéder à des représailles ".
(231) Comme exposé au point 6.3.2.1.6, le marché espagnol de la levure comprimée peut être considéré comme étant relativement transparent en termes de prix, de ventes et de capacités. Cette transparence facilite la surveillance des comportements déviants de diverses façons.
(232) Il convient tout d'abord de relever que, sur un marché caractérisé par la hausse des prix, comme c'est le cas en Espagne depuis 2005, le non-respect de prix fixés suivant un accord de coordination tacite est possible lorsqu'une hausse de prix appliquée par un opérateur n'est pas suivie par les autres et, partant, que l'entreprise coupable de l'écart réalise des ventes qu'elle n'aurait pas réalisées dans d'autres circonstances. Dans le contexte des livraisons fréquentes, cela se vérifie simplement par la constatation d'une baisse significative des volumes par rapport à l'année précédente pour un territoire donné. En effet, la relative stabilité de la demande sur le marché, comme en Espagne, permet de déduire plus facilement qu'il y a non-respect du comportement collusoire et requiert moins d'informations sur le marché que lorsque la demande fluctue de manière significative et imprévisible.
(233) Par ailleurs, bien qu'il soit possible de détecter des comportements déviants en étudiant les quantités ou les variations inattendues des parts de marché dans une région, comme on l'a vu ci-dessus, de tels comportements peuvent également être détectés en surveillant les prix, tel que mentionné au considérant (211).
(234) À cet égard, les distributeurs jouent un rôle important de canal d'information. Comme exposé aux considérants (132) et (133) ci-dessus, l'existence de rapports traditionnels et de facto exclusifs de longue date entre les fournisseurs et les distributeurs, et entre les distributeurs et les artisans boulangers, implique que le fournisseur obtient des informations sur la politique de prix des concurrents en ciblant les clients dont les modes de consommation de levure ont évolué.
(235) Les distributeurs jouent également un rôle très important en révélant chez qui les quantités sont parties afin d'identifier l'entreprise coupable de l'écart et d'exercer les représailles contre elle. En outre, les distributeurs proposent non seulement des données fiables sur le marché, mais ils les fournissent rapidement, autrement dit en temps utile.
(236) Dans le cadre de livraisons hebdomadaires, le délai nécessaire pour détecter le non-respect d'un accord de coordination tacite est relativement court, ainsi qu'il ressort du considérant (197), puisqu'il est facile de constater que le niveau des ventes réalisées avec des clients existants est inférieur aux attentes. La saisonnalité ne réduit pas la transparence car le modèle est régulier et donc largement prévisible. Une chute des ventes peut donc indiquer très rapidement qu'un concurrent a peut-être augmenté les siennes (125).
(237) Un système de distribution organisé de manière à faire opérer un certain nombre de petits distributeurs à l'intérieur de leur périmètre local diminue aussi la motivation à adopter un comportement déviant, en premier lieu parce que l'exclusivité limite les gains à court terme possibles d'un tel comportement. Il est probable que les avantages liés à des prix moins élevés (en termes de production élargie) soient limités à la région/zone en question, à moins que le fournisseur ne propose des prix inférieurs à tous ses distributeurs et garantisse une hausse des approvisionnements. Mais une telle action serait détectée assez rapidement en raison des nombreux ajustements de prix que le fournisseur devrait appliquer à plusieurs distributeurs.
(238) Conformément à la position selon laquelle les motivations à adopter un comportement déviant sont limitées et qu'il est relativement aisé de les surveiller, l'enquête de marché met en évidence très peu de cas de changement de producteur par les consommateurs ou distributeurs directs. Par exemple, entre 2006 et 2007, les données, collectées jusqu'à la date de proposition de mesures correctives, montrent un cas de changement en Espagne sur 419 clients identifiés et, entre 2005 et 2006, quatre cas de changement en Espagne sur 451 clients identifiés (126).
6.3.2.2.1.3 Dissuasion
(239) Le Tribunal de première instance des Communautés européennes (ci-après le "Tribunal") a estimé, au point 465 de l'arrêt Impala/Commission européenne (127), qu'"il ressort de la jurisprudence que, pour qu'une situation de position dominante collective soit viable, il faut qu'il y ait suffisamment de facteurs de dissuasion pour assurer durablement une incitation à ne pas s'écarter de la ligne de conduite commune, ce qui revient à dire qu'il faut que chaque membre de l'oligopole dominant sache qu'une action fortement concurrentielle de sa part destinée à accroître sa part de marché provoquerait une action identique de la part des autres, de sorte qu'il ne retirerait aucun avantage de son initiative".
(240) Sur le marché de la levure comprimée, un retour à une interaction totalement concurrentielle constituerait un mécanisme de dissuasion suffisant, et ce pour deux raisons au moins:
(241) Premièrement, compte tenu de la faible élasticité de la demande (voir le point 6.3.2.1.3) pour la levure comprimée, toute augmentation de la production aurait probablement un impact significatif sur les prix, ce qui réduirait rapidement la rentabilité.
(242) Deuxièmement, les trois opérateurs, à savoir GBI, ABF et Lesaffre, ont actuellement des capacités excédentaires dans leurs usines qui approvisionnent l'Espagne et celles-ci sont suffisantes pour engager une guerre des prix durable si l'un d'entre eux ne respecte pas l'interaction coordonnée. De plus, ABF et Lesaffre sont en mesure d'approvisionner le marché espagnol respectivement depuis le Portugal ou la France, où elles ont aussi des capacités disponibles supplémentaires ou desquels elles peuvent temporairement déplacer les ventes pour faire peser une menace supplémentaire. Le transfert de volumes d'un marché géographique à un autre, bien que probablement peu rentable à titre permanent compte tenu du coût d'opportunité des ventes perdues, permet aux trois producteurs de renforcer la menace de l'augmentation significative des ventes sans forcément détenir beaucoup de marge de capacité inemployée.
(243) Les représailles interviendraient aussi en temps utile puisque les transactions sur le marché de la levure sont caractérisées par un approvisionnement hebdomadaire ou bihebdomadaire. Comme exposé au point 6.3.2.2.1.2, le marché est suffisamment transparent pour pouvoir déterminer l'identité d'un acteur qui s'écarte de la politique commune. La sanction peut être appliquée en temps opportun et réduit encore les motivations de faire cavalier seul pour essayer de gagner de petites commandes régulières. La transparence du marché, qui découle du rôle des distributeurs, contribue également à l'efficacité des représailles. En effet, la " sanction " ne peut pas être confondue avec un effondrement de la demande.
(244) La crédibilité de la dissuasion est renforcée par les contacts multi-marchés entre les trois opérateurs (voir le point 6.3.2.1.8), ce qui implique que des représailles peuvent intervenir dans des régions voisines en Espagne, sur d'autres marchés géographiques (128), sur d'autres marchés de la levure (en particulier celui de la levure liquide) ou vis-à-vis d'un segment spécifique de clients, tels que les clients directs. Comme expliqué précédemment, il est plus facile pour des sociétés de maintenir une coordination tacite lorsqu'elles sont présentes sur plusieurs marchés.
6.3.2.2.1.4 Réaction des outsiders
(245) Pour que la coordination réussisse, il ne faut pas que les actions des entreprises non parties à la coordination, et concurrentes potentielles, ainsi que des clients, puissent compromettre les résultats attendus de la coordination.
6.3.2.2.1.4.1 Les concurrents marginaux se heurtent à des obstacles élevés à l'entrée et/ou à leur expansion
(246) En l'absence d'obstacle à l'entrée, toute tentative de maintien de prix ne tenant pas compte de la concurrence provoquerait une entrée (par exemple, stratégies d'entrée à court terme ou d'entrée-sortie éclair), ce qui éroderait la rentabilité de la collusion. En outre, la perspective d'une future entrée tend à réduire la portée des représailles, ce qui a pour effet de limiter la viabilité de la collusion. L'idée fondamentale est que les entreprises ont moins à perdre de futures représailles si l'entrée intervient quoi qu'il arrive. Plus précisément, la perspective d'une future entrée n'affecte pas l'intérêt à court terme d'une société à adopter un comportement déviant mais réduit le coût potentiel de ce comportement en termes de futur manque à gagner. En effet, les représailles contre une entreprise qui commet des écarts sont moins significatives en cas d'entrée sur le marché puisque l'entrée disperse les profits, quel que soit le comportement passé des entreprises en place. Les entreprises sont alors plus tentées de réduire les prix définis dans le cadre de la collusion et la capacité de collusion diminue à mesure que la probabilité d'une entrée sur le marché augmente.
(247) Selon la partie notifiante, une entrée sur le marché et/ou une expansion d'une entreprise pourrait intervenir de plusieurs façons: a) nouvelle entrée sur le marché avec construction d'une nouvelle usine dans la région ou acquisition ou expansion des installations de production existantes, b) expansion dans la région en utilisant la marge de production inemployée et/ou détournement à partir d'autres régions géographiques ou autres produits à base de levure. Toutefois, comme expliqué en détail au point 6.3.2.1.4, l'enquête de marché a non seulement révélé qu'il existait des obstacles à l'entrée et à l'expansion, mais également que la marge de production inemployée disponible était insuffisante pour affaiblir le niveau de coordination tacite.
(248) En particulier, le succès d'une entrée sur le marché ou d'une expansion des activités requiert a) l'accès à un système local de distribution, avec b) un personnel commercial local et c) des marques reconnues. De plus, les nouveaux entrants dans ces zones géographiques ont besoin d) d'établir une réputation de qualité et de stabilité des approvisionnements, ce que la partie notifiante ne semble pas avoir pris sérieusement en considération.
(249) Les relations traditionnelles avec les distributeurs jouent un rôle important en Espagne (où le canal des distributeurs représente [70-80] % du marché) dans la mesure où il s'agit la plupart du temps de relations de longue date et même parfois de relations intergénérationnelles. En Espagne, les distributeurs ont une grande influence sur les artisans boulangers finals car ils les approvisionnent depuis longtemps et très fréquemment - une ou deux fois par semaine. En outre, la structure de distribution est très rigide, avec des distributeurs exclusifs pour les trois principaux producteurs répartis sur leurs territoires exclusifs.
(250) La nécessité d'un personnel commercial local établi et de la création d'un réseau de distribution constitue donc un obstacle sérieux à l'entrée de concurrents non établis. Les concurrents expliquent qu'il serait très difficile de développer leurs activités de façon importante sans personnel agissant à l'échelle locale (129). En Espagne, les distributeurs sont généralement relativement petits et ne disposent pas de personnel technique, de sorte qu'il ne suffit pas de se doter d'une force de vente locale pour nouer et développer des relations avec des distributeurs, mais d'offrir également l'assistance technique requise afin d'aider la force de vente à développer leur réseau. Le développement d'un réseau de distribution prend du temps et, vu la couverture des trois principaux opérateurs du moment (avec [90-100] % du marché), la plupart des distributeurs et concurrents a déclaré lors de l'enquête de marché qu'il s'agissait d'un obstacle fondamental à l'entrée d'un nouveau fournisseur.
(251) La notoriété de la marque est un autre facteur à prendre en considération s'agissant des artisans boulangers, puisque les marques sont un signe de qualité et de fiabilité du produit. Une marque qui n'est pas traditionnellement connue ou qui est peu réputée sur le marché et qui est introduite par un nouvel entrant ne sera prise en considération que si le produit est positionné avec un prix très faible afin de convaincre les clients les plus sensibles au prix de changer de fournisseur.
(252) Toutefois, la qualité et la fiabilité du produit sont également des facteurs essentiels à prendre en considération par les boulangers lorsqu'ils choisissent une marque de levure dans la mesure où tout écart de qualité, même faible, peut avoir une incidence sur le produit final. De nombreux distributeurs, par exemple, ont rejeté la levure comprimée proposée par des producteurs turcs au motif qu'elle était de moins bonne qualité (130). Par ailleurs, les clients ont besoin d'un approvisionnement continu en levure comprimée. Il en résulte que, sur un marché traditionnel tel que le segment de l'artisanat, la plupart des distributeurs contactés lors de l'enquête a souligné que l'établissement d'une réputation de fiabilité demanderait du temps pour un nouvel entrant.
(253) Enfin, les coûts d'investissement pour de nouvelles usines sont élevés et la construction de ces usines s'accompagne de difficultés réglementaires, essentiellement dues à des contraintes environnementales, le tout dans un contexte de demande relativement stable de levure de boulangerie et de saturation du marché. En effet, une seule usine a été construite en Europe de l'Ouest au cours des dix dernières années - l'usine Puratos de 17 kt construite en 2000. En réalité, la tendance récente était à la consolidation de petites usines pour les transformer en plus grandes usines, ce qui révèle qu'il s'agit d'un secteur où les économies d'échelle jouent un rôle majeur.
(254) En bref, les obstacles à l'entrée sont importants et le succès d'une entrée sur le marché ou d'une expansion des activités passe par l'accès à un système local de distribution, avec du personnel commercial local et des marques reconnues. De plus, les nouveaux entrants dans ces zones géographiques ont besoin de se forger une réputation d'approvisionnements fiables et de qualité.
(255) Ces obstacles ont une incidence sur la capacité et les motivations des opérateurs marginaux actuels, tels que Lallemand et Zeus, ainsi que des nouveaux entrants potentiels, tels que les producteurs turcs de levure.
(256) S'agissant des opérateurs marginaux actuels, l'enquête de marché a révélé que les entreprises ne faisant pas partie de la coordination ne seraient pas en mesure de compromettre la politique commune sur le marché espagnol de la levure comprimée. Il est utile de rappeler que les trois principales entreprises en place détiennent environ [90-100] % de la demande totale en Espagne. Pour le moment, la présence en Espagne d'entreprises outsiders est donc très marginale et aucun indicateur, que ce soient de projets d'expansion ou d'accords avec des distributeurs, n'indique que Lallemand ou Zeus cherchent, pour le moment, à élargir leur présence en Espagne. Toutefois, Lallemand et Zeus ne possèdent respectivement que [...]* et [...]* de marge de capacité inemployée dans la zone géographique concernée (voir le tableau 2). De plus, en raison de la stabilité de la demande, les fournisseurs doivent "voler" des clients à d'autres producteurs pour élargir leur clientèle (131).
(257) De plus, Zeus, acteur déjà présent en Espagne, quand bien même de façon très marginale, n'a pas d'espace pour construire de nouvelles installations de production ou pour élargir les installations existantes.
(258) Zeus (avec [...]*) et Lallemand (avec [...]*) disposent par ailleurs d'usines assez éloignées de l'Espagne et elles sont donc défavorisées en termes de coût de transport par rapport aux usines d'ABF et de Lesaffre dans la péninsule Ibérique, ce qui constitue un élément susceptible de les dissuader d'étendre leur marché qui vient s'ajouter aux désavantages très importants que sont l'absence d'un vaste réseau de distributeurs déjà établi, de reconnaissance de leur marque et de notoriété auprès des clients finals, qui constituent d'importants obstacles à l'entrée (132). Zeus et Lallemand ne disposent en réalité respectivement que de trois et un distributeur(s) en Espagne (133).
(259) Cela montre qu'elles sont non seulement dépourvues de réseau national de distribution, mais également d'une réputation solide et consolidée de produits fiables et de qualité et de marques notoirement connues (134).
(260) Plus généralement, s'agissant de l'entrée sur le marché espagnol de la levure comprimée d'opérateurs qui ne sont pas encore présents sur ce marché, ABF a cité nommément des entreprises telles que Pakmaya, Akmaya et Somadir.
(261) D'après de nombreux distributeurs espagnols, les nouveaux entrants qui exercent leur activité depuis des usines éloignées, tels que les producteurs turcs Akmaya et Pakmaya, ainsi que Somadir au Maroc, ne peuvent devenir des concurrents crédibles et durables en Espagne. Les approvisionnements effectués par ces opérateurs sont négligeables et irréguliers, les marchandises étant fournies pendant un moment puis disparaissant, de sorte qu'ils sont perçus comme peu fiables par les distributeurs et les artisans boulangers. Bien plus que Lallemand et Zeus, non seulement ces opérateurs sont désavantagés en matière de transport compte tenu de l'implantation très éloignée de leurs usines, mais également en raison de leur manque de personnel local ainsi que des problèmes de qualité et de fiabilité identifiés lors de l'enquête.
(262) La probabilité d'une nouvelle entrée diminue encore de par le comportement agressif adopté par des entreprises par le passé qui leur a donné la réputation d'évincer les entrants qui tenteraient d'approvisionner l'Espagne. Plusieurs distributeurs ont effectivement relaté plusieurs cas de comportements de ce type lors de l'enquête de marché (135). La forte présence d'ABF, de GBI et de Lesaffre sur le marché espagnol et le fait qu'elles détiennent suffisamment de marge de capacité de production inemployée auront probablement un effet dissuasif sur les entrants potentiels désireux de faire échouer toute possibilité de coordination tacite. La raison en est qu'un entrant potentiel doit tenir compte du fait que a) si l'entrée sur le marché provoque une concurrence en déstabilisant la coordination tacite existante, le prix post-entrée peut s'avérer insuffisant pour couvrir les pertes non récupérables liées au développement d'un réseau de distribution en Espagne ou à l'expansion des capacités pour desservir le marché espagnol, b) compte tenu du niveau de transparence du marché, il est probable qu'une entrée sera facilement détectée et que le producteur dont les ventes auront été détournées dispose de capacités suffisantes pour cibler les clients concernés et leur offrir un meilleur prix, déjouant le motif de l'entrée, voire proposer des prix inférieurs/augmenter les ventes sur les marchés nationaux de l'entrant potentiel. Dans le cas de Zeus ou Lallemand, par exemple, GBI ou Lesaffre peuvent exercer des représailles respectivement en Italie et en Europe orientale (136) (137).
