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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 6 février 1992, n° 5753-90

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Maselli

Défendeur :

Yves Saint Laurent Parfums (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Belleau

Conseillers :

MM. Franck, Assié

Avoués :

Me Bommart, SCP Lissarrague & Dupuis

Avocats :

Mes Frenot, Mouchon, Dian

T. com. Nanterre, 1re ch., du 15 mars 19…

15 mars 1990

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté par Dany Maselli à l'encontre du jugement rendu le 15 mars 1990 par le Tribunal de commerce de Nanterre.

Considérant que Dany Maselli est propriétaire de plusieurs fonds de commerce de parfumerie à Paris ou dans la région parisienne ;

Considérant que pour trois d'entre eux elle avait adhéré à un contrat de distribution sélective proposé par la société Yves Saint Laurent Parfums (ci-après YSL) ; qu'en revanche pour la parfumerie située : 196 rue des Pyrénées à Paris 20e les pourparlers qu'elle avait engagés avec YSL s'étaient prolongés sans aboutir à un accord ;

Considérant que par deux fois, tout d'abord en novembre 1985, ensuite en août 1988, il a été constaté que les produits de parfumerie dont Dany Maselli disposait pour les vendre dans les magasins agréés par YSL, étaient également proposés à la clientèle et vendus au 196 rue des Pyrénées ;

Considérant qu'aux termes d'une lettre avec accusé de réception du 23 novembre 1988 visant la violation renouvelée des stipulations des contrats relatives au lieu de vente, la société YSL a résilié ces contrats avec effet immédiat et a informé Dany Maselli que les stocks ainsi que le matériel de démonstration et de publicité seraient repris d'urgence ;

Considérant que Dany Maselli a aussitôt engagé contre YSL une action au fond pour voir dire les résiliations précités abusives, pour se voir allouer, à titre provisionnel, la somme de 1 500 000 F en réparation du préjudice découlant de cette résiliation sauf à parfaire après expertise, pour obtenir encore l'attribution de la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation d'un refus de vente tenu pour injustifié, pour voir dire enfin que la société YSL devra satisfaire aux demandes de fournitures qui lui sont présentées, à peine d'astreinte ;

Considérant qu'aux termes de la décision frappée d'appel, le Tribunal de commerce de Nanterre a notamment :

- rejeté l'ensemble des demandes présentées par Dany Maselli,

- condamné celle-ci à payer à la société YSL la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant pour cette société de la déstabilisation de son réseau de distribution sélective,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné Dany Maselli aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 10 000 F à la société YSL en application de l'article 700 du NCPC ;

Considérant que Dany Maselli, appelante renouvelle en cause d'appel les demandes qu'elle avait formées en première instance ; qu'elle souhaite encore se voir allouer la somme de 30 000 F en vertu de l'article 700 du NCPC ;

Considérant que la société YSL, intimée, conclut pour l'essentiel à la confirmation du jugement ; qu'elle demande toutefois à la cour de porter à 100 000 F les dommages réparant le préjudice qu'elle allègue ; qu'elle désire encore voir ordonner à titre de dommages et intérêts complémentaires, la publication de l'arrêt à intervenir dans deux quotidiens nationaux et dans un journal professionnel ; qu'elle réclame enfin l'application de l'article 700 du NCPC au titre des frais non taxables qu'elle a exposés en cause d'appel ;

Considérant que Dany Maselli soutient qu'à supposer même qu'elle ait commis une faute en vendant des produits YSL dans un magasin non agréé par le créateur de cette marque, la résiliation des contrats de distribution sélective afférents à trois autres fonds de commerce agréés présente un caractère abusif ;

Mais considérant qu'aux termes des stipulations prescrites en termes identiques dans les trois contrats en cause, il est indiqué notamment à l'article II 2° sous la rubrique " lieu de vente " : " le distributeur agréé a fait visiter ses locaux aménagés à l'adresse ci-dessus mentionnée, où il procèdera à l'exclusion de tous autres lieux à l'exposition et à la vente des produits revêtus des marques appartenant à Yves Saint Laurent Parfums... "

