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Décisions

TUE, 5e ch., 28 avril 2010, n° T-448/05

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Oxley Threads Ltd

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vilaras

Juges :

MM. Prek (rapporteur), Ciuca

Avocats :

Mes Peretz, Rees, Vernon

TUE n° T-448/05

28 avril 2010

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

Antécédents du litige

Objet du litige

1 Par décision C (2005) 3452, du 14 septembre 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/38.337-PO/Fil, ci-après la " décision attaquée "), telle que modifiée par la décision C (2005) 3765 de la Commission, du 13 octobre 2005, et dont un résumé est publié au Journal officiel de l'Union européenne (JO 2008 C 21, p. 10), la Commission des Communautés européennes a constaté que la requérante, Oxley Threads Ltd, avait participé à un ensemble d'accords et de pratiques concertées sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'Espace économique européen (EEE), pour la période allant de mai/juin 1998 au 15 mai 2000, ainsi que sur le marché du fil industriel au Royaume-Uni à l'exclusion du secteur automobile (ci-après le " marché du fil industriel au Royaume-Uni "), pour la période allant d'octobre 1990 à septembre 1996.

2 La Commission a infligé une amende d'un montant de 1,271 million d'euro à la requérante pour sa participation au cartel concernant le fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE. En revanche, elle ne lui a pas infligé d'amende pour sa participation à l'infraction sur le marché du fil industriel au Royaume-Uni, au motif que la prescription pour l'imposition des sanctions était acquise.

Procédure administrative

3 Les 7 et 8 novembre 2001, la Commission a effectué des vérifications, en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), dans les locaux de plusieurs producteurs de fil. Ces vérifications faisaient suite à des renseignements fournis en août 2000 par The English Needle & Tackle Co.

4 Le 26 novembre 2001, Coats Viyella plc (ci-après " Coats ") a déposé une demande de clémence au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération "), à laquelle étaient jointes des pièces produites en vue de prouver l'existence des ententes suivantes : premièrement, une entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE, deuxièmement, une entente sur le marché du fil industriel au Royaume-Uni et, troisièmement, une entente sur le marché du fil industriel à l'exclusion du secteur automobile dans les pays du Benelux ainsi qu'au Danemark, en Finlande, et en Suède et en Norvège (ci-après l' " entente sur le fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques ").

5 Sur la base des documents emportés lors des inspections et de ceux communiqués par Coats, la Commission a adressé aux entreprises concernées des demandes de renseignements en mars et en août 2003, conformément à l'article 11 du règlement n° 17.

6 Le 15 mars 2004, la Commission a adopté une communication des griefs qu'elle a adressée à plusieurs entreprises en raison de leur participation à une ou à plusieurs des ententes visées au point 4 ci-dessus, dont celle sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE.

7 Toutes les entreprises destinataires de la communication des griefs ont présenté des observations écrites.

8 Une audition s'est tenue les 19 et 20 juillet 2004.

9 Le 24 septembre 2004, les parties se sont vu accorder l'accès à la version non confidentielle des réponses à la communication des griefs et aux observations des parties lors de l'audition, et ont reçu un délai pour émettre d'autres observations.

10 Le 14 septembre 2005, la Commission a adopté la décision attaquée.

Décision attaquée

Définition du marché en cause

11 Dans la décision attaquée, une distinction est opérée entre le fil destiné à l'industrie automobile, d'une part, et celui destiné à l'industrie à l'exclusion du secteur automobile, d'autre part. La Commission a indiqué que le marché de produits au regard duquel avait été examinée l'infraction reprochée à la requérante ayant donné lieu à une amende était celui du fil destiné à l'industrie automobile.

12 Le marché géographique concerné par l'infraction reprochée à la requérante est celui qui s'étend sur tout le territoire de l'EEE.

Taille et structure du marché en cause

13 Dans la décision attaquée, la Commission a précisé que le chiffre de ventes de fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE était environ de 20 millions d'euro en 1999 (considérant 35 de la décision attaquée).

14 La Commission a également indiqué que, en 2004, les fournisseurs les plus importants sur ce marché étaient, outre la requérante, Coats, Amann und Söhne GmbH & Co. KG (ci-après " Amann "), Cousin Filterie SA (ci-après " Cousin "), Barbour Threads Ltd (ci-après " Barbour "), Gütermann AG, Zwicky & Co. AG et American & Efird Inc. (considérant 36 de la décision attaquée).

Description des comportements infractionnels

15 La Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que l'infraction reprochée à la requérante relative à l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE avait été commise au cours des années 1998 à 2001.

16 Selon la Commission, l'entente sur le marché destiné à l'industrie automobile dans l'EEE avait pour objectif principal de maintenir les prix à un niveau élevé (considérant 214 de la décision attaquée).

17 La Commission a indiqué que, à cette fin, cinq réunions avaient été organisées et que, lors de ces réunions, les participants avaient tout d'abord fixé deux prix cibles pour les produits de base vendus à la clientèle automobile européenne, le premier étant appliqué aux clients existants et le second étant appliqué aux nouveaux clients. Elle a constaté que des renseignements avaient été échangés sur les prix appliqués à certains clients et que les participants s'étaient entendus sur des prix minimaux à appliquer à ces clients. Les participants se seraient enfin engagés à éviter de " se faire concurrence par les prix, à l'avantage du fournisseur attitré " (considérants 215 à 221 de la décision attaquée).

Dispositif de la décision attaquée

18 À l'article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission a constaté que six entreprises, dont la requérante, avaient enfreint l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en participant à un ensemble d'accords et de pratiques concertées sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE, pour la période allant de mai/juin 1998 au 15 mai 2000.

