Livv
Décisions

CCE, 26 novembre 2008, n° 39.388

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Marché de gros de l'électricité en Allemagne et marché d'équilibrage de l'électricité en Allemagne

CCE n° 39.388

26 novembre 2008

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (1), et notamment son article 9, paragraphe 1, vu la décision prise par la Commission, le 7 mai 2008, d'engager la procédure dans la présente affaire, après avoir exprimé des préoccupations dans l'évaluation préliminaire du 7 mai 2008, après avoir donné aux tiers l'occasion de présenter leurs observations conformément à l'article 27, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1-2003 sur les engagements présentés pour répondre à ces préoccupations, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, vu le rapport final du conseiller-auditeur, considérant ce qui suit:

1. Objet

(1) La société E.ON AG, Düsseldorf (ci-après "E.ON") est destinataire de la présente décision, qui porte sur des pratiques consistant à retenir de la capacité et à dissuader les tiers d'investir dans la production sur le marché de gros de l'électricité en Allemagne, à favoriser ses filiales sur le marché allemand de l'équilibrage, ainsi qu'à empêcher les producteurs d'électricité d'autres États membres de vendre de l'énergie sur les marchés d'équilibrage d'E.ON.

(2) Dans son évaluation préliminaire du 7 mai 2008, la Commission était parvenue à la conclusion provisoire qu'E.ON détenait, avec RWE et Vattenfall Europe, une position collective dominante sur le marché de gros de l'électricité en Allemagne et que les pratiques présumées d'E.ON consistant à retenir de la capacité et à dissuader les tiers d'investir dans la production sur le marché de gros de l'électricité en Allemagne pouvaient poser des problèmes de compatibilité avec l'article 82 du traité CE (2). De surcroît, la Commission était parvenue à la conclusion provisoire qu'E.ON était dominante sur le marché de la demande de réserves secondaires et que les pratiques présumées d'E.ON consistant à favoriser ses filiales sur le marché allemand de l'équilibrage, ainsi qu'à empêcher les producteurs d'électricité d'autres États membres de vendre de l'énergie sur les marchés d'équilibrage d'E.ON, posaient des problèmes de compatibilité avec l'article 82 du traité CE.

2. Les parties

(3) E.ON est une entreprise allemande qui produit, transporte, distribue et fournit de l'énergie (essentiellement du gaz et de l'électricité) en Allemagne, dans d'autres États membres de l'UE ainsi que dans le monde entier. En 2007, E.ON a réalisé un chiffre d'affaires de 68,731 milliards d'euro (3).

3. Déroulement de la procédure dans le cadre du règlement n° 1-2003

(4) L'enquête était fondée sur les inspections effectuées dans les locaux d'E.ON en mai et en décembre 2006 (4) et sur une enquête menée à l'aide de demandes de renseignements entre 2006 et 2008.

(5) Le 7 mai 2008, la Commission a engagé une procédure en vue d'adopter une décision en vertu du chapitre III du règlement (CE) n° 1-2003 et a adopté une évaluation préliminaire au sens de l'article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1-2003, dans laquelle elle expose ses préoccupations en matière de concurrence.

(6) Cette évaluation a été notifiée à E.ON AG par lettre datée du 7 mai 2008.

(7) Le 27 mai 2008, E.ON a répondu qu'elle ne partageait pas l'analyse préliminaire de la Commission et a proposé des engagements en réponse à l'évaluation préliminaire de la Commission.

(8) Le 12 juin 2008 a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne, conformément à l'article 27, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1-2003, une communication résumant l'affaire et les engagements et invitant les tiers intéressés à présenter leurs observations sur ces engagements dans un délai d'un mois à compter de cette publication.

(9) Le 24 juillet 2008 et le 9 septembre 2008, la Commission a informé E.ON des observations reçues des tiers intéressés à la suite de la publication de la communication. Le 15 octobre 2008, E.ON a présenté une proposition d'engagements modifiée.

(10) Le 3 novembre 2008, le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes a été consulté. Le 10 novembre 2008, le conseiller-auditeur a rendu son rapport final.

4. Appréciation préliminaire concernant le marche de gros

4.1. Marchés en cause

Le marché de produit

(11) Le marché de produit retenu dans l'évaluation préliminaire est le marché de gros de l'électricité (importations et production d'électricité en vue de la revente). Cette appréciation est conforme à la pratique décisionnelle de la Commission (5) et au rapport final de l'enquête sectorielle sur les marchés de l'énergie ("l'enquête sectorielle") (6).

Le marché géographique

(12) Le marché géographique retenu dans l'évaluation préliminaire pour la période considérée (2002 - 2007) correspond au territoire de l'Allemagne, ce qui est conforme à la pratique décisionnelle de la Commission (7) et aux conclusions de l'enquête sectorielle.

4.2. Position des parties sur le marché en cause/position dominante

(13) Dans l'évaluation préliminaire, la Commission a estimé que si les caractéristiques propres du secteur de l'électricité pouvaient permettre à chacun des gros producteurs d'un même marché d'être individuellement dominants, même si leur présence sur le marché était limitée, ce qui signifie, selon la jurisprudence, de se comporter dans une large mesure d'une manière indépendante de leurs concurrents, de leurs clients et, en définitive des consommateurs, le marché de gros de l'électricité en Allemagne est soumis à la domination collective de trois exploitants, E.ON, RWE et Vattenfall Europe, au sens de l'article 82 du traité. Cette conclusion se fondait sur (a) la structure du marché de gros de l'électricité en Allemagne, (b) les caractéristiques du marché de gros de l'électricité, (c) la mise en œuvre d'une politique commune par E.ON, RWE et Vattenfall et (d) des barrières élevées à l'entrée.

(14) Le marché de gros de l'électricité allemand est fortement concentré et les parts de marché cumulées et individuelles de RWE, d'E.ON et de Vattenfall sont restées assez stables entre 2002 et 2006 (8), ainsi qu'il ressort du tableau 1 ci-dessous.

<emplacement tableau>

(15) E.ON, RWE et Vattenfall non seulement contrôlent l'essentiel de la capacité, mais elles détiennent aussi, avec EnBW, la quasi-maîtrise des technologies de production d'électricité relativement bon marché, c'est-à-dire le nucléaire, l'hydroélectricité et le lignite. E.ON, RWE et Vattenfall possèdent ensemble 77 % de la capacité totale de production électrique bon marché en Allemagne, tandis qu'EnBW contrôle une part substantielle de la capacité restante.

