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Décisions

CA Paris, 21e ch. C, 11 septembre 2007, n° 06-01496

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bacon

Défendeur :

NCH France (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme de Liege

Conseillers :

Mmes Lebe, Degrandi

Avocats :

Mes Bouzerand, Klatovsky

Cons. prud'h. Paris, sect. encadr., du 1…

18 mai 2005

LA COUR statue sur l'appel régulièrement interjeté par Mme Bacon du jugement rendu le 18 mai 2005 par le Conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, chambre 2, auquel il est renvoyé pour l'exposé des éléments du litige à cette date, qui l'a déboutée de ses demandes dirigées contre la SNC Partmaster International, aux droits de laquelle se présente la SNC NCH France.

Il est constant que Mme Bacon a été embauchée par contrat de travail écrit à durée indéterminée du 18 février 2003, à compter du 3 mars suivant, en qualité de VRP à temps partiel par la SNC Partmaster International, ayant pour activité la vente de petit matériel de maintenance et de réparation de plomberie, employant plus de onze salariés.

Sa rémunération prévoyait un salaire minimum garanti pendant ses huit premiers mois d'activité, remplacé par des commissions à partir de cette date.

Les relations de travail se dégradaient à compter du 15 janvier 2004, date à laquelle la salariée recevait un rappel à l'ordre de l'employeur, lui reprochant une insuffisance de quotas et de rapports d'activité, prévus par son contrat de travail.

Un échange de courriers intervenait entre les parties, Mme Bacon protestant, le 19 janvier 2004, contre l'absence de versement de rémunération depuis novembre 2003 et sollicitant une modification en conséquence de son contrat de travail, ce que l'employeur refusait le 22 janvier 2004, lui proposant une avance exceptionnelle ainsi que le versement de 10 % de son chiffre d'affaires par semaine.

Mme Bacon saisissait le conseil de prud'hommes le 7 mai 2004 de demandes tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la SNC Partmaster International et la condamnation de cette dernière à lui verser diverses sommes à titre de rappel de rémunération minimale forfaitaire, ainsi qu'au titre de la rupture de son contrat de travail qu'elle estimait constituer un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité de clientèle ainsi qu'au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

En cause d'appel, Mme Bacon soutient que l'employeur a manqué gravement à ses obligations contractuelles et conventionnelles, à savoir, d'une part, lui verser la rémunération minima garantie prévue tant par son contrat de travail que par l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975, élargi le 5 octobre 1983 alors qu'elle exerçait ses activités à titre exclusif et à temps complet. Elle lui fait de même grief de n'avoir pas pris en charge ses frais professionnels, alors qu'elle travaillait à temps complet.

Elle fait valoir que l'employeur ne lui a en effet versé pendant ses 8 premiers mois d'activité que 821 euro, somme dont elle devait encore déduire ses frais professionnels. Elle expose qu'elle ne percevait plus de rémunération depuis novembre 2003 et qu'au contraire, elle était débitrice de l'entreprise puisque l'employeur lui avait versé un acompte exceptionnel.

Elle fait valoir que, ce faisant, l'employeur ne la mettait plus en mesure d'exercer ses fonctions depuis le mois de février 2004 et ne lui remettait plus de bulletins de paie depuis août 2004, sans la remplacer ni la licencier, ce qui interdit à l'employeur de former une demande reconventionnelle en résiliation de son contrat de travail.

Elle demande en conséquence à la cour:

- d'infirmer le jugement déféré,

- de constater qu'elle exerçait les fonctions de VRP exclusif à temps complet,

- de constater qu'elle a fait part à son employeur dès janvier 2004 de ses difficultés à exercer normalement ses fonctions dans la mesure où elle ne percevait aucune rémunération depuis novembre 2003,

- de constater que la SNC Partmaster International a refusé de lui verser une somme minimale forfaitaire et de prendre en charge ses frais professionnels,

- de constater qu'elle a poursuivi son activité jusqu'en juin 2004, malgré l'absence totale de rémunération,

- de constater que la SNC Partmaster International a manqué à ses obligations contractuelles et conventionnelles en s'abstenant de lui verser une quelconque rémunération alors qu'elle travaillait,

- en conséquence,

- de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, la SNC NCH France venant aux droits de la SNC Partmaster International, et ce à la date du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- de dire que celle-ci produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la SNC NCH France, venant aux droits de la SNC Partmaster International à lui verser les sommes suivantes:

* 56 648,80 euro à titre de rémunération minimale garantie forfaitaire,

pour la période courant du dernier trimestre 2003 au premier trimestre 2007, 5 665,80 euro au titre des congés payés incidents,

* 2 866,93 euro à titre d'indemnité de préavis,

* 286,69 euro au titre des congés payés incidents,

* 4 300,40 euro à titre d'indemnité de clientèle,

* 2 866,19 euro à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et vexatoire,

* 2 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SNC NCH France, venant aux droits de la SNC Partmaster International, soutient qu'elle a rempli ses obligations contractuelles et conventionnelles envers Mme Bacon.

