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Décisions

CA Angers, ch. soc., 25 mars 2008, n° 07-01101

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Aycaguer

Défendeur :

Frans Bonhomme (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

M. Jegouic, Rauline

Avocats :

Mes Sultan, Kalfoum, Petrel

Cons. prud'h. Cholet, du 10 mai 2007

10 mai 2007

Exposé des faits. Procédure. Objet du recours.

Le 23 mai 2007, Francis Aycaguer a formé appel d'un jugement rendu treize jours plus tôt par le Conseil de prud'hommes de Cholet, jugement auquel il est au besoin renvoyé pour un plus ample exposé des données du présent litige et dont les auteurs, avant de condamner son ancien employeur, la société "Frans Bonhomme", à lui verser notamment la somme globale de 9 603 euro à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence incluse dans son contrat de travail, l'a par contre débouté de toutes ses autres prétentions, soit plus précisément de sa demande de requalification de son contrat de travail de technicien commercial en contrat de voyageur-représentant-placier (VRP) et de ses prétentions financières correspondantes.

Il persiste en effet à solliciter cette requalification et à réclamer en conséquence à son ancien employeur les sommes correspondantes.

La société Frans Bonhomme a au contraire formé appel incident pour conclure, non seulement au rejet de toutes les prétentions de Francis Aycaguer, mais encore à sa condamnation à lui verser une somme de l'ordre de 35 000 euro à titre d'indemnité forfaitaire pour non-respect de sa clause de non-concurrence.

Moyens proposés par les parties

Considérant qu'après avoir à nouveau - et notamment - rappelé, d'abord à compter de quelle date, en quelle qualité et dans quelles conditions il avait été initialement engagé par la société Frans Bonhomme, puis dans quelles conditions là encore cette société a unilatéralement modifié, selon lui, son contrat de travail - et plus précisément son secteur d'activité - à compter du mois de janvier 2006 (cf sur tous ces points les pages 1 à 3 de ses écritures d'appel), Francis Aycaguer, qui adopte, au moins pour partie, les motifs de la décision qu'il ainsi déférée en appel, mais rappelle par ailleurs, en substance, que la qualification (et/ou le statut contractuel) d'un salarié doit être apprécié au regard des seules conditions d'exercice pratique des fonctions de celui-ci, estime dès lors démontrer que, pour les motifs exposés cette fois-ci en pages 6 et suivantes de ses écritures, il exerçait bien la fonction de VRP au service de la société Frans Bonhomme;

Qu'il estime encore une fois, et en tout état de cause, que la société Frans Bonhomme a unilatéralement modifié son contrat de travail, quelle qu'en soit la nature, entend en conséquence obtenir la requalification de sa prise d'acte de la rupture de ce contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse et persiste dès lors à réclamer la condamnation de cette société à lui verser les sommes détaillées dans le dispositif de ses écritures d'appel.

Considérant que la société Frans Bonhomme, qui adopte au contraire pour l'essentiel une autre partie des motifs de la décision déférée et conteste en tout état de cause, et point par point, le bien-fondé des actuelles prétentions de Francis Aycaguer, fait par contre grief aux premiers juges d'avoir fait droit, au moins en partie, à l'une de ces prétentions;

Motifs de l'arrêt

Considérant que les moyens invoqués par l'appelant au soutien de son recours ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le tribunal a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation;

Considérant en effet, en premier lieu, que c'est au salarié de prouver qu'il exerçait en fait, du temps où il était au service de son ancien employeur, une profession autre que celle stipulée dans son contrat de travail écrit;