(16) E.ON, RWE et Vattenfall sont les seuls vendeurs nets (9) qui aient une capacité excédentaire sur le marché de gros et chacune d'entre elles en est consciente. Cela leur permet d'agir avec plus d'indépendance sur le marché de gros de l'électricité que d'autres exploitants, tels qu'EnBW, dont la capacité est limitée.

(17) De surcroît, RWE, E.ON et Vattenfall sont toutes des sociétés à intégration verticale qui détiennent des participations importantes dans des sociétés en aval, et notamment les compagnies d'électricité municipales, qui sont actives sur les marchés au détail de l'électricité.

(18) E.ON, RWE et Vattenfall sont liées par un réseau d'accords de production et de fourniture en gros.

(19) Par ailleurs, les caractéristiques suivantes du marché de gros de l'électricité permettant une position dominante collective ont été relevées:

- le produit est homogène et est vendu comme un produit standard, qui n'évolue pas

- le prix de l'électricité est transparent (10) et la production est, elle aussi, transparente (11)

- le taux d'accroissement du marché est assez modeste.

(20) En outre, selon l'évaluation préliminaire de la Commission, E.ON, RWE et Vattenfall pourraient avoir adopté une politique commune pour augmenter les prix. Cette politique peut être mise en œuvre grâce aux liens structurels de la production et au degré élevé de transparence entre ces exploitants, qui peuvent contrer tout écart de l'un d'entre eux. En ce qui concerne la production, si une entreprise qui retire de la capacité constate qu'une autre augmente sa production, grâce à la transparence, la première pourra réagir immédiatement en faisant de même. En ce qui concerne les prix, les entreprises peuvent réagir immédiatement aux offres de prix sur les marchés au comptant et mener une guerre des prix.

(21) Enfin et surtout, toute nouvelle arrivée sous forme d'investissement dans une capacité de production nouvelle est sévèrement restreinte et les importations n'exercent que peu de pression concurrentielle sur les producteurs allemands. Ainsi qu'il est indiqué dans l'évaluation préliminaire, la capacité horaire moyenne totale d'importation/exportation par rapport à la capacité de production installée en Allemagne s'élève pour 2004 à 16 % (12) et est restée stable depuis lors. Par conséquent, la pression concurrentielle potentielle des importations reste limitée dans ce pays.

(22) C'est la raison pour laquelle E.ON, RWE et Vattenfall sont en mesure de maintenir une position stable sur le marché de gros de l'électricité.

(23) Lors de l'étude de marché, la Commission a cependant été informée qu'il existait des différences structurelles et de coûts entre E.ON et RWE, d'une part, et Vattenfall, d'autre part. Certains ont indiqué que Vattenfall ne devait donc pas être considérée comme une partie du groupe d'entreprises occupant une position dominante collective. Cette observation est conforme à la pratique décisionnelle en Allemagne (13).

(24) Aux fins de la présente décision, il n'y a pas lieu de déterminer si RWE, E.ON et Vattenfall occupent une position dominante collective, comme il est indiqué dans l'évaluation préliminaire, ou si seules RWE et E.ON se trouvent dans cette situation. Dans les deux cas, E.ON serait partie à la position dominante collective.

4.3. Partie substantielle du marché commun

(25) Dans l'évaluation préliminaire, la Commission a estimé que le marché de gros de l'électricité allemand formait une partie substantielle du marché commun au sens de l'article 82 du traité CE. Le marché de gros de l'électricité allemand est le premier marché de gros européen puisqu'il a représenté un total de 550 TWh par an en moyenne ces trois dernières années. Sa part de la consommation totale d'électricité dans l'Union européenne est d'environ 20 %. Il couvre en outre le territoire de l'État membre le plus grand.

4.4. Pratiques soulevant des problèmes de concurrence

(26) Dans l'évaluation préliminaire, la Commission s'est demandé si E.ON n'avait pas abusé de sa position dominante sur le marché de gros, au sens de l'article 82 du traité CE, en retirant à court terme de la capacité de production disponible et en dissuadant les tiers d'investir dans la production d'électricité sur le marché de gros de l'électricité allemand.

(27) La mise en œuvre de l'article 82 n'est pas incompatible avec le fait que l'abus ait pu être commis seulement par E.ON et pas nécessairement par toutes les entreprises dominantes en question. Selon la jurisprudence des entreprises occupant une position dominante collective peuvent commettre des abus conjoints ou individuels. Il suffit que le comportement abuse soit relatif à l'exploitation d'une position dominante collective que les entreprises occupent dans le marché. L'abus doit seulement être identifié comme l'une des manifestations de l'occupation d'une telle position dominante collective (14).

Retrait à court terme

(28) Dans l'évaluation préliminaire, la Commission s'est demandé si E.ON n'avait pas conçu une stratégie consistant à retirer de la capacité de production disponible (en limitant la production de certaines centrales), afin de relever les prix de l'électricité au détriment des consommateurs.

(29) L'électricité peut être produite de nombreuses manières en utilisant divers combustibles et en recourant à différentes technologies présentant des structures de coût différentes. L'enquête sectorielle (15) a démontré que sur les marchés concurrentiels à court terme et en l'absence de contraintes de capacité de production, les prix sont fixés par le coût marginal à court terme (ci-après : "SRMC") de la centrale produisant la dernière unité d'électricité requise pour répondre à la demande. Le SRMC consiste essentiellement dans les coûts de combustible et autres coûts de production variables d'une centrale. La dernière unité ou l'unité marginale nécessaire pour répondre à la demande est également celle qui a le SRMC le plus élevé de toutes les unités en activité à un moment donné.

(30) Il importe à cet égard de souligner que le SRMC de l'unité qui fixe le prix détermine les recettes non seulement du propriétaire de l'installation marginale, mais également de toutes les autres unités appelées à produire pendant une heure donnée. La figure 1 explique cette notion graphiquement en utilisant un " ordre de mérite " schématique.

<emplacement tableau>

(31) La diversité technologique se reflète également dans l'ordre de mérite du portefeuille de centrales allemandes illustré à la figure 2 (16).

<emplacement tableau>

(32) La figure 2 illustre la courbe de mérite pour les mois de janvier 2003, de janvier 2004, de janvier 2005 et de décembre 2005. Le principal déplacement de la courbe a été observé en 2005 et était dû aux prix du CO2. Les centrales situées à droite de la courbe, qui fonctionnent au gaz et au pétrole, ont en outre été affectées par les hausses des prix du combustible. Les coûts marginaux des centrales hydroélectriques et nucléaires à gauche de la courbe, sont restés inchangés parce que les coûts marginaux de l'hydroélectricité sont égaux à zéro et que le coût de combustible de la production nucléaire reste modeste par rapport à celui d'autres sources de production, en dépit de la hausse du prix de l'uranium.

