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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 27 novembre 2008, n° 05-17629

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Steris Surgical Technologies (SAS)

Défendeur :

Maquet (SA) , Getinge Infection Control (SAS), Maquet GmbH & Co KG

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deurbergue

Conseillers :

Mme Le Bail, M. Picque

Avoués :

SCP Arnaudy-Baechlin, SCP Baufume-Galland-Vignes

Avocats :

Mes Wedrychowski, Schulte

T. com. Paris, du 23 juin 2005

23 juin 2005

Le groupe suédois Getinge est spécialisé dans les équipements hospitaliers, avec ses filiales européennes. Le 23 avril 2001, en application des anciens articles L. 430-1 et suivants du Code de commerce, applicables à l'époque concernant la réglementation des concentrations économiques, sa filiale française à 100 %, dénommée "Getinge Arjo France", a notifié au ministre français de l'Economie, le projet de prise du contrôle de la SA française ALM, ayant principalement pour activité, la fabrication et la commercialisation de tables d'opérations chirurgicales, de lampes chirurgicales et de bras de distribution. Compte tenu de l'importance prépondérante de la part, qui serait alors détenue par le groupe Getinge, sur le marché français des tables d'opérations, notamment avec son autre filiale allemande dénommée Maquet, qui fabrique et commercialise également des tables d'opération en France, le groupe Getinge a proposé différents engagements, en vue de remédier aux effets anticoncurrentiels pouvant résulter de cette concentration dans le secteur concerné d'activités. En contre partie le ministre de l'Economie, par sa lettre du 22 juin 2001, sous le timbre de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), a autorisé la prise de contrôle majoritaire envisagée dans le capital de la société ALM.

En exécution desdits engagements, les sociétés ALM et Fournitures Hospitalières SA ont souscrit un "agreement for the sale of a business as a going concern" le 7 octobre 2002, réitéré le 31 décembre suivant dans un "acte de cession de fonds de commerce", avec la société FHSurgical (société FHS), nouvelle filiale à 100 % de la société Fournitures Hospitalières spécialement constituée à cet effet.

Aux termes de ces actes (ainsi que des avenants à "l'agreement" souscrits au cours du dernier trimestre 2002 concernant principalement les délais d'exécution et une modification du prix) la société ALM a cédé à la société FHS, la partie du fonds de commerce concernant la conception, la fabrication et la commercialisation de tables d'opérations ALM et de leurs accessoires (ou de leurs extensions, le point étant aujourd'hui discuté), tout en conservant expressément la possibilité de continuer la commercialisation d'autres tables d'opération, notamment celles fabriquées par sa société sœur allemande Maquet et alors distribuées en France par une autre filiale dénommée Maquet France.

Le 18 juin 2003, estimant initialement, avoir été victime :

- tant d'un dol, lors de la conclusion du contrat,

- que d'actes postérieurs de concurrence déloyale et/ou contraires au contrat concernant notamment la commercialisation de la jambière "Legmatic", la société FHS a attrait les sociétés ALM, Maquet France et Getinge Arjo France devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer:

- 3 000 000 euro de dommages et intérêts, augmentés des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, en réparation du préjudice résultant du dol commis lors de la conclusion de l'acte de cession du fonds de commerce,

- une provision de 2 000 000 euro en réparation des dommages résultant des actes tant de concurrence déloyale, que contraires aux engagements contractuels et d'ordonner une expertise, aux frais avancés de ses adversaires, en vue d'en déterminer le montant exact, outre leur interdire, sous astreinte, l'utilisation du couplage des mots "ALM" et "Maquet" et de s'intéresser d'une quelconque manière, en France et dans le monde, à l'activité commerciale de tables d'opérations, sauf en ce qui concerne les pièces détachées, les accessoires et les consommables,

et ordonner:

- 1°) la capitalisation annuelle des intérêts,

- 2°) [dans le dernier état des demandes formulées devant les premiers juges], la communication des ventes réalisées en France par la société ALM et les appels d'offres auxquels elle a répondu durant les années 2002 et 2003,

- 3°) la publication de la décision dans "Le Monde", "Les Echos", "Le Figaro", "Droit et Pharmacie", une publication suédoise et une autre allemande, aux frais de ses adversaires à concurrence de 20 000 euro par publication.

Les sociétés ALM, Maquet France et Getinge Arjo France se sont opposées aux demandes de la société FHS en réclamant 60 000 euro de dommages et intérêts au profit de la société ALM, en réparation du préjudice, matériel et moral, éprouvé du fait de la violation des accords conventionnels:

- tout en demandant la condamnation sous astreinte de la société FHS à informer le fournisseur Marlyd "et tout autre fournisseur ou sous-traitant", qu'il pourra fournir librement la société ALM en pièces détachées, accessoires et consommables concernant les tables d'opérations,

- et tout en sollicitant la mise hors de cause de la société Getinge Arjo France, chacune requérant 20 000 euro de frais irrépétibles.