19 Aux termes de l'article 2, premier alinéa, sous b), de la décision attaquée, les amendes suivantes ont été infligées :

- Cousin et Amann, solidairement responsables : 4,888 millions d'euro ;

- Coats : 0,65 million d'euro ;

- la requérante : 1,271 million d'euro ;

- Barbour et Hicking Pentecost plc, solidairement responsables : 0,715 million d'euro.

Procédure et conclusions des parties

20 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 décembre 2005, la requérante a introduit le présent recours.

21 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

22 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler l'article 2, premier alinéa, sous b), de la décision attaquée dans la mesure où la Commission lui inflige une amende d'un montant de 1,271 million d'euro ou, à titre subsidiaire, réduire le montant de cette amende ;

- condamner la Commission aux dépens.

23 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

24 La requérante soulève trois moyens tendant à la suppression ou à la réduction de l'amende. Ceux-ci sont tirés, respectivement, d'une qualification erronée de l'infraction en cause de " très grave ", de la détermination erronée du montant de départ de l'amende et d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'étendue de la coopération.

Sur le moyen tiré d'une qualification erronée de l'infraction de " très grave "

Arguments des parties

25 La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation, enfreint les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices "), et violé le principe d'égalité de traitement en qualifiant de " très grave " l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE.

26 En effet, elle procède à une comparaison entre l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE et l'entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, et constate que ces ententes présentent des différences évidentes, touchant à leur organisation, à la nature des accords passés ou à leur impact global, qui n'ont pas été prises en compte.

27 Selon la requérante, la Commission a admis, aux considérants 218 et suivants de la décision attaquée, que l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE n'avait pas fait l'objet d'une organisation stricte, que seules cinq réunions avaient eu lieu, que, lors de deux des cinq réunions, aucun accord n'avait été conclu sur les prix, que, lors d'une réunion qui s'était tenue en l'absence de la requérante et dont il n'a pas été démontré qu'elle y avait été invitée, les participants avaient uniquement échangé des informations sur les prix d'Amann, qu'il n'y avait pas eu de système visant à rapporter les succès rencontrés dans le respect des accords ou à exposer leurs doléances, ni de contacts bilatéraux entre eux visant à compléter les accords. En outre, il ressortirait du considérant 424 de la décision attaquée que l'entente n'a affecté au total que quatre offres de prix, destinées à trois clients différents. La requérante fait également observer que la Commission n'a pas contesté l'absence de constatation de la mise en œuvre de l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE durant toute la période infractionnelle.

28 Or, l'entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques serait caractérisée par la régularité des réunions, par des échanges réguliers de listes de prix, par un accord à chaque réunion sur les futures listes de prix, par un accord sur les rabais maximaux et les prix spéciaux, par des mécanismes de contrôle du respect des accords, par des contacts bilatéraux visant à " compléter les réunions " et, enfin, par un impact général sur les prix.

29 La requérante soutient également que ces différences entre les ententes n'ont pas été contestées par la Commission. Elle estime en outre que, si les considérants 350 et 351 de la décision attaquée (relatifs à l'entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques) ont le même libellé que les considérants 426 et 427 de celle-ci (relatifs à l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE), cela ne démontre pas que les ententes étaient d'une même gravité, dans la mesure où un tel libellé constitue une réponse standard de la Commission aux arguments tendant à dire que les ententes n'ont pas atteint leur objectif.

30 La Commission conclut au rejet de ce moyen.

Appréciation du Tribunal

31 Il convient de rappeler que, s'agissant de l'appréciation de la gravité de l'infraction en tant que telle, le point 1 A, premier et deuxième alinéas, des lignes directrices prévoit ce qui suit :

" L'évaluation du caractère de gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné.

Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves.

[...]

Infractions très graves : il s'agira pour l'essentiel de restrictions horizontales de type cartels de prix et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux, ou d'abus caractérisé de position dominante d'entreprises en situation de quasi-monopole [...] "

32 Dans la décision attaquée, la Commission a relevé les trois éléments suivants :

- l'infraction en cause avait consisté essentiellement à fixer des prix cibles pour les produits de base vendus à la clientèle automobile européenne, à échanger des informations sur les prix applicables à certains clients et à conclure des accords, d'une part, consistant à fixer des prix cibles minimaux pour ces clients et, d'autre part, visant à éviter la concurrence par les prix à l'avantage du fournisseur attitré (considérant 420 de la décision attaquée) ;

- les accords collusoires avaient été mis en œuvre, étant donné que certains des prix convenus au moins ont été mis en œuvre, de même que l'accord interdisant la concurrence sur les prix, et avaient eu un impact sur le marché de l'EEE pour les produits concernés, mais cet impact ne pouvait être mesuré avec précision (considérants 424 à 427de la décision attaquée) ;

- l'entente couvrait l'ensemble de l'EEE (décision attaquée, considérant 428).