(263) Il convient de relever que, dans le cas de l'entente supposée en France, la collusion allait jusqu'à des représailles contre tous les entrants potentiels (voir le point 6.3.1.5 ci-dessus). Un producteur allemand et un producteur italien avaient tenté de pénétrer sur le marché français, mais les entreprises en place avaient réussi à cibler les clients de l'entrant en leur proposant des livraisons gratuites. D'autres cas ont été cités par Lallemand concernant l'entrée de Puratos sur le marché de la levure sèche, notamment lorsque Puratos a construit une usine de levure sèche en Wallonie et a fait l'objet d'une "réaction concurrentielle très forte de la part de Lesaffre ... en Israël à partir des usines de Lesaffre en Turquie", de sorte que, "en dépit de sa grande réputation et de ses réseaux de distribution établis, elle a eu beaucoup de difficultés à pénétrer de façon rentable les marchés de la levure. Aujourd'hui, d'après Lallemand, Puratos n'est pas très agressive sur le marché" (138).
(264) Il semble que des représailles ciblées soient toujours d'actualité, plus particulièrement sur le marché espagnol. Les opérateurs du marché ont fourni des éléments de preuve précis montrant de quelle manière les entreprises en place ripostent lorsque des distributeurs tentent de s'approvisionner auprès des nouveaux entrants marginaux (139).
(265) Pour que l'entrée de nouveaux concurrents ou l'expansion de leurs activités puisse être considérée comme une contrainte concurrentielle suffisante sur les parties qui veulent fusionner, il faut démontrer que cette entrée est non seulement probable, qu'elle interviendra en temps utile et sera suffisante pour décourager ou contrecarrer les effets anticoncurrentiels potentiels de la fusion. Il ressort clairement des preuves présentées qu'il n'existe actuellement aucun projet d'expansion de la marge de production inemployée qui pourrait être utilisée pour approvisionner ce marché de façon rentable.
6.3.2.2.1.4.2 Pouvoir de contrepoids limité des distributeurs et artisans boulangers
(266) Un facteur connexe concerne le contrepoids de pouvoir des clients dans la négociation de leurs achats. Si les acheteurs sont puissants, même un monopole ou un oligopole totalement collusoire pourrait avoir des difficultés à imposer des prix élevés. Plus généralement, les actions d'acheteurs puissants peuvent réduire la rentabilité d'une coordination tacite. Selon la théorie économique, de gros acheteurs peuvent réussir à briser une collusion en concentrant leurs commandes afin de raréfier l'interaction des entreprises et d'accroître les gains à court terme de l'application de prix inférieurs à ceux des concurrents ; plus généralement, de gros acheteurs peuvent concevoir des systèmes d'approvisionnement qui limitent la portée d'une coordination tacite.
(267) Les artisans boulangers, qui constituent la vaste majorité des consommateurs finals, sont très nombreux et petits et ils s'appuient sur les distributeurs pour leurs achats de levure puisque leur processus de fabrication du pain dépend largement de la levure. En Espagne, les distributeurs canalisent la grande majorité des ventes de levure comprimée des producteurs de levure (environ [70-80] %), le reste étant vendu directement par les producteurs à des clients principalement industriels.
(268) Quant aux distributeurs, ils ne jouent qu'un rôle limité en tant qu'acteurs indépendants des fournisseurs de levure de boulangerie. En effet, comme expliqué en détail aux considérants (213) à (221) ci-dessus, la division de l'Espagne par les producteurs en petits territoires attribués aux distributeurs (par exemple en suivant les frontières des provinces) garantit que chaque distributeur ne représente qu'une petite partie du total des ventes, ce qui limite le risque qu'un distributeur se développe au point d'acquérir suffisamment de pouvoir de négociation vis-à-vis des fournisseurs.
(269) Le système de répartition géographique appliqué en Espagne a aussi une autre implication importante. Les alternatives offertes à un distributeur qui souhaite se procurer de la levure auprès d'autres fournisseurs qu'ABF, GBI et Lesaffre sont très limitées, notamment parce que les trois principaux distributeurs disposent déjà de réseaux nationaux de distribution.
(270) Enfin, les distributeurs aussi dépendent, dans une certaine mesure, de l'assistance technique et commerciale qu'ils peuvent obtenir des vendeurs et techniciens locaux qui font partie du personnel local dédié d'ABF, GBI et Lesaffre.
(271) Par conséquent, bien que les distributeurs jouent un rôle important auprès des artisans boulangers, puisqu'ils fournissent la plateforme logistique sur laquelle tous les artisans boulangers peuvent être contactés individuellement par des fournisseurs de levure, ils n'ont pas, pour les raisons évoquées ci-dessus, de pouvoir de négociation fort vis-à-vis des producteurs de levure.
(272) Il s'ensuit que ni les distributeurs, ni les artisans boulangers, n'ont de puissance d'achat capable de faire contrepoids.
6.3.2.2.2 Effet de la transaction sur les marchés espagnols de la levure comprimée
(273) Il est de jurisprudence constante que la Commission doit montrer, sur la base d'une analyse prospective, dans quelle mesure "l'altération de la structure du [marché concerné] qui résulterait de la transaction" (140) entrave considérablement dans les faits la concurrence en rendant la coordination plus facile, plus stable ou plus efficace pour les trois entreprises concernées soit en consolidant la coordination soit en permettant aux entreprises de s'accorder sur des prix plus élevés.
(274) Il a été démontré dans la section précédente qu'il existait une série d'éléments structurels et comportementaux qui étayent la conclusion selon laquelle le marché espagnol de la levure comprimée présente déjà un certain niveau de coordination tacite qui permet à ABF, GBI et Lesaffre d'influencer les prix et/ou le niveau des ventes dans certaines régions, notamment par l'intermédiaire de rapports d'exclusivité (de facto) avec des distributeurs.
(275) En ce qui concerne les résultats sur le marché, avec pour extrêmes un oligopole concurrentiel et un oligopole parfaitement collusoire, l'acquisition des actifs de GBI par ABF, telle que notifiée, facilitera probablement la coordination tacite, la rendra plus stable et plus efficace, entraînant une hausse significative des prix au-delà du niveau qui aurait prévalu en l'absence de concentration.
(276) Cette hausse du niveau de coordination tacite en Espagne serait le résultat de l'un des mécanismes (ou effets coordonnés) suivants qui, considérés dans leur ensemble, se renforcent mutuellement (141).
(277) Premièrement, l'éclatement et la vente à ABF d'actifs de GBI augmentent encore la transparence en réduisant le nombre d'opérateurs sur le marché espagnol, ce qui facilite la détection d'un comportement déviant et l'exercice de représailles efficaces.
(278) Deuxièmement, GBI présente certaines différences par rapport à ABF et Lesaffre qui peuvent, en l'absence de concentration, faire naître une incitation plus forte à privilégier d'autres choix stratégiques que ceux qui auraient la préférence de ses concurrents liés par à la coordination. Ces différences concernent le fait a) que son usine est située en dehors de la péninsule Ibérique et b) que GBI n'est pas présente sur le segment des clients industriels directs. La fusion supprime le risque que du fait de motivations ponctuelles différentes, GBI ne respecte pas les termes de la coordination. Il s'ensuit qu'en renforçant davantage les similitudes entre Lesaffre et l'entité fusionnée, la fusion notifiée accroîtrait la future durabilité de la coordination tacite.
(279) Ces effets renforcent une ou plusieurs conditions nécessaires de la coordination tacite.
(280) Dans le cas de l'Espagne, les effets de la fusion décrits ci-dessus rendront probablement la coordination tacite plus facilement durable, plus résistante et plus efficace en éliminant GBI qui pouvait faire cavalier seul pour fixer les prix sur le marché et en permettant aux deux autres entreprises de rapprocher leurs motivations et de mieux surveiller le respect des termes convenus de la coordination.
(281) De plus, en Espagne, en renforçant la symétrie en termes de structure de coûts et de parts de marché, la fusion contribue à rapprocher encore les motivations à constituer une coordination entre Lesaffre et ABF et à prolonger une entente tacite sur les termes de cette coordination.
6.3.2.2.2.1 La concentration réduit de trois à deux le nombre des concurrents majeurs en Espagne
(282) La fusion notifiée aurait essentiellement pour effet de créer une structure de marché de duopole entre l'entité fusionnée et Lesaffre sur la quasi-totalité des segments de clients et régions sur le marché espagnol de la levure comprimée.
(283) Après la fusion, ABF et Lesaffre détiendraient les mêmes marges de capacités inemployées (environ [...]* chacune) dans la zone possible d'approvisionnement et seraient les seuls producteurs à avoir créé des réseaux de distribution. Ensemble, elles détiendraient [90-100] % du marché espagnol de la levure comprimée.
(284) S'il est vrai qu'une concentration horizontale tendra à rendre la coordination tacite progressivement plus facile à négocier et à maintenir, l'importance quantitative de cet effet variera en fonction de la structure du marché avant la fusion. Une fusion qui fait passer de trois à deux le nombre des concurrents majeurs sur un marché laisse présumer, tant du point de vue de la théorie économique que des études empiriques, que la coordination peut être considérablement facilitée par l'élimination d'un décideur indépendant sur un marché très concentré. La réduction du nombre de concurrents de trois à deux permettra probablement de faciliter d'autant la coordination tacite de leurs comportements, au moins pour cinq raisons.
(285) Premièrement, la présence d'un nombre réduit de concurrents tend à accroître les motivations d'une coordination. En situation de concentration plus forte, l'entité fusionnée et Lesaffre se heurtent à une plus petite base de clientèle chez leurs concurrents d'où capter de nouvelles ventes, ce qui réduit l'intérêt à court terme d'adopter un comportement plus agressif en termes de prix ou de production. En même temps, la fusion permet à ABF d'élargir sa clientèle établie sur laquelle elle souhaitera protéger sa marge supérieure à ce qu'elle serait en situation de pleine concurrence, augmentant ainsi le rapport à long terme du maintien de la coordination tacite (142).
(286) Deuxièmement, deux opérateurs au lieu de trois seront probablement mieux en mesure de trouver un accord tacite sur les modalités de la coordination. La concentration diminuera le nombre de parties indépendantes à réunir pour arriver à une coordination tacite, facilitant ainsi la formulation d'attentes concernant le comportement des concurrents. Avec trois fournisseurs, ABF, par exemple, doit exprimer ses attentes concernant le comportement probable de Lesaffre et de GBI, ainsi que la réaction aux actions d'ABF et de l'une sur l'autre. Avec deux opérateurs, en revanche, chaque société n'exprime d'attentes que sur le seul comportement futur de l'autre partie.
(287) Troisièmement, il semble déjà possible de surveiller les ventes des concurrents sur le marché. Mais la concentration en deux entreprises au lieu de trois aura tendance à accroître la transparence, réduisant ainsi encore le délai nécessaire pour détecter un écart. En général, plus il y a d'entreprises présentes sur le marché, plus il est difficile de déterminer l'identité de l'entreprise coupable de l'écart en cas de suspicion de tricherie. En revanche, lorsque seules deux entreprises, au lieu de trois, participent à la coordination, l'identité de l'entreprise coupable de l'écart est facile à déterminer. Par exemple, si le distributeur de Lesaffre dans une région particulière d'Espagne indique que ses ventes avec un ou plusieurs clients historiques baissent considérablement, il est possible de supposer, dans la plupart des cas, que l'entité fusionnée a violé la coordination.
(288) Quatrièmement, les sanctions destinées à maintenir la discipline en matière de prix gagnent en crédibilité à mesure que la concentration augmente puisque le coût d'opportunité à fermer les yeux sur le comportement plus agressif d'un concurrent devenu plus grand, augmente. De plus, une transparence accrue renforce également l'efficacité de la menace de sanctions car, dans la mesure où des concurrents peuvent ne pas être d'accord sur la société la mieux placée pour sanctionner une entreprise coupable d'un écart, une réduction de trois à deux du nombre d'opérateurs écarte le risque qu'une société puisse préférer faire cavalier seul à la sanction de l'autre.
(289) Enfin, une baisse du nombre de sociétés augmente l'impact de l'action individuelle d'une entreprise sur l'ensemble des paramètres du marché. Ainsi, si l'entité fusionnée croit que ses actes sont plus faciles à surveiller, elle sera moins tentée de s'écarter de la coordination tacite.
6.3.2.2.2.2 La concentration écarte le risque que GBI déstabilise le niveau existant de coordination tacite
(290) Dans de nombreuses situations, une fusion peut faciliter l'interaction coordonnée en réduisant les asymétries entre les fournisseurs. Une fusion peut par exemple homogénéiser les caractéristiques des produits, les structures de coûts, les horizons de planification, la couverture géographique ou les excès de capacités des fournisseurs en concurrence. L'homogénéisation de ces éléments peut rapprocher plus étroitement les motivations des producteurs et leur capacité de coordination et faciliter la conclusion et la défense d'un consensus sur le prix, la production ou la répartition du marché pour les autres fournisseurs.
(291) GBI a certaines caractéristiques qui la disposent plus à privilégier des choix stratégiques différents de ceux qui auraient la préférence de ses concurrents coordonnés face aux futurs chocs inattendus de l'offre et de la demande:
a) premièrement, GBI fournit le Portugal et l'Espagne depuis son unique usine de Casteggio, qui est également la deuxième plus grande d'Europe de l'Ouest;
b) deuxièmement, GBI a récemment mis en œuvre certaines innovations dans la production et le conditionnement de la levure comprimée qui ont donné lieu à des brevets;
c) troisièmement, GBI n'est pas présente sur le marché de la levure liquide en Espagne ou au Portugal, tandis qu'ABF et Lesaffre le sont.
(292) La taille et le lieu d'implantation de l'usine de GBI impliquent qu'elle peut être affectée différemment d'ABF et de Lesaffre par les futurs chocs inattendus de l'offre et de la demande. Cela pourrait rendre plus difficile à ces deux fournisseurs de déduire les intentions de GBI à partir de l'observation du marché et pourrait en fin de compte déstabiliser tout niveau de coordination existante, en l'absence de fusion.
(293) GBI dessert par exemple d'autres marchés que l'Espagne et le Portugal depuis Casteggio. Des chocs de demande asymétrique sur ces marchés (tels qu'une chute temporaire brutale de la demande) pourraient encourager GBI à tenter de développer son chiffre d'affaires dans la péninsule Ibérique.
(294) Après la concentration, l'entité fusionnée peut rationaliser la production pour la péninsule Ibérique dans ses usines de Setúbal et Cordoue, réduisant ainsi les approvisionnements provenant de Casteggio à destination de l'Espagne. Setubal, par exemple, qui approvisionnait la France, pourrait être utilisée pour fournir les marchés ibériques, tandis que Casteggio pourrait servir à augmenter les approvisionnements à destination de la France. La marge de capacité inemployée dans les usines d'ABF peut couvrir la réaffectation de la production de Casteggio à d'autres régions. Cela réduira l'impact des chocs de demande asymétrique sur les motivations de GBI à conclure une coordination tacite avec ABF et Lesaffre, si la fusion n'a pas lieu.
(295) En outre, une telle réaffectation augmenterait aussi la symétrie des coûts entre l'entité fusionnée et Lesaffre, ce qui rapprocherait encore leurs motivations à maintenir et améliorer la coordination tacite (143). En effet, une entreprise ayant un coût marginal inférieur pourrait insister sur l'application de prix inférieurs à ceux que les autres sociétés souhaiteraient maintenir. En outre, des asymétries extrêmes de structures de coûts des fournisseurs peuvent faire disparaître les points de convergence simples que des fournisseurs auraient peut-être utilisés dans d'autres circonstances pour arriver à la conclusion d'un accord tacite sur des tarifs de prix. De plus, l'efficacité technique nécessiterait d'attribuer une part de marché à des sociétés à bas coûts, mais cela pourrait être difficile à maintenir en l'absence d'accords explicites et de paiements compensatoires. GBI est défavorisée par les coûts de transport et de logistique vers la péninsule Ibérique par rapport à ABF et Lesaffre. Rappelons que la levure comprimée doit être transportée dans des camions spéciaux réfrigérés, ce qui rend le transport relativement onéreux. Les fournisseurs commencent donc par rechercher des opportunités à une distance relativement proche de leurs sites de production. Une réaffectation de la production de Casteggio à Cordoue et Setúbal éliminerait aussi ces différences et contribuerait à mieux rapprocher les motivations de l'entité fusionnée et de Lesaffre. Une meilleure adéquation des structures de coûts de Lesaffre et d'ABF limite les conflits d'intérêts en matière de fixation des prix ou d'attribution du marché et peut faciliter l'identification par les fournisseurs des points de convergence qui permettent de trouver un accord tacite durable sur les modalités de la coordination.
(296) Le raisonnement s'applique aussi à d'autres différences de structure de coûts ou à des différences de capacités de production. Les contraintes de capacité peuvent affecter la viabilité de la collusion de deux façons. Une société soumise à des contraintes de capacité a moins intérêt à pratiquer des prix inférieurs à ceux de ses concurrents. Par ailleurs, les contraintes de capacité limitent le pouvoir de représailles des sociétés. À première vue, les contraintes de capacité semblent avoir un effet ambigu sur la coordination tacite car elles limitent à la fois les motivations de comportement déviant et la capacité à sanctionner ce comportement déviant. Des études sur les capacités symétriques ont effectivement confirmé cette apparente ambiguïté.