Elle fait valoir que la rémunération minimale garantie invoquée par l'intéressée ne lui était pas applicable dans la mesure où l'accord national interprofessionnel des VRP ne la prévoyait que pour les VRP exerçant leurs fonctions à titre exclusif, que ce soit à temps complet ou partiel, ce qui n'était pas le cas de Mme Bacon. Elle s'oppose en conséquence aux demandes de rappel de salaire minimal et d'indemnité de rupture formées par la salariée.

La SNC NCH France, fait valoir que Mme Bacon ne travaille plus pour l'entreprise, ne démontre pas avoir développé une quelconque clientèle et déclare percevoir le RMI. Elle sollicite le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de l'intéressée aux torts de celle-ci.

La SNC NCH France, venant aux droits de la SNC Partmaster International, demande en conséquence à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme Bacon de l'ensemble de ses demandes,

- de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de l'intéressée aux torts de celle-ci,

- de dire que cette résiliation produit les effets d'une démission de la part de Mme Bacon,

- en conséquence, de lui donner acte de ce qu'elle ne sollicite aucune somme relative aux conséquences de la rupture du contrat de travail de la salariée,

- de condamner Mme Bacon aux entiers dépens de l'instance.

Sur ce, LA COUR,

Vu le jugement déféré ainsi que les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience par celles-ci auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements,

Il n'est pas contesté que Mme Bacon, engagée par contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 février 2003, en qualité de "représentant à temps partiel" pour exercer ses fonctions "dans les conditions fixées par les articles L. 214-3 et 751-1 du Code du travail", bénéficiait du statut de VRP.

Exerçant ses activités à l'égard des seules entreprises et non des particuliers, aux termes de cette convention, elle se voyait confier 7 arrondissements parisiens comme secteur.

Alors qu'elle bénéficiait du statut de VRP, le litige porte sur l'application de l'accord national interprofessionnel des VRP et plus particulièrement sur l'obligation de faire bénéficier la salariée de la rémunération minimale garantie, telle que prévue, d'une part, par l'accord national interprofessionnel des VRP, dit ANI, et, d'autre part, pendant 8 mois, par son contrat de travail.

Sur l'application de la rémunération minimale garantie prévue par l'ANI des VRP :

Aux termes de l'article 5 de l'ANI du 3 octobre 1975, "... lorsqu'un représentant de commerce est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire qui, déduction faite des frais professionnels, ne pourra être inférieure à 520 fois le taux horaire du SMIC, le taux applicable étant celui en vigueur à la fin du dernier mois échu pris en compte à chaque paiement...";

Il ressort de ce texte que la condition principale de son application est le caractère exclusif ou non de l'activité de la salariée et non la durée de son travail, temps complet ou temps partiel, sur laquelle il n'y a en conséquence pas lieu de statuer ;

Or, c'est en vain que Mme Bacon prétend avoir bénéficié d'une clause d'exclusivité alors que celle-ci est au contraire expressément écartée par l'article 3.7 de son contrat de travail dans les termes suivants :

"Le représentant n'a pas l'exclusivité de la prospection du secteur ci-dessus et la société se réserve le droit d'engager un ou plusieurs autres représentants ou mandataires de son choix pour la vente des mêmes produits dans le secteur défini ci-dessus."

Cette absence d'exclusivité est corroborée par l'article 5-1 de son contrat de travail qui dispose que "pendant toute la durée de son contrat de travail, le représentant s'engage à ne pas exercer d'activité pour le compte d'une société concurrente ou susceptible de concurrencer la société ou une société du groupe", ce dont il se déduit que Mme Bacon pouvait effectivement travailler pour un autre employeur sous la réserve qu'il ne s'agisse pas d'une société concurrente.

Dans la mesure où Mme Bacon ne bénéficiait pas d'une clause d'exclusivité et n'était donc pas contractuellement contrainte de ne travailler que pour la seule SNC Partmaster International, elle ne saurait prétendre au bénéfice de la rémunération minimale garantie par l'accord national interprofessionnel des VRP et ce, qu'elle qu'ait été la durée de son travail dont elle ne tire aucune autre conséquence que la revendication du bénéfice de cette rémunération minimale garantie par l'ANI; étant observé qu'en tout état de cause Mme Bacon ne formule pas de demande de rappel de salaires sur la base d'un temps complet, se bornant à invoquer la rémunération minimale garantie litigieuse.

Sur l'application de la rémunération minimale garantie prévue par le contrat de travail de Mme Bacon:

La rémunération de Mme Bacon était prévue ainsi qu'il suit aux termes de l'article 11 de son contrat de travail :

"Pendant les 8 premiers mois de son activité, Mme Bacon percevra une garantie brute fixe mensuelle de rémunération de 606 euro et ce afin de lui permettre de démarrer son activité sur le territoire confié".