33 La Commission a ensuite conclu au considérant 429 de la décision attaquée ce qui suit :

" Compte tenu de tous ces facteurs, la Commission considère que les entreprises destinataires de la décision ont commis une infraction très grave à l'article 81 [CE] et à l'article 53 de l'accord EEE. "

34 Il y a lieu de relever que, si les trois aspects de l'évaluation de la gravité de l'infraction, mentionnés au point 31 ci-dessus, ont été pris en compte par la Commission dans la décision attaquée, ceux-ci n'ont pas le même poids dans le cadre de l'examen global. La nature de l'infraction joue un rôle primordial, notamment, pour caractériser les infractions qualifiées de " très graves ". À cet égard, il résulte de la description des infractions très graves par les lignes directrices que des accords ou des pratiques concertées visant notamment, comme en l'espèce, à la fixation des prix peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de " très grave ", sans qu'il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particuliers. Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description des infractions graves mentionne expressément l'impact sur le marché et les effets sur des zones étendues du marché commun, celle des infractions très graves, en revanche, ne mentionne aucune exigence d'impact concret sur le marché ni de production d'effets sur une zone géographique particulière (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale/Commission, T-49-02 à T-51-02, Rec. p. II-3033, point 178, du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, point 150, et du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T-69-04, Rec. p. II-2567, point 171). Or, comme indiqué aux considérants 420 et 421 de la décision attaquée, l'entente sur les prix reprochée à la requérante constitue une infraction très grave au sens des lignes directrices.

35 De plus, la requérante n'a pas remis en cause le constat fait par la Commission au considérant 424 de la décision attaquée, selon lequel l'entente a affecté au moins quatre offres de prix destinées à trois clients différents.

36 Il s'ensuit que la Commission n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en qualifiant l'infraction de " très grave ".

37 Le grief de la requérante selon lequel une telle qualification pourrait être remise en cause dans le cadre d'une comparaison opérée entre cette infraction et l'entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques ne saurait prospérer. En effet, le Tribunal a jugé qu'il ne saurait être déduit de l'existence d'autres affaires impliquant des violations encore plus caractérisées du droit de la concurrence que l'infraction commise en l'occurrence n'est pas " très grave ". Les lignes directrices prévoient d'ailleurs que, à l'intérieur des catégories des infractions peu graves, graves et très graves, l'échelle des sanctions retenues permet de différencier le traitement qu'il convient d'appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises (point 1 A, troisième alinéa) (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T-64-02, Rec. p. II-5137, point 145). En tout état de cause, à supposer même que l'infraction en cause puisse être qualifiée de grave, force serait alors de constater que la requérante n'a fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle le montant de 1,3 million d'euro n'aurait pas constitué un montant de départ de l'amende approprié dans le calcul de l'amende qui lui a été infligée. Dans cette hypothèse, le moyen devrait donc être rejeté comme inopérant.

38 En conclusion, aucun des arguments avancés par la requérante dans le cadre de ce moyen n'a permis, en tant que tel, de démontrer que l'infraction reprochée ne saurait, en elle-même ou dans le cadre de sa comparaison avec l'entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, être qualifiée de " très grave ". De même, et ainsi que le souligne à juste titre la Commission, la requérante n'a fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle le montant de 1,3 million d'euro n'aurait pas constitué un point de départ approprié si l'infraction commise par lui avait été qualifiée de " grave ", sauf à supposer que celle-ci était " peu grave ", ce qui ne peut sérieusement être soutenu en l'espèce eu égard aux caractéristiques de ladite infraction.

39 Ainsi, à la lumière de ces considérations, il y a lieu de rejeter le moyen tiré d'une qualification erronée de l'infraction comme étant " très grave ".

Sur le moyen tiré d'une détermination erronée du montant de départ de l'amende

Arguments des parties

40 La requérante soutient que, lors de la fixation du montant de départ de l'amende qui lui a été infligée, la Commission a violé les lignes directrices, le principe d'égalité de traitement, le principe de proportionnalité et l'obligation de motivation.

41 Selon la requérante, la Commission a violé les lignes directrices lors du calcul du montant de départ de l'amende. En effet, la requérante fait valoir que les lignes directrices imposent à la Commission que la répartition des entreprises au sein de différentes catégories, en vue de déterminer le montant de départ approprié, repose sur l'appréciation de l'" effet dissuasif relatif de l'amende " sur les entreprises concernées, de leur capacité économique effective relative à nuire de manière significative à la concurrence et du poids spécifique de chacune d'entre elles ainsi que de l'impact réel relatif de leur comportement sur la concurrence.

42 La requérante fait valoir que, lorsque la Commission opère une répartition des entreprises concernées par catégories, celle-ci est tenue de respecter les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité. Elle soutient également que les seuils que la Commission détermine doivent l'être de façon cohérente et objectivement justifiée. En l'espèce, la Commission n'aurait retenu qu'un seul facteur pour opérer la répartition entre les entreprises, à savoir le chiffre d'affaires sur le marché en cause.

43 À cet égard, la requérante soutient que la disparité extrême entre les entreprises concernées - le chiffre d'affaires global du groupe composé de Coats et de Barbour (ci-après le " groupe Coats ") étant 71 fois plus élevé que celui de la requérante - aurait dû conduire la Commission à adopter une approche différente. Elle illustre son propos par un tableau comparatif des montants de base et des chiffres d'affaires mondiaux des entreprises concernées ainsi que de leurs chiffres de ventes de fil industriel dans l'EEE.

44 Selon la requérante, la Commission a opté pour une approche plus étroite que celle retenue dans les lignes directrices. En effet, la Commission aurait constaté, au considérant 432 de la décision attaquée, l'existence d'une disparité dans la " taille de marché " des entreprises concernées. Or, une telle approche serait contraire aux lignes directrices, qui mentionneraient une disparité dans la " dimension " au sens large, c'est-à-dire leur taille globale.