(297) Toutefois, selon la théorie économique établie, l'asymétrie des capacités complique généralement le maintien de la coordination tacite (144). Par rapport à une situation où toutes les sociétés subissent les mêmes contraintes de capacité, la hausse des capacités d'une société aux dépens des autres a pour effet d'accroître la motivation de la première entreprise à pratiquer des prix inférieurs aux autres et de limiter le pouvoir de représailles des autres sociétés. En général, donc, l'introduction d'une telle asymétrie empêche la coordination tacite. En revanche, plus de symétrie des capacités rapproche encore les motivations d'une coordination tacite. En effet, après la fusion, Lesaffre et ABF disposeraient quasiment de la même marge de capacité inemployée (environ [...]* chacune) dans la péninsule Ibérique.
(298) La tendance à une plus grande symétrie se manifeste également à l'égard des parts de marché. Dans le cas du marché espagnol de la levure comprimée, les effets de la fusion sur une plus grande symétrie du partage du marché sont particulièrement forts. Après la fusion, ABF/GBI et Lesaffre disposeront respectivement d'une part de marché de [40-50] % et de [40-50] %.
(299) Il faut préciser également que l'innovation complique le maintien de la coordination tacite car l'innovation, en particulier lorsqu'elle représente une avancée importante dans un secteur, peut conférer à une société un avantage significatif sur ses concurrents. Cette perspective réduit à la fois la valeur d'une future coordination tacite et l'étendue du préjudice que les concurrents pourront infliger si nécessaire. Cette idée constitue en fait une variante spéciale des considérations plus générales sur l'asymétrie des coûts (145). Bien que la production de levure soit basée sur une technologie arrivée à maturité, GBI a récemment investi dans la recherche et le développement, ce qui a permis certaines innovations - notamment en ce qui concerne les briques Tetrapak de levure liquide destinées aux artisans boulangers.
(300) La fusion repose en fait aussi sur un accord de partage des DPI liant Lesaffre et ABF, aux termes duquel [...]*. Conformément à cet accord, [...]*. Cet accord doit rester en vigueur jusqu'à l'expiration du dernier droit de brevet, renouvellements, extensions ou autres compris. Un tel accord peut accroître considérablement la viabilité d'une coordination tacite en ce sens qu'il améliore la transparence sur les caractéristiques des produits de chaque partie et crée un lien permanent et de longue durée entre les sociétés qui coordonnent leur comportement.
(301) Selon les termes de la transaction, par la mise en commun des brevets GBI, les sociétés qui coordonnent leur comportement a) éliminent GBI comme source potentielle de déstabilisation de l'innovation et b) s'assurent qu'aucune des deux sociétés qui coordonnent leur comportement n'hérite de l'avantage concurrentiel qui pourrait éventuellement découler des droits de propriété intellectuelle. En outre, ce partage des droits de propriété intellectuelle peut considérablement améliorer la viabilité de la coordination tacite, au moins de deux façons. Il améliore tout d'abord la transparence sur les caractéristiques des produits de chaque partie. Ensuite, et par extension, il homogénéise les offres des deux sociétés.
(302) Il convient de noter pour finir que, contrairement à ABF et Lesaffre, GBI n'approvisionne pas le marché espagnol de la levure liquide. Si la fusion ne se faisait pas, cela pourrait, à terme, désaligner les motivations si les conditions du marché conduisaient à un chiffre d'affaires bien plus élevé sur le marché de la levure liquide, aux dépens des ventes de levure comprimée. La fusion permettrait aussi d'éliminer cette source d'asymétrie.
(303) De même, GBI exerce principalement son activité en Espagne par l'intermédiaire de distributeurs et ses ventes directes sont donc limitées par rapport à ABF et Lesaffre. Ceci peut s'expliquer par le fait que GBI a perdu presque tous ses clients industriels lorsqu'elle a déplacé sa production à Casteggio en 2001-2002 car ceux-ci ne voulaient pas courir le risque de retards ou de baisses de qualité en raison des longues distances. Après la fusion, Lesaffre et l'entité fusionnée seront donc plus homogènes, y compris en ce qui concerne la distribution de leur base de clientèle en Espagne.
6.3.2.2.2.3 Conclusion
(304) Ce qui précède permet de conclure que la concentration envisagée entraverait de manière significative une concurrence effective sur le marché espagnol de la levure comprimée. Toutefois, comme exposé ci-dessous, les mesures correctives proposées par ABF ont suffi à lever les points d'inquiétude en matière de concurrence et à restaurer une concurrence effective sur ces marchés.
6.3.2.3 Le marché portugais de la levure comprimée
6.3.2.3.1 Mécanisme de la coordination tacite
6.3.2.3.1.1 Capacité à trouver un accord sur les termes de la coordination
(305) Le marché portugais de la levure comprimée, tout comme le marché espagnol, est caractérisé par une grande transparence en ce qui concerne les prix, les ventes et les capacités des trois entreprises en place, telle qu'exposée aux points 6.3.2.1.6 et 6.3.2.2.1.
(306) Sur le marché portugais de la levure comprimée, tout comme sur le marché espagnol, il existe des relations historiques entre les producteurs et leurs distributeurs, puis entre les distributeurs et leurs clients, comme expliqué au point 6.3.1.4.1. Dans l'ensemble, la demande et les parts de marché sont relativement stables dans le temps comme le montre le tableau 4. Cela implique qu'il existe aussi au Portugal une large transparence en ce qui concerne la répartition historique des clients entre les producteurs (s'agissant du changement de producteur par un client, voir également le point (320) ci-dessous).
Tableau 4 Évolution des parts de marché entre 2005 et 2007 sur le marché portugais de la levure comprimée
2005 2006 2007
GBI [40-50] % [40-50] % [40-50] %
ABF [30-40] % [20-30] % [20-30] %
Lesaffre [10-20] % [20-30] % [20-30] %
Lallemand 0,0 % [0-5] % [0-5] %
Source: enquête de marché
(307) S'agissant des prix, la transparence s'améliore également grâce à l'homogénéité des produits, comme indiqué au point 6.3.2.1.5, et au rôle des distributeurs en tant que collecteurs d'informations sur les prix des concurrents et sur le comportement des clients en matière de changement de fournisseur.
(308) Une analyse des contrats écrits joints par ABF au formulaire CO montre clairement que les distributeurs portugais fonctionnent sur le principe de l'exclusivité et [brève description de l'autonomie limitée dont les distributeurs disposent en matière de prix et de leur obligation d'information]*. À titre d'exemple, cela est même stipulé explicitement dans le contrat conclu entre Prodipani et António da Rocha Martins.
(309) Il s'agit de relations de longue durée, souvent intergénérationnelles, avec très peu de cas de changement de distributeurs au fil des années. Entre 2006 et 2007 et entre 2005 et 2006, les données ne montrent aucun cas de changement de fournisseur au Portugal sur un total respectif de 53 et 56 clients identifiés (146).
(310) Le système de distribution portugais est lui aussi très rigide. Les distributeurs portugais ont tendance à ne transporter que la levure d'un seul fournisseur et à détenir une exclusivité géographique pour une région spécifique. L'enquête de marché a révélé que seul un distributeur vendait de la levure provenant de plusieurs producteurs. Les distributeurs entretiennent en effet des relations de longue durée avec leurs fournisseurs de levure. ABF, Lesaffre et GBI disposent déjà d'un réseau complet de distributeurs qui couvre le Portugal et réduit très fortement la probabilité que des distributeurs changent de fournisseurs.
(311) Prenons l'exemple de Prodipani. Prodipani est l'un des principaux distributeurs d'ABF au Portugal. Il a récemment essayé d'étendre ses ventes de levure au-delà de sa zone d'exclusivité. En dépit de son importance, ABF a aussi refusé de soutenir cette démarche et Lesaffre a aussi refusé de fournir la levure comprimée car son réseau était aussi concerné. Prodipani s'est finalement adressé à Lallemand, auprès duquel il s'approvisionne désormais directement en levure depuis son usine autrichienne. Il semble toutefois qu'il n'ait pu vendre que de faibles quantités pour ce dernier.
(312) Dans certains cas, les contrats conclus avec des distributeurs imposent des quantités minimales et/ou d'autres sortes de restrictions. Par exemple, [...]*. Les contrats de distribution visent également à limiter les incitations du distributeur à vendre au-delà du niveau historique. Au contraire, l'accent est mis sur le maintien des clients actuels. Par exemple, [...]* (147).
(313) Les distributeurs d'ABF et de GBI ne fixent pas les prix finals. L'enquête de marché a en effet révélé que les prix finals et la marge des distributeurs étaient fixés le plus souvent par le producteur. Dans les rares cas où les distributeurs ont une certaine liberté pour fixer les prix, le fait qu'ils réalisent de très faibles marges (148) limite leur capacité à fixer les prix.
(314) En outre, le plus souvent, les distributeurs ne sont pas habilités à négocier les prix si un client demande une remise. Il ressort de l'enquête de marché que, pour les distributeurs d'ABF et de GBI, les délégués commerciaux de ces producteurs sont directement impliqués dans les négociations des prix qui ne correspondent pas aux prix conseillés et que, en cas de remise, ils versent une compensation au distributeur.
(315) En outre, la capacité de contrôler les prix des distributeurs est couplée à la capacité de contrôler les volumes vendus sur le marché par les fournisseurs. Les distributeurs dépendent de leur producteur et, s'ils le perdent, il y a peu de chance qu'ils trouvent un autre fournisseur crédible dans la mesure où les autres producteurs établis ont eux aussi généralement des distributeurs exclusifs dans la région.
(316) Par conséquent, compte tenu de l'exclusivité de fait ou contractuelle dont jouissent les distributeurs, la structure du marché est très simple au niveau local et elle accroît la transparence puisque chaque territoire n'est généralement occupé que par les distributeurs exclusifs des trois principaux fournisseurs (149).
(317) L'impact d'une distribution de facto exclusive comme facteur facilitant une entente tacite sur les termes de la coordination a été expliqué au point 6.3.2.2.1 consacré au mécanisme de coordination en Espagne. En résumé:
a) les territoires exclusifs limitent la concurrence entre les distributeurs en dehors du territoire qui leur est attribué;
b) les territoires exclusifs tendent également à restreindre la concurrence entre les distributeurs de différents fournisseurs;
c) la distribution exclusive contribue fortement à l'amélioration de la transparence sur le marché.
(318) L'évolution des prix au Portugal suit le même modèle qu'en Espagne. Les prix ont continuellement augmenté depuis l'acquisition de GBI par Gilde, ce qui a coïncidé avec la hausse des coûts des intrants. Les prix des trois grandes entreprises en place ont connu une hausse parallèle, mais celle-ci n'a pas été suivie de hausses de prix importantes par Lallemand (150).
(319) L'enquête de marché indique également que, contrairement à ce qui se passe en Espagne, GBI impose des prix supérieurs, ce qui reflète sa position plus forte sur le marché, tandis que Lesaffre et, dans une certaine mesure, ABF semblent se comporter en suiveurs.
(320) Le raisonnement sur la hausse des prix observée entre 2005 et 2007 et décrite aux considérants (222) à (227) au sujet de l'Espagne s'applique également au marché portugais. En effet, les trois fournisseurs Lesaffre, ABF et GBI ont appliqué simultanément des hausses de prix au Portugal. En réalité, des documents internes de la partie notifiante ABF démontrent que la politique de prix était étroitement surveillée au Portugal et qu'il existait, dans une certaine mesure, une entente sur la façon dont les autres opérateurs allaient réagir aux mouvements de prix: "nous avons annoncé une hausse en décembre; nous présumons que LSF augmentera les prix en février". Ceci confirme de nouveau que les entreprises considèrent que le marché est relativement transparent.
(321) Dans le cas du marché portugais, il est particulièrement frappant que Lesaffre, bien que fournisseur le plus faible, dispose en réalité d'une usine à Valladolid, bien plus proche du Portugal que l'usine italienne de GBI. Il est important de préciser que Lesaffre disposait d'environ [...]* de marge de capacité inemployée l'année précédente mais n'a pas étendu sa présence au Portugal. En réalité, les données quantitatives de Lesaffre laissent supposer que Lesaffre a adopté une attitude plutôt passive sur le marché portugais de la levure comprimée au cours des trois dernières années. Lesaffre semblait satisfait de suivre les hausses de prix et ne souhaitait pas saisir l'occasion d'accroître significativement ses parts de marché alors que le prix des intrants augmentait. Au demeurant, Lesaffre n'a tiré profit ni de la proximité de son usine de Valladolid, qui disposait d'une marge de capacité de production inutilisée, ni de sa position déjà établie sur le marché.
6.3.2.3.1.2 Motivations à violer la coordination et surveillance des violations
(322) Le marché portugais de la levure comprimée peut lui aussi être considéré comme étant relativement transparent, essentiellement pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 6.3.2.1.6. Cette transparence facilite la surveillance des comportements déviants de la même façon que décrite aux considérants 6.3.2.2.1.2 à (233) en ce qui concerne l'Espagne.
(323) De plus, dans le cas du Portugal, l'enquête de marché a clairement montré que les distributeurs étaient soumis à des obligations de compte rendu complet sur l'évolution des conditions du marché. Par exemple, les distributeurs d'ABF ont des obligations contractuelles de comptes rendus complets ([...]*).
(324) Par exemple, [...]*. Les distributeurs de GBI sont également soumis à une obligation contractuelle d'information complète. Citons par exemple [...]*.
(325) Par conséquent, les fournisseurs peuvent interpréter et vérifier la politique de prix des concurrents. Un document interne d'ABF sur la situation au Portugal début 2006 indique que "la hausse de notre prix de vente a été mise en place dès janvier, bien que pas complètement. Gilde (GBI) a appliqué la sienne le 1er février et, nous supposons que Lesaffre fera de même au cours du mois de février". Cela suggère qu'il existe une transparence élevée chez les fournisseurs en ce qui concerne les politiques des concurrents en matière de hausses des prix.
(326) En outre, les distributeurs proposent non seulement des données fiables sur le marché, mais ils proposent également ces informations à très bref délai, c'est-à-dire qu'ils fournissent des données en temps utile. Avec des livraisons hebdomadaires et l'obligation de faire un compte rendu complet chaque mois, le délai nécessaire pour détecter le non-respect d'un accord de coordination tacite est relativement court, ainsi qu'il ressort du considérant (197), puisqu'il est facile de constater que le niveau des ventes réalisées avec des clients existants est inférieur aux attentes. La saisonnalité ne réduit pas la transparence car le modèle est régulier et donc largement prévisible. Une baisse des ventes peut donc indiquer à très court terme qu'un concurrent a peut-être augmenté les siennes (151).
(327) En conclusion, comme sur le marché espagnol, les distributeurs jouent un rôle très important pour détecter chez qui les quantités sont parties afin d'en déduire l'entreprise coupable et exercer des représailles.
6.3.2.3.1.3 Dissuasion
(328) Pour les mêmes raisons que celles expliquées au point 6.3.2.2.1.3 au sujet de l'Espagne et applicables au marché portugais de la levure comprimée, un retour à une interaction totalement concurrentielle constituerait un mécanisme de dissuasion suffisant.
6.3.2.3.1.4 Réaction des outsiders
(329) Tous les motifs exposés au point 6.3.2.2.1.4 concernant l'incapacité des nouveaux entrants ou clients à limiter le niveau existant de coordination tacite en Espagne s'appliquent de la même façon au marché portugais de la levure comprimée. Au Portugal, la part de marché des opérateurs marginaux est encore plus faible que celle qu'ils détiennent en Espagne, Zeus et Asmussen n'étant pas présents et Lallemand ne disposant que d'un seul distributeur, et les arguments relatifs à la faible probabilité d'entrée ou d'expansion de nouveaux arrivants s'appliquent de la même façon.
(330) En outre, par rapport à l'Espagne, le plus grand éloignement des producteurs implantés en dehors de la péninsule Ibérique par rapport au marché portugais ainsi que la petite taille de ce dernier en chiffres absolus viennent s'ajouter aux obstacles à l'entrée et aux motivations limitées à se développer exposés au point 6.3.2.1.4.
6.3.2.3.2 Effet de la transaction sur les marchés portugais de la levure comprimée
(331) Il a été démontré dans la section précédente qu'il existait une série d'éléments structurels et comportementaux qui étayent la conclusion selon laquelle le marché portugais de la levure comprimée présente déjà un certain degré de coordination tacite permettant à ABF, GBI et Lesaffre de contrôler les prix et/ou le niveau des ventes dans certaines régions, entre autres par l'intermédiaire de rapports d'exclusivité (de facto) avec des distributeurs.
(332) Ce renforcement de la coordination tacite au Portugal tient principalement au fait que la vente d'actifs de GBI à ABF accroît encore la transparence en réduisant le nombre d'opérateurs sur le marché de la levure comprimée, ce qui facilite la détection d'un comportement déviant et l'exercice de représailles efficaces. À cet égard, toutes les raisons données aux considérants (284) à (289) pour le marché espagnol concernant les effets d'une réduction du nombre d'opérateurs de trois à deux s'appliquent aussi mutatis mutandis au marché portugais.