Que c'est dès lors à juste titre qu'après avoir notamment constaté, d'abord, que, le 2 janvier 2003, Francis Aycaguer avait été expressément engagé par la société Frans Bonhomme en qualité "d'agent technico-commercial coefficient 185", au sens de l'accord d'entreprise signé au sein de cette société le 11 octobre 2002, puis "réactualisé" le 17 février 2004 (qualification d'ailleurs constamment rappelée sur les divers bulletins de salaire de l'appelant), ensuite, non seulement que le contrat de travail correspondant stipulait tout aussi expressément que "(les) attributions (de Francis Aycaguer) et les conditions d'exercice de (son) activité exclu(aient) l'application du statut des VRP", mais encore qu'en sa page 2, le même contrat stipulait là encore expressément que "(Francis Aycaguer) appartiendr(ait) à l'équipe de vente de la société sans attribution personnelle ni exclusivité de clients, de catégorie de clients et de territoire", que, "dans les zones qui (lui) ser(aient) indiquées (et) qui n'a(vaient) aucun caractère de fixité et pourraient (donc) varier au gré de la société, (il serait) chargé de l'ensemble des relations commerciales entre les clients de (la même) société et cette dernière, dans le cadre des responsabilités et des ordres qui (lui) ser(aient) donnés", et enfin que, dans l'un de ses propres courriers en date du 6 avril 2006, courrier aux termes duquel Francis Aycaguer confirmait à la société Frans Bonhomme son intention de "prendre acte" de la rupture de son contrat de travail (intention initialement manifestée dans un précédent courrier du 18 janvier précédent dont il sera reparlé), reconnaissait à nouveau expressément, alors que les "hostilités" étaient déjà ouvertes entre lui et son ancien employeur, (avoir) été recruté le 2 janvier 2003 en qualité d'agent technico-commercial" les premiers juges en ont déduit que, faute par l'intéressé d'apporter le moindre commencement de preuve du fait qu'il exerçait en pratique les fonctions de VRP, les premiers juges l'ont débouté de ses prétentions correspondantes, étant seulement ajouté :

- que la société Frans Bonhomme a pu affirmer dans ses écritures, sans être à aucun moment contredite, que Francis Aycaguer "n'a jamais eu la liberté de prospecter la clientèle, puisque (ses) visites étaient organisés par le chef des ventes" ;

- que cette allégation est d'ailleurs confirmée par les pièces 5 à 7 de la société Frans Bonhomme, pièces dont il résulte clairement que Francis Aycaguer, auquel avait été affecté le "Code 257 nécessaire pour le suivi de (son) activité", avait pour tâche de "visiter (les) clients et prospects (de la société Frans Bonhomme) conformément aux tournées de visite qui (lui seraient) indiquées par (ce) chef des ventes", ce qui prouve bien que Francis Aycaguer n'avait aucune autonomie dans le choix de ses clients et ne visitait en réalité que ceux qui lui avaient été indiqués préalablement par le même chef des ventes;

- que la société Frans Bonhomme souligne à juste titre que la rémunération variable de Francis Aycaguer n'était pas constituée de "commissions", mais de "primes sur marge brute";

- et que le simple argument tiré par Francis Aycaguer du fait qu'il "prenait des commandes" est sans portée, dès lors, d'une part, que cette prise de commandes relevait de ses fonctions contractuelles (cf la page 3 de son contrat de travail) et, de l'autre, que ces prises de commandes n'intervenaient en tout état de cause que dans le cadre de "tournées" imposées là encore par le chef des ventes de la société Frans Bonhomme;

Que Francis Aycaguer ne peut donc actuellement justifier sa "prise d'acte" de la rupture de son contrat de travail par la méconnaissance, par la société Frans Bonhomme, de son véritable statut contractuel;

Considérant en second lieu que s'il est constant sur ce point la page 10 des écritures d'appel de la société Frans Bonhomme que celle-ci a bien (légèrement) modifié "le périmètre de prospection" de Francis Aycaguer, et ce en application de la convention qui, en principe, fait la loi des parties, au sens de l'article 1134 du Code civil, il n'en reste pas moins qu'il a été vérifié, à examen des documents incontestables produits sur ce point aux débats par cette seule société (cf cette fois-ci les pages 19 à 21 des écritures d'appel de la même société, confortées en particulier par sa pièce n° 9 et dont la teneur est intégralement adoptée), qu'à la date de la "prise d'acte", par Francis Aycaguer, de la rupture de son contrat de travail, rien ne permettait à celui-ci ne serait-ce que de présumer une hypothétique baisse de sa rémunération globale avant la fin de l'année 2006, compte tenu notamment des assurances qui lui avaient été données par la société Frans Bonhomme au titre de sa rémunération, toujours 2006 (cf les mêmes pages des mêmes écritures et la même pièce), étant au besoin observé :