45 La requérante fait valoir que l'appréciation de son importance et de sa " capacité effective à causer un préjudice " à la concurrence impliquent de prendre en compte non seulement le fait qu'elle est une entreprise bien plus petite que Coats d'un point de vue global, mais surtout qu'elle n'est " pas un acteur aussi significatif que Coats dans le secteur du fil industriel considéré dans son ensemble (un secteur comprenant le marché du produit en cause) ".

46 La requérante admet que la Commission pouvait prendre en considération tant le chiffre d'affaires sur le marché en cause que le chiffre d'affaires global, mais estime que celle-ci ne pouvait pas attribuer à l'un ou à l'autre de ces chiffres d'affaires une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation. Selon elle, la Commission a attribué une importance tout à fait disproportionnée au chiffre d'affaires sur le marché en cause par rapport à d'autres facteurs tels que le chiffre d'affaires global, le sien étant 71 fois plus petit que celui du groupe Coats, et que le chiffre d'affaires sur le marché du fil industriel dans l'EEE, le sien étant 4 à 6 fois plus petit que celui cumulé de ce même groupe.

47 La requérante prétend que la " disparité de taille " entre elle et le groupe Coats serait telle que la Commission a violé les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement en décidant de ne pas en tenir compte lors de la répartition des entreprises concernées par catégories. En effet, au regard du chiffre d'affaires global des entreprises concernées, l'amende qui lui a été infligée serait 71 fois plus élevée que celle infligée au groupe Coats.

48 D'une part, la requérante conteste la thèse de la Commission selon laquelle il est possible de répartir les entreprises en deux catégories en fonction uniquement du chiffre d'affaires sur le marché en cause. Elle fait valoir que le Tribunal a admis qu'il existait des cas dans lesquels une " disparité de taille " entre les entreprises concernées pouvait être d'une importance telle que celles-ci devaient être placées dans des catégories différentes. Ainsi, même si la Commission était en droit de ne pas retenir une approche reflétant de façon rigide la moindre disparité entre les chiffres d'affaires globaux des entreprises concernées, il ne lui serait pas permis d'ignorer toutes les différences existant dans les chiffres d'affaires globaux ou dans les chiffres d'affaires sur le marché en cause.

49 D'autre part, la requérante relève que la jurisprudence invoquée par la Commission, selon laquelle le fait d'avoir placé, dans la même catégorie, deux entreprises qui se différencient sensiblement quant à leur chiffre d'affaires global n'implique pas une violation du principe d'égalité de traitement, vise des cas dans lesquels le chiffre d'affaires global de la première entreprise était au maximum dix fois inférieur à celui de la seconde entreprise placée dans la même catégorie. Cette jurisprudence ne saurait donc trouver application en l'espèce étant donné la disparité considérable entre son chiffre d'affaires global et celui du groupe Coats.

50 La requérante estime donc que, en vertu du " principe d'égalité de sanction pour un même comportement " prévu au point 1 A, septième alinéa, des lignes directrices, il aurait fallu déterminer pour elle un montant de départ de l'amende sensiblement inférieur à celui des autres entreprises placées dans la même catégorie.

51 En outre, la requérante soutient que sa qualité de petite et moyenne entreprise (PME) devait justifier en soi l'application de critères différents de ceux retenus pour les autres entreprises placées dans la même catégorie. Mme N. Kroes, membre de la Commission chargé de la concurrence, aurait elle-même exprimé sa préoccupation quant à la " rigidité " des lignes directrices et aurait admis que " le système des montants planchers fixés en fonction de la gravité de l'infraction paraît davantage affecter les [PME] que les grandes entreprises ". À cet égard, la requérante fait observer qu'une amende de 1,3 million d'euro ne représente pas la même charge pour elle que pour Coats, une entreprise placée dans la même catégorie qu'elle mais dont le chiffre d'affaires global est 1000 fois supérieur à ce montant.

52 Selon la requérante, aucun des facteurs indiqués dans les lignes directrices et dans la décision attaquée ne permet de justifier le choix du chiffre d'affaires sur le marché en cause pour la fixation des seuils de chaque catégorie.

53 De même, la requérante estime que " la nécessité d'assurer la dissuasion " n'exigeait pas de lui infliger une amende d'un montant 71 fois plus élevé que celui de l'amende infligée au groupe Coats. Elle fait également observer que, dans une autre affaire, la Commission avait tenu compte de la " disparité de taille " entre les entreprises concernées en appliquant un coefficient multiplicateur au montant de départ de l'amende pour les entreprises dont le chiffre d'affaires global était le plus important, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

54 De plus, son " importance relative " sur le marché et, partant, son rôle dans l'infraction auraient été surestimés et exagérés. La requérante fait valoir que, sur le marché des fils industriels en général (qui comprend notamment celui du fil destiné à l'industrie automobile) dans l'EEE, elle est un acteur quatre à six fois plus petit que le groupe Coats, que, en tant que PME, elle n'a pas bénéficié de la couverture financière ou de la gestion sophistiquée d'un grand groupe, que, contrairement au groupe Coats, elle n'a pas été impliquée dans l'entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques et que, à l'époque de sa participation à l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE, elle venait d'entrer sur ledit marché, sa part de marché était faible par rapport à celles des autres entreprises concernées et sa relation avec ses clients existants était encore fragile par rapport à celle dont bénéficiaient les " acteurs établis ".

55 Par ailleurs, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir expliqué les raisons pour lesquelles le chiffre d'affaires sur le marché en cause a été choisi comme critère unique pour répartir les entreprises concernées par catégories en vue de déterminer le montant de départ de l'amende. Il s'agirait d'un défaut de motivation étant donné notamment la " disparité de taille " des entreprises concernées. En outre, la requérante affirme que la Commission était tenue d'expliquer les raisons pour lesquelles celle-ci avait choisi de ne pas se référer au chiffre d'affaires global des entreprises concernées.