Elles ont communiqué devant le tribunal, un tableau retraçant les appels d'offres d'hôpitaux publics auxquels la société ALM avait répondu en 2002 pour les tables d'opérations, tout en invoquant le secret des affaires pour s'opposer à la communication des autres éléments demandés.

Par jugement contradictoire du 23 juin 2005, le tribunal rejetant les demandes de:

- mise hors de cause,

- publication,

- et dommages et intérêts, sollicités par les sociétés ALM, Maquet France et Getinge Arjo France, a débouté la société FHS de toutes ses demandes, en la condamnant à verser 10 000 euro de frais irrépétibles à chacun de ses adversaires et en précisant que si le groupe Getinge n'a pas le droit d'utiliser le nom commercial "Legmatic", il pouvait cependant commercialiser le même produit sous une autre dénomination, les sociétés ALM, Maquet France et Getinge Arjo France étant autorisées à informer le fournisseur Marlyd, ou tout autre fournisseur, qu'il peut fournir la société ALM librement en pièces détachées, accessoires et consommables.

La société FHSurgical -FHS- a ultérieurement fait l'objet d'une prise de contrôle par la société américaine Steris Corporation et a adopté une nouvelle dénomination pour devenir Steris Surgical Technologies (société FHS-Steris). La société ALM a également modifié sa dénomination sociale pour adopter désormais celle de "Maquet" (société ALM-Maquet).

La société Getinge Arjo France a aussi modifié sa dénomination sociale pour adopter désormais celle de Getinge Infection Contrôle (société Getinge Arjo-Infection).

Vu l'appel interjeté le 18 août 2005 par la société FHS-Steris et ses ultimes écritures signifiées le 18 septembre 2008 poursuivant l'infirmation du jugement en déclarant limiter désormais le débat "aux extensions de tables, dites jambières Legmatic", qu'elle considère comme étant "une partie intégrante des tables d'opération" et non pas comme de simples accessoires, pour en déduire que celles-ci ne sont pas concernées par la réserve de l'article 2.4.2 de "l'agreement" permettant à la société ALM de continuer à s'approvisionner en accessoires pour les besoins de ses activités;

Vu le dispositif desdites écritures aux termes duquel l'appelante sollicite essentiellement:

- la condamnation "in solidum" des sociétés ALM, Getinge Arjo France et Maquet GmbH & Co. KG, à lui payer 1 000 000 euro, augmentés des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, en réparation du préjudice "subi à raison du dol commis par la société ALM avec la complicité des sociétés Getinge Arjo France et Maquet GmbH & Co KG", en priant la cour de dire que les jambières sont des extensions des tables d'opération (et non pas de simples accessoires),

- l'instauration d'une mesure d'instruction, aux frais des intimées, en vue d'évaluer le montant des dommages et intérêts qu'il convient de lui allouer en réparation du préjudice économique et commercial qu'elle a éprouvé, du fait tant du défaut de respect de la clause de non-concurrence incluse dans "l'agreement" du 7 octobre 2002, que des actes de concurrence déloyale qui ont été commis par les sociétés ALM, Getinge Arjo France et Maquet GmbH & Co KG, la capitalisation annuelle des intérêts étant, par ailleurs, à nouveau requise,

- l'interdiction sous astreinte d'utiliser les plans et les moules des jambières "Legmatic",

- la publication de la décision, aux frais de ses adversaires à concurrence de 20 000 euro par publication, en citant désormais les magazines suivants : Capital Equipement Medical, Plateau Techniques, Magazine Hospitalier, DH Magazine, Hospitalia, IHE, The Lancet;

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 septembre 2008, par les sociétés ALM-Maquet, Getinge Arjo-Infection et Maquet GmbH & Co KG réclamant chacune, 20 000 euro de frais non compris dans les dépens et poursuivant la confirmation du jugement, sauf à solliciter son infirmation partiel en demandant à la cour:

- de mettre la société Getinge Arjo-Infection hors de cause,

- de condamner la société FHS-Steris à payer 50 000 euro de dommages et intérêts à la société ALM-Maquet en réparation du préjudice, matériel et moral, éprouvé du fait de la violation des accords,

- et, au visa de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, dans les motifs des écritures [page 8], sans le reprendre expressément dans le dispositif, d'écarter des débats "les pièces listées ou visées dans les écritures de FHSurgical [...] faute d'avoir été communiquées" en faisant état des changements successifs de dénomination et de numérotation des pièces communiquées par l'appelante et du défaut initial de communication de l'ordonnance du magistrat de la mise en état concernant le dépôt au greffe de la "maquette d'une table d'opération avec ensemble des éléments composant le plateau";