(33) Le prix du marché à court terme en Allemagne est celui de la bourse EEX, où il est fixé par heure lors de mises aux enchères quotidiennes. Chaque participant au marché propose des paires prix-quantité pour ses projets de vente et d'achat. Les participants sont libres de fixer les quantités et les prix qu'ils offrent. La bourse élabore alors des courbes d'offre et de demande agrégées. Le prix du marché et la quantité correspondante sont alors fixés par ce processus de mise en concordance. Les prix et les volumes des différentes heures sont publiées par EEX.

(34) Dans le secteur de l'électricité, les conséquences d'une limitation de la fourniture d'électricité sont très graves pour les consommateurs.

(35) Le prix sur les marchés à court terme est le résultat d'un mécanisme de mise aux enchères déterminant un prix unique pour l'ensemble du marché. Ce prix est égal à celui de la dernière offre acceptée dans le processus de confrontation de la demande et de l'offre. Les offres reflètent un ordre de mérite des installations de production qui est tout à fait unique: la différence de coûts marginaux entre certaines des centrales de charge de base meilleur marché (centrales nucléaires) et certaines des plus chères (centrales au gaz) a atteint un facteur supérieur à sept pendant la période considérée (18). Par conséquent, la courbe est très raide à droite (voir figure 2). De surcroît, la demande est inélastique et le produit ne peut être stocké. Par conséquent, contrairement à ce qui est le cas dans la plupart des autres secteurs économiques, le retrait d'une partie de la production a pour effet mécanique de relever le prix du marché à court terme, et ce substantiellement lorsque la demande est forte (et donc lorsque des usines plus onéreuses sont appelées à satisfaire la demande) (19). Ce phénomène se produit à l'avantage de toute la production vendue (à l'heure considérée) et au détriment des consommateurs qui ne peuvent réduire leur consommation à court terme.

(36) Selon l'évaluation préliminaire de la Commission, E.ON aurait conçu une stratégie consistant à retirer de la capacité de production disponible à court terme pour relever les prix.

(37) Selon les calculs de la Commission, E.ON peut avoir retenu un volume substantiel de capacités qui auraient été rentables entre 2002 et 2007, et plus particulièrement en 2003 et 2004.

(38) La Commission a considéré, dans l'évaluation préliminaire, que l'effet à court terme pouvait être amplifié par un effet à long terme, car les marchés à long terme sont stimulés par la tendance correspondante des prêts à court terme (20), en ce sens qu'une croissance soutenue des prix à court terme à l'EEX en Allemagne pourrait se traduire par une hausse du prix des produits à terme un, deux ou trois ans plus tôt. Retenir la production pourrait contraindre les clients à acheter les produits à terme beaucoup plus cher qu'ils n'auraient été disposés à le faire avant la hausse des prix sur le marché au comptant. De plus, le retrait allégué de capacités par E.ON accentuerait la volatilité, qui augmente le prix auquel les clients de produits à terme sont disposés à acheter (21).

(39) Cette stratégie est possible également parce que les nouveaux concurrents ont des difficultés à pénétrer sur le marché et ne sont pas en mesure d'exercer une contrainte sur le comportement de l'exploitant qui opère la retenue. Même si un exploitant autre que celui qui retient la production décide d'investir pour profiter d'une hausse des prix, il sera confronté à la difficulté de construire des centrales bon marché qui seraient assurées d'en tirer avantage et de remplacer la capacité retirée: en pratique, seule une capacité fonctionnant au gaz, plus onéreuse, a été ajoutée au marché par de nouveaux arrivants après 2001 et, globalement, l'augmentation de capacité a été marginale. De surcroît, il faut au minimum de trois à cinq ans pour décider de construire une centrale et faire les travaux. Dans l'intervalle, les exploitants peuvent retenir de la capacité au détriment des consommateurs.

(40) Le retrait signifie un manque à gagner correspondant à la production qui n'est pas vendue, mais cette perte est compensée par l'augmentation des recettes de la production qui se poursuit. Si un exploitant détient un portefeuille constitué pour une large part de charge de base (comme E.ON, qui a notamment le portefeuille le plus important de centrales nucléaires sur le marché), il peut couvrir ses coûts et réaliser un profit.

Mesures visant à décourager les investissements

(41) Dans l'évaluation préliminaire, la Commission s'est également demandé si le retrait à court terme de capacité de production disponible ne s'était pas accompagné d'une stratégie à moyen et long terme d'E.ON consistant à dissuader les concurrents actuels ou potentiels de pénétrer sur le marché de la production d'électricité en limitant de ce fait le volume de ce marché.

(42) Elle a distingué deux types de comportement visant à empêcher les investissements indépendants de concurrents actuels et potentiels: les contrats de fourniture d'électricité à long terme et l'offre faite aux nouveaux concurrents de prendre une participation dans une centrale électrique d'E.ON.

(43) Selon l'évaluation préliminaire de la Commission, E.ON aurait conçu et mis à exécution avec succès cette stratégie.

(44) La stratégie de production d'E.ON était directement liée à sa stratégie de prix. E.ON aurait été en mesure de maintenir un niveau de prix de gros qui n'aurait pas pu être atteint dans des conditions de concurrence. Comme les prix de gros ont une influence substantielle sur les prix de détail, la stratégie d'E.ON consistant à décourager les investissements de tiers porte préjudice non seulement au distributeur, c'est-à-dire au consommateur direct, mais aussi, en dernière analyse, au consommateur final.

4.5. Effet sur le commerce entre États membres

(45) Dans son évaluation préliminaire, la Commission a considéré que les pratiques en cause pouvaient affecter le commerce entre États membres, car les conséquences de ce comportement présumé affectent non seulement les consommateurs qui ont besoin d'électricité pour leur activité industrielle sur le marché allemand, mais également les consommateurs d'autres marchés européens, parce que des prix plus élevés sur le marché allemand réduisent le potentiel d'exportation vers d'autres marchés.