56 Enfin, la requérante soutient que la Commission fait valoir à tort, d'une part, que ses arguments tendent à démontrer que l'amende infligée à Coats est trop faible et non à établir que la sienne est trop élevée et, d'autre part, que la réparation consiste dans le retrait de l'avantage concédé au bénéficiaire de la discrimination et non pas dans la réparation du préjudice subi par la victime. La requérante affirme, jurisprudence à l'appui, que, si la Commission a enfreint le principe d'égalité de traitement en l'espèce, le Tribunal doit réparer cette violation en réduisant l'amende infligée à la victime, car, en l'absence d'une telle réparation, il n'y aurait aucune possibilité de " corriger " les infractions à ce principe général. Elle fait, en outre, valoir que la décision de la Commission d'ignorer le chiffre d'affaires global des entreprises concernées pour déterminer le montant de départ de l'amende ne saurait être justifiée que si celle-ci avait ensuite appliqué un coefficient multiplicateur à l'amende infligée à Coats. En ne l'appliquant pas, la Commission ne saurait prétendre avoir fait autre chose que fermer entièrement les yeux sur la différence énorme de taille entre elle et Coats.

57 La Commission réfute l'ensemble des arguments et conclut au rejet du moyen comme étant non fondé.

Appréciation du Tribunal

58 À titre liminaire, il y a lieu d'observer que, même si la décision attaquée ne se réfère pas explicitement aux lignes directrices, il ressort des considérants 418 à 435 de celle-ci que la Commission a déterminé le montant de départ de l'amende infligée à la requérante en faisant application de la méthode définie dans les lignes directrices.

59 Il ressort de la décision attaquée que, pour déterminer le montant de départ de l'amende, la Commission a apprécié la gravité de l'infraction (considérants 419 à 429 de la décision attaquée) avant de procéder à un traitement différencié des entreprises concernées afin de tenir compte de la " capacité économique effective de chacune [d'entre elles] de causer un préjudice important à la concurrence et de fixer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif " (considérant 430 de la décision attaquée). La Commission a également ajouté que, pour fixer le montant de départ des amendes, il convenait de tenir compte du poids spécifique de chaque entreprise et donc de l'incidence réelle de son comportement sur la concurrence et que, " [à] cet effet, les entreprises concernées pouvaient être réparties en plusieurs catégories établies selon leur importance relative sur le marché en cause " (considérant 431 de la décision attaquée).

60 En conséquence, elle a réparti les entreprises concernées en deux catégories. Amann, dont le chiffre d'affaires sur le marché en cause était situé entre 6 et 9 millions d'euro, a été placée dans la première catégorie. La requérante, Coats et Barbour, dont le chiffre d'affaires sur le marché en cause oscillait entre 1 et 3 millions d'euro, ont été placées dans la seconde catégorie. Sur la base des considérations qui précèdent, la Commission a retenu un montant de départ, déterminé en fonction de la gravité de l'infraction, de 5 millions d'euro pour Amann et de 1,3 million d'euro pour les autres entreprises, dont la requérante (considérants 432 à 435 de la décision attaquée).

- Sur le grief tiré de la violation des lignes directrices

61 Il y a lieu de rappeler que le point 1 A, quatrième et sixième alinéas, des lignes directrices, dont a fait application la Commission, indique en substance que, notamment lorsqu'il s'agit d'une infraction impliquant plusieurs entreprises et qu'il existe une disparité considérable dans la taille des entreprises parties à l'infraction, la Commission procède à un traitement différencié des entreprises concernées pour tenir compte de leur capacité économique réelle à causer un dommage important à la concurrence et pour fixer l'amende à un niveau qui lui assure un effet suffisamment dissuasif (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43-02, Rec. p. II-3435, point 216).

62 Il convient également de relever que la Commission ne peut se départir des règles qu'elle s'est elle-même imposées. En particulier, lorsque la Commission adopte des lignes directrices destinées à préciser, dans le respect du traité, les critères qu'elle compte appliquer dans le cadre de l'exercice de son pouvoir d'appréciation, il en résulte une autolimitation de ce pouvoir en ce qu'il lui appartient de se conformer aux règles indicatives qu'elle s'est elle-même imposées (voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 77, et la jurisprudence citée).

63 Il convient donc d'examiner si, en ne prenant en compte que le chiffre d'affaires sur le marché en cause pour répartir les entreprises concernées en deux catégories, et ce, malgré la disparité extrême entre leurs chiffres d'affaires globaux, la Commission n'a pas méconnu les lignes directrices qu'elle s'est elle-même imposées.

64 À cet égard, il y a lieu de relever que, si les lignes directrices ne prévoient pas que le montant des amendes soit calculé en fonction du chiffre d'affaires global ou du chiffre d'affaires réalisé par les entreprises sur le marché en cause, elles ne s'opposent pas non plus à ce que le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises concernées sur le marché en cause soit pris en compte dans la détermination du montant de l'amende afin que soient respectés les principes généraux du droit de l'Union et lorsque les circonstances l'exigent. En particulier, un tel chiffre d'affaires peut entrer en ligne de compte lors de la prise en considération des différents éléments énumérés au point 1 A, quatrième et sixième alinéas, des lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt Cheil Jedang/Commission, point 62 supra, point 82).