(333) De plus, la présence historique de GBI depuis de nombreuses décennies implique qu'elle bénéficie d'une marque notoirement connue et d'un réseau de distributeurs bien établi. Ces facteurs permettent à GBI de conserver une position forte sur le marché en dépit d'un désavantage concurrentiel dû à l'absence de production nationale, même par rapport à ABF. En l'absence de fusion, il est possible qu'à terme, en cas de chocs d'asymétrie de la demande ou de l'offre, ces deux sociétés s'opposeront sur la question de savoir laquelle d'entre elles devrait prendre l'initiative de fixer les prix que les autres doivent suivre.
(334) La fusion élimine la menace que des attentes divergentes quant au rôle de l'une ou l'autre partie de la fusion dans le maintien du niveau existant de coordination tacite conduisent à l'éclatement d'un mécanisme de coordination, efficace dans d'autres circonstances, tel que décrit au point 6.3.2.3.1. Cela est dû au fait que la fusion supprime l'incertitude sur l'identité du leader dans la définition des termes de la coordination et de prix spéciaux. Après la fusion, on peut s'attendre à ce que l'entité fusionnée assumerait ce rôle et que Lesaffre resterait un suiveur sur le marché.
(335) Les différences entre la part de marché de l'entité fusionnée et celle de Lesaffre après la fusion confirmeraient également le rôle de leader de l'entité fusionnée dans la coordination tacite. À cet égard, l'absence de parts de marché symétriques sur le marché portugais ne fait pas obstacle à une coordination effective. En revanche, la symétrie entre les opérateurs sera renforcée au niveau de la production (ce qui influe sur les structures de coût), Lesaffre et l'entité fusionnée étant toutes deux susceptibles d'approvisionner le marché à partir d'usines locales implantées en Espagne et au Portugal, ce qui éliminera l'assymétrie découlant du fait que GBI fait venir sa levure d'un site de production éloigné, en Italie.
6.3.2.3.2.1 Conclusion
(336) Compte tenu de ce qui précède, il est conclu que la fusion envisagée entraverait de façon significative une concurrence effective sur le marché portugais de la levure comprimée. Toutefois, comme exposé ci-après, les mesures correctives proposées par ABF ont suffi à lever les points d'inquiétude en matière de concurrence et à restaurer une concurrence effective sur ces marchés.
6.3.3 Aucune preuve d'effet coordonné sur le marché français de la levure comprimée
6.3.3.1.1 Le marché français de la levure comprimée est mené par Lesaffre
(337) Le marché français de la levure comprimée est légèrement plus important que le marché espagnol et il représente environ quatre fois celui du Portugal. Il est caractérisé par la très forte position du producteur historique, qui jouit d'environ [60-70] % de part de marché. Lesaffre est leader mondial de la levure et dans son pays, la France ; il dispose d'une position dominante indiscutable. Lesaffre est le seul producteur de levure ayant des activités en France avec des installations de production dans le pays, exploitant trois usines en France. En particulier, sur le segment des artisans desservi par des distributeurs (les distributeurs couvrent environ la moitié du marché de la levure comprimée en France) et où la marque joue un rôle important, Lesaffre domine le marché par sa marque de référence, L'Hirondelle. C'est de loin la marque de levure comprimée la plus vendue, la plus réputée et traditionnelle en France. Lesaffre complète son portefeuille avec deux autres marques haut de gamme, Springer et Fala. Sur le marché bas de gamme, Lesaffre propose principalement Levamax.
(338) Lesaffre est aussi leader indiscutable en ce qui concerne l'approvisionnement des clients directs (pour la plupart des industriels).
(339) Ces dernières années, Lesaffre a conservé sa position dominante sur le marché français de la levure comprimée et sa part de marché est relativement stable.
Tableau 5 Évolution des parts de marché de 2005 à 2007 sur le marché français de la levure comprimée
2005 2006 2007
Lesaffre [60-70] % [60-70] % [60-70] %
GBI [20-30] % [20-30] % [10-20] %
ABF [5-10] % [10-20] % [10-20] %
Puratos [0-5] % [0-5] % [0-5] %
Zeus [0-5] % [0-5] % [0-5] %
Lallemand [0-5] % [0-5] % [0-5] %
Source: enquête de marché.
(340) ABF détient environ [10-20] % du marché français de la levure comprimée. ABF a pris place sur le marché beaucoup plus tard que Lesaffre, à peu près dans le début des années quatre-vingt-dix) et il fournit la levure principalement à partir de son usine de Setubal au Portugal. Les ventes d'ABF augmentaient dans le passé. En raison de son absence d'antériorité sur le marché, ABF est toujours considéré comme une entreprise étrangère. Outre ses clients directs, elle approvisionne aussi les distributeurs et dépend largement d'un seul groupe de distribution (Back Europe) qui vend à lui seul près de [...]* de la levure comprimée d'ABF en France (et réalise environ [...]* des ventes d'ABF sur le segment distribution/artisans). ABF vend principalement les marques Universal et Europa (pour ces deux marques, Back Europe est le distributeur exclusif en France) qui sont des marques bas de gamme sur le marché.
(341) GBI est toujours considéré comme un producteur traditionnel en France où il est installé depuis relativement longtemps, représentant environ [10-20] % du marché en 2007. Jusque dans les années quatre-vingt-dix, GBI disposait d'installations de production en France, mais la société fournit maintenant ses produits principalement à partir de son usine de Casteggio, Italie, et également de l'entreprise commune Uniferm en Allemagne. GBI bénéficie de la notoriété de sa marque traditionnelle, La Parisienne, et complète son portefeuille par une marque moins chère, Levareal.
(342) Le quatrième acteur sur le marché français, le producteur belge Puratos, représente environ [0-5]% du marché, fournissant des clients directs, mais aussi le secteur des artisans en utilisant son propre réseau de distribution (qui fournit beaucoup d'autres ingrédients de boulangerie). Les opérateurs marginaux, Lallemand et Zeus, ne représentent qu'environ [0-5] % du marché, fournissant quelques distributeurs.
6.3.3.1.2 Caractéristiques structurelles de la demande non favorables à une coordination
(343) Le marché français de la levure comprimée présente plusieurs caractéristiques qui, à l'opposé des marchés portugais et espagnol, contribuent à l'abaissement des obstacles d'entrée, au renforcement du pouvoir des acheteurs à faire contrepoids et à moins de transparence du marché, rendant ainsi la coordination moins viable.
6.3.3.1.2.1 Boulangers industriels détenant un pouvoir élevé sur le marché
(344) Contrairement à l'Espagne et au Portugal, la France présente une bien plus forte proportion de boulangers industriels. Ces clients sont desservis directement par les producteurs et ils tendent à diversifier leurs sources pour se ménager une meilleure sécurité de leurs approvisionnements et une meilleure capacité de négociation avec les fournisseurs. Les clients industriels, en particulier les grands, disposent ainsi d'un certain pouvoir pour leurs achats qui leur permet de faire jouer la concurrence.
(345) En outre, contrairement aux clients directs du Portugal et d'Espagne, un certain nombre de clients industriels répondant à l'étude de marché en France se sont montrés plus réceptifs à un approvisionnement par des sociétés non établies en France. Cela conforte le fait que tous les fournisseurs autres que Lesaffre livrent de la levure provenant de l'étranger (GBI d'Allemagne et d'Italie, ABF du Portugal et Puratos de Belgique). En résumé, en Espagne et au Portugal, les clients directs sont approvisionnés presqu'exclusivement par des fournisseurs qui ont leur production dans la péninsule Ibérique, GBI ayant perdu la plupart de ses clients directs en déplaçant sa production en Italie. La relative proximité géographique des clients industriels rend ainsi l'entrée/l'expansion des producteurs extérieurs plus probable qu'en Espagne et au Portugal.
6.3.3.1.2.2 Rôle des grands groupes de distribution pour faciliter l'entrée
(346) Le segment des artisans en France est desservi, comme au Portugal et en Espagne, par des distributeurs. Toutefois, le système de distribution en France est complètement différent. Au lieu d'un réseau de distributeurs exclusifs (de facto) offrant les seuls produits d'un seul producteur, les distributeurs français sont par essence regroupés dans l'un des trois grands groupes de distribution/centrales d'achat. Les conditions de vente, principalement les remises, sont alors négociées par le groupe pour le compte de tous ses membres avec deux ou trois producteurs de levure. Ces producteurs sont ensuite référencés par le groupe et tous les membres peuvent jouir des conditions fixées centralement. Cette situation donne plus de pouvoir de négociation aux centrales d'achat/groupes par rapport aux membres individuels. Les groupes se font alors concurrence au niveau de la distribution et avec quelques distributeurs non-membres (dont le nombre a diminué) et quelques réseaux privés de distribution qui se développent dans le pays, entre autres en rachetant des distributeurs individuels.
(347) Les centrales d'achat/groupes semblent avoir une certaine influence sur les décisions d'achat de ses membres, le groupe poussant quelquefois ses membres à vendre les produits d'un producteur particulier. Certains groupes tendent à être plus fidèles à leur " fournisseur préféré " dans la mesure où ils sont motivés par leurs programmes de remises et autres avantages et donc, il est difficile pour d'autres fournisseurs de se faire une place dans ces groupes. Toutefois, un seul grand groupe a confirmé qu'il était en train d'organiser un appel d'offres pour sélectionner un autre fournisseur de levure dans le cadre de sa politique de diversification de ses approvisionnements et de la recherche de produits à bas prix comme alternative aux marques établies, de bonne notoriété et haut de gamme (152). C'est pourquoi l'entrée ou l'expansion d'un nouvel opérateur sur le marché français peut être largement facilitée par une coopération avec un grand groupe de distribution de ce type, ce qui est démontré par ABF qui fait [...]* ses ventes sur le segment de distribution/artisans en France par le biais d'un seul groupe de distribution avec lequel ABF a pu développer son marché.
(348) En France, la préférence des clients pour les marques principales est incontestable et une grande partie des clients artisans sont prêts à payer plus pour des produits de bonne notoriété et de marque, la fidélité aux marques s'étant souvent construite de génération en génération. Toutefois, il y a un petit segment (mais qui prend de l'ampleur) de clients sensibles aux prix. Ces clients optent pour la "marque premier prix" et, pour eux, la reconnaissance de la marque joue un rôle mineur pourvu que la fiabilité et la qualité de la marque soient satisfaisantes.
(349) Cela semble être le segment sur lequel ABF opère et il semble qu'en échange de l'exclusivité, le grand groupe de distribution Back Europe ait été capable de développer les ventes de ses marques. Pour ce grand groupe de distribution, le soutien d'une force de vente locale d'un producteur n'est pas très important parce que le groupe est suffisamment grand pour avoir ses propres moyens de promotion des marques qu'il vend. De la même façon, les dispositions logistiques peuvent être relativement simples dans la mesure où ces groupes ont un dépôt central et que les produits peuvent être redistribués intra-groupe. Ainsi, bien qu'une entrée à grande échelle qui serait capable de faire forte pression sur Lesaffre semble peu probable en France, une percée dans ce segment inférieur est beaucoup plus probable et est facilitée par le rôle des grands groupes de distribution.
6.3.3.1.2.3 Une structure de distribution plus compliquée rend le marché moins transparent pour surveiller les comportements déviants
(350) En Espagne et au Portugal, la distribution de levure comprimée est marquée par une très grande "simplicité" du marché où un distributeur particulier ne dessert qu'un seul fournisseur, le distributeur n'étant souvent que le bras prolongé du producteur, avec des systèmes de comptes rendus mis en place pour s'assurer que les informations de marché remontent rapidement du distributeur au producteur. En France, il ne semble pas que ce système existe et, souvent, les distributeurs distribuent les produits de plusieurs producteurs en même temps, généralement en conformité avec les fournisseurs référencés de leur groupe. Il n'y a pas d'obligation ou de pratique voulant que les distributeurs rendent compte à leur fournisseur dans la mesure où ils ne sont tout simplement pas affiliés à un fournisseur quelconque. Les distributeurs français sont complètement libres de fixer les prix finals. La présence de plusieurs groupes de distribution en parallèle, en plus des distributeurs indépendants et des réseaux privés, rend le marché plus compliqué et moins transparent.
(351) Les distributeurs de certains groupes s'approvisionnent directement auprès des producteurs et dans ce cas, le groupe ne sert que d'intermédiaire dans les négociations. Mais les producteurs fournissent aussi un autre groupe centralisé, à son entrepôt, et ce groupe s'occupe de distribuer les produits à ses membres dans tout le pays. Dans ce cas, les fournisseurs ne connaissent pas la destination finale des produits et il est plus difficile d'identifier rapidement le lieu et la cause d'une chute possible de volume des ventes (ce qui pourrait arriver du fait d'actions ou de promotions menées par la concurrence).
6.3.3.1.3 La fusion ne change pas l'équilibre des forces en France
(352) Actuellement, le marché français de la levure comprimée est clairement dominé par Lesaffre dont la position très forte est ancrée par son statut d'opérateur historique et la forte notoriété de la marque représentée par ses trois marques françaises traditionnelles haut de gamme. En France, une grande partie des clients artisans font confiance à des marques établies pour lesquelles ils sont prêts à payer jusqu'à 30 % de plus. Lesaffre, tirant profit de sa position haut de gamme, peut également lutter sur le marché bas de gamme avec ses marques bas de gamme ainsi que sur le segment des boulangers industriels. En outre, Lesaffre jouit d'un avantage de coût par rapport à ses concurrents en termes de coûts de transport car il dispose de sites de production locaux en France. Après la fusion, des asymétries persisteront entre Lesaffre et l'entité fusionnée, en particulier au niveau de la production et des parts de marché, mais Lesaffre devrait conserver sa position de leader, avec [60-70] % de part de marché. Après la fusion, l'entité combinée, avec [30-40] % du marché, ne devrait pas, tout comme la pré-fusion GBI et ABF, pouvoir faire vaciller facilement Lesaffre sur le marché.
6.3.3.1.4 Conclusion
(353) Il est vrai que, replacée dans le cadre global des contacts multi-marchés de la coordination probable après la fusion en Espagne et au Portugal, la France peut jouer un rôle en étant le territoire sur lequel l'entité fusionnée peut exercer des représailles contre Lesaffre. Dans le même ordre d'idées, essayer d'ébranler fortement la position de Lesaffre sur son marché intérieur ne peut vraisemblablement pas déstabiliser autant que cela le niveau de coordination possible en Espagne et au Portugal. Toutefois, si l'on analyse le marché français en tant que tel sur le fond et en tenant compte des caractéristiques structurelles du marché et de la force de ses liens avec le marché espagnol voisin, on en conclut que, tout compte fait, la fusion ne déclenchera vraisemblablement pas d'effets coordonnés.
(354) Si l'analyse du marché portugais effectuée au point 6.3.2.3 menait à la conclusion qu'au Portugal, la fusion entraînerait probablement des effets coordonnés sous la forme d'un leadership de prix concertés qui serait aussi fortement influencé par un comportement coordonné possible dans l'Espagne voisine, la situation en France est différente. Outre les caractéristiques structurelles différentes du marché français discutées ci-dessus qui rendent l'organisation d'une coordination moins probable, notamment en raison du pouvoir des acheteurs, de la faiblesse des obstacles à l'entrée et du faible degré de transparence du marché, il y a deux éléments supplémentaires qui rendent la situation suffisamment différente.
(355) Tout d'abord, les liens entre les marchés espagnol et portugais sont beaucoup plus importants qu'entre l'Espagne et la France si l'on considère les fournisseurs. Même si du point de vue de la demande, l'Espagne et le Portugal constituent clairement deux marchés distincts, comme l'indique la section consacrée au marché géographique en cause, il existe certains liens que l'entité fusionnée et Lesaffre prendront probablement en compte après la fusion. Comme la réaffectation de la production semble être un choix rationnel pour l'entité fusionnée, cela conduirait à une situation dans laquelle l'entité fusionnée et Lesaffre approvisionneraient les deux marchés à partir d'installations ibériques locales. La taille relativement petite du marché portugais, très voisin du marché espagnol, beaucoup plus grand, peut avoir une incidence sur l'alignement des stratégies des deux marchés. Cette hypothèse est renforcée par le fait que les décisions commerciales régionales de Lesaffre et de GBI sont actuellement prises dans un siège commun de la péninsule Ibérique qui dessert les marchés portugais et espagnol. La coordination possible en Espagne, aurait ainsi nécessairement une certaine incidence sur le comportement stratégique de ces sociétés au Portugal. En revanche, les liens du marché espagnol avec le marché français - relativement vaste et plus autonome - sont plus distants.
(356) Ensuite la capacité du suiveur sur le marché, respectivement en France (l'entité fusionnée) et au Portugal (Lesaffre), à mettre en difficulté la position du leader du marché semble ne pas se présenter de la même façon sur les deux marchés. En France, la force de Lesaffre est très difficile à contester et la possibilité de s'étendre à ses dépens est, indépendamment de la fusion, plutôt limitée. Au Portugal, en revanche, Lesaffre est probablement appelé à croître sur le marché. C'est pourquoi le rôle de suiveur de Lesaffre au Portugal après la fusion découlera probablement d'une volonté stratégique de contenir sa propre croissance plutôt que de son incapacité à croître.
(357) Les éléments qui précèdent permettent de conclure que la fusion n'entraînera pas d'effets coordonnés sur le marché de la levure comprimée en France.