Sur ce, LA COUR,

Considérant que la société FHS-Steris affirme que les jambières articulées "Legmatic" ALM ont toujours été partie intégrante de la table d'opérations et qu'elles doivent être différenciées des accessoires au sens strict;

Qu'elle précise, qu'alors que l'accessoire est monté sur le rail universel qui se trouve le long de chaque élément des divers plateaux, la jambière articulée est une extension, partie intégrante de la table d'opération ALM, et est incluse dans la cession du fonds, comme en constituant la caractéristique principale, appréciée des chirurgiens de culture française, expliquant ainsi l'importance des parts de marché antérieurement détenues;

Que l'appelante soutient aussi que la jambière articulée :

- a initialement été inventée pour remédier aux inconvénients du poids élevé et de la difficulté de réglage et de blocage des anciens éléments mobiles mis en place sur le plateau principal d'une table d'opération, pour le soutien des membres postérieurs, en limitant les points de soutien de la charge,

- est un élément de base de la table d'opération, indispensable à une utilisation normale, en ce qu'elle constitue une de ses extensions et non plus seulement un de ses accessoires, comme pouvaient l'être antérieurement les éléments mobiles qui étaient mis en place sur le plateau principal, en se positionnant sur les systèmes fixes de la table d'opération,

- est incluse dans l'inventaire contradictoire de la "price list" visant 55 tables d'opérations au moment de la vente du fonds;

Qu'elle reproche à la société ALM-Maquet d'avoir vidé de sa substance le fonds cédé en:

- continuant à exploiter l'ancienne clientèle de tables d'opérations de la société ALM d'avant cession,

- équipant désormais les tables d'opérations fabriquées par la filiale allemande Maquet, de jambières identiques au modèle "Legmatic",

- ayant, pendant les pourparlers en vue de la cession du fonds, fait copier le modèle, avec la complicité des sociétés Getinge Arjo-Infection et Maquet GmbH & Co KG, sans en informer l'acquéreur et de s'être adressée au même fournisseur sous-traitant qui utilise les moules des jambières "Legmatic", la société ALM-Maquet bénéficiant ainsi, du fait de la captation des plans, de la technologie correspondante sans bourse déliée,

- accolant les mots "ALM" et "Maquet " sur tous les documents commerciaux pour démarcher la clientèle, en profitant de la confusion ainsi créée;

Qu'analysant l'autorisation antérieure de copie des jambières, donnée par la société ALM à ses sociétés sœurs dans le groupe suédois Getinge, comme un dol sans lequel elle n'aurait pas contracté aux mêmes conditions, elle indique exercer l'option de la victime en sollicitant des dommages et intérêts;

Que par ailleurs, elle estime que, postérieurement à la cession du fonds :

- d'une part, que la société ALM Maquet a violé son obligation de vendeur du fonds de commerce de garantir le cessionnaire contre toute éviction et de s'abstenir de tout acte de nature à détourner la clientèle du fonds cédé,

- d'autre part, a commis des actes de concurrence déloyale, du fait de la confusion entretenue pour la vente de ses nouveaux produits par rapport aux tables d'opération initiales ALM, désormais fabriquées et commercialisées par la société FHS-Steris, cessionnaire du fonds de commerce;

Qu'elle poursuit:

- à titre principal, la condamnation solidaire des sociétés ALM, Getinge Arjo France et Maquet GmbH & Co KG sur le fondement des articles 1134, 1147 et 1628 du Code civil, la première s'étant portée fort pour les deux dernières,

- et subsidiairement, la condamnation in solidum, des sociétés Getinge Arjo France et Maquet GmbH & Co KG sur le fondement de l'article 1382 dudit code;

Considérant que pour leur part, les sociétés ALM-Maquet, Getinge Arjo-Infection et Maquet GmbH & Co KG font valoir que la société Getinge Arjo-Infection Contrôle (anciennement Getinge Arjo France) est filiale française à 100 % de la société suédoise Getinge Industrier AB, et qu'elle se borne à détenir la participation dans le capital social de la société ALM-Maquet sans avoir d'activités propres de production ou de commercialisation;

Qu'elles exposent, qu'en conformité avec les engagements souscrits envers le ministre de l'Economie, les activités de l'ancienne société ALM (devenue Maquet) se limitent désormais à la maintenance de tables d'opération et à la commercialisation des tables de marques autre qu'ALM, outre les autres activités non cédées concernant les lampes chirurgicales et les bras de distribution;