65 S'agissant du choix que peut opérer la Commission pour l'un et/ou l'autre chiffre d'affaires, il ressort de la jurisprudence que, dans l'analyse, effectuée en vue de fixer le montant d'une amende pour infraction aux règles de concurrence, de la capacité économique effective des contrevenantes à porter un préjudice important à la concurrence, qui implique une appréciation de l'importance réelle de ces entreprises sur le marché en cause, c'est-à-dire de leur influence sur celui-ci, le chiffre d'affaires global ne présente qu'une vue incomplète des choses. Il ne saurait être exclu, en effet, qu'une entreprise puissante ayant une multitude d'activités différentes ne soit présente que de manière accessoire sur un marché de produits spécifique. De même, il ne saurait être exclu qu'une entreprise ayant une position importante sur un marché géographique autre que celui de l'Union ne dispose que d'une position faible sur ce dernier ou celui de l'EEE. Dans de tels cas, le seul fait que l'entreprise concernée réalise un chiffre d'affaires global important ne signifie pas nécessairement qu'elle exerce une influence déterminante sur le marché affecté. C'est pourquoi, s'il est vrai que le chiffre d'affaires sur le marché affecté ne saurait être déterminant afin de conclure qu'une entreprise appartient à une entité économique puissante, il est en revanche pertinent afin de déterminer l'influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (arrêts du Tribunal du 29 novembre 2005, SNCZ/Commission, T-52-02, Rec. p. II-5005, point 65, Union Pigments/Commission, T-62-02, Rec. p. II-5057, point 152).

66 Ainsi, il a déjà été jugé que, en ne se fondant que sur les chiffres d'affaires mondiaux de l'entreprise concernée et, partant, en ne tenant compte ni des parts de marché en volume des entreprises en cause sur le marché affecté ni même du chiffre d'affaires des entreprises sur ce marché affecté, la Commission avait méconnu le point 1 A, quatrième et sixième alinéas, des lignes directrices. En effet, l'appréciation du poids spécifique, c'est-à-dire de l'impact réel, de l'infraction commise par chaque entreprise consiste, en réalité, à déterminer l'ampleur de l'infraction commise par chacune d'entre elles et non l'importance de l'entreprise en cause en termes de taille ou de puissance économique. Or, la part du chiffre d'affaires provenant des marchandises faisant l'objet de l'infraction est de nature à donner une juste indication de l'ampleur de l'infraction sur le marché concerné (arrêts du Tribunal Cheil Jedang/Commission, point 62 supra, points 88 à 92, et du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T-224-00, Rec. p. II-2597, points 194 à 197).

67 De plus, la fixation d'une amende appropriée ne peut pas être le résultat d'un simple calcul basé sur le chiffre d'affaires global. Il en est particulièrement ainsi lorsque les marchandises concernées ne représentaient qu'une faible fraction de ce chiffre. En revanche, il n'existerait pas de principe d'application générale selon lequel la sanction doit être proportionnée à l'importance de l'entreprise sur le marché des produits faisant l'objet de l'infraction (arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397-03 P, Rec. p. I-4429, points 100 et 101).

68 En l'espèce, il y a lieu de constater que Coats est une multinationale ayant un chiffre d'affaires global très important tandis que la requérante est une PME au chiffre d'affaires global plus modeste. Toutefois, les chiffres d'affaires des entreprises concernées sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE sont très proches. Ainsi, la Commission a appliqué de façon correcte les lignes directrices en considérant que le poids spécifique, et donc l'impact réel, du comportement infractionnel de Coats et de celui de la requérante sur le marché en cause est fonction de l'importance relative de ces dernières sur ce marché, laquelle peut être raisonnablement déterminée par le chiffre d'affaires sur ledit marché pour le produit concerné. En effet, le chiffre d'affaires provenant de la vente des fils destinés à l'industrie automobile dans l'EEE est de nature à donner une juste indication de la responsabilité de chaque membre sur le même marché. Ce chiffre constitue effectivement un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité du comportement infractionnel pour le jeu normal de la concurrence et se présente donc comme un bon indicateur de la capacité de chaque entreprise concernée à causer un dommage.

69 L'argument selon lequel la Commission aurait dû tenir compte du fait que la requérante était une entreprise de taille moyenne ne saurait remettre en cause cette considération.

70 En effet, il convient de rappeler que, la Commission n'étant pas obligée d'effectuer le calcul du montant de l'amende à partir de montants fondés sur le chiffre d'affaires global des entreprises concernées, elle n'est pas non plus tenue d'assurer, lorsque des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d'affaires global ou à leur chiffre d'affaires sur le marché du produit en cause (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T-21-99, Rec. p. II-1681, point 202).

71 À cet égard, il y a lieu de préciser que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l'article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003 L1, p.1), n° 1-2003 n'exigent pas non plus que, lorsque des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, le montant de l'amende infligée à une entreprise de petite ou de moyenne taille ne soit pas supérieur, en pourcentage du chiffre d'affaires, à celui des amendes infligées aux entreprises plus grandes. En effet, il ressort de ces dispositions que, tant pour les entreprises de petite ou de moyenne taille que pour les entreprises de taille supérieure, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l'amende, la gravité et la durée de l'infraction. Dans la mesure où la Commission impose aux entreprises impliquées dans une même infraction des amendes justifiées, pour chacune d'elles, par rapport à la gravité et à la durée de l'infraction, il ne saurait lui être reproché que, pour certaines d'entre elles, le montant de l'amende soit supérieur, par rapport au chiffre d'affaires, à celui des amendes infligées à d'autres entreprises (arrêts du Tribunal Dansk Rørindustri/Commission, point 70 supra, point 203, et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303-02, Rec. p. II-4567, point 174).