5. Appréciation préliminaire concernant le marché d'équilibrage

5.1. Les marchés en cause

Le marché de produit

(46) Dans son évaluation préliminaire, la Commission a considéré que le marché de produit était celui de la demande de courant d'équilibrage secondaire (réserves d'équilibrage secondaires). Contrairement au marché de gros, sur lequel l'électricité est achetée en vue de la revente, le courant d'équilibrage est nécessaire pour maintenir une tension adéquate sur le réseau. Cette appréciation est conforme à la pratique antérieure de la Commission (22). Comme il existe certaines différences techniques et des différences de demande entre les réserves d'équilibrage secondaires, d'une part, et les réserves d'équilibrage tertiaires ainsi que d'autres formes de réserves (réserves primaires, réserves éoliennes, etc.), d'autre part, le marché de produit en cause était limité au courant d'équilibrage secondaire.

Le marché géographique

(47) Dans l'évaluation préliminaire, la Commission a considéré que le marché géographique de la demande d'énergie d'équilibrage secondaire était formé par la zone desservie par le réseau de chaque gestionnaire de réseau de transport ("GRT"). Jusqu'à décembre 2007, le GRT se procurait pratiquement les réserves d'équilibrage secondaires presque exclusivement auprès de producteurs de sa propre zone de réseau. D'après l'évaluation préliminaire, cette situation ne s'est pas substantiellement modifiée après l'institution d'un nouveau système de mise aux enchères au niveau national en Allemagne en décembre 2007.

5.2. Position des parties sur le marché en cause/position dominante

(48) Dans l'évaluation préliminaire, la Commission a estimé qu'E.ON était dominante au sens de l'article 82 du traité CE sur le marché de la demande de réserves d'équilibrage secondaires dans la zone desservie par son propre réseau, où le GRT (E.ON Netz, filiale d'E.ON) se trouve en situation de monopsone.

5.3. Une partie substantielle du marché commun

(49) Dans l'évaluation préliminaire, la Commission a estimé que le marché des réserves d'équilibrage secondaires de la zone de réseau d'E.ON, couvrant environ un tiers du territoire de l'Allemagne, constituait une partie substantielle du marché commun.

5.4. Les pratiques suscitant des préoccupations

(50) Dans l'évaluation préliminaire, la Commission s'est inquiétée de ce que E.ON aurait abusé de sa position dominante sur le réseau, au sens de l'article 82 du traité CE, d'abord en augmentant ses propres coûts afin de favoriser sa filiale de production et de répercuter les coûts sur le consommateur final, et ensuite en empêchant les producteurs d'électricité d'autres États membres d'exporter de l'énergie d'équilibrage sur ses propres marchés d'équilibrage.

(51) En premier lieu, selon l'évaluation préliminaire, seules [0-3] entreprises étaient sélectionnées pour fournir des réserves secondaires dans la zone de réseau d'E.ON en 2005, tandis que [20-30] entreprises l'étaient pour fournir des réserves tertiaires dans la même zone en 2005. Entre janvier 2003 et mai 2005, E.ON Netz a acheté systématiquement des réserves secondaires [...]* à sa propre filiale E.ON Sales and Trading au lieu de se procurer d'autres formes d'énergie d'équilibrage, c'est-à-dire des réserves tertiaires, dans un environnement plus concurrentiel. Ce faisant, E.ON Netz a augmenté ses propres coûts, probablement afin de favoriser sa filiale de production, tout en pouvant répercuter les coûts d'équilibrage supplémentaires sur le consommateur final.

(52) En deuxième lieu, la Commission s'est demandé si E.ON n'aurait pas empêché l'importation d'énergie d'équilibrage par des producteurs d'électricité d'autres États membres dans sa propre zone d'équilibrage. Dans certains cas, des producteurs d'autres États membres avaient demandé d'être sélectionnés pour offrir de l'énergie d'équilibrage en Allemagne, mais E.ON avait refusé. Elle voulait ainsi favoriser ses propres filiales de production et, plus généralement, réserver le secteur de l'équilibrage en Allemagne aux producteurs allemands.

(53) La Commission a estimé à titre préliminaire qu'E.ON Netz aurait également augmenté ses propres coûts, probablement afin de favoriser sa filiale de production, tout en pouvant répercuter les coûts d'équilibrage supplémentaires sur le consommateur final.

(54) De surcroît, elle a considéré qu'E.ON aurait opéré une discrimination entre l'énergie d'équilibrage domestique et l'énergie d'équilibrage importée, ce qui serait contraire au principe général établi à l'article 12 du traité, qui interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité. La Cour l'a confirmé en appliquant l'article 82 aux pratiques discriminatoires directement ou indirectement en raison de la nationalité (23).

(55) Elle a rappelé que la Cour trouve critiquables les pratiques restaurant des divisions nationales dans le commerce entre États membres (24) et qu'elle considère généralement que les pratiques de ce genre ont pour objet de restreindre la concurrence (25).

5.5. Effet sur le commerce entre États membres

(56) La Commission a considéré, dans son évaluation préliminaire, que les pratiques en cause pouvaient avoir un effet sur le commerce entre Etats membres, car les conséquences de ce comportement présumé affectent non seulement les consommateurs qui ont besoin d'électricité pour leur activité industrielle sur le marché allemand, mais également les consommateurs d'autres marchés parce que des prix plus élevés sur le marché allemand réduisent le potentiel d'exportation vers d'autres marchés (26).

6. Engagements proposés

(57) Les éléments clés des engagements proposés volontairement par E.ON le 27 mai 2008 étaient les suivants:

- E.ON cédera les capacités suivantes de production en Allemagne à une entreprise indépendante et non liée à E.ON:

- E.ON cédera intégralement ses participations dans les centrales au fil de l'eau d'ÖKB/Inn (182,5 MW), de Weser (42 MW), d'Inn (NuBdorf, Egglfing, Ering; au total 102,2 MW) et de Jansen (Trausnitz, Tanzmühle; au total 5,1 MW).

- E.ON accordera des droits de tirage sur les centrales nucléaires de Gundremmingen, blocs B et C (643 MW), de Krtimmel (673 MW) et d'Unterweser (184 MW) pour le restant de leur durée de vie utile (prorogations éventuelles comprises), ainsi que le droit de prendre une participation dans de nouvelles centrales éventuelles;

- E.ON cédera intégralement ses participations dans la centrale au lignite de Lippendorf (445,5 MW);

- E.ON accordera un droit de tirage de 159 MW sur la centrale au lignite de Buschhaus pour le restant de sa durée de vie utile (y compris un droit de participation correspondant dans toute nouvelle construction);

- E.ON cédera intégralement ses participations dans les centrales au charbon suivantes: Rostock (256 MW), Zolling (449 MW), Farge (350 MW), Mehrum (345 MW), ainsi que Veltheim 2/3 (265,3 MW) et Bexbach (79,3 MW);

- E.ON cédera intégralement ses participations dans la centrale électrique Robert Frank fonctionnant au gaz (491 MW);

- E.ON cédera intégralement ses participations dans les centrales d'accumulation par pompage hydraulique d'Erzhausen (220 MW) et de Jansen (Kainzmühlsperre, Reisachhochspeicher; au total

127 MW).

- E.ON cédera également ses activités de transport sur son réseau de lignes de 380/220 kV, le système d'exploitation de sa zone de contrôle et les activités connexes. E.ON s'est engagée à céder les actifs à un acquéreur qui ne soit pas une entreprise ayant des intérêts dans la production ou la fourniture d'électricité (condition de séparation).