6.3.4 Effets non-coordonnés en France
(358) Rien n'indique que la transaction proposée conduira à des effets non-coordonnés en France. Lesaffre restera indiscutablement le leader du marché et rien n'indique que la disparition de l'interaction concurrentielle entre ABF et GBI conduira à des effets entravant la concurrence dans cet environnement. En fait, la transaction proposée créera une deuxième force plus forte sur le marché français de la levure.
6.3.5 Effets non coordonnés en Espagne et au Portugal
(359) Aux fins de la présente décision, il n'est pas nécessaire d'évaluer plus avant la probabilité d'effets non-coordonnés engendrés par la fusion. Même si cette transaction suscite des inquiétudes quant aux effets non-coordonnés possibles, ces inquiétudes devraient disparaître avec les engagements pris par la partie notifiante qui supprimeront entièrement (comme expliqué plus en détail dans l'évaluation des engagements effectuée à la section 7) le chevauchement engendré par la transaction et laisseront place à une tierce partie ayant une capacité de production comparable à celle de BGI.
6.4 MARCHÉS DE LA LEVURE LIQUIDE
(360) Le tableau 6 figurant ci-dessous fournit la structure du marché de la levure liquide au niveau national - basée sur les meilleures estimations d'ABF - au Portugal, en Espagne et en France en 2006. Les résultats de l'enquête de marché confirment largement ce tableau.
Tableau 6 Levure liquide 2006 (source: estimations d'ABF)
Société Portugal Espagne France
ABF [90-100]*% [30-40]* % -
GBI 0% 0% [30-40]* %
Cumulés [90-100]*% [30-40]* % [30-40]* %
Lesaffre - [60-70]* % [50-60]* %
Autres - - [5-10]* %
(361) D'un point de vue historique, GBI vendait de la levure liquide en vrac au Portugal et en Espagne. Toutefois, après la fermeture de l'usine portugaise en 2001, GBI a perdu la totalité de ses activités liées à la levure liquide en vrac (153). Ceci s'explique par les difficultés liées au transport de la levure liquide en vrac sur de longues distances (voir le considérant (88) ci-dessus) ainsi que par le fait que les clients industriels exigent fiabilité et proximité des approvisionnements.
(362) Par ailleurs, selon la partie notifiante, ses ventes de levure liquide se résument exclusivement à la vente de levure liquide en vrac à des clients industriels. Par conséquent, aussi bien en Espagne qu'au Portugal, GBI n'est pas active sur le même segment qu'ABF en ce qui concerne les marchés de la levure liquide.
(363) En outre, les efforts de GBI visant à promouvoir la vente de levure liquide en briques Tetra Pak n'ont remporté, jusqu'à présent, qu'un succès limité.
(364) S'agissant du marché français de la levure liquide en vrac, les activités de GBI et d'ABF ne se chevauchent pas et ABF ne vend pas de levure liquide en France.
(365) L'on peut exclure la possibilité que la fusion renforce davantage la position déjà forte d'ABF sur le marché portugais de la levure liquide. En Espagne et en France, les activités des parties ne se chevauchent que de manière marginale. La fusion n'engendrera pas d'effets non coordonnés ou coordonnés, quels qu'ils soient.
(366) Au regard des considérations qui précèdent, il est conclu qu'en ce qui concerne la fourniture de levure liquide, la concentration est compatible avec le marché commun quelle que soit la définition de marché retenue.
6.5 MARCHÉS DE LA LEVURE SÈCHE
(367) La grande majorité de la consommation mondiale de levure sèche se situe en Afrique, au Moyen-Orient, en Russie et en Asie en raison du manque d'infrastructures et de possibilités de transport réfrigéré et de conservation en chambre froide, ainsi que de l'absence de réseaux de distribution. Les données communiquées par la partie notifiante indiquent que seuls [0-5]* % des [...]* de levure sèche vendues dans le monde ont été vendus en Europe. Alors que [...]* de levure sèche sont produites en Europe, seuls [...]* sont vendues dans cette zone géographique. De ces [...]*, environ [...]* (qui représentent environ [30-40]* % de la totalité de la consommation européenne de levure sèche) ont été importées de Chine, de Turquie et d'Afrique du Sud (154).
(368) La part significative des importations en Europe ainsi que la longue durée de conservation de la levure sèche, qui est d'environ deux ans, semblent indiquer que les obstacles à l'entrée sont relativement peu importants.
Tableau 7 Levure sèche 2006 (Source: estimations d'ABF)
Société UE Monde
ABF [10-20]* % [10-20]* %
GBI [20-30]* % [0-10]* %
Cumulé [30-40]* % [20-30]* %
Lesaffre [30-40]* % [30-40]* %
Lallemand (CEE) [0-5]* % [0-5]* %
Pakmaya (Turquie) [10-20]* % [10-20]* %
Akmaya (Turquie) [0-5]* % [0-5]* %
Puratos (Belgique) [0-5]* % [0-5]* %
Zeus (Italie) [0-5]* % [0-5]* %
Angel (Chine) - [5-10]* %
Autres [5-10]* % [10-20]* %
(369) Tel qu'indiqué dans le tableau 7, il existe un certain nombre d'opérateurs qui sont déjà actuellement présents sur le marché de la levure sèche en Europe ainsi qu'un certain nombre de producteurs mondiaux importants, tels que Angel en Chine, qui, en cas d'augmentation des prix, n'auraient pas à faire face à d'importants obstacles et pourraient commencer à vendre à profit en Europe.
(370) À ce niveau, il est moins probable que des effets non coordonnés surviennent, étant donné l'offre abondante de levure sèche en Europe. La présence d'importations significatives en provenance d'un certain nombre de producteurs mondiaux ainsi que le potentiel d'offre supplémentaire provenant des autres pays ont pour effet probable de neutraliser toute augmentation de prix non coordonnée et/ou coordonnée réalisée après l'opération de concentration.
7 ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR LA PARTIE NOTIFIANTE
(371) La partie notifiante a déjà proposé, lors de la Phase I de la procédure, des engagements visant à rendre la transaction compatible avec le marché commun. Elle a proposé de céder les activités actuelles de GBI liées à la vente et la distribution de produits de levure en Espagne et au Portugal. La proposition de mesure corrective ne prévoyait pas d'usine de production mais un accord de sous-traitance d'une durée d'au moins trois ans portant sur l'approvisionnement de levure depuis l'usine de GBI située à Casteggio (Italie).
(372) Le résultat du test de marché portant sur les mesures correctives susmentionnées proposées au cours de la phase I était négatif. Sans usine de production, les activités vendues ne seraient pas viables et ne représenteraient pas une force concurrentielle suffisante permettant de concurrencer efficacement et à long terme ABF et Lesaffre en Espagne et au Portugal. Ceci s'explique par le fait qu'un nouvel entrant approvisionné par son concurrent qui possède une connaissance détaillée et peut influencer sa base de coûts ne pourrait pas être concurrentiel. L'acquéreur approprié potentiel des activités vendues dépendrait entièrement des approvisionnements provenant de Casteggio, courant le risque de problèmes de production et d'interruptions qui pourraient affaiblir sa position en tant que fournisseur crédible et fiable (155). En outre, la mesure corrective présentait des insuffisances au niveau de la durée limitée des licences de marque et, à l'époque, il n'y avait aucun élément assez clair permettant de penser qu'un acquéreur potentiel serait effectivement intéressé d'entrer sur les marchés concernés sur la base d'un tel arrangement.
7.1 PROCÉDURE
(373) Afin de rendre la concentration compatible avec le marché commun, la partie notifiante a proposé de nouveaux engagements conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, qui sont joints en annexe à la présente décision. Le 10 juillet 2008, la partie notifiante a déposé un projet d'engagements (156). La partie notifiante s'est vue adressée des conseils supplémentaires visant à améliorer la proposition de mesure corrective conformément à la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil et au règlement (CE) n° 447-98 de la Commission (157). Le 15 juillet 2008 (158), la partie notifiante a déposé un nouveau projet et, le 23 juillet 2008 (159), la version finale des engagements.
(374) [...]*. Cela apporte la preuve, aux fins de cette enquête, que [...]* est un acquéreur potentiel de ces activités.
(375) Le 17 juillet 2008, l'enquête de marché portant sur les engagements proposés a été ouverte en vue d'obtenir l'avis des opérateurs du marché présents en Espagne et au Portugal (clients et concurrents) concernant la capacité des engagements proposés à remédier aux problèmes de concurrence identifiés au cours de l'enquête.
7.2 DESCRIPTION DES ENGAGEMENTS
(376) ABF propose essentiellement de, soit vendre les activités de GBI liées à la distribution en Espagne et au Portugal à un acquéreur approprié qui possèdera une unité de production spécialisée à Felixstowe (Royaume-Uni) pour l'approvisionnement des activités GBI en Espagne et au Portugal, soit, comme mesure corrective alternative, vendre les activités de distribution en Espagne et au Portugal avec l'installation de production de GBI située à Setúbal. La seconde alternative est nécessaire dans la mesure où une condition de la première mesure corrective proposée - l'acquisition, en parallèle, de l'usine de Felixstowe par l'acquéreur approprié - dépend d'une décision prise par une tierce partie (160). En effet, Felixstowe est vendue suite à la décision de la Commission du 11 juillet 2008 (161) autorisant l'acquisition par Lesaffre de GBI UK dans l'affaire COMP/M. 5020 - Lesaffre/GBI UK.
(377) ABF s'est engagée à poursuivre les deux alternatives de vente en parallèle. Le délai de cession [...]*. Si ABF n'a pas conclu d'accord à la fin de cette période [...]*, le mandataire chargé de la cession a le mandat exclusif pour vendre l'usine de Setúbal ainsi que les activités de distribution de GBI en Espagne et au Portugal. [...]*, l'existence d'une seconde mesure corrective permet de s'assurer que, de toute manière, les problèmes identifiés sont éliminés.
(378) Les deux alternatives de cession sont résumées dans les sections 7.2.1 et 7.2.2 ci-après:
7.2.1 Première mesure corrective possible
(379) La première alternative comprend la cession des activités de GBI liées à la vente et à la distribution de produits de levure en Espagne et au Portugal et qui sont actuellement réalisées par les filiales espagnoles et portugaises de GBI (GBI Bakery Ingredients Spain, S.L ("GBI Espagne") et GBI Unipessoal, Lda ("GBI Portugal")), qu'ABF s'est engagée à céder. La cession porte sur:
a) l'ensemble des biens corporels et incorporels, en ce compris les droits de propriété intellectuelle, qui contribuent au fonctionnement des activités ou sont nécessaires à la viabilité et à la compétitivité des activités cédées ainsi que les informations nécessaires concernant les souches et procédés utilisés pour fabriquer les produits vendus actuellement par GBI Espagne et GBI Portugal;
b) l'ensemble des licences, permis et autorisations émis par une organisation gouvernementale, quelle qu'elle soit, en faveur des activités cédées;
c) l'ensemble des contrats, locations, engagements et commandes de clients des activités cédées ainsi que tous les clients, crédits et autres documents appartenant aux activités cédées;
d) le personnel de GBI Espagne et de GBI Portugal;
e) l'ensemble des marques (par transfert de la marque ou par licence perpétuelle sur le territoire de l'Espagne et du Portugal) associées à des produits vendus par GBI Espagne et GBI Portugal; et
f) la possibilité de conclure, pour une période d'un an, des contrats d'approvisionnement dans le cadre desquels ABF ou ses entreprises filiales continuent de fournir des produits et des services à l'acquéreur des activités cédées.
(380) ABF est consciente que la Commission approuvera uniquement la vente des activités de GBI Espagne et GBI Portugal à un acquéreur approprié qui a) a acquis l'ancienne usine de production de levure de GBI située à Felixstowe (Royaume-Uni) actuellement détenue et vendue par Lesaffre et b) démontre à la Commission qu'il déploiera à Felixstowe la capacité nécessaire, à long terme, à l'approvisionnement des activités de GBI Espagne et GBI Portugal. Le fait que l'acquéreur approprié doive également posséder une expertise prouvée, des ressources financières suffisantes et être motivé pour maintenir et développer les activités constitue une condition standard.
7.2.2 Seconde mesure corrective possible
(381) Au titre de la seconde mesure corrective possible, ABF s'engage à céder les activités liées à la distribution de GBI Espagne et GBI Portugal (tel que décrit dans la première alternative de cession) ainsi que l'installation de production de Setúbal au Portugal.
L'usine de production comprend notamment:
a) l'ensemble des biens corporels et incorporels (en ce compris les droits de propriété intellectuelle) qui contribuent au fonctionnement de la production ou sont nécessaires à la viabilité et à la compétitivité de l'installation de production;
b) l'ensemble des licences, permis et autorisations émis par une organisation gouvernementale, quelle qu'elle soit, en faveur de l'installation de production;
c) l'ensemble des contrats, locations et engagements de l'installation de production ainsi que tous les autres documents de l'installation de production à l'exception de ceux concernant la vente et la distribution de levure;
d) l'ensemble du personnel associé à la fabrication et à la production de levure dans l'installation de production à l'exception des travailleurs associés à la vente et à la distribution de levure; et
e) la possibilité de conclure notamment des contrats portant sur des services de traitement des eaux usées et des contrats d'approvisionnement en matières premières.
(382) ABF et l'acquéreur passeront des contrats d'approvisionnement transitoires pour une période d'un an suivant la conclusion afin que les deux parties puissent déménager leurs activités, dans l'hypothèse où ABF quitte l'installation de production de Setúbal et où l'acquéreur quitte le ou les sites de production approvisionnant GBI Espagne et GBI Portugal pour l'installation de production de Setúbal.
7.3 ÉVALUATION DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS
(383) Dans le cadre de l'enquête de marché, la Commission a reçu des réponses de plus de 30 clients et concurrents (potentiels) en Espagne et au Portugal, en particulier de Lesaffre, Lallemand, Zeus et Puratos. Le test de marché a révélé des résultats globaux positifs. Toutefois, certaines personnes interrogées considéraient clairement les frais de transport comme un facteur devant être pris en compte dans le cadre de l'appréciation de la viabilité de la mesure corrective proposée. D'autres estimaient que la durée du contrat d'approvisionnement transitoire ne devrait pas être trop courte afin de donner à l'acquéreur des activités cédées la possibilité d'adapter la production aux besoins des clients en Espagne et au Portugal.
7.3.1 Efficacité
(384) La cession des filiales espagnoles et portugaises de GBI à un acquéreur approprié présentant des capacités de production suffisantes éliminera entièrement le chevauchement causé par la transaction en cause sur le marché de la levure comprimée en Espagne et au Portugal et supprimera, par conséquent, les sérieux doutes de compatibilité de la transaction avec le marché commun.
(385) S'agissant du marché espagnol, la mesure corrective rétablira la structure de marché qui prévalait avant la fusion. L'acquéreur approprié de GBI Espagne détiendra une part de marché initiale de 10 % à 20 %, par rapport à ABF qui possède une part de marché d'environ [30-40] % et Lesaffre qui possède une part de marché d'environ [40-50] % (162). En tout état de cause, l'acquéreur approprié aura au moins la même capacité et la même incitation à approvisionner le marché espagnol en levure comprimée que GBI à l'heure actuelle.
(386) Tout d'abord, la mesure corrective maintiendra une structure de marché avec trois opérateurs alors que la fusion, telle qu'initialement notifiée, aurait conduit à une structure de marché avec seulement deux opérateurs. En Espagne, la réduction du nombre des principaux concurrents de trois à deux aurait constitué une avancée majeure vers une coordination stable sur ce marché dans la mesure où elle aurait incité à agir davantage de manière coordonnée, facilité le processus de recherche d'un accord sur les conditions de la coordination et du contrôle du comportement des concurrents et permis des représailles en cas de comportement déviant (163). Sans la mesure corrective, les entreprises non coordonnées ou les fournisseurs potentiels n'auraient pas été capables de compromettre les résultats attendus de la coordination ni incités à agir de la sorte.
(387) Ensuite, l'acquéreur approprié de GBI Espagne sera un nouvel entrant qui ne stabilisera probablement pas les conditions de coordination existant sur le marché comme l'entité fusionnée l'aurait fait. La symétrie accrue des structures de coûts et des parts de marché qui aurait été le résultat de la transaction est supprimée, mettant, par conséquent, fin au développement des incitations à agir tacitement de manière coordonnée engendré par la fusion (164).
(388) L'acquéreur approprié des activités cédées en Espagne constitue probablement une force concurrentielle au moins équivalente à GBI. L'on peut s'attendre à ce que l'acquéreur approprié s'adapte à la demande spécifique des clients en Espagne et sera au moins capable de défendre la part de marché détenue actuellement par GBI. Les dispositions de l'ensemble des mesures correctives, en particulier le transfert de l'ensemble des marques, ainsi que la possibilité pour l'acquéreur approprié de passer un contrat d'approvisionnement transitoire permettront d'assurer que le nouvel entrant peut concurrencer ABF et Lesaffre avec succès sur le marché espagnol.
(389) S'agissant du marché portugais, la mesure corrective rétablira la structure de marché qui prévalait avant la fusion. L'acquéreur approprié de GBI Portugal détiendra une part de marché initiale d'environ [40-50] %, par rapport à ABF qui possède une part de marché d'environ [20-30] % et Lesaffre qui possède une part de marché d'environ [20-30] % (165). En tous cas, l'acquéreur approprié aura au moins la même capacité et la même incitation à approvisionner le marché portugais en levure comprimée que GBI à l'heure actuelle.