72 Ainsi, la Commission n'est pas tenue de diminuer le montant des amendes lorsque les entreprises concernées sont des petites et moyennes entreprises. La taille de l'entreprise est, en effet, déjà prise en considération par le plafond fixé par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, par l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 et par les dispositions des lignes directrices. À part ces considérations relatives à la taille, il n'y a aucune raison de traiter les PME différemment des autres entreprises. Le fait que les entreprises soient des PME ne les exonère pas de leur devoir de respecter les règles de la concurrence (arrêt SNCZ/Commission, point 65 supra, point 84).

73 Partant, le grief tiré de la violation des lignes directrices doit être rejeté.

- Sur les griefs tirés de la violation des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité

74 S'agissant des griefs de la requérante selon lesquels la Commission aurait violé le principe d'égalité de traitement et le principe de proportionnalité en la plaçant dans la même catégorie que d'autres entreprises concernées alors que le chiffre d'affaires global de ces dernières se différenciaient du sien de façon importante, il y a lieu de les rejeter.

75 En premier lieu, dans le cadre de son grief tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission a enfreint le principe d'égalité de traitement en la plaçant dans la même catégorie que d'autres entreprises concernées se trouvant dans une situation différente au regard de leur taille.

76 Selon une jurisprudence constante, le principe d'égalité de traitement est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213-00, Rec. p. II-913, point 406, et la jurisprudence citée).

77 En l'espèce, il est constant que la requérante et d'autres entreprises concernées n'ayant pas la même taille ont été placées dans la même catégorie par la Commission.

78 Il convient donc de vérifier si un tel traitement identique est objectivement justifié.

79 À cet égard, il y a lieu de relever que le point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices prévoit qu'une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature est, notamment, de nature à justifier une différenciation aux fins de l'appréciation de la gravité de l'infraction.

80 Toutefois, le Tribunal a jugé qu'il était cohérent et objectivement justifié de regrouper des entreprises ayant un chiffre d'affaires sur le marché en cause et des parts de marché très similaires. En outre, comme cela a été indiqué au point 66 ci-dessus, la part du chiffre d'affaires provenant des marchandises faisant l'objet de l'infraction est de nature à donner une juste indication de l'ampleur de l'infraction sur le marché concerné et constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence.

81 En deuxième lieu, la requérante ne saurait non plus valablement soutenir que le principe de proportionnalité a été violé.

82 Il importe de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Dans le contexte du calcul des amendes, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments et il ne faut attribuer à aucun de ces éléments une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation. Le principe de proportionnalité implique dans ce contexte que la Commission doit fixer l'amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l'infraction et qu'elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 61 supra, points 226 à 228).

83 En l'espèce, la Commission n'a commis aucune violation du principe de proportionnalité en s'appuyant sur le chiffre d'affaires des entreprises concernées sur le marché en cause. Le montant de départ avait été modulé afin de tenir compte de l'effet réel du comportement de chacune de celles-ci sur la concurrence. Or, ainsi qu'il a été observé au point 68 ci-dessus, il était cohérent et objectivement justifié de se référer au chiffre d'affaires sur le marché en cause pour déterminer la capacité de chaque entreprise concernée à causer un dommage. En cela, la Commission poursuivait également un but de dissuasion en mettant au grand jour le fait qu'elle pénaliserait plus largement les entreprises qui avaient participé à un cartel sur un marché sur lequel elles avaient eu un poids important.

84 Par ailleurs, en plaçant la requérante dans la seconde catégorie d'entreprises concernées et en déterminant un même montant de départ de l'amende pour celle-ci et pour Coats, qui, sur le marché en cause, avait un chiffre d'affaires équivalent, la Commission n'a pas déterminé de façon disproportionnée le montant de départ de l'amende infligée à la requérante, eu égard à la gravité de l'infraction commise par celle-ci et à la nécessité de garantir un effet dissuasif à l'amende infligée. Cette appréciation n'est pas remise en cause par le fait que, en termes de taille, Coats était plus importante que la requérante. En effet, la concurrence sur le marché en cause a été affectée par les agissements de la requérante, ce qui justifie l'appréciation faite par la Commission à ce stade du calcul de l'amende. La Commission n'a donc pas pris en compte un montant disproportionné, eu égard à l'ampleur de l'infraction commise par la requérante sur le marché en cause.

85 En outre, c'est également à tort que la requérante reproche à la Commission d'avoir violé le principe de proportionnalité en ne tenant pas compte de la " disparité de taille " entre les entreprises concernées et en n'appliquant pas un coefficient multiplicateur au montant de départ de l'amende pour les entreprises dont le chiffre d'affaires global est le plus important.

86 En effet, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, la Commission a poursuivi un but de dissuasion en tenant compte du chiffre d'affaires sur le marché en cause et n'a commis aucune violation du principe de proportionnalité lors de la détermination du montant de départ de l'amende.

87 Par ailleurs, la requérante ne saurait se prévaloir du fait qu'aucun coefficient multiplicateur n'a été appliqué au montant de départ de l'amende infligée à Coats afin de garantir un effet dissuasif à celle-ci. Une telle argumentation revient en réalité à inviter le Tribunal à vérifier la légalité du montant de l'amende fixée pour cette entreprise, avec lequelle la requérante compare celui de l'amende qui lui a été infligée. Or, la requérante ne peut se prévaloir d'un droit à agir à cet égard. En effet, il ressort d'une jurisprudence constante que le respect du principe d'égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d'autrui (arrêt de la Cour du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134-84, Rec. p. 2225, point 14 ; arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T-327-94, Rec. p. II-1373, point 160, et du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T-304-02, Rec. p. II-1887, point 113).