En sus du versement de cette garantie brute mensuelle de rémunération, le VRP pourra prétendre au versement de commissions dans les conditions visées à l'article 12, mais à un taux réduit de 0,08 euro par unité.

Ce même article précisait en son point 3 "qu'afin de prétendre au règlement de la garantie fixe mensuelle de rémunération, le VRP devra transmettre ses rapports d'activité quotidiennement..." chaque rapport manquant entraînant une réduction corrélative de 35 euro de la rémunération minimale garantie.

Elle devait en outre remplir progressivement des quotas à compter de son troisième mois d'activité d'un montant de 6 250 unités à 12 500 unités à partir de son huitième mois d'activité.

Le point 4 dudit article prévoyait "qu'au terme de ce délai de 8 mois, il ne sera plus versé de garantie brute fixe mensuelle de rémunération" et que "seules s'appliqueront les dispositions de l'article 12 de son contrat de travail, relatives à sa rémunération par commissions, le VRP pouvant solliciter le bénéfice de la rémunération par seules commissions dès le 6e mois de son activité.

Au-delà de ses 8 premiers mois d'activité s'appliquait donc la rémunération prévue par l'article 12 de son contrat de travail, dans les termes suivants :

" en rémunération de son activité, le VRP recevra une commission sur toutes les commandes de produits qui auront été obtenues par son intermédiaire, sous réserve que lesdites commandes soient acceptées par la société et que les produits soient effectivement livrés et facturés aux clients. Le montant de la ou des commissions sera calculé conformément à la valeur de l'unité en vigueur à la date de la signature de chaque bon de commande (valeur de l'unité à ce jour: 0,11 euro), cette valeur étant révisable par l'employeur.

Les commissions de Mme Bacon devaient lui être réglées "pendant le mois suivant la fin de chaque mois pendant lequel les commandes qu'elle aurait obtenues seraient livrées et facturées... "

Ce même article 12 prévoyait la possibilité de versement d'avances à la salariée, selon des montants fixés par l'employeur, avances déduites, le cas échéant, des commissions dues à l'intéressée.

Enfin, en point 12-4, le contrat de travail de Mme Bacon précisait que "toutes les dépenses professionnelles, voyages, logement, nourriture et autres similaires seront supportées exclusivement par le VRP".

Mais, alors que la rémunération minimale garantie prévue par l'article 5 précité de l'accord national interprofessionnel des VRP n'est pas applicable à Mme Bacon en l'absence d'exclusivité, aucun élément probant n'établit que la salariée n'a pas perçu la rémunération minima prévue par son contrat de travail pendant ses huit premiers mois d'activité, soit 606 euro, alors que cette somme figure sur l'ensemble de ses bulletins de paye pendant ses huit premiers mois d'activité.

C'est en outre en vain que Mme Bacon prétend que l'employeur n'a pas rempli ses obligations contractuelles à son égard en ne prenant pas en charge ses frais professionnels et en réduisant dès lors d'autant sa rémunération minima contractuellement prévue.

En effet, alors que l'article 5 précité de l'accord national interprofessionnel des VRP qui prévoit la déduction des frais professionnel du VRP, pour calculer le montant de la rémunération minima due aux VRP bénéficiaires de cet accord, n'est pas applicable à l'intéressée, force est de constater que son contrat de travail prévoyait en outre expressément la prise en charge des dits frais par Mme Bacon.

Au surplus, il convient de relever que cette dernière ne communique aucun élément probant sur le montant exact desdits frais professionnels, de nature à établir que leur montant était tel que la rémunération minimale que lui garantissait son contrat de travail pendant 8 mois n'avait pas été respectée par l'employeur.

Dans ces conditions la demande de résiliation judiciaire formée par Mme Bacon le 7 mai 2004 doit être considérée comme une prise d'acte de rupture dans la mesure où la salariée ne démontre pas être restée à la disposition de l'employeur après cette date et ne forme au demeurant pas d'autre demande de rappel de salaires postérieurement au 7 mai 2004 que celle relative à la rémunération minimale garantie conventionnelle à laquelle elle n'a pas droit.

La rupture doit être considérée comme produisant les effets d'une démission, en l'absence de preuve de ce que l'employeur n'a pas rempli ses obligations contractuelles et conventionnelles envers Mme Bacon.

Cette dernière doit en conséquence être déboutée de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la SNC NCH France, venant aux droits de la SNC Partmaster International et le jugement déféré confirmé dans toutes ses dispositions.

Les circonstances de la cause et l'équité ne justifient pas l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de Mme Bacon qui sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef.

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré, Déboute Mme Bacon de l'ensemble de ses demandes, La condamne aux entiers dépens.