Cass. crim., 5 avril 1990, n° 89-81.545
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Morelli
Avocat général :
M. Lecocq
Avocats :
SCP Tiffreau, Thouin-Palat, Me Copper-Royer
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Michel contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, du 19 janvier 1989 qui, pour les délits d'usage de marques sans autorisation de l'intéressé et d'altération des numéros servant à identifier les marchandises, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, ainsi rédigé : "par ce moyen, les demandeurs reprochent à la cour d'appel d'avoir retenu le délit d'usage de marque sans autorisation du titulaire de celle-ci, prévu à l'article 422, 2° du Code pénal, et d'avoir prononcé des condamnations pénales et civiles ;
"aux motifs que "l'article 422 du Code pénal habilite tout propriétaire de marques à s'opposer à toute atteinte susceptible d'être portée à sa marque par quiconque de bonne ou de mauvaise foi ; qu'en l'espèce, X a détenu pour les vendre sans autorisation de la société des parfums Christian Dior des produits de cette marque ; que l'altération des numéros codés sur les emballages établit au surplus suffisamment sa mauvaise foi ; que ce droit n'est pas pour autant épuisé lorsque l'un des distributeurs, violant son contrat, vend des produits de la marque à des revendeurs non agréés" ;
"alors qu'en se déterminant ainsi, alors que l'article 422, 2° du Code pénal n'a pas pour objet "de sanctionner pénalement les acquéreurs ou revendeurs de produits, même commercialisés au mépris d'un système de distribution sélective, lorsque la marque n'a pas été contrefaite, la cour d'appel a violé l'article 422-2° du Code pénal" ;
Vu ledit article ; - Attendu que l'article 422, 2° du Code pénal, qui vise et réprime l'utilisation d'une marque sans autorisation de l'intéressé, n'a pas pour objet de sanctionner pénalement les acquéreurs ou revendeurs de produits, même commercialisés au mépris d'un système de distribution sélective, lorsque ladite marque n'a pas été contrefaite ;
Attendu que pour retenir la culpabilité de Michel X, poursuivi notamment du chef du délit ci-dessus mentionné, la juridiction du second degré relève tout d'abord, en ce qui concerne cette infraction, que la société des parfums Christian Dior jouit sur ses marques d'un droit de propriété, protégé par la loi sous les peines édictées à l'article 422-2° précité, qui n'est pas pour autant épuisé lorsque l'un de ses distributeurs, violant son contrat, vend des produits revêtus de ces marques à des revendeurs non agréés ; qu'elle énonce ensuite que ledit article "habilite tout propriétaire de marques à s'opposer à toute atteinte susceptible d'être portée à celles-ci par quiconque, de bonne ou mauvaise foi" ; qu'en l'espèce X "a détenu, pour les vendre sans autorisation de la société des parfums Christian Dior, des produits de cette marque, l'altération des numéros codés sur les emballages établissant suffisamment au surplus sa mauvaise foi" ;
Mais attendu qu'en se prononçant de la sorte la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé et que dès lors la cassation est encourue ;
Sur le second moyen de cassation, ainsi rédigé : "par ce moyen, les demandeurs reprochent à la cour d'appel d'avoir retenu le délit d'altération des numéros d'identification des marchandises, visé aux articles 2 de la loi du 29 juin 1928, 4 et 7 de la loi du 1er août 1905, et d'avoir prononcé des condamnations pénales et civiles ;
"aux motifs que "les constatations faites par l'huissier et les indications fournies par l'expert Y établissent que X a exposé et vendu des marchandises altérées par grattages qui ne pouvaient plus être identifiées par le code client inscrit à l'encre ou au laser attribué à chacun des distributeurs agréés de la société des parfums Christian Dior" ;
"alors qu'en se déterminant ainsi, sans avoir constaté, d'une part, que les substances incluses dans les articles litigieux auraient été altérées en elles-mêmes, ni d'autre part, que le prévenu aurait commis lui-même ou fait commettre le fait matériel d'altération, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des textes susvisés" ;
Vu lesdits articles ; - Attendu, d'une part, que les dispositions de l'article 2 de la loi du 24 juin 1928, relative à la protection des numéros et signes quelconques servant à identifier les marchandises, ne sont applicables que si les altérations énumérées par ledit article portent sur un élément d'identification du produit même dont il s'agit ;
Attendu, d'autre part, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu du chef d'infraction à ces dispositions, la juridiction du second degré énonce que "les constatations faites par l'huissier et les indications fournies par l'expert établissent que X a exposé et vendu des marchandises, altérées par grattage, qui ne pouvaient plus être identifiées par le code client attribué à chacun des distributeurs agréés de la société des parfums Christian Dior" ;
Mais attendu qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher si les altérations constatées n'avaient pas seulement pour résultat d'empêcher que fût découvert le distributeur agréé qui avait transgressé les règles du système de distribution sélective et n'échappaient pas en conséquence aux prévisions du texte susvisé, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de la décision ; que dès lors la censure doit être également prononcée sur ce point ;
Par ces motifs, Casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 19 janvier 1989 ; 1°) Dit n'y avoir lieu à renvoi quant à l'application en l'espèce des dispositions de l'article 422, 2° du Code pénal, les faits n'étant susceptibles de recevoir aucune qualification pénale ; 2°) Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, en ce qui concerne l'application de l'article 2 de la loi du 24 juin 1989, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.