88 À cet égard, est dénuée de pertinence la référence faite par la requérante à l'arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission (T-67-00, T-68-00, T-71-00 et T-78-00, Rec. p. II-2501) dans la mesure où, dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la JFE Engineering avait été condamnée à la même amende que d'autres entreprises qui avaient également commis une autre infraction alors que, dans la présente affaire, toutes les entreprises concernées ont commis la même infraction.

89 Les circonstances de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 88 supra, sont différentes du cas d'espèce en ce que la requérante et Coats ont commis la même infraction sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE et que l'illégalité alléguée concerne le stade de l'application éventuelle du coefficient correcteur aux fins de la dissuasion.

- Sur le grief tiré de la violation de l'obligation de motivation

90 Il convient d'examiner l'argument tiré de ce que la Commission n'aurait pas motivé son choix du chiffre d'affaires sur le marché en cause comme critère de répartition des entreprises en catégories en vue de déterminer le montant de départ de l'amende.

91 Il importe de rappeler que la portée de l'obligation de motivation concernant le calcul d'une amende infligée pour violation des règles de concurrence doit être déterminée au regard des dispositions de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 23, paragraphe 3, du règlement nº 1-2003, aux termes desquels, " [p]our déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci ". Or, les exigences de la formalité substantielle que constitue cette obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction. Par ailleurs, les lignes directrices contiennent des règles indicatives sur les éléments d'appréciation dont la Commission tient compte pour mesurer la gravité et la durée de l'infraction. Dans ces conditions, les exigences de la formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation dont elle a tenu compte en application de ses lignes directrices et qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction aux fins du calcul du montant de l'amende (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 décembre 2005, Brouwerij Haacht/Commission, T-48-02, Rec. p. II-5259, point 46).

92 Ainsi qu'il a été observé au point 59 ci-dessus, la Commission a fait mention des raisons qui ont motivé son choix de privilégier le chiffre d'affaires sur le marché concerné et pour le produit concerné par l'entente. Partant, il y a lieu de rejeter le grief tiré de la violation de l'obligation de motivation.

93 À la lumière de ces considérations, il y a lieu de rejeter, dans son ensemble, le moyen tiré d'une détermination erronée du montant de départ de l'amende.

Sur le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'étendue de la coopération de la requérante

Arguments des parties

94 Selon la requérante, la Commission n'a pas suffisamment tenu compte de l'importance effective de sa coopération dans sa réponse à une demande d'information.

95 En premier lieu, la requérante affirme avoir fourni une preuve documentaire des contacts entre les " fournisseurs de fil automobile ", à savoir un tableau établi par son représentant, M. B., qui a été adressé le 9 juin 2004 à la Commission et qui contient les informations de prix détaillées émanant des participants à l'entente, y compris des informations concernant certains clients. La requérante précise que, ainsi qu'il ressort du considérant 228 de la décision attaquée, la Commission a été mise au courant de l'existence de ce tableau, mais que ce dernier n'a pu lui être envoyé que postérieurement à la communication des griefs du 15 mars 2004, en raison de circonstances particulières. En effet, ce retard s'expliquerait par le fait que ce tableau n'aurait été retrouvé par l'épouse de M. B. que le 16 mai 2004 approximativement, ce qui ressortirait de son attestation testimoniale du 9 juin 2004.

96 Premièrement, la requérante affirme que la Commission a prétendu à tort, au considérant 459 de la décision attaquée, n'avoir reçu aucune preuve documentaire de sa part et que, en conséquence, celle-ci a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à l'étendue de sa coopération. Elle estime à cet égard que les preuves documentaires contemporaines ont une force probatoire plus importante et sont donc d'une plus grande valeur pour la Commission que les preuves établies pour les besoins d'une enquête, telles que les attestations testimoniales.

97 Deuxièmement, la requérante fait valoir que le simple fait que son document a été fourni après la communication des griefs n'empêche pas l'octroi d'une réduction substantielle de l'amende au titre de la coopération, en se fondant, à cet égard, sur la décision 98-247-CECA de la Commission, du 21 janvier 1998, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA (Affaire IV/35.814 - Extra d'alliage) (JO L 100, p. 55), et sur la jurisprudence. En effet, la Commission aurait déjà accordé une réduction de 40 % de l'amende infligée à des entreprises dans un cas où la coopération avait été apportée postérieurement à la communication des griefs. La requérante fait également observer qu'elle n'avait aucun moyen de savoir, après la transmission du tableau, si la Commission choisirait d'adresser une nouvelle communication des griefs, de sorte que sa situation était, sur ce plan, analogue à celles des entreprises impliquées dans l'affaire " Extra d'alliage ".

98 Troisièmement, la requérante estime que la Commission aurait pu poursuivre l'enquête compte tenu des informations figurant dans le tableau transmis. Le fait que la Commission ait choisi de ne pas s'appuyer sur ce dernier n'empêcherait nullement l'octroi d'une réduction au titre de la coopération. La requérante fait valoir que le tableau aurait pu avoir un intérêt particulier en l'espèce dans l'hypothèse d'une contestation relative à l'impact de l'entente sur le marché. Elle rappelle à cet égard que l'énumération des circonstances figurant au point D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération n'est qu'indicative et que la Commission bénéficie d'un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'octroi de réduction en application de cette disposition.

99 Partant, la requérante se prévaut d