- que la société Frans Bonhomme affirme là encore dans ses écritures, sans être à aucun moment contredite, que "(le nouvel) ATC, qui a repris l'ancien fichier/Code de (Francis Aycaguer), l'a fait progresser de 285 à 332 clients", ce qui confirme le potentiel de progression" du nouveau secteur de prospection de Francis Aycaguer, même réduit "de trois cantons" ;

- et que Francis Aycaguer n'a même pas cru devoir, pour des motifs qui le regardent mais au sujet desquels il est légitimement permis de s'interroger, se rendre à un ultime rendez-vous qui lui avait été donné le 25 avril précédent par la société Frans Bonhomme "afin d'examiner, avec lui, la situation" ;

Que c'est donc là encore à juste titre que les premiers juges ont estimé que la prise d'acte, par Francis Aycaguer, de la rupture de son contrat de travail, devait produire les effets d'une démission, ce qui suffit à rejeter certaines des prétentions de l'intéressé ;

Considérant par contre qu'en cas de "prise d'acte", justifiée ou non, par un salarié, de la rupture de son contrat de travail, le délai contractuel (individuel ou collectif) imparti à l'employeur pour libérer le salarié d'une clause de non-concurrence ne peut courir qu'à compter de la date d'effet de cette prise d'acte, telle que fixée par ce salarié lui-même;

Or, considérant qu'il est constant (et/ou établi) en l'espèce :

- que, dans son premier courrier adressé le 18 janvier 2006 à la société Frans Bonhomme, Francis Aycaguer, "espérant parvenir à une solution amiable", déclarait seulement "accepter de poursuivre sa collaboration, mais avec la garantie de sa rémunération antérieure", garantie qui, encore une fois, lui était acquise, au moins jusqu'à la fin de l'année 2006;

- que, le 6 avril suivant, Francis Aycaguer annonçait par contre à la société Frans Bonhomme sa décision (finale) de prendre acte de la rupture de son contrat de travail tout en annonçant à cette société que, "par conscience professionnelle, (il) ne cesserai(t) (ses) activités (que) le 19 mai 2006" ;

- et que c'est dès le 14 juin 2006 que la société Frans Bonhomme a délié Francis Aycaguer de sa clause de non-concurrence, soit dans délai prévu à la page 3, premier paragraphe, du contrat de travail du second, étant d'ailleurs observé que Francis Aycaguer ne peut sérieusement soutenir que la rupture de son contrat de travail était effective dès le 6 avril 2006.... après avoir été rémunéré par la société Frans Bonhomme jusqu'au 19 mai suivant, comme en fait foi l'examen de ses bulletins de salaire (il faudrait choisir);

Qu'abstraction fait de moyens de fait ou de droit qui restent à l'état de simples allégations ou qui sont dès lors inopérants, il convient en conséquence d'infirmer partiellement la décision déférée, mais dans ces seules limites;

Considérant enfin qu'il serait inéquitable de laisser à charge de la société Frans Bonhomme, qui n'apporte pas la preuve du préjudice que le non-respect (par hypothèse), par Francis Aycaguer, de la clause de non-concurrence litigieuse lui aurait occasionné, tout ou partie des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens;

Qu'il lui sera donc alloué à ce titre celle qu'elle réclame;

Décision

Par ces motifs et ceux non contraires ayant déterminé les premiers juges, qu'elle adopte, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirmant partiellement la décision déférée et statuant à nouveau, Déboute Francis Aycaguer de sa demande d'indemnité à titre de contrepartie financière de sa clause de non-concurrence, Confirme la même décision en ses autres dispositions, sauf en ce que ses auteurs ont alloué à Francis Aycaguer la somme de 300 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Y ajoutant, Condamne Francis Aycaguer à verser à la société Frans Bonhomme la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Condamne Francis Aycaguer aux dépens de première instance et d'appel.