Qu'elles considèrent que les deux séries de demandes formulées par l'appelante sont fondées sur les mêmes faits et soutiennent qu'il n'existe pas de types de tables d'opération par spécialité chirurgicale, lesdites tables étant conçues pour plusieurs utilisations avec l'ajout d'accessoires permettant d'adapter une table d'opération à une application chirurgicale spécifique;

Qu'elles estiment que les jambières sont, non des extensions, mais des accessoires des tables d'opérations qui sont proposés de manière optionnelle, en précisant que les brevets des jambières "Legmatic" sont tombés dans le domaine public depuis 1987 et peuvent dès lors, être fabriqués et commercialisés par tous les concurrents, de sorte qu'elles prétendent que la société ALM-Maquet a la possibilité d'en équiper les tables Maquet qu'elle commercialise désormais;

Qu'elles précisent que la société ALM a cédé l'activité "tables d'opération" comprenant les lignes d'assemblages de tables et leurs accessoires, les parties n'ayant pas utilisé la terminologie "extension", dans leurs discussions, mais ayant toujours parlé des "accessoires", y compris pour les jambières, conformément à la norme "NF" qui définit l'accessoire comme étant un "dispositif fonctionnel qui ne fait pas partie intégrante de la table d'opération et qui se positionne sur les systèmes fixes d'adaptation d'accessoires d'un type de table", sans imposer que les accessoires soient fixés sur un rail externe;

Qu'elles indiquent aussi qu'antérieurement à la cession litigieuse, les sociétés ALM et Maquet prospectaient la même clientèle et qu'au moment de la vente, la société FHS avait parfaitement connaissance de ce que la société ALM continuerait ses activités de ventes de tables d'opérations, autres que celles ALM objet de la cession, en commercialisant notamment les tables Maquet, lesquelles étaient déjà équipées de jambières "Legmatic" depuis avril 2002, ce dont la société FHS avait connaissance, au point de s'en être servi comme argument de négociation pour faire baisser le prix de l'activité cédée;

Que les intimées soutiennent aussi que l'article 2.4.2 de "l'agreement" permet à la société ALM-Maquet de recourir aux sous-traitants d'ALM pour les pièces et accessoires;

Que réfutant tout idée de dol, les intimées affirment encore qu'en tout état de cause, il n'y a pas eu de préjudice réparable puisque les parts de marché n'ont pas été garanties et que celles éventuellement perdues l'ont été au profit de tiers;

Qu'elles nient tout autant avoir commis des actes déloyaux de concurrence, postérieurement à la cession du fonds en affirmant ne pas avoir démarché la clientèle d'ALM et que l'association du sigle "ALM" au nom de "Maquet" était licite en ce que la société ALM-Maquet est demeurée propriétaire du nom commercial "ALM", lequel n'a été utilisé que sur le marché français;

Qu'elles estiment que les demandes d'interdiction d'utilisation des plans et des moules des jambières ALM dénommées "Legmatic" et de justification de ce que les jambières désormais vendues par la société ALM-Maquet n'ont pas été réalisées à partir desdits plans et moules, sont nouvelles en causes d'appel, et comme telles, irrecevables et, subsidiairement, non fondées;

Qu'elles font valoir enfin, que l'interdiction faite par la société FHS, à un fournisseur commun d'honorer toutes commandes de la société ALM constitue une violation de l'article 2.4.2 de "l'agreement" du 7 octobre 2002 lui causant un préjudice moral et matériel découlant notamment des coûts internes et externes engagés pour faire valoir ses droits et des coûts liés à l'impossibilité de prendre possession de ses commandes l'empêchant de poursuivre normalement son activité de maintenance et de distribution des tables Maquet;

Ceci ayant été rappelé,

Considérant liminairement, que, s'il convient de fustiger les ambiguïtés et variations des premières écritures de l'appelante et de regretter qu'elle ait plusieurs fois procédé à des changements de numérotation et de dénomination des pièces qu'elle a communiquées aux débats, avec le risque de les obscurcir, il n'en demeure pas moins que, suite aux sommations des 12 juin et 2 juillet 2008 des intimées à l'appelante, de communiquer l'ensemble des pièces avec la bonne numérotation, les sociétés intimées reconnaissent [conclusions page 8] que l'ensemble des éléments a été régularisé le 4 septembre 2008 ;

Que les intimées ont cependant maintenu, au début de leurs écritures, leur demande de rejet des débats au motif que cette régularisation serait "extrêmement tardive";

Mais considérant:

- d'une part, qu'en régularisant la situation le 4 septembre, soit dès les premiers jours de la reprise des audiences de la cour, pour déférer aux sommations qui avaient été délivrées quinze jours seulement avant le début de la période des vacations d'été,