(390) Tout comme sur le marché espagnol, la mesure corrective maintiendra au Portugal une structure de marché avec trois opérateurs alors que la fusion, telle qu'initialement notifiée, aurait conduit à une structure de marché avec seulement deux opérateurs. Au Portugal, la réduction du nombre des principaux concurrents de trois à deux et la structure de marché qui en aurait résulté auraient constitué une avancée majeure vers une coordination stable (166). Comme sur le marché espagnol, les entreprises non coordonnées ou les fournisseurs potentiels n'auraient pas été capables de compromettre les résultats attendus de la coordination, ni incités à agir de la sorte.
(391) Ensuite, l'acquéreur approprié de GBI Portugal sera un nouvel entrant qui introduira probablement un élément déstabilisant et éliminera ainsi le danger que les concurrents établissent des conditions de coordination sur le marché.
(392) Comme en Espagne, l'acquéreur approprié des activités cédées au Portugal constitue probablement une force concurrentielle au moins équivalente à GBI. L'on peut s'attendre à ce que l'acquéreur approprié s'adapte à la demande spécifique des clients au Portugal et sera au moins capable de défendre la part de marché détenue actuellement par GBI. Les dispositions de l'ensemble des mesures correctives, en particulier le transfert de l'ensemble des marques, ainsi que la possibilité pour l'acquéreur approprié de passer un contrat d'approvisionnement transitoire permettront d'assurer que le nouvel entrant peut concurrencer ABF et Lesaffre avec succès sur le marché portugais.
7.3.2 Indépendance, viabilité et compétitivité des activités cédées
(393) Les mesures correctives combinent les activités de distribution de GBI en Espagne et au Portugal avec l'unité de production située à Felixstowe au Royaume-Uni et actuellement détenue par Lesaffre ou à Setúbal et actuellement détenue par ABF.
(394) Le test de marché des mesures correctives déposées par la partie notifiante au cours de la Phase I a déjà permis de confirmer que la cession des seules activités de distribution ne suffit pas à supprimer les doutes liés à la transaction proposée. Le test de marché a conclu en substance que la cession des activités de distribution sans usine de production rendrait l'acquéreur qui ne possèderait pas sa propre unité de production entièrement dépendant d'ABF et que la contrainte concurrentielle exercée jusqu'à présent par ABF sur ses concurrents ne serait pas remplacée mais supprimée. Le fait que la mesure corrective proposée à l'époque n'ait pas tenu compte du besoin pour l'acquéreur de pouvoir approvisionner les marchés espagnol et portugais à partir de sa propre unité de production a conduit la Commission à rejeter la mesure corrective en Phase I (167).
(395) Le test de marché des mesures correctives combinant distribution et production proposées dans le cadre de la Phase II par la partie notifiante a été globalement positif. Une majorité des clients et concurrents espagnols et portugais interrogés ont convenu que l'acquéreur approprié de GBI Espagne et de GBI Portugal sera capable de concurrencer efficacement ABF et Lesaffre. Toutefois, certaines personnes interrogées ont mentionné deux aspects de la mesure corrective proposée qui, selon ces dernières, pourraient empêcher l'acquéreur approprié d'atteindre le même niveau de compétitivité que celui de GBI avant la transaction: l'augmentation des coûts liés au transport en raison de l'approvisionnement depuis Felixstowe au lieu de Casteggio et la durée du contrat d'approvisionnement transitoire conclu entre ABF et l'acquéreur approprié limitée à maximum un an. Toutefois, pour les raisons indiquées dans les considérants suivants, il est peu probable que la viabilité des activités cédées soit, à tous égards, négativement influencée. En tout état de cause, les engagements rétablissent globalement la situation qui prévalait avant la fusion et éliminent les problèmes de concurrence spécifiques à la fusion recensés par la Commission.
7.3.2.1 Dans le cadre de la première alternative, les coûts liés au transport n'empêcheront pas l'acquéreur approprié de faire efficacement face à la concurrence
(396) La structure de l'offre actuelle montre qu'il n'est pas nécessaire de posséder une usine de production dans la péninsule Ibérique pour concurrencer efficacement ABF et GBI sur les marchés espagnol et portugais de la levure comprimée. S'il était nécessaire pour un concurrent actif en Espagne et au Portugal de posséder une installation de production dans cette région, il serait impossible pour GBI d'approvisionner les marchés portugais et espagnol depuis l'Italie et d'atteindre les niveaux significatifs de ventes qu'elle réalise actuellement (168). À cet égard, l'acquisition des activités de distribution de GBI en Espagne et au Portugal par un acquéreur approprié possédant des installations de production hors de la péninsule Ibérique rétablit la situation qui prévalait sur le marché avant la fusion, GBI faisant venir la levure comprimée d'Italie. Par conséquent, il résulte de l'ensemble des informations recueillies au cours de la deuxième phase de l'enquête de marché qu'il est techniquement possible (en termes de logistique de transport et de préservation de la qualité de la levure) et économiquement viable pour un producteur possédant des installations de production situées à plusieurs centaines de kilomètres du Portugal et de l'Espagne d'approvisionner efficacement ces marchés, lorsqu'il dispose d'un ancrage local solide, en termes de présence établie, de réseau de distribution, de force de vente et de marques reconnues.
(397) Un acquéreur approprié possédant des installations de production situées au Royaume-Uni devra faire face à des coûts de transport supérieurs à ceux de ses concurrents, tel ABF, qui possèdent des installations de production dans la péninsule Ibérique. Toutefois, l'enquête de marché a confirmé que les coûts de transport supplémentaires liés à l'expédition de la levure comprimée depuis le Royaume-Uni jusqu'en Espagne et au Portugal n'empêcheront pas l'acquéreur approprié d'approvisionner les marchés espagnol et portugais à des prix compétitifs, sa situation ne différant pas sensiblement de celle de GBI qui fait venir son produit d'Italie. En fait, l'augmentation des coûts de transport résultant des transports effectués sur de plus longues distances à partir de Felixstowe est relativement limitée et ne compromettra pas la viabilité et la compétitivité de l'activité (169).
(398) Enfin, Lallemand, un acquéreur potentiel de l'usine de Felixstowe, a confirmé qu'il est intéressant de fournir de la levure comprimée aux marchés espagnol et portugais depuis Felixstowe. Selon Lallemand, même si la traversée de la Manche augmente probablement les coûts de transport, il existe différentes options sur le marché permettant d'optimiser les transports du Royaume-Uni vers l'Espagne et le Portugal (170).
(399) En outre, l'usine de Felixstowe possède d'importantes capacités inutilisées pour la production de levure comprimée (voir le Tableau 2) qui, étant donné la nécessité de réaliser des économies d'échelle suffisantes, créent des incitations à approvisionner les marchés espagnol et portugais de la levure comprimée, compensant les coûts de transport supplémentaires. L'acquéreur approprié doit démontrer son engagement à long terme à approvisionner de manière compétitive ces marchés (171).
7.3.2.2 Le contrat d'approvisionnement transitoire permet d'assurer que l'acquéreur approprié peut adapter ses installations de production aux besoins des marchés espagnol et portugais
(400) Le contrat d'approvisionnement transitoire qui fait partie intégrante de l'ensemble des engagements donnera à l'acquéreur approprié des activités cédées le temps nécessaire pour ajuster la production aux besoins spécifiques des marchés portugais et espagnol, en particulier dans le cadre de la première alternative. Toutefois, il est nécessaire de limiter la durée du contrat d'approvisionnement à ce qui est strictement nécessaire à l'adaptation des processus de production. Par ailleurs, le fait de prolonger ces contrats sur des périodes plus longues que le strict minimum risque de rendre le nouvel acquéreur approprié dépendant d'ABF et, par conséquent, de diminuer l'incitation pour ce dernier à devenir une force indépendante sur le marché et à exercer une pression concurrentielle efficace sur ABF après la transaction (172).
7.4 CONCLUSION SUR LES ENGAGEMENTS
(401) Compte tenu de ce qui précède, la Commission considère que les engagements, tels que proposés le 23 juillet 2008, élimineraient l'obstacle important à l'exercice d'une concurrence effective sur le marché de la levure comprimée au Portugal et en Espagne.
8 CONDITIONS ET CHARGES
(402) Conformément à l'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement CE sur les concentrations, la Commission peut assortir sa décision de conditions et de charges visant à assurer que les entreprises concernées respectent les engagements qu'elles ont pris à son égard en vue de rendre la concentration compatible avec le marché commun.
(403) L'exigence de réalisation de chaque mesure donnant lieu à un changement structurel du marché est une condition, alors que les étapes nécessaires à la réalisation de ce résultat sont en général les charges imposées aux parties. Lorsqu'une condition n'est pas respectée, la décision de la Commission déclarant la concentration compatible avec le marché commun devient caduque. Conformément à l'article 8, paragraphe 5, du règlement CE sur les concentrations, lorsque les entreprises concernées contreviennent à une charge, la Commission peut annuler la décision d'autorisation. Conformément aux articles 14, paragraphe 2, et 15, paragraphe 1, du règlement CE sur les concentrations, les entreprises concernées peuvent également se voir infliger des amendes et des astreintes.
(404) Conformément à la distinction fondamentale définie ci-dessus, la décision prise dans le cadre de la présente affaire dépend du respect total de la partie B des engagements proposés par la partie notifiante le 23 juillet 2008, alors que toutes les autres parties desdits engagements constituent des obligations au sens de l'article 8, paragraphe 2, du règlement CE sur les concentrations. Le texte intégral des engagements est joint en annexe à la présente décision et fait partie intégrante de cette dernière.
9 CONCLUSION GÉNÉRALE
(405) Pour les raisons indiquées ci-dessus, l'opération notifiée, telle que modifiée, devrait, conformément à l'article 2, paragraphe 2, du règlement CE sur les concentrations, être déclarée compatible avec le marché commun et l'accord EEE, sous réserve que les engagements figurant en annexe de la présente décision soient respectés,
A arrêté la présente décision:
Article premier
L'opération notifiée par laquelle Associated British Foods Plc acquiert le contrôle exclusif de plusieurs filiales de GBI Holding BV présentes dans le secteur de la levure, ainsi que d'un groupe d'actifs détenus par GBI Ingredients The Netherlands BV et DSM Bakery Ingredients BV (actifs cibles conjointement dénommés "les activités GBI") au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement (CE) n° 139-2004 est déclarée compatible avec le marché commun et l'accord EEE.
Article 2
L'article 1er est subordonné au respect total des conditions figurant dans la partie B de l'annexe.
Article 3
L'article 1er est subordonné au respect total des obligations figurant dans les autres parties de l'annexe.
Article 4
Associated British Foods Plc Weston Centre 10 Grosvenor Street London W1K 4QY United Kingdom
est destinataire de la présente décision.
Notes :
1 JO L 24 du 29 janvier 2004, p. 1
2 JO C ... du ...200. , p....
3 JO C ... du ...200. , p....
4 Aux fins de la présente décision et sauf indication contraire, le sigle "GBI" sera utilisé comme synonyme des "activités GBI".
5 Voir le considérant (13).
6 Le 1er août 2006, GBI Holding a vendu l'ensemble de ses activités liées aux ingrédients de boulangerie à Werhahn Muehlen KG à l'exception de certaines activités gérées par le biais d'Uniferm et n'a, depuis lors, été active que dans la production et l'offre de levure de boulangerie.
7 Le reste des activités européennes de GBI Holding liées à la levure, essentiellement ses activités britanniques, a été acquis par Lesaffre. Cette opération a été examinée par la Commission suite à un renvoi de l'Office of Fair Trading (OFT) britannique, cf. affaire COMP/M.5020 - Lesaffre/GBI UK, décision de la Commission du 11 juillet 2008, non encore publiée.
8 [...]*.
* Certains passages du présent document ont été supprimés afin de ne pas publier d'informations confidentielles; ils figurent entre crochets et sont indiqués par un astérisque.
9 Lors de la première étape, ABF a mis en œuvre la concentration dans les États membres où aucune notification n'était requise. Les États membres dans lesquels la concentration devait être notifiée ont fait l'objet de la deuxième étape.
10 Conformément au paragraphe 50 de la communication de la Commission sur le renvoi des affaires en matière de concentrations, JO C 56 du 5 mars 2005, p.2, dès lors que la Commission, en vertu de l'article 22, examine une concentration à la demande d'un ou de plusieurs États membres, elle est tenue d'examiner l'impact de cette concentration sur le territoire de ces États membres (en l'espèce le Portugal, l'Espagne et la France). La Commission n'a pas examiné les effets de la concentration sur les territoires des États membres qui ne se sont pas joints à la demande.
11 Aux fins de la présente décision et sauf indication contraire, le terme levure désigne la levure de boulangerie.
12 La mélasse constitue la matière première principale utilisée dans le processus de reproduction de la levure. La mélasse est un sous-produit liquide de la production de sucre (qu'il soit de canne ou de betterave) contenant du sucre (généralement plus de 45%), des vitamines, des éléments nutritifs et des minéraux.
13 En moyenne, selon le pourcentage de matières sèches, la production de 1 kg de levure sèche nécessite environ 3,5 à 4 kg d'équivalent de levure comprimée (également appelé équivalent de levure fraîche). En outre, afin d'obtenir 1 kg de levure comprimée, 1,5 kg de levure liquide sont en moyenne nécessaires. Ces ratios de conversion correspondent au pourcentage de matières sèches des produits.
14 Formulaire CO, paragraphe 166.
15 Formulaire CO, paragraphe 166.
16 Voir, notamment, la réponse de Lesaffre du 7 avril 2008 au questionnaire de la Commission du 29 février 2008, question 8. Réponse de Lallemand du 11 mars 2008 au même questionnaire, question 13. Lallemand observe qu'à l'exception des pays nordiques, il n'y a pas eu de passages à la levure sèche en Europe.
17 Voir la réponse de Lesaffre du 7 avril 2008 au questionnaire de la Commission du 29 février 2008, question 8.
18 Les producteurs de levure liquide proposent également aux clients la possibilité de louer les équipements en échange d'une exclusivité valable pendant la durée du contrat de location.
19 Au cours des cinq dernières années, il a été observé en Espagne que, s'agissant de l'évolution de la consommation des clients industriels, la quantité de levure liquide a augmenté et la quantité de levure comprimée a baissé, suggérant un certain degré de substitution. En France et au Portugal, une augmentation des achats de levure liquide a été observée, mais celle-ci n'a pas été suivie par une réduction de la consommation de levure comprimée.
20 Formulaire CO, paragraphe 167.
21 Voir, par exemple, le compte rendu des audioconférences avec Lallemand du 19 mai 2008.
22 En raison de l'oxygène s'échappant du produit liquide et causant une déformation du Tetrapak, qui peut également "exploser".
23 Questionnaire de la Commission du 29 février adressé aux distributeurs, question 12.
24 GBI et, dans une moindre mesure, Lesaffre étant les seules à fournir ces produits sur les marchés analysés, les changements au niveau des parts de marché ne seraient pas significatifs (pas plus de 1% sur chaque marché). De plus, la part de GBI et de Lesaffre augmenterait si la levure liquide distribuée en récipients de plus petite taille était ajoutée à la levure comprimée, renforçant ainsi les préoccupations exprimées dans l'appréciation sous l'angle de la concurrence.
25 JO C 372 du 9 décembre 1997, paragraphe 8
26 Les ventes d'autres opérateurs de plus petite taille ayant leur siège dans différentes régions (tels que Zeus (Italie), Asmussen (Allemagne), Lallemand (Allemagne et Autriche), Pakmaya (Turquie)) ne représentent que des parts de marché marginales dans chacun des trois États membres.
27 Les différentes interactions concurrentielles sont également attestées par les différentes évolutions de prix dans un État membre donné (voir ci-dessous, paragraphe 5.2.1.5).
28 Compte rendu de la téléconférence avec Puratos du 20 mai 2008.
29 Compte rendu de la téléconférence avec Lallemand du 19 mai 2008.
30 Compte rendu de l'appel téléphonique avec Indawisa du 16 mai 2008.
31 Compte rendu de la téléconférence avec Uniferm du 19 mai 2008.
32 Compte rendu de la téléconférence avec GBI Espagne et GBI Portugal du 22 mai 2008.
33 Compte rendu de la téléconférence avec Puratos du 20 mai 2008
34 Annexe 7.4 du formulaire CO, prix moyens de la levure comprimée pour l'année 2006.
35 Dans les figures 2, 3 et 4, les chiffres réels ont été masqués pour des raisons de confidentialité, mais l'échelle est identique pour les trois figures.
36 Formulaire CO, paragraphes 208-246, contenant l'avis de la partie notifiante concernant le marché géographique en cause.
37 Communication d'ABF datée du 20 novembre 2007 " Note d'information adressée à la Commission européenne concernant une demande introduite par la CNC espagnole conformément à l'article 22 du règlement CE sur les concentrations "
38 Page 5, paragraphe 4.3 de la communication d'ABF datée du 20 novembre 2007 " Note d'information adressée à la Commission européenne concernant une demande introduite par la CNC espagnole conformément à l'article 22 du règlement CE sur les concentrations ".
39 Page 6, paragraphe 5.1 de la communication d'ABF datée du 20 novembre 2007 " Note d'information adressée à la Commission européenne concernant une demande introduite par la CNC espagnole conformément à l'article 22 du règlement CE sur les concentrations ".