- E.ON ne peut racheter ni la capacité de production cédée ni le réseau pendant une période de 10 ans.

7. Communication de la commission publiée conformément a l'article 27, paragraphe 4

(58) En réponse à la publication, le 12 juin 2008, d'une communication conformément à l'article 27, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1-2003, la Commission a reçu vingt contributions de tiers intéressés. Dans l'ensemble, ils ont accueilli avec satisfaction les engagements proposés, qu'ils jugeaient de nature à répondre aux préoccupations exprimées par la Commission.

7.1. Cession des centrales électriques

(59) Les intéressés qui ont commenté la cession des centrales électriques ont confirmé que la mesure était de nature à répondre aux préoccupations exprimées dans l'évaluation préliminaire.

(60) En ce qui concerne toutefois la cession de la capacité de production, certains ont fait valoir que le volume total de capacité de production à céder devait être augmenté afin d'améliorer la structure concurrentielle du marché de gros de l'électricité allemand. Or, cette suggestion va au-delà de la portée de la présente procédure, car les engagements doivent répondre à des griefs précis concernant un abus figurant dans l'évaluation préliminaire et non régler la question de la position dominante de l'entreprise considérée.

(61) De surcroît, l'un des intéressés a fait valoir qu'il fallait limiter le nombre d'acquéreurs, car des acteurs importants seraient plus à même de soutenir la concurrence sur un pied d'égalité avec ceux qui se trouvent déjà sur le marché; d'autres souhaitaient au contraire l'augmenter. Or, le nombre d'acquéreurs prévu dans les engagements permet de maintenir l'activité cédée en tant que force concurrentielle viable et active par rapport à E.ON AG et à ses concurrents, tout en donnant à un grand nombre d'intéressés la possibilité d'y accéder. Par conséquent, cette limitation est elle aussi proportionnée.

(62) Certains ont répondu que les échanges d'actifs ne devraient pas être autorisés, car ce mécanisme limite les acquéreurs aux entreprises qui possèdent des actifs de production. De surcroît, les échanges feraient naître une structure oligopolistique au niveau européen. Or, tout d'abord, il convient de souligner que le texte des engagements ne contient pas de condition ou de préférence à l'égard des échanges d'actifs. L'acquéreur sera choisi par E.ON pour autant qu'il remplit les obligations prévues à cet égard dans les engagements, qui prévoient notamment qu'il ne doit pas créer a priori de problème de concurrence. En deuxième lieu, il importe de noter que, selon l'évaluation préliminaire, le marché de gros de l'électricité est national.

(63) Certains ont souligné qu'il fallait vendre la capacité de production en quantités plus faibles, par exemple en lots de 50 à 100 MW. Or, imposer à E.ON l'obligation supplémentaire de vendre en lots de 50 à 100 MW serait disproportionnée, car elle n'est pas nécessaire pour régler les problèmes qui se poseraient sur le marché de gros de l'électricité allemand. Cette mesure empêcherait par ailleurs l'apparition de concurrents viables.

(64) Selon un commentateur, la période 10 ans pendant laquelle E.ON n'a pas le droit de racheter les centrales serait trop brève pour ce secteur. Selon l'évaluation préliminaire, décider d'établir et construire une nouvelle centrale prend au moins 3 à 5 ans. Par conséquent, une période de 10 ans est suffisante pour maintenir l'effet structurel de la mesure corrective dans ce secteur. Elle est également conforme aux modèles d'engagements de cession publiés par la Commission dans le cadre du règlement CE sur les concentrations (27).

(65) De surcroît, les demandes présentées par les parties intéressées et visant à limiter la faculté d'E.ON d'acheter de la capacité constituée par un acquéreur, à limiter sa liberté d'acheter pendant trois ans la production de centrales cédées et à empêcher E.ON de devenir acquéreur exclusif de la production ne semblent pas se justifier, car ces mesures ne sont pas nécessaires pour répondre aux préoccupations exprimées dans l'évaluation préliminaire.

(66) Certains ont également souligné qu'il fallait donner à l'acquéreur de centrales au gaz accès au gaz à des conditions concurrentielles. Or, dans ce contexte, il convient de souligner que les activités cédées comprennent tous les contrats, contrats de location, etc. des centrales cédées. Par conséquent, l'acquéreur d'une centrale au gaz devrait pouvoir acquérir du gaz à des conditions concurrentielles.

(67) En ce qui concerne la cession de certaines centrales, des commentateurs font valoir que la centrale au lignite de Lippendorf, les centrales au charbon de Rostock et de Bexbach et la centrale nucléaire de Krümmel ne constituent pas une mesure de cession appropriée, car des tiers détiennent des droits contractuels de préemption ou de veto en cas de cession des actions ou des droits de tirage relatifs à ces centrales. Or, cela ne pose pas de problème en soi à condition que les titulaires de ces droits satisfassent aux critères fixés dans les engagements applicables à l'acquéreur, et notamment qu'ils ne posent pas a priori de problème de concurrence. Par ailleurs, E.ON a produit une renonciation à l'égard des droits contractuels des tiers suivants: RWE et Vattenfall.

(68) Après la consultation des acteurs du marché, il est apparu que l'exécution de la cession des centrales au fil de l'eau d'ÖKB/Inn et d'Inn pouvait être reportée à cause de tiers. C'est la raison pour laquelle E.ON a proposé de remplacer ces centrales par d'autres, de même type, donc des centrales au fil de l'eau, sur la même rivière, présentant une capacité totale et une qualité au moins équivalentes à celles des centrales au fil de l'eau qu'elle avait initialement proposées (28).

7.2. Cession du réseau

(69) Les intéressés qui ont commenté la cession du réseau ont confirmé que la mesure corrective permettait de répondre aux préoccupations exprimées dans l'évaluation préliminaire.