- d'autre part, que la clôture de l'instruction de l'affaire a été reportée à deux reprises à la demande conjointe des parties, l'ordonnance étant finalement prononcée le 25 septembre 2008 et les parties ayant chacune de nouveau conclu dans les huit jours précédents, il apparaît que les intimées ont été en mesure :

- tant de prendre utilement connaissance des moyens et prétentions de l'appelante et des pièces qu'elle a produites à leur soutien,

- que d'y répondre, puisqu'elles ont conclu le 16 septembre 2008, pour la dernière fois;

Que, contrairement à ce qu'elles affirment péremptoirement, les droits de leur défense ont scrupuleusement été respectés et qu'elles sont dès lors mal fondées à laisser entendre qu'elles n'auraient pas bénéficié d'un procès équitable, et à continuer de demander le rejet des pièces listées ou visées dans les écritures de l'appelante ;

Sur le maintien dans la cause de la société Getinge Infection Contrôle anciennement dénommée Getinge Arjo France

Considérant qu'initialement, c'est la société Getinge Arjo France, actuellement dénommée Getinge Infection Contrôle, qui a notifié le projet de prise de contrôle de la société ALM aux autorités françaises et qui a pris les engagements auprès du ministre de l'Economie concernant notamment la cession de l'activité "tables d'opérations" à une entité indépendante du groupe Getinge;

Que l'appelante invoque aussi une éventuelle complicité de la société Getinge Infection Contrôle dans des manœuvres ayant permis la copie de plans, sur lesquelles elle fonde en partie le dol dont elle se prétend victime;

Qu'en conséquence c'est à juste titre que le tribunal a maintenu la société Getinge Arjo France, devenue Getinge Infection Contrôle dans la cause, sa présence étant indispensable pour examiner les griefs dirigés à son encontre par la société FHSurgical -FHS- nouvellement dénommée Steris Surgical Technologies;

Sur le dol allégué

Considérant qu'il convient de relever que, le 22 juin 2001, la société, alors dénommée Getinge Arjo France, a pris l'engagement de faire céder l'activité "tables d'opérations" par sa future filiale ALM à un tiers indépendant du groupe Getinge, et qu'en affirmant que les tables Maquet, étaient déjà équipées de jambières "Legmatic" depuis avril 2002, les intimées reconnaissent implicitement qu'après avoir souscrit l'engagement de cession auprès de l'Autorité française de contrôle des concentrations, mais avant de l'avoir exécuté, la société ALM a fait bénéficier les produits d'une société sœur de son groupe, de la technologie de la jambière "Legmatic" initialement exclusivement installée sur les produits de la société ALM, objet de la future cession;

Que les intimées n'ont pas contesté que les plans de cet équipement, initialement spécifique à la gamme de produits cédée, ont été recopiés et que les copies ont été conservées par le vendeur du fonds de commerce, lequel s'est borné à seulement modifier la nomenclature de la numérotation des pièces composant l'équipement litigieux;

Qu'après la cession du fonds de commerce originel, la société ALM a pu ainsi, immédiatement continuer de les faire fabriquer en vue d'en équiper les modèles de sa nouvelle gamme "Maquet", soit sous le nom originel de "Legmatic", soit sous la nouvelle dénomination de "Maquetmatic";

Qu'en se bornant à l'affirmer, la société ALM ne rapporte pas la démonstration, qui lui incombe, de ce que la société FHS en avait connaissance, ni davantage que cette dernière s'en serait servi d'argumentaire pour prétendument faire baisser le prix de la partie cédée du fonds de commerce;

Considérant que la société ALM ne justifie pas avoir révélé à la société FHS, toutes les informations ci-dessus analysées, dès avant la signature de "l'agreement" du 7 octobre 2002, leur connaissance étant de nature à modifier l'appréciation par le candidat acquéreur, des conditions futures de la concurrence sur le marché des produits concernés par son projet d'acquisition, puisque le même dispositif de support des membres postérieurs devait désormais équiper les modèles concurrents des produits des sociétés sœurs de la cédante du fonds de commerce et, qu'à cette fin, leurs plans avaient été préalablement recopiés;

Que la méconnaissance de la communication antérieure de la copie des plans de la jambière "Legmatic" ne lui a pas permis de prendre suffisamment conscience que son propre équipement, autrefois spécifique, allait immédiatement le concurrencer sur les modèles des autres fabricants du groupe Getinge, ce qui a obscurcit sa vision prévisionnelle du marché dans les premiers mois de son exploitation;

Qu'ainsi, en s'abstenant volontairement de porter à la connaissance de son cocontractant, des informations, dont elle ne pouvait pas ignorer que s'il les avait connues, le cessionnaire du fonds de commerce n'aurait pas, à tout le moins, contracté aux conditions qu'il a acceptées, elle s'est rendu coupable d'une réticence dolosive au préjudice du cessionnaire;

Que le fait que les brevets de la jambière "Legmatic" soient antérieurement tombés dans le domaine public, est inopérant sur l'obligation d'information précontractuelle qui pesait sur le cédant du fonds de commerce, concernant la décision, quasi-contemporaine des pourparlers préalables à la vente, de faire bénéficier du même équipement, les autres modèles des produits des sociétés sœurs de la cédante du fonds de commerce;

Que la qualification "d'accessoire" ou "d'extension" de l'équipement considéré est tout aussi inopérante sur l'appréciation tant de l'obligation d'information précontractuelle pesant sur le vendeur, que sur la constatation qu'il ne justifie pas, en sa qualité de débiteur de l'obligation, s'en être correctement acquitté;

Que si la réticence dolosive est formellement le fait de la société ALM-Maquet en sa qualité de cédante du fonds, il n'est pas contesté que la société Getinge Arjo France, aujourd'hui dénommée Getinge Infection Contrôle était l'inspiratrice des discussions afin de respecter ses propres engagements envers l'Autorité française de contrôle des concentrations, de sorte que, nonobstant son absence d'activité économique, elle a été activement complice des manœuvres de sa filiale à 100 % ALM (devenue Maquet) dans l'élaboration de la réticence dolosive au préjudice du cessionnaire ;

Qu'en conséquence, la société Getinge Infection Contrôle sera condamnée in solidum avec la société Maquet (antérieurement dénommée ALM) à payer l'indemnité au profit de la société Steris Surgical Technologies;

Qu'en revanche la complicité alléguée à l'encontre de la société Maquet GmbH & Co KG n'est pas démontrée;

Sur le montant de l'indemnisation du dommage résultant du dol

Considérant que la victime du dol a indiqué vouloir exercer l'option indemnitaire;

Qu'en dernier lieu, le prix de base du fonds de commerce cédé a été fixé à hauteur de 4 750 000 euro, avant application éventuelle d'un complément de prix dépendant essentiellement du chiffre d'affaires réellement réalisé durant la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2006;

Qu'en fonction de la concurrence accrue, à un degré non prévisible, quasiment dès le lendemain de la cession, les tables "Maquet" bénéficiant immédiatement de la technologie des jambières "Legmatic", et des mauvaises performances corrélatives de la commercialisation des tables d'opérations "ALM" durant les premières années, telles qu'elles apparaissent dans les pièces versées aux débats, la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à hauteur de 1 000 000 euro, l'indemnité en réparation du dommage subi par le cessionnaire du fonds de commerce ;

Que cette somme sera productive des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, ceux-ci étant annuellement capitalisés à partir de la même date dans les conditions de l'article 1154 du Code civil;

Sur les obligations contractuelles de la cédante du fonds et la concurrence déloyale par ailleurs alléguée

Considérant que la société FHS-Steris reproche essentiellement à la société ALM-Maquet d'avoir "vidé de sa substance le fonds cédé" en:

- continuant à exploiter l'ancienne clientèle de tables d'opérations de la société ALM d'avant cession et en offrant désormais les tables d'opérations fabriquées par la filiale allemande Maquet, équipées de jambières identiques au modèle "Legmatic", sous la dénomination "Maquetmatic",

- accolant les initiales "ALM" en caractères gras à côté du nom "Maquet" sur tous les documents commerciaux pour démarcher la clientèle, en profitant de la confusion ainsi créée, en violation des obligations du vendeur du fonds de commerce de garantir le cessionnaire contre toute éviction et de s'abstenir de tout acte de nature à détourner la clientèle du fonds cédé ;

Qu'elle formule, "mutatis mutandis" les mêmes reproches à l'encontre des autres intimées en invoquant:

- tant l'engagement de porte-fort pris par la société ALM, pour les sociétés Getinge Arjo France et Maquet GmbH & Co KG,

- que leur complicité dans l'aide apportée à la cédante du fonds de commerce dans la violation de ses obligations contractuelles à l'égard de l'appelante;

Que cependant, la société FHS-Steris n'allègue pas, ni a fortiori ne démontre, que les intéressées auraient ratifié la promesse de porte-fort dont elles étaient l'objet, de sorte que seule leur responsabilité délictuelle est susceptible d'être, éventuellement, recherchée;

Qu'il convient dès lors, de distinguer entre les éventuelles fautes contractuelles de la société ALM-Maquet dans l'exécution de ses obligations, des fautes délictuelles des autres sociétés intimées ;

Sur les fautes contractuelles alléguées à l'encontre de la société ALM-Maquet

Considérant qu'aux termes de l'article 2.1.5 de "l'agreement" du 7 octobre 2002 et de l'article 2.1.4 de l'acte de cession de fonds de commerce du 31 décembre suivant, le fonds cédé comprend notamment "les droits de propriétés intellectuelle et industrielle (y compris [ou comprenant] les marques de fabrique, conceptions de produits, brevets d'invention, dessins [et] modèles) tels qu'énumérés à l'annexe 2.1.5 [de l'agreement: liste des droits de propriété intellectuelle et industrielle afférents au fonds de commerce] ou 2.1.4 [de l'acte de cession de fonds de commerce droits de propriété intellectuelle relatifs au fonds de commerce] à l'exclusion de tout droit au nom "ALM" [...] ;

Que la société FHS-Steris ne rapporte pas la preuve que l'exclusivité d'utilisation, des plans et des moules de la jambière "Legmatic", faisaient partie de l'énumération des éléments cédés avec le fonds de commerce, d'autant que l'accord des parties a expressément réservé la possibilité, pour la société ALM venderesse du fonds, de continuer de commercialiser des tables d'opérations d'une autre marque, le service des commerciaux étant au surplus, exclu du périmètre des actifs cédés ;

Qu'en effet, elle ne saurait valablement critiquer la société ALM de continuer à démarcher la clientèle potentielle des acheteurs de tables d'opérations, étant observé que l'appelante n'a pas rapporté la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un démarchage systématique des anciens clients du fonds de commerce cédé par rapport aux autres clients potentiels, aucun élément n'ayant été fourni aux débats sur l'éventuelle individualisation des clientèles respectives qui auraient été principalement attachées à chacune des différentes marques présentes sur le marché ;

Considérant aussi que l'équipement des tables Maquet de jambières "Legmatic" était déjà critiqué en première instance, de sorte que la demande d'interdiction de l'usage des plans et moules correspondants ne constitue pas véritablement une demande nouvelle en cause d'appel, mais une simple reformulation des demandes, à tout le moins implicites, exprimées devant les premiers juges ;

Qu'en revanche, en se plaignant de la réticence dolosive concernant le défaut d'information sur la décision concomitante des pourparlers de cession, ayant conduit la société ALM à conserver la copie des plans de la jambière "Legmatic" en vue d'équiper les nouvelles tables d'opérations qu'elle commercialise postérieurement à la cession litigieuse du fonds, la société FHS-Steris reconnaît implicitement qu'au moment de la transmission critiquée des copies de plans, la société ALM en était bien la propriétaire légitime ;

Que dès lors, cette transmission ayant eu lieu antérieurement à la cession litigieuse et l'appelante ne démontrant pas que l'exclusivité d'utilisation desdits plans et la propriété des moules lui auraient été cédées, la société FHS-Steris ne rapporte pas la preuve des griefs correspondants formulés à l'encontre de la société ALM-Maquet;

Qu'elle n'a pas davantage contesté qu'au jour de la signature de "l'agreement", les brevets de la jambière "Legmatic" étaient tombés dans le domaine public, de sorte que toute personne, non tenue par ailleurs par des engagements particuliers, peut aujourd'hui copier la jambière "Legmatic";

Qu'aux termes de l'article 12 du "l'agreement", la société ALM s'est limitée à s'engager à ne solliciter aucune des personnes énumérées à l'annexe 2.1.2, soit la seule liste des distributeurs, revendeurs et agents afférents au fonds de commerce;

Que l'appelante n'a pas justifié en quoi le sous-traitant, fabriquant des jambières "Legmatic" et "Maquetmatic", aurait été un distributeur, ou un revendeur ou un agent, afférents au fonds de commerce;

Qu'en conséquence, hors la réticence dolosive ci-dessus analysée qui a eu une incidence sur l'échange des consentements au moment de la cession du fonds de commerce, la société FHS-Steris n'est pas fondée à vouloir interdire à la société ALM Maquet l'usage, pour l'avenir, tant des plans recopiés que des moules de fabrication des jambières "Legmatic";

Qu'en ce qui concerne l'utilisation des initiales "ALM" à côté du nom "Maquet" sur tous les documents commerciaux pour démarcher la clientèle, la société ALM, cédante du fonds de commerce litigieux, s'est expressément réservée la propriété du nom ALM, de sorte qu'elle avait la possibilité de continuer à l'utiliser avec ou sans association avec sa nouvelle dénomination, la société FHS-Steris ne rapportant pas la preuve de la réalité de la confusion qu'elle allègue, dans l'esprit de la clientèle ;

Qu'en conséquence, la société FHS-Steris ne démontre pas que la société ALM-Maquet aurait:

- vidé de sa substance le fonds cédé,

- violé son obligation de garantir le cessionnaire contre toute éviction, ou son obligation de non-concurrence, étant observé qu'à ce dernier titre, la cédante du fonds s'est expressément réservée la possibilité de continuer à commercialiser d'autres modèles de tables d'opération, ce qui a été accepté par la cessionnaire,

- commis des actes de nature à détourner la clientèle du fonds cédé;

Sur les fautes délictuelles alléguées à l'encontre des autres intimées

Considérant que celles-ci sont poursuivies au titre de leur prétendue complicité avec la société ALM-Maquet dans la violation, par cette dernière, de ses obligations contractuelle découlant du contrat de cession du fonds de commerce des tables d'opération ALM;

Mais considérant qu'aucune des fautes alléguées à l'encontre de la société ALM-Maquet, n'étant établie, en dehors de la réticence dolosive ci-dessus analysée, les reproches de complicité ne le sont pas davantage;

Considérant par ailleurs, que, compte tenu de la décision à intervenir ci-après, la demande d'expertise devient sans objet et la demande de publication de la décision n'est pas justifiée;

Sur la demande de dommages et intérêts des intimées, les frais irrépétibles et les dépens

Considérant, qu'en invoquant la violation de l'article 2.4.2 de "l'agreement", lui permettant de recourir aux sous-traitants d'ALM pour les pièces et accessoires, les intimées réclament, au seul bénéfice de la société ALM-Maquet, la réparation du préjudice résultant de l'interdiction faite par la société FHS, à un fournisseur commun d'honorer toutes commandes de la société ALM;

Que, l'appelante:

- n'a pas démontré que l'exclusivité d'utilisation des plans de la jambière "Legmatic" et la propriété des moules correspondants lui auraient été cédées,

- n'a pas davantage contesté qu'au jour de la signature de "l'agreement", les brevets de la jambière "Legmatic" étaient tombés dans le domaine public,

c'est à juste titre que le tribunal a précisé que :

- si les sociétés du groupe Getinge n'ont pas le droit d'utiliser le nom commercial "Legmatic", elles pouvaient cependant commercialiser le même produit sous une autre dénomination,

- les sociétés ALM, Maquet France et Getinge Arjo France étaient autorisées à informer le fournisseur Marlyd, ou tout autre fournisseur, qu'il peut fournir la société ALM librement en pièces détachées, accessoires et consommables ;

Que cependant, l'ambiguïté initialement entretenue par la cédante du fonds de commerce, sur le sort des plans et des moules de la jambière "Legmatic", afin de mieux dissimuler la réticence dolosive dont elle se rendait coupable lors des pourparlers devant aboutir à la vente, ne permet pas aujourd'hui à la société ALM-Maquet de prétendre à l'indemnisation d'un préjudice auquel elle a largement participé

Que par ailleurs, la société FHS-Steris triomphant partiellement dans ses prétentions, il apparaît équitable de laisser aux parties la charge définitive des frais irrépétibles qu'elles ont, chacune, exposés depuis le début de l'instance, tant devant le tribunal que devant la cour, et que les dépens des deux degrés de juridiction seront partagés à parts égales entre l'appelante d'une part, et certaines intimées d'autre part;

Par ces motifs, Déclare l'appel recevable, Déboute les intimées de leur demande de rejet des débats des pièces produites par l'appelante, Réforme le jugement en ce qu'il a : - écarté le dol et a débouté la société FHSurgical de sa demande correspondante de dommages et intérêts, - alloué des frais irrépétibles aux intimées, - et condamné la seule société FHSurgical aux dépens, Statuant à nouveau de ces chefs, Dit que la société alors dénommée ALM et actuellement dénommée Maquet a commis, avec la complicité active de la société alors dénommée Getinge Arjo France et aujourd'hui dénommée Getinge Infection Contrôle, une réticence dolosive au préjudice de la société alors dénommée FHSurgical et actuellement dénommée Steris Surgical Technologies, Condamne in solidum, les sociétés Maquet (anciennement ALM) et Getinge Infection Contrôle (anciennement Getinge Arjo France) à payer à la société Steris Surgical Technologies (anciennement FHSurgical) un million d'euro (1 000 000 euro), majorés des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2005, avec capitalisation annuelle depuis la même date dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, Rejette les demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Maquet GmbH & Co KG, Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles, tant de première instance que d'appel, Fait masse des dépens de première instance et d'appel et les met à la charge des parties - la société Steris Surgical Technologies, pour moitié, - les sociétés Maquet (anciennement ALM) et Getinge Infection Contrôle (anciennement Getinge Arjo France) pour l'autre moitié, Admet les avoués de la cause, chacun pour ce qui le concerne, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.