40 Pages 6-7, paragraphes 5.4 et 5.5 de la communication d'ABF datée du 20 novembre 2007 " Note d'information adressée à la Commission européenne concernant une demande introduite par la CNC espagnole conformément à l'article 22 du règlement CE sur les concentrations ".
41 Page 8, paragraphe 5.7 de la communication d'ABF datée du 20 novembre 2007 " Note d'information adressée à la Commission européenne concernant une demande introduite par la CNC espagnole conformément à l'article 22 du règlement CE sur les concentrations ".
42 Page 8, paragraphe 5.7 de la communication d'ABF datée du 20 novembre 2007 " Note d'information adressée à la Commission européenne concernant une demande introduite par la CNC espagnole conformément à l'article 22 du règlement CE sur les concentrations ".
43 Page 9, paragraphe 5.10 de la communication d'ABF datée du 20 novembre 2007 " Note d'information adressée à la Commission européenne concernant une demande introduite par la CNC espagnole conformément à l'article 22 du règlement CE sur les concentrations ".
44 Page 10, paragraphe 5.12 de la communication d'ABF datée du 20 novembre 2007 " Note d'information adressée à la Commission européenne concernant une demande introduite par la CNC espagnole conformément à l'article 22 du règlement CE sur les concentrations ".
45 Certains éléments indiquent que ces distances pourraient atteindre 800 à 1000 km mais ceci ne serait possible que pour les fournisseurs qui possèdent une clientèle suffisante qui s'approvisionne régulièrement et en quantités importantes, dans la mesure où ces expéditions n'auraient de sens pour eux que s'ils pouvaient envoyer au moins un camion de 12 à 20 tonnes par semaine à un client situé à une telle distance. Par ailleurs, la dimension et la capacité de production d'une usine donnée constituent une autre condition préalable à la livraison de telles quantités sur de longues distances.
46 Voir le compte rendu non confidentiel agréé de la téléconférence du 22 mai 2008 avec le directeur général de GBI Portugal et GBI Espagne.
47 [...]*.
48 Voir l'annexe 18 jointe à la communication concernant la capacité d'approvisionnement envoyée par ABF le 9 juin 2008.
49 Voir tableau 2.
50 Paragraphe 2.32 du document " Observations d'ABF en réponse à la décision de la Commission du 16 avril 2008 dans l'affaire M. 4980 ABF/GBI Assets prise au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c) " daté du 5 mai 2008.
51 Voir ci-après l'annexe 18 jointe à la communication concernant la capacité d'approvisionnement envoyée par ABF le 9 juin 2008.
52 [...]*.
53 [...]*.
54 Voir pour exemple: compte-rendu agréé de la téléconférence avec Lallemand du 14 février 2008.
55 Informations fournies par ABF.
56 Compte rendu agréé de la téléconférence du 3 juillet 2008 avec [un distributeur espagnol].
57 [...]*.
58 Voir compte rendu agréé de la téléconférence avec Indawisa du 3 avril 2008.
59 Voir le document interne de Gilde "Investment proposal DSM Bakery Ingredients" daté de mars 2005 : "Les trois principaux concurrents ABF (qui vient d'acquérir Philip Burns), Lesaffre et Lallemand [...] voient dans DBI une cible intéressante. À l'exception peut-être de Lallemand, nous pensons que ces concurrents se heurteront à des problèmes de concurrence en acquérant DBI en entier."
60 Communication de GBI Holding NV du 11 août 2006.
61 Communication de GBI Holding NV du 11 août 2006.
62 Voir formulaire CO, paragraphes 65 et 115.
63 Paragraphes 310 à 314 du formulaire CO.
64 Voir [...]*.
65 L'enquête de marché a confirmé que ce point de vue est largement partagé. Conformément au paragraphe 474 du formulaire CO " La division levure d'ABF estime qu'elle dépense moins de [...]* de ses revenus en R&D, démontrant que, dans ce secteur, les coûts de R&D ne sont pas significatifs. "
66 Pour les contrats ABF, voir notamment le " Contrat d'agence " [...]* (annexe 8.40C au formulaire CO) signé en 1988 et le Contrat/Termes de l'échange entre AB Mauri et [...]* (annexe 8.40A au formulaire CO), signé en 2000. Pour les contrats GBI, voir notamment le contrat avec [...]*, signé en 1989.
67 Au Portugal, les quelques très rares exceptions incluent [...]*, passé d'ABF à Lessafre en 1994, alors que [...]* vend les produits d'ABF dans ses zones d'exclusivité délimitées et Lallemand partout ailleurs depuis 2006. Voir aussi l'analyse des données concernant les changements de distributeurs (considérant 309).
68 Voir notamment le compte rendu de la téléconférence avec GBI Espagne et GBI Portugal du 22 mai 2008.
69 Voir le paragraphe 352 du formulaire CO.
70 Même si Lesaffre, notamment au Portugal, a réparti ses distributeurs en fonction des marques, raison pour laquelle plusieurs distributeurs des produits de Lesaffre approvisionnent parfois une seule et même région.
71 La partie notifiante mentionne " un certain nombre de distributeurs qui distribuaient précédemment des produits d'ABF à [région espagnole]*" et qui distribuent à présent de la levure Zeus en Espagne. Toutefois, l'enquête de marché a révélé que seuls deux distributeurs de levure Zeus opèrent sur [région espagnole]*. L'un n'est plus approvisionné par ABF depuis les années 90 (voir le compte rendu de la téléconférence avec un [distributeur espagnol] du 26 juin 2008) ; l'autre distributeur [nom du distributeur] a distribué les produits Zeus avant de commencer à distribuer les produits ABF. L'analyse des données relatives aux transactions confirme également la grande stabilité existant au niveau des distributeurs en Espagne, voir considérant (238).
72 Voir notamment la version non confidentielle agréée du compte rendu de la téléconférence avec Prodipani du 29 mai 2008.
73 Comme indiqué ci-dessus, étant donné que les producteurs de levure (à l'exception de Lesaffre) s'appuient effectivement sur un distributeur unique dans une région donnée ou sur un territoire plus petit (voir considérant (214)), le fournisseur secondaire d'un artisan boulanger donné distribuera généralement la levure d'un producteur de levure différent.
74 L'examen plus détaillé figurant dans les considérants (222) à (227) en ce qui concerne l'Espagne et (318) à (...) en ce qui concerne le Portugal révèle que les prix d'ABF, de GBI et de Lessafre ont, depuis 2006, tous augmenté à des intervalles très rapprochés. Ces augmentations ont été confirmées par les interviews.
75 Voir notamment: compte rendu confirmé de la téléconférence avec Prodipani du 29 mai 2008.
76 Décision de l'autorité française compétente en matière de concurrence (Conseil de la Concurrence) datée du 22 mars 1989 et référencée sous le numéro 89-D-08.
77 Décision du conseil de l'autorité turque compétente en matière de concurrence datée du 23 septembre 2005 et référencée sous le numéro 05-60/896-241.
78 Bien qu'il n'y ait pas de données qualitatives prouvant l'existence d'une entente, c'est-à-dire une collusion explicite, l'analyse prix-coûts comparée à l'inflation sur une période de trois ans, a montré qu'il y avait au moins une pratique concertée entre les producteurs.
79 Point 123 de l'arrêt rendu dans l'affaire C-413-06 P Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala [2008], JO C 223 du 30.08.2008, p. 7.
80 JO C 31 du 5 février 2004, p. 5, paragraphe 43.
81 Affaire C-413-06 P Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala [2008], JO C 223 du 30.08.2008, p.7.
82 Affaire T-342-99 Airtours/First Choice, Recueil [2002], p. II-2585
83 Voir point 125 de l'arrêt rendu dans l'affaire C-413-06 P Bertelsmann et Sony Corporation of America contre Impala [2008], JO C 223 du 30.08.2008, p.7.
84 Affaire T-342-99 Airtours/First Choice, Recueil [2002], p. II-2585, point 61.
85 Voir, par exemple, le paragraphe 19(g) du formulaire CO.
86 En ce qui concerne l'importance d'une présence locale en termes de force de vente et de réseau de distribution local, voir également les considérants (58) à (68).
87 Voir l'analyse des changements de distributeurs, considérant (309) pour le Portugal ainsi que considérant (237) et note de bas de page 71 pour l'Espagne.
88 Voir par exemple : compte rendu agréé d'une téléconférence avec Lallemand du 14 février 2008 - " il faut des années pour se forger une réputation de qualité sur de nouveaux marchés ".
89 Compte rendu de la téléconférence du 22 mai 2008 avec le directeur général de GBI Portugal et GBI Spain.
90 Voir également le compte rendu des téléconférences avec EuroYeast du 26 juin 2008 et Anfecor en date du 3 juillet 2008.
91 Voir, par exemple, le compte rendu agréé d'une téléconférence d'ANFECOR du 3 juillet 2008.
92 Paragraphe 2.63 du document " Observations d'ABF en réponse à la décision de la Commission du 16 avril 2008 dans l'affaire M. 4980 ABF/GBI Assets adoptée au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c) ", daté du 5 mai 2008.
93 Information figurant dans l'annexe 8.14 du Formulaire CO.
94 Voir par exemple, le compte rendu d'une téléconférence avec Lallemand du 14 février 2008 : "Le secteur exige des capitaux très importants comparés aux prix normaux : l'augmentation des coûts liés aux réglementations (sécurité, main d'œuvre, environnement, etc.) favorise les économies d'échelle et compromet l'exploitation d'usines de petite taille. Les usines de grande taille situées au centre d'une région et augmenté les coûts de transport mais le bilan reste en leur faveur. Le fait de disposer d'usines de grande taille peu coûteuses en eau, en traitement des eaux usées, en énergie et en substrats est ce qui détermine en grande partie le niveau de compétitivité d'un fournisseur. Les économies d'échelle sont très importantes dans ce secteur "..
95 Cela est confirmé par l'appréciation du secteur dans un document intitulé "Investment Proposal DSM Bakery Ingredients March 2005", rédigé par Gilde dans le contexte de l'acquisition de DBI en 2005 : " Les obstacles à l'entrée sont élevées étant donné que la production de levure implique de "jouer sur les économies d'échelles "; les usines à haute capacité doivent pratiquement fonctionner à plein régime pour être compétitives. Ces dernières années, DBI a optimisé ses usines de production (européennes) en fermant des usines de plus petite taille et en intégrant des volumes dans ses usines situées en Italie (130 000 tonnes), en Allemagne (110 000 tonnes) et au Royaume-Uni (75 000 tonnes) "
96 Voir le compte rendu agréé d'une téléconférence avec Lallemand le 19 mai 2008 : " les producteurs connaissant la production de levure ne construiraient ou n'agrandiraient leurs installations qu'une fois que les volumes de vente seraient garantis. Les marchés de la levure en Europe du Sud-Ouest sont saturés et il serait trop risqué d'investir de manière significative dans de nouvelles infrastructures en ne sachant pas à qui vendre étant donné que la compétitivité des usines européennes au niveau des exportations est pratiquement réduite à néant en raison des modifications apportées au régime de l'UE dans le secteur du sucre, de la progression des taux de change de l'euro et des restrictions environnementales plus strictes en vigueur aujourd'hui. La production de levure entraîne des coûts fixes élevés et les fournisseurs cherchent à stabiliser les ventes. Lorsqu'un producteur fait son entrée sur un marché, il doit vendre à des prix nettement inférieurs pour attirer la clientèle et il doit tenir compte du fait que le secteur artisanal est très fidèle à la marque et diminue de manière assez importante ".
97 Étant donné que la transaction n'a engendré aucun problème de concurrence pour le marché français de la levure comprimée (voir la section 6.5.1.5), celui-ci ne fera pas l'objet d'une évaluation approfondie des capacités, celle-ci étant ciblée sur les marchés espagnol et portugais.
98 Voir paragraphes 3.22-3.24 de la communication sur la capacité d'approvisionnement du 9 juin 2008 et paragraphe 6.3 (iii) de la communication d'ABF à la Commission européenne en préparation de la réunion sur l'état de la concurrence prévue pour le 16 juin 2008 concernant l'acquisition par ABF de certaines parties des activités de GBI Holding dans le secteur de la levure.
99 Compte rendu de la téléconférence avec Puratos du 12 mars 2008.
100 Sur la base d'un prix de vente moyen de [...]* EUR par tonne de levure comprimée en Espagne et au Portugal et en admettant les hypothèses des parties selon lesquelles ils représenteraient environ [10-20]* %, ce qui semble un chiffre relativement prudent. Ce chiffre repose sur des coûts de transport moyens de [...]* EUR par 1 000 km par tonne, valeur fournie par la partie notifiante à titre d'approximation pour le calcul des coûts de transport moyens. Il convient de noter que les coûts de transport moyens supportés par GBI pour l'expédition de levure entre l'Italie et le Portugal et l'Espagne sont de l'ordre de [...]* EUR par tonne par 1 000 km (note interne d'ABF du 10 juin 2008 sur les coûts de transport et la logistique, point 2.5.c). Sur cette base, les coûts de transport s'établiraient à environ [20-30]* %-[20-30]* % du prix de vente moyen. Il convient de noter également que le prix de vente des opérateurs marginaux au Portugal et en Espagne est considérablement inférieur au prix de vente moyen dans ces pays; ces calculs sont donc une estimation imparfaite.
101 Paragraphe 5.26 de la communication d'ABF à la Commission européenne en préparation de la réunion sur l'état du dossier prévue pour le 16 juin 2008 concernant l'acquisition par ABF de certaines parties des activités de GBI Holding dans le secteur de la levure.
102 Sur la base de la méthode de calcul exposée à la note 100, le pourcentage des coûts de transport par rapport aux coûts totaux varie considérablement selon que l'on se fonde sur une distance incrémentale de 1 000 km ou de 2 500 km - passant de [0-5]* % à [10-20]* % du prix total, respectivement (en se basant sur des coûts de transport moyens s'établissant à [...]* EUR par 1 000 km par tonne). Si l'on se base sur une estimation de [...]* EUR par 1 000 km par tonne (coûts de transport moyens de GBI pour ses livraisons vers le Portugal et l'Espagne à partir de sa plate-forme de distribution italienne), le pourcentage varie entre [0-5]* % et [5-10]* % du coût total dans le cas d'une distance incrémentale de 1 000 km et entre [10-20]* % et [10-20]* % dans le cas d'une distance incrémentale de 2 500 km.
103 Ceci est en outre confirmé par le document intitulé "Investment Proposal DSM Bakery Ingredients, March 2005", préparé par Gilde dans le contexte de l'acquisition de DBI en 2005 : "En raison du temps de conservation relativement court de la levure fraîche et des coûts afférents au transport réfrigéré, la levure fraîche est généralement produite régionalement et distribuée dans un rayon de 1500 kilomètres autour de l'usine".
104 Voir le compte rendu agréé de la téléconférence avec Puratos du 20 mai 2008 et le compte rendu agréé de la téléconférence avec Indawisa du 16 mai 2008.
105 Voir le compte rendu agréé de la téléconférence entre des membres de l'équipe chargée de l'affaire et Lallemand du 14 février 2008 : "La procédure d'appel d'offres organisée par Gilde pour la vente de GBI a, par ailleurs, fourni aux participants une vue plutôt détaillée de la situation de cette société en remettant aux participants une Note d'information et en leur permettant de mener une enquête préalable".
106 Voir le compte rendu agréé de la téléconférence avec Lallemand du 14 février 2008.
107 Voir le compte rendu agréé de la téléconférence avec Puratos du 20 mai 2008.
108 Voir le compte rendu agréé de la téléconférence avec Lallemand du 19 mai 2008.
109 L'enquête de marché a confirmé que ce point de vue est largement partagé. Conformément au paragraphe 474 du formulaire CO "la division 'levure' d'ABF estime avoir dépensé moins de [...]* de son chiffre d'affaires en R&D, ce qui démontre que les coûts de R&D ne sont pas importants dans ce secteur".
110 En termes techniques, si une collusion totale est possible sur un marché mais qu'un certain degré de collusion seulement est possible sur un second marché distinct, la conjugaison des contraintes de motivation sur les deux marchés relâche la contrainte liante sur le second marché, permettant aux entreprises parties à la collusion d'en dégager des profits globaux.
111 "[Il] considère que l'exclusivité est la norme sur le marché, c'est-à-dire que les distributeurs ne distribuent qu'une seule levure. Il en est ainsi pour GBI comme pour les autres fournisseurs de levure". (extrait d'un compte rendu agréé de téléconférence avec GBI Espagne et GBI Portugal du 22 mai 2008).
112 Au Portugal tout particulièrement, Lesaffre répartit aussi ses distributeurs en fonction des marques, de sorte qu'il peut y avoir plusieurs distributeurs de produits Lesaffre dans une zone donnée, chacun représentant une marque de l'entreprise.
113 Voir le compte rendu agréé de la téléconférence avec GBI Espagne et GBI Portugal du 22 mai 2008.
114 Compte rendu confirmé d'un appel avec [un distributeur espagnol] du 10 septembre 2008.
115 Réponse [d'un distributeur espagnol] aux questions 5 et 6 du questionnaire de la Commission du 28 février 2008.
116 Extrait du compte rendu agréé d'une téléconférence avec [un distributeur espagnol] du 11 juin 2008.
117 En Espagne, les fournisseurs ont tendance à n'avoir qu'un seul distributeur par zone donnée, qu'il s'agisse d'une région ou d'un territoire plus petit (lorsqu'une grande région est répartie entre plusieurs distributeurs), ainsi qu'il est expliqué au considérant (214). Toutefois, même si, dans une région donnée, un fournisseur est représenté par plus d'un distributeur (comme c'est le cas de Lesaffre en particulier, alors que ses distributeurs ne peuvent commercialiser que certaines marques de l'entreprise et non l'ensemble de sa gamme), le même raisonnement serait valable car le fournisseur additionne simplement les volumes des distributeurs qui couvrent parallèlement une même région.