(70) Certaines observations faites lors de l'enquête du marché sortaient du cadre de la présente procédure de concurrence, qui ne peut traiter de la nécessité, évoquée par certains, d'un régulateur intervenant à l'égard des services de réseau. Le règlement n° 1-2003 prévoit des mesures correctives de manière comportementale et structurelle, mais pas de mesures d'ordre réglementaire.

(71) Une partie intéressée a fait valoir de surcroît que la période de 10 ans pendant laquelle E.ON n'a pas le droit de racheter le réseau serait trop brève dans ce secteur. Or, la Commission estime qu'une période de 10 ans suffit pour y maintenir l'effet structurel de la mesure corrective; elle est d'ailleurs conforme aux modèles d'engagements de cession publiés dans le cadre du règlement CE sur les concentrations (29).

(72) Une partie intéressée a fait observer que la condition de la séparation, c'est-à-dire le critère relatif à l'acquéreur selon lequel celui-ci ne doit pas avoir d'intérêt dans la production ou la fourniture, n'était pas suffisamment claire. Cette remarque fait ressortir la nécessité de clarifier cette condition.

(73) Le problème de concurrence relevé par la Commission réside dans le fait qu'E.ON, en tant qu'exploitant de réseau, favorise sa filiale de production, qui fournit de l'énergie d'équilibrage. Cette dernière provient généralement de centrales de la zone de réseau ou alors de zones de réseau voisines, mais non d'une centrale située plus loin du réseau d'E.ON.

(74) Le principe à la base de la condition de séparation de la propriété est que l'acquéreur ne doit pas avoir de motivations faussées et ne devrait pas pouvoir se livrer à un comportement abusif du genre de celui que la Commission a relevé dans son évaluation préliminaire. Le critère relatif à l'acquéreur, de l'absence a priori de problèmes de concurrence, s'applique à tous les problèmes de concurrence verticale posés par un acquéreur ayant des intérêts dans la production ou la fourniture. Par conséquent, cette condition de séparation doit être considérée comme un cas particulier du critère de l'absence a priori de problèmes de concurrence.

(75) En réponse aux observations reçues conformément à la communication publiée conformément à l'article 27, paragraphe 4, E.ON a modifié les engagements qu'elle avait proposés en présentant une proposition révisée le 15 octobre 2008. Elle a proposé de clarifier la condition de la séparation de la propriété.

7.3. Conclusion

(76) Les observations reçues n'ont pas, dans l'ensemble, amené la Commission à relever de nouveaux problèmes de concurrence liés aux engagements et elles ne contenaient pas d'éléments de nature à lui faire reconsidérer les préoccupations qu'elle avait exprimées dans l'évaluation préliminaire. Compte tenu des résultats de la consultation des acteurs du marché, la Commission s'en tient également à la position adoptée dans la communication qu'elle avait publiée conformément à l'article 27, paragraphe 4, à savoir qu'outre le critère modifié applicable à l'acquéreur du réseau et le remplacement des centrales au fil de l'eau, les engagements proposés sont de nature à répondre aux préoccupations qu'elle avait exprimées dans son évaluation préliminaire, tout en étant proportionnes.

8. Proportionnalité des engagements modifiés

(77) Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (30). Lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient d'avoir recours à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts vises (31).

(78) Sous leur forme finale, les engagements sont suffisants pour résoudre les problèmes constatés par la Commission dans son évaluation préliminaire, sans être disproportionnés.

(79) Les cessions d'environ 5 000 MW de capacité de production, ainsi que de l'activité de transport d'E.ON, constituent des mesures correctives structurelles que cette société a offertes spontanément dans le cadre de la procédure prévue à l'article 9 du règlement n° 1-2003 afin de répondre aux préoccupations exprimées par la Commission sur les marchés de gros et d'équilibrage de l'électricité en Allemagne. La consultation publique organisée conformément à l'article 27, paragraphe 4, du règlement n° 1-2003 a confirmé que les engagements offerts par E.ON étaient suffisants pour répondre aux préoccupations de la Commission sans imposer de conditions disproportionnées ni à E.ON ni à des tiers.

(80) Les mesures correctives structurelles proposées permettent de répondre aux préoccupations exprimées. La cession de la capacité de production doit dissiper le problème relevé en ce qu'elle élimine l'incitation à retirer rentablement de la capacité de production, ce qui permettait notamment la structure du portefeuille de centrales électriques d'E.ON. La cession du réseau règle le problème découlant de la structure à intégration verticale d'E.ON, qui a des activités de production, de fourniture et de transport.

Cession de capacités de production

(81) Il n'existe pas de mesure corrective de nature comportementale aussi efficace qu'une cession de capacités de production pour répondre aux préoccupations exprimées au sujet du marché de gros de l'électricité. Les capacités de production retenues représentent des centaines d'heures par an pour un grand nombre de centrales électriques. Ainsi qu'il est expliqué plus haut, le prix du marché à court terme en Allemagne est fixé par heure lors de mises aux enchères quotidiennes. De surcroît, E.ON gère un portefeuille de plus de cinquante centrales, dont chacune varie sous de nombreux aspects techniques, tels que par exemple le type de combustible et de technologie de production utilisés (ce qui détermine très largement le coût d'exploitation) et la capacité de production. Par conséquent, une mesure corrective de nature comportementale visant les pratiques d'E.ON en matière d'offre heure par heure pour un grand nombre de centrales aurait été très difficile à gérer. Même si une mesure corrective d'ordre comportemental maîtrisant le processus d'offre était gérable, elle aurait très probablement représenté pour E.ON une charge plus élevée que la solution structurelle qu'elle a spontanément proposée, qui consiste à céder une part substantielle de sa capacité de production.

(82) Par ailleurs, il existe un risque non négligeable d'infraction durable ou de récidive qui aurait consisté à retenir de la capacité et qui découle de la structure même de l'entreprise. Selon l'évaluation préliminaire, la Commission craignait que l'entreprise en cause n'ait retenu des capacités de production disponibles pour des centaines d'heures entre 2002 et 2007, à plusieurs reprises et pendant plusieurs années. Ce comportement présumé était rendu possible par la nature du portefeuille de production d'électricité d'E.ON. Ainsi qu'il est expliqué plus haut, E.ON possède et gère un vaste portefeuille de centrales tout le long de la courbe de mérite. Cette position lui a permis de se livrer à une stratégie profitable de retrait de capacités de production disponibles (en limitant la production de certaines centrales) de manière à relever les prix de l'électricité au détriment des consommateurs.

(83) La consultation publique organisée conformément à l'article 27, paragraphe 4, du règlement n° 1-2003 a confirmé que la cession de capacités de production constitue en principe un engagement adéquat pour répondre aux préoccupations exprimées au sujet du marché de l'électricité allemand. Dans leurs observations, aucun des tiers commentant la cession de capacités de production n'a mentionné de mesure corrective de nature comportementale ou structurelle moins onéreuse.

(84) La sélection des centrales en fonction du combustible et de la technologie proposée par E.ON était nécessaire et proportionnée pour répondre aux préoccupations relatives au marché de gros de l'électricité. Pour pouvoir mettre en œuvre avec succès une stratégie de retrait de capacité, selon ce qui est expliqué dans l'évaluation préliminaire, il est nécessaire de posséder et de gérer un portefeuille de centrales situées tout le long de la courbe de mérite, c'est-à-dire des centrales de charge de base, ainsi que des installations flexibles. C'est la raison pour laquelle les centrales à céder comprennent celles qui fonctionnent avec différents combustibles et processus technologiques (hydroélectricité, nucléaire, lignite, charbon, gaz, accumulation par pompage hydraulique) reflétant le portefeuille d'E.ON.

(85) Enfin, l'engagement de cession est nécessaire et proportionné, car il répond également aux préoccupations exprimées au sujet des mesures visant à décourager l'investissement. Les centrales cédées aideront les concurrents actuels et potentiels à avoir accès aux nouvelles centrales et aux centrales dotées de technologies qu'ils ne possèdent pas. L'acquisition de cette capacité de production leur permettra de disposer d'un portefeuille plus équilibré et d'une capacité plus élevée et donc de faire concurrence aux entreprises historiques du marché de gros de l'électricité. De surcroît, ces concurrents auront accès à de nouveaux sites qui les aideront à développer ou à reconstituer encore plus de capacité de production dans les nouvelles centrales électriques.

Cession du réseau

(86) Il n'existe pas de mesure corrective de nature comportementale aussi efficace qu'une cession de l'activité de transport d'E.ON, comprenant son réseau de lignes de 380/220 kV, le système d'exploitation de sa zone de contrôle et les activités connexes, pour répondre aux problèmes recensés sur le marché d'équilibrage de l'électricité. Le marché de l'équilibrage est organisé par quart d'heure et géré en continu par l'exploitant du système. C'est la raison pour laquelle une mesure corrective de nature comportementale contrôlant le comportement d'achat d'E.ON par quart d'heure aurait été très difficile à gérer. Même si elle l'était, elle aurait représenté pour E.ON une charge plus élevée que la solution structurelle qu'elle a spontanément proposée et consistant à vendre son réseau.

(87) De surcroît, il existe un risque substantiel d'infraction présumée de longue durée ou de récidive résultant de la structure même de l'entreprise. Dans l'évaluation préliminaire, la Commission se demandait si, les années précédentes, E.ON n'avait pas acheté systématiquement des réserves secondaires à sa filiale plus cher que des réserves tertiaires dans un environnement plus concurrentiel. Elle se demandait en outre si E.ON n'avait pas empêché l'entrée transfrontalière de concurrents d'autres États membres sur le réseau allemand. Ces formes de comportement découlent, en l'espèce et au regard des éléments fondant l'évaluation préliminaire de la Commission, d'un conflit d'intérêts inhérent à E.ON, qui est une société électrique intégrée verticalement qui contrôle le transport aussi bien que la production et la fourniture d'électricité.

(88) La cession de l'activité de transport d'E.ON sur son réseau de lignes de 380/220 kV (le réseau à très haute tension), le système d'exploitation de sa zone de contrôle et les activités connexes est nécessaire et proportionnée. La fonction d'équilibrage est limitée à la très haute tension. C'est le propriétaire du réseau à très haute tension qui prend les décisions d'achat de courant d'équilibrage pour sa zone. Par conséquent, la cession du réseau à très haute tension rompra les liens entre E.ON, en tant que société d'électricité ayant des intérêts dans la production, et sa position de propriétaire de réseau, responsable du transport et notamment des services d'équilibrage.

Autres dispositions des engagements

(89) Les autres éléments des engagements, tels que la préservation de la viabilité de l'activité à céder, les obligations de séparation et les dispositions en matière de cantonnement, de non-sollicitation, de contrôle approfondi et de rapport, ainsi que le rôle confié au mandataire, sont provisoires et secondaires par rapport aux engagements principaux. Ces dispositions sont nécessaires pour assurer le respect des engagements proposés par E.ON et sont aussi proportionnées. Elles reflètent la pratique normale de la Commission à l'égard des mesures correctives prévoyant des cessions dans les procédures de concentration, conformément à la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil et au règlement (CE) n° 447-98 (32).

9. CONCLUSION

(90) En arrêtant une décision en vertu de l'article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1-2003, la Commission rend obligatoires les engagements offerts par les entreprises considérées pour répondre aux préoccupations exprimées dans son évaluation préliminaire. La présente décision n'établit pas si une infraction a été ou est toujours commise. L'appréciation faite par la Commission pour déterminer si les engagements offerts sont suffisants pour répondre à ses préoccupations tout en étant proportionnés est basée sur son évaluation préliminaire, à l'issue de son enquête et de son analyse, ainsi que sur les observations reçues des tiers à la suite de la publication d'une communication conformément à l'article 27, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1-2003.

(91) À la lumière des engagements proposés, la Commission considère qu'il n'y a plus lieu qu'elle agisse et, sans préjudice de l'article 9, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1-2003, la procédure engagée en l'espèce doit donc être close.

(92) La Commission conserve toute latitude pour enquêter sur les pratiques ne faisant pas l'objet de la présente décision et ouvrir à leur égard une procédure en vertu de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE.

A Arrêté la présente décision:

Article premier

Les engagements figurant à l'annexe sont obligatoires pour E.ON AG et toutes ses filiales.

Article 2

La procédure engagée en l'espèce est close.

Article 3

Sont destinataires de la présente décision E.ON AG, E.ON-Platz 1, D-40479 Düsseldorf et toutes ses filiales, et notamment:

E.ON Energie AG, Brienner StraBe 40, D-80333 München

E.ON Energy Trading AG, HolzstraBe 6, D-40221 Düsseldorf

E.ON Kraftwerke GmbH, TresckowstraBe 5, D-30457 Hannover

E.ON Kernkraft GmbH, Tresckowstrai3e 5, D-30457 Hannover

E.ON Wasserkraft GmbH, Luitpoldstrai3e 27, D-84034 Landshut

Donau WasserkrafT AG, Blutenburgstrasse 20, D-80636 München

Gemeinschaftskraftwerk Veltheim GmbH, Möllberger Str. 387, D-32457 Porta Westfalica

E.ON Netz GmbH, Bernecker StraBe 70, D-95448 Bayreuth

Notes

1. JO L 1 du 04/01/2003, p. 1. Règlement modifié par le règlement (CE) n° 411-2004 (OJ L 68 du 08/03/2004, p. 1).

2. Dans l'évaluation préliminaire du 7 mai 2008 et dans le texte qui suit, toute référence à l'article 82 du traité CE signifie une référence aussi bien à l'article 82 du traité CE qu'à l'article 54 de l'accord EEE.

3. Rapport annuel 2007 d'E.QN, E.ON Corporate Profile.

4. Décision d'inspection du 24 mai 2006 dans l'affaire COMP/39.326 et décision d'inspection du 24 novembre 2006 dans les affaires COMP/39.315, 39.316, 39.317, 39.326, 39.388 et 39.389. Les documents recueillis dans les locaux d'E.ON dans le cadre de l'enquête menée dans l'affaire COMP/39326 en mai 2006 ont été - avec l'accord donné par E.ON dans sa réponse à la demande de renseignements du 11/12/2007 - ajoutés aux dossiers des affaires COMP/39388 et 39389.

* Certaines parties du présent texte ont été adaptées de manière à ne pas divulguer des informations confidentielles; ces parties ont été mises entre crochets et signalées par un astérisque.

5. Décision de la Commission M.1673 - Veba/Viag, 13/06/2000, point 19, confirmée dans la décision de la Commission M.2966 - EnBW/Laufenburg, 19/12/2002, point 8.

6. Voir le rapport final relatif à l'enquête sectorielle menée par la Commission européenne à l'adresse suivante : http://ec.europa.eu/comm/competition/sectors/energy/inquiry, points 397-399.

7. Décision de la Commission M.1673 - Veba/Viag, 13/06/2000, point 46, confirmée dans la décision de la Commission M.2966 - EnBW/Laufenburg, 19/12/2002, point 8.

8. Rien n'indique que la structure du marché se soit fortement modifiée en 2007.

9. Voirpoint 455.

10. Voir points 371 et 372.

11. Tous les principaux producteurs utilisent un service en ligne qui fournit des informations détaillées en temps réel sur l'utilisation des centrales.

12. Rapport final relatif à l'enquête sectorielle, tableau 24, p. 177.

13. OLG Dusseldorf, VI-2 Kart 7/04 (V), Stadtwerke Eschwege, 06/06/2007, Le Tribunal régional supérieur de Düsseldorf a constaté qu'E.ON et RWE occupaient une position dominante collective eu égard à leur similarité structurelle (plus grosses parts de production et de capacité de production d'électricité, intégration verticale poussée), et au fait qu'elles ne se faisaient pas concurrence. Cela a été confirmé par le Bundesgerichtshof le 11 Novembre 2008, KVR 60/07 - E.ON/Stadtwerke Eschwege.

14. Affaire 228-97 Jrish Sugar, jugement du 07/10/1999 point 66; affaires jointes 191-98 et 212-98 à 214-98 AtIantic Container Line, jugement du 30/09/2003 point 633.

15. Points 368 à 372.

16. La courbe inclut toutes les centrales excédant 25 MW pour toutes les sociétés dont le portefeuille d'actifs de production dépasse 10 MW et qui sont connectées au réseau à haute tension.

17. Étude sur l'électricité de London Economics en association avec Global Energy Decisions (ci-après "l'étude sur l'électricité"), à l'adresse suivante:

http://ec.europa.eu/comm/competition/sectors/energy/inquiry.

18. Le coût marginal des centrales nucléaires était de l'ordre de [5-15]* euro/MWh; celui des centrales au gaz, de [40 - 100]* euro/MWh. Le coût marginal des centrales au fil de l'eau est même inférieur à celui des centrales nucléaires et le coût marginal des usines au pétrole est plus élevé que celui des centrales au gaz.

19. Le retrait est plus important aux heures de pointe.

20. Voir points 373 et suivants de l'enquête sectorielle.

21. Voir point 376 de l'enquête sectorielle.

22. Voir décision de la Commission COMP/M. 3440 EDP/ENI/GDP, 09/12/2004, point 91; non infirmée par l'arrêt du TPI, T-87-05 - EDP/Commission, arrêt du 21/09/2005.

23. GVL, affaire 7-82 [1984] ECR 483 et AAMS contre Commission, 22 novembre 2001, affaire 139-98, recueil [2001], page II-3413.

24. Affaires jointes 56-64 et 58-64, Consten andGrundig [1966], recueil 299, page 340.

25. Voir: affaire 41-69 ACF Chemiefarmna, recueil [1970], page 661, point 128 et affaires jointes 56-64 et 58-64 Consten and Grundig, recueil [1966], page 299, points 342 et 343.

26. De surcroît, le réseau des GRT d'E.ON s'étend jusqu'au territoire d'autres États membres.

27. Code de bonnes pratiques: modèles d'engagements de cession de la Commission, point 3,

http://hec.europa.eu/comm/competition/mergers/legislation/commitments.pdf

28. Les centrales proposées par BON pour remplacer celles d'ÖBK/Inn et d'Inn visées au considérant (57) sont les centrales suivantes situées sur l'Inn et qui représentent une capacité actuelle totale de 312 MW: Rosenheim, Feldkirchen, Wasserburg, Triebwerk Wasserburg, Teufelsbruck, Gars, Jettenbach, Jettenbach 2, Töging, Neuötting, Aubach, Perach et Stammham.

29. Code de bonnes pratiques: modèles d'engagements de cession de la Commission, point 3, http://ec.europa.eu/comm/competition/mergers/legislation/commitments.pdf.

30. Affaire T-260-94 Air Inter contre Commission [1997] Recueil point II-997, point 144 et affaire T-65-98 [2008] Recueil point II-4653 Van den Bergh Foods contre Commission, point 201.

31. Affaire 265-87 Schräder [1989] Recueil 2237, point 21 et affaire C-174-05 Zuid-Hollandse Milieufederatie and Natuur en Milieu [2006] Recueil point I-2243, point 28.

32. Journal officiel C 68 du 02/03/2001, p.3. Voir également le projet de communication révisée de la

Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CEE) n° 139-2004 du Conseil et au règlement (CE) n° 802-2004 de la Commission, publié le 24/04/2007 à l'adresse suivante: http://ec.europa.eulcomm/competition/mergers/legislation/rnergerremedies.html.