Cass. com., 20 janvier 1987, n° 85-14.173
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Colin
Défendeur :
Busquets France (SA)
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 mars 1985), que la société Busquets France (société Busquets) a signé le 1er juillet 1974 un contrat avec M. Colin, agent commercial par lequel celui-ci recevait mandat de la représenter et de distribuer ses produits et s'engageait à lui apporter la totalité de sa clientèle ; qu'à la suite de la rupture du contrat M. Colin a obtenu, outre des commissions dues, une indemnité de clientèle et le montant d'un préavis ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi incident : - Attendu que la société Busquets fait grief à la cour d'appel d'avoir mis à sa charge la rupture du contrat conclu entre elle et M. Colin alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel constate que la société Busquets s'était réservée, dans le contrat, le droit de conserver "le réseau de détail créé en France par elle-même" ; que les ventes effectuées par la société dans le cadre de ces dépôts-vente ne pouvaient, de ce seul fait, être regardées comme des ventes à des grossistes, et qu'il appartenait en tous cas à la cour d'appel de rechercher si ces ventes n'entraient pas dans le cadre du réseau de détail conservé par la société, ainsi que celle-ci le soutenait dans ses conclusions, faute de quoi elle a privé son arrêt de base légale et violé par fausse application l'article 2006 du Code civil et alors, d'autre part, que la cour d'appel n'écarte toute responsabilité de M. Colin dans la rupture pour concurrence déloyale qu'en considérant son activité auprès de la société Pagsa, bien que dans un chef précis de ses conclusions d'appel, la société Busquets ait en outre accusé M. Colin de concurrence déloyale "dans ses rapports avec l'un de ses clients, la Papeterie de Savoie et du Lac d'Annecy", et qu'en laissant ce moyen sans aucune réponse, la cour d'appel a violé l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en constatant que selon la convention seul M. Colin pouvait traiter avec les grossistes et que la société Busquets avait confié en février 1977 un stock de marchandises à la société Diffusest pour que celle-ci livre sur ce stock les commandes passées par tous les clients de neuf départements, la cour d'appel a, sans avoir à procéder à la recherche dont fait état le moyen ni à répondre au simple argument visé en la seconde branche, caractérisé la faute de la société Busquets en présence d'une clause d'exclusivité ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal : - Attendu que M. Colin reproche à la cour d'appel de lui avoir refusé une indemnité supplémentaire pour rupture abusive du contrat par son mandant alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'indemnité prévue par l'article 3 alinéa 2 du décret du 23 décembre 1958 est destinée à réparer l'ensemble du préjudice causé au mandataire du fait de la rupture et pas uniquement la perte de la clientèle qui en découle, que la cour d'appel, qui a constaté que la rupture des relations contractuelles était due à la faute du mandant, ne pouvait se borner à allouer à M. Colin une indemnité de clientèle sans réparer les autres préjudices subis ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé, et alors d'autre part, que, pour déterminer le montant de l'indemnité compensatrice du préjudice subi à la suite de la résiliation du contrat d'agence, la cour d'appel, en application de l'article 3 alinéa 2 du décret du 23 décembre 1958, qui prévoit que l'agent a droit nonobstant toute clause contraire à une indemnité compensatrice du préjudice subi, ne pouvait tenir compte de la clause de la convention prévoyant un mode d'évaluation de l'indemnité de clientèle sans violer l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ;
Mais attendu qu'après avoir analysé les divers éléments de préjudice subi par M. Colin par suite de la rupture de son contrat et accordé à celui-ci une indemnité de ce chef, la cour d'appel a souverainement estimé qu'au-delà des sommes découlant des clauses de la convention, M. Colin ne pouvait prétendre à des indemnités supplémentaires que dans la mesure où il apportait la preuve que le préjudice qu'il avait réellement subi excédait les indemnités contractuelles, qu'en l'espèce cette preuve n'était pas faite et que la brusque rupture invoquée était compensée par le préavis de six mois ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal tel qu'il a été complété par des observations complémentaires : - Attendu que M. Colin fait encore grief à la cour d'appel d'avoir refusé de faire porter intérêts à compter de son assignation à la somme qui lui a été allouée au titre de l'indemnité de clientèle, sans motiver sa décision, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'un arrêt du 24 octobre 1985 produit par la société Busquets, rendu en application de l'article 463 du nouveau Code de procédure civile et qui n'a pas été frappé de pourvoi, a condamné cette société à acquitter les intérêts réclamés par M. Colin pour l'indemnité de clientèle à compter du jugement ; qu'il appartenait à M. Colin de se pourvoir en cassation contre cette décision s'il entendait discuter le point de départ de ces intérêts et que, faute d'avoir précisé, dans son mémoire, la date à partir de laquelle il prétendait au paiement desdits intérêts, le moyen doit être considéré comme devenu sans objet ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi principal et le pourvoi incident.