118 Voir, par exemple, le compte rendu agréé de la téléconférence du 3 juillet 2008 avec [un distributeur espagnol].
119 Ce raisonnement repose sur ce qui suit: imaginons que le fournisseur 1 abaisse unilatéralement son prix de gros. Dans le cadre d'un accord exclusif, lorsque le premier distributeur revoit son prix de détail (p. 1) à la baisse, il attire les clients du second distributeur, lequel serait alors fortement tenté de revoir son prix de détail (p. 2) à la baisse. D'un autre côté, si la distribution est non-exclusive, le seul distributeur vendant les deux produits sentirait moins de pression pour diminuer p2 au niveau de p1 étant donné que les clients optant désormais pour le produit 1 ne changeraient pas de distributeur. Par conséquent, la variation nette du prix de détail risque d'être supérieure dans le cas d'une distribution non-exclusive. Toutefois, ceci laisse supposer que, au vu de la diminution du prix de gros, la vente du produit 1 augmentera à concurrence d'une quantité supérieure dans le cadre d'un accord non-exclusif que dans un accord exclusif. Le même raisonnement vaut pour l'autre fabricant. L'effet global est que les demandes perçues de la part des fabricants se tendent dans le cadre d'un accord exclusif, comme si les produits étaient plus fortement différenciés. On s'attend alors à ce que les prix de gros augmentent et à ce que le fabricant dégage davantage de bénéfices dans le cadre d'un accord exclusif. Le même raisonnement prévaut si l'on considère plus de deux marques.
120 Même s'il y a plus d'un distributeur d'un fournisseur donné dans une zone (l'un vendant certaines marques du fournisseur, par exemple, et l'autre vendant d'autres de ce même fournisseur, comme cela peut être le cas pour Lesaffre), le niveau de transparence et la simplicité du marché restent très élevés en Espagne (et au Portugal), étant donné que le fournisseur reçoit des informations de tous ses distributeurs dans la zone et sait, sur la base de leurs rapports, quelles marques ont progressé ou régressé ou s'ils ont perdu ou gagné des parts de marché l'un par rapport à l'autre ou par rapport aux concurrents. Par ailleurs, il suffit au fournisseur d'additionner les ventes de ses distributeurs dans une zone donnée pour connaître l'évolution du marché à une échelle micro-agrégée.
121 Même si pour différentes marques, l'enquête de marché révèle que le prix est déterminé de la même façon par toutes les marques (indépendamment des caractéristiques physiques de chaque marque), ce qui signifie que les différences de prix entre marques (ainsi que les volumes) restent relativement stables dans le temps.
122 Note du 11 août 2006 de GBI Holding NV.
123 Document interne d'ABF [...]*.
124 Une autre affaire concerne le marché polonais de la levure comprimée. En 2003, l'instance polonaise compétente en matière de concurrence a adopté une décision sanctionnant une entente supposée concernant le marché de la levure comprimée en Pologne. Selon la décision, l'organisation de l'entente était basée sur le partage géographique du marché à proximité de chaque usine. En effet, chaque entreprise était affectée d'une position dominante dans la zone proche de l'usine et les prix augmentaient simultanément des mêmes montants. La décision a été infirmée par le tribunal pour la protection de la concurrence et des consommateurs par sa décision du 6 octobre 2005 considérant que les autorités compétentes en matière de concurrence n'avait pas produit de preuves sérieuses qu'il y avait entente entre les sept fournisseurs.
125 Lorsque la demande est relativement élastique, la saisonnalité peut accroître les motivations à adopter un comportement déviant. Cela tient au fait qu'il est plus tentant d'abaisser les prix par rapport à la concurrence lorsque la demande est forte. Mais en outre, le coût perçu des futures guerres tarifaires est moindre lorsque le cycle est à son apogée puisque les représailles ne surviendront qu'ultérieurement, c'est-à-dire en périodes de faible demande. Or, dans le cas de la levure comprimée, ainsi qu'expliqué au point 1.2.1.4.5., il est probable que l'élasticité de la demande soit assez faible tout au long de l'année. Cela implique que les menaces de représailles restent fortes, même en périodes de demande comparativement faible. En outre, la différence de volumes entre le meilleur trimestre et le trimestre suivant est inférieure à 10 %, donc relativement faible.
126 Le changement désigne ici le fait pour un client de changer de fournisseur principal d'une année sur l'autre. Le fournisseur principal est celui auquel un client achète la plus grande part de la quantité totale acquise.
127 Affaire T-464-04 Impala/Commission, 2006, JO C 224 du 16.09.[2006], p.39.
128 D'un point de vue géographique, GBI, Lesaffre et ABF se croisent sur divers marchés européens (et mondiaux), y compris le Portugal et la France où les trois sociétés sont présentes. Des représailles peuvent donc survenir dans différentes zones géographiques.
129 Voir le compte rendu agréé de la téléconférence avec Zeus du 12 mars 2008.
130 Voir par exemple le compte rendu agréé de la téléconférence ANFECOR du 3 juillet 2008.
131 Voir également le compte rendu agréé de la téléconférence avec Indawisa du 16 mai 2008: "En général, avant de pouvoir envisager une expansion des capacités de production, il convient de savoir où la levure pourrait être vendue. À l'heure actuelle, le marché européen de la levure est saturé. Cela signifie qu'un fournisseur devrait prendre des clients à ses concurrents et il faudrait s'attendre à ce que les concurrents réagissent en reprenant les clients du fournisseur. Face au léger déclin actuel du marché (même si la demande de pain est stable, l'industrialisation de la boulangerie signifie que la quantité de levure nécessaire sur le marché est de plus en plus faible), il n'est donc pas raisonnable de développer les capacités".
132 GBI approvisionne aussi les marchés de la péninsule Ibérique depuis un site éloigné, à savoir l'usine de Casteggio, et elle supporte elle aussi des coûts de transport supplémentaires. Toutefois, elle dispose d'une marge de capacité de production inemployée relativement importante ([...]*) dans cette usine, depuis que sa production a été consolidée avec celle de l'usine portugaise fermée en 2001-2002 (probablement en raison des économies d'échelle plus importantes que permet une centralisation de la production). Plus important encore, GBI a pu tirer parti d'une présence déjà bien établie, et depuis longtemps, sur le marché espagnol, en s'appuyant notamment sur ses structures de distribution et sur le fait que ses marques sont déjà reconnues, de sorte que l'entreprise n'a pas rencontré le moindre obstacle à l'entrée.
133 Voir le compte rendu agréé de la téléconférence avec Zeus du 12 mars 2008.
134 Voir par exemple: compte rendu agréé avec Panificação Costa e Ferreira concernant Lallemand.
135 Voir, par exemple, le compte rendu agréé de la conférence téléphonique avec Lallemand du 14 février 2008.
136 Dans le cas de présomption de collusion en France, la coordination allait jusqu'à des représailles contre tous les entrants potentiels (voir le point 6.3.1.5 ci-dessus).
137 Un autre exemple cité par Lallemand est la tentative de Pakmaya d'entrer sur le marché roumain: "Un autre concurrent, Pakmaya (Turquie), produit et fournit de la levure fraîche en Turquie et, depuis peu, en Roumanie, ainsi que de la levure sèche dans le monde entier et, d'après Lallemand, il dispose d'une levure sèche de très bonne qualité. Toutefois, lorsqu'il décida d'exporter en Europe, Lesaffre et GBI ont baissé leurs prix en Turquie, marché important pour Pakmaya, qui semble à présent avoir décidé de cesser l'exportation de levure fraîche en Europe de l'Ouest". Voir le compte rendu agréé d'une téléconférence avec Lallemand du 14 février 2008.
138 Voir le compte rendu agréé de la téléconférence avec Lallemand du 14 février 2008.
139 Voir par exemple le compte rendu agréé d'une téléconférence avec [un distributeur espagnol] du 11 juin 2008 montrant comment ce distributeur a été mis en garde et a effectivement subi des représailles de la part d'un fournisseur déjà en place, qui ont pris la forme d'une hausse des prix considérable à son égard (ce qui a entraîné une perte de clients), en réaction à sa décision de distribuer de la levure fournie par un opérateur marginal. Le même distributeur a rapporté que, par la suite, il a été informé par cet opérateur que celui-ci subissait des pressions de la part des entreprises en place pour ne pas accroître ses ventes en Espagne, sous peine de risquer de perdre des clients sur son marché national.
140 Affaire T-342-99, Airtours/First Choice, point 61, Recueil [2002], p. II-2585.
141 Il est à noter que cette évaluation prospective des effets coordonnés de la concentration doit être entreprise quel que soit le niveau exact présumé de coordination tacite.
142 À l'inverse, étant donné que les entreprises doivent partager le bénéfice de la collusion, la part du gâteau de chaque société diminue à mesure que le nombre de sociétés impliquées augmente. Ceci a deux conséquences. Tout d'abord, l'intérêt de chaque entreprise à adopter un comportement déviant augmente puisqu'une société peut voler des parts de marché à tous ses concurrents en réduisant le prix collusoire; c'est-à-dire que chaque société avec une part moindre gagnerait plus à capturer l'ensemble du marché. Ensuite, l'intérêt à long terme de chaque entreprise à maintenir la collusion diminue, précisément parce qu'elle reçoit une plus petite part du bénéfice de la collusion. Par conséquent, l'intérêt du comportement déviant à court terme augmente tandis que dans le même temps l'intérêt à long terme du maintien de la collusion diminue. Il devient donc plus difficile d'empêcher des sociétés d'adopter un comportement déviant.
143 La littérature théorique a exploré diverses possibilités au cours des dernières années: Rothschild (1999) sur les coûts, Compte et al. (2002) sur les capacités, Kuhn (2004) sur le nombre de produits, Vasconcelos (2004) sur les capacités/coûts. Bien que les caractéristiques de ces modèles varient, le mécanisme sous jacent fonctionne toujours sur l'asymétrie qu'il crée entre les sociétés en termes de rentabilité des sanctions et/ou comportements déviants et de capacité à sanctionner et/ou commettre un écart.
144 Cela tient au fait que les plus petites entreprises exercent la plus forte pression concurrentielle car ce sont elles qui ont le plus à gagner à "voler" des affaires (même si elles ne peuvent pas couvrir le marché) et au fait que les plus grandes entreprises sont moins susceptibles d'appliquer des stratégies de sanction puisque ce sont elles qui ont le plus à perdre en cas de sanctions. Par ailleurs, en l'absence de contraintes de capacité, les incitations aux écarts de chaque petite société sont plus importantes que celles de l'entité fusionnée dans la mesure où cette entité ne peut accroître les ventes qu'en attirant les clients de Lesaffre. En d'autres termes, lorsque la capacité de production est telle qu'aucune société n'est en mesure de couvrir la demande globale, une fusion qui a pour effet d'accroître la symétrie en renforçant la position des deux petites sociétés renforcera la capacité de l'entité fusionnée à exercer des représailles en cas d'écart commis par la grande société.
145 Considérons, par exemple, un secteur dans lequel, en l'absence de toute activité innovante, les entreprises en place bénéficieraient d'une situation sûre et stable. Elles hésiteraient à s'écarter d'un comportement collusoire car cela entraînerait une guerre des prix et ruinerait leurs rentes futures. Supposons, à présent, avec quelque probabilité, qu'une entreprise en place réalise une innovation radicale qui écarte ses concurrents du marché. Si les chances de succès de l'innovation sont importantes, les sociétés en place anticiperont qu'elles ne tiendront plus pour longtemps leur position sur le marché (tout au moins sur le plan des attentes); elles mettront donc moins l'accent sur le coût de futures représailles et seront plutôt tentées de ne pas respecter la collusion.
146 Le changement désigne ici le fait pour un client de changer de fournisseur principal d'une année sur l'autre. Le fournisseur principal est celui auquel un client achète la majeure partie des quantités totales acquises.
147 Voir, par exemple, les contrats joints en annexe 8.40B du formulaire CO.
148 Voir, par exemple, le compte rendu agréé de la téléconférence avec Sodifer du 26 mai 2008.
149 Dans les cas d'ABF et de GBI, il n'y aurait en principe qu'un seul distributeur par zone donnée. Lesaffre a tendance à recourir à des distributeurs spécialisés dans des marques différentes. Cela n'enlève cependant rien à la transparence et à la relative simplicité du système. Voir également la note 140.
150 Même pour des marques différentes, l'enquête de marché a révélé que le prix était déterminé de la même façon pour toutes les marques (indépendamment des caractéristiques physiques de chaque marque), c'est-à-dire que les différences de prix entre les marques (ainsi que les volumes) restent relativement stables dans le temps.
151 Lorsque la demande est relativement élastique, la saisonnalité peut accroître les motivations à adopter un comportement déviant. Cela tient au fait qu'il est plus tentant d'abaisser les prix par rapport à la concurrence lorsque la demande est forte. Mais en outre, le coût perçu des futures guerres tarifaires est moindre lorsque le cycle est à son apogée puisque les représailles ne surviendront qu'ultérieurement, c'est-à-dire en périodes de faible demande. Or, dans le cas de la levure comprimée, ainsi qu'expliqué au point 1.2.1.4.5., il est probable que l'élasticité de la demande soit assez faible tout au long de l'année. Cela implique que les menaces de représailles restent fortes, même en périodes de demande comparativement faible. En outre, la différence de volumes entre le meilleur trimestre et le trimestre suivant est inférieure à 10 %, donc relativement faible.
152 Compte rendu de l'entretien téléphonique avec [un groupe de distribution] du 30 mai 2008.
153 Conformément au formulaire CO, paragraphe 319, GBI a perdu, en [...]*, son dernier client industriel direct en Espagne.
154 Conformément au formulaire CO, paragraphes 569 et suivants.
155 Affaire COMP/M.4980, ABF/GBI, décision au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), considérant 114.
156 Courriel du 10 juillet 2008.
157 JO C 68 du 2.3.2001, p. 3, paragraphe 40. Voir également le Projet de communication révisée de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement CE sur les concentrations, publié à l'adresse ec.europa.eu/comm/competition/mergers/legislation, paragraphe 88.
158 Courriel du 15 juillet 2008.
159 Courriel du 23 juillet 2008. La version finale ne présente pas de différence significative par rapport à la version du 17 juillet 2008 qui avait fait l'objet d'un test de marché.
160 Pour la possibilité de telles mesures correctives alternatives, voir la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil et au règlement (CE) n° 447-98 de la Commission (JO C 68 du 2.3.2001, p. 3), paragraphes 22 et 23. Voir également le Projet de communication révisée de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement CE sur les concentrations, publié à l'adresse ec.europa.eu/comm/competition/mergers/legislation, paragraphes 44 à 46.
161 Non encore publiée.
162 Tableau 1.
163 Considérant 1(282).
164 Considérant (295).
165 Tableau 1.
166 Considérant (332).
167 Affaire COMP/M.4980, ABF/GBI, décision au titre de l'article 6, paragraphe 1, point c), considérants 105 et suivants.
168 En 2000-2001, les capacités de Casteggio ont été augmentées afin d'approvisionner le marché portugais après la fermeture de l'installation de production de GBI (Gist -brocades) au Portugal.
169 La distance entre Coimbra, le centre portugais des activités de GBI, et Casteggio s'élève à 1 929 km; celle entre Coimbra et Felixstowe est de 2 135 km, soit une différence d'environ 200 km. La distance entre le centre de distribution de GBI situé à Barcelone et Casteggio s'élève à 942 km; celle entre Barcelone et Felixstowe est de 1 595 km, soit une différence d'environ 650 km. Sur la base de la méthode de calcul exposée à la note 117, les coûts de transport liés aux 200 km supplémentaires nécessaires pour rejoindre le Portugal représenteraient [0-5]* % du prix de vente moyen et ceux liés aux 650 km supplémentaires nécessaires pour rejoindre l'Espagne correspondraient à environ [0-5]* % (sur la base de coûts de transport moyens estimés à [...]* EUR par 1 000 km par tonne). Si l'on prend pour base de calcul une estimation des coûts de transport moyens comprise [...]* EUR par 1 000 km par tonne (coûts de transport moyens supportés par GBI pour approvisionner les marchés espagnol et portugais à partir de son centre de distribution italien), les coûts supplémentaires seraient de l'ordre de [0-5]* à [0-5]* % pour le Portugal et de l'ordre de [0-5]* à [0-5]* % pour l'Espagne.
170 Par exemple, profiter du fait que les camions réfrigérés qui transportent principalement des marchandises du Sud de l'Europe vers le Royaume-Uni reviennent à vide. Compte rendu de la téléconférence entre les membres de l'équipe chargée de l'affaire et Lallemand du 19 mai 2008.
171 Selon les informations dont la Commission dispose, l'usine de Felixstowe dispose de capacités suffisantes pour approvisionner les marchés portugais et espagnol.
172 Voir les résultats du test de marché portant sur la mesure corrective déposée au cours de la phase I, considérant 1.
Annexe I
Le texte complet en langue originale des engagements dont il est fait référence aux articles 2 et 3 peut être consulté sur le site Internet de la Commission à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/comm/competition/index_en.html