Considérant que la place de cette disposition en tête du contrat montre qu'elle est essentielle de même que la possibilité donnée à Yves Saint Laurent, si elle n'est pas respectée, de résilier le contrat sans préavis, ainsi qu'il est prévu à l'article V 2°) ;

Considérant que Dany Maselli ne nie pas qu'elle se soit procurée dans les stocks de ses autres fonds de commerce les produits YSL qu'elle a proposés à la vente et vendus dans son magasin du 196 rue des Pyrénées ;

Considérant qu'elle allègue qu'il ne s'est agi au mois d'août 1988, que de ventes pratiquées provisoirement à l'occasion de déménagements de stocks pendant des travaux ;

Mais considérant qu'elle n'en rapporte pas la preuve ;

Considérant qu'à la première violation des dispositions contractuelles, la société YSL s'est contentée d'adresser une mise en garde à Dany Maselli ; que c'est seulement à la 2e qu'elle a résilié les contrats conformément aux dispositions de leur article V ;

Considérant que la sanction, pour rigoureuse qu'elle soit, ne peut être tenue pour abusive dès lors qu'elle était expressément prévue par les contrats, qu'elle avait été précédée d'un avertissement et que Dany Maselli s'était formellement engagée par lettre du 6 novembre 1985 " à ne plus vendre et exposer les produits sous la dénomination Yves Saint Laurent au 196 rue des Pyrénées " ;

Considérant que Dany Maselli allègue par ailleurs que la société YSL ne saurait lui refuser la vente de ses produits sans violer les dispositions de l'article 36-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la concurrence et au prix ;

Mais considérant qu'il est dérogé aux dispositions sur le refus de vente lorsqu'en application de l'article 10-2 de la même loi les restrictions à la règle de principe ont pour effet d'assurer un progrès économique et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte ;

Considérant qu'il résulte des documents versés aux débats que c'est seulement après une enquête analytique minutieuse et après " visualisation " des locaux de la boutique du 196 rue des Pyrénées que leur agrément a été refusé ;

Considérant que s'agissant de produits de luxe, leur vente dans des conditions de nature à conserver le caractère spécifique de la marque est justifiée par le souci des producteurs d'assurer un progrès économique dont le bénéfice profite tant aux partenaires contractuels des créateurs qu'à la clientèle ;

Considérant que Dany Maselli produit des clichés photographiques d'une parfumerie rivale située 111 rue Saint Antoine Paris 4e, selon elle de faible standing et cependant habilitée à vendre des produits Yves Saint Laurent ;

Mais considérant que faute d'éléments comparatifs précis ces documents qui au surplus ne donnent que des vues de la vitrine à l'exclusion de l'aménagement même des magasins ne sont pas déterminants ;

Considérant enfin que Dany Maselli ne saurait prétendre qu'elle souffre d'une discrimination liée à sa personne, alors qu'il n'est pas dénié qu'elle a obtenu plus récemment un contrat de distribution sélective relatif à un autre magasin ;

Considérant qu'il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que Yves Saint Laurent n'apporte pas de justification au soutien de sa demande tendant à voir porter à la somme de 100 000 F les dommages-intérêts qui lui ont été alloués ; qu'il n'y a pas lieu à publicité de la présente décision ;

Considérant que Dany Maselli qui succombe en la cause et sera condamnée aux dépens ne peut prétendre au bénéfice de l'article 700 du NCPC ;

Considérant qu'une application complémentaire de ce texte sera faite en faveur de la société YSL à hauteur de 5 000 F, au titre de frais non taxables par elle exposés en cause d'appel :

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Condamne Dany Maselli à payer à la société Yves Saint Laurent Parfums la somme complémentaire de 5 000 F par application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne encore aux dépens d'appel ; autorise la SCP Lissarrague Dupuis à recouvrer ceux qu'elle a exposés, selon les modalités fixées par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.