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Décisions

Cass. crim., 3 novembre 1982

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Parfumerie Dusserre (SARL)

Grenoble, ch. corr., du 18 févr. 1982

18 février 1982

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Jean, contre un arrêt de la Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 18 février 1982, qui, pour refus de vente, l'a condamné à 3 000 F d'amende et à des réparations civiles ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 37 1° de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945, 1 2° et 40 de l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale,

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X coupable du délit de refus de vente reproché et l'a condamné à une peine de 3 000 F d'amende ainsi qu'à des dommages-intérêts au profit de la société Parfumerie Dusserre partie civile, au motif que la vente de produits de parfumerie en cause n'était soumise à aucune réglementation spéciale, la décision n° 5471 du 3 septembre 1979 de la Direction générale de la concurrence invoquée par X n'ayant aucune valeur réglementaire ; que si le contrat de distribution signé par la Parfumerie Dusserre lui est opposable et si elle s'est engagée à avoir un assortiment des produits de l'institut Y de telle sorte que la production du fabricant soit toujours représentée dans son ensemble et selon sa classe une telle clause n'impose au cocontractant ni la détention de l'intégralité des produits mis en vente par le fabricant ni l'acquisition de toutes les nouveautés ; qu'en présence d'une telle convention l'institut Y n'avait en aucune manière le droit de subordonner la livraison des commandes passées par la partie civile à l'achat concomitant de sticks à lèvres et que la prévention est donc caractérisée ;

"alors d'une part que l'arrêt ne pouvait refuser de tenir compte d'une directive de la Direction générale de la concurrence et de la consommation objet d'une notification n° 5471 et spécifiquement destinée à apporter une solution au problème de la distribution de certains produits de parfumerie et de beauté, qu'en refusant d'emblée à cette directive la qualité de réglementation spéciale et en refusant d'en examiner la portée l'arrêt a violé les articles 1 et 37 1°, c) de l'ordonnance sur lequel il fonde la prévention, alors d'autre part que l'arrêt dénature et en tout cas viole la convention de distribution liant les parties ; que l'engagement d'acquérir des produits afin que la production du fabricant soit toujours représentée dans son ensemble et selon sa classe, afin que tout acheteur puisse être exactement servi selon ses désirs impliquait l'obligation de commander X... nouveauté (caractère non dénié par l'arrêt) mise au point dans des conditions onéreuses et lancée au prix d'une campagne publicitaire importante ; qu'à défaut, l'institut Y était délié de ses obligations à l'égard du distributeur et tout délit était exclu ; que l'arrêt ne pouvait d'ailleurs s'abstenir de répondre aux conclusions de l'institut Y faisant valoir qu'il ne s'agissait pas d'une nouveauté quelconque mais d'un stick à lèvres mis au point dans des conditions onéreuses au point de vue équipement industriel, tests et enquêtes et publicité, que la Parfumerie Dusserre se refusait à acquérir car elle vendait un stick concurrent Lancôme, sur lequel sa clientèle reportait ses désirs d'achat en l'absence de sticks à lèvres de l'institut Y, qu'enfin au vu de la notification de la directive de la Direction de la concurrence, des termes du contrat litigieux et de la nouveauté du produit en cause, il appartenait à l'arrêt de caractériser l'élément intentionnel du délit ce qu'il ne fait pas ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que la SARL Parfumerie Dusserre, exploitant un magasin de vente de produits de beauté, a passé en octobre et novembre 1979, à la SA institut Y dont X est le président, deux commandes de ces produits, lesquelles n'ont pas été exécutées ; que ce fournisseur a rappelé à sa cliente la rupture du contrat tacite passé entre eux du fait que celle-ci ne commandait jamais de nouveautés notamment de sticks à lèvres ; qu'en raison de ces faits, la société Parfumerie Dusserre a porté plainte pour refus de vente ;

Attendu que X, prévenu de refus de vente et de subordination de la vente d'un produit à l'achat concomitant d'autres produits, délits respectivement prévus par les articles 37 paragraphe 1 et 37 paragraphe 1, c) de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945, a déposé des conclusions dans lesquelles il a soutenu d'une part qu'en raison de la notification à ses services par la Direction générale de la concurrence et de la consommation d'un contrat-type de distribution proposé par la Fédération de l'industrie des produits de parfum, de beauté et de toilette, prévoyant l'obligation pour les détaillants de détenir les nouveautés du fabricant et le refus d'acquérir des nouveautés comme une cause de résiliation du contrat, la subordination de la vente d'un produit à l'achat concomitant d'autres produits n'est pas interdite au regard du texte précité, d'autre part, qu'aux termes du contrat dit de concession, la Parfumerie Dusserre s'était engagée à avoir en permanence un assortiment des produits de ce fournisseur ;

Attendu que, pour déclarer X coupable de refus de vente et allouer à la partie civile des dommages et intérêts, la cour d'appel énonce que ladite notification n'a aucune valeur réglementaire et que le contrat-type susvisé n'offre aucun caractère obligatoire, mais peut simplement servir de cadre aux relations entre fabricants et distributeurs ; que, dès lors, les relations commerciales entre la partie civile et le prévenu n'étaient soumises à aucune réglementation spéciale de nature à permettre, au regard de l'article 37 paragraphe 1er c) de l'ordonnance précitée, la subordination de la vente d'un produit à l'achat concomitant d'autres produits ; qu'aux termes de l'arrêt, s'il est vrai que, dans le contrat dit de concession, le concessionnaire s'engage à avoir en permanence un assortiment des produits de l'institut Y, de telle sorte que la production du fabricant soit toujours représentée dans son ensemble et selon sa classe, une telle clause n'impose au cocontractant ni la détention de l'intégralité des produits mis en vente par le fabricant, ni l'acquisition de toutes les nouveautés ; que, dès lors, le prévenu n'avait en aucune manière le droit de subordonner la livraison des commandes passées par la partie civile à l'achat concomitant de sticks à lèvres et de refuser de satisfaire aux demandes de celle-ci ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs qui caractérisent en tous ses éléments l'infraction retenue à la charge du demandeur, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir aucun des griefs formulés au moyen, lequel, dès lors, doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 28 de la loi d'amnistie du 4 aout 1981, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X coupable du délit de refus de vente et en répression l'a condamné à la peine de 3 000 F d'amende, alors qu'il appartenait à la cour qui prononçait une peine d'amende, de prononcer l'amnistie au profit du prévenu en application de l'article 6 de la loi d'amnistie, ce délit : infraction à l'article 37, 1° c) de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 ne rentrant pas dans les exclusions de l'article 28 de ladite loi ;

Attendu qu'en ne constatant pas l'amnistie de la peine d'amende qu'elle a prononcée pour une infraction qui n'entre pas dans les exclusions de l'article 28 de ladite loi, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ; qu'en effet l'amnistie accordée par l'article 6 de la loi du 4 août 1981 aux infractions punies de certaines peines à titre définitif ne saurait être constatée ou refusée par la décision de condamnation qui n'est pas encore définitive au jour où elle est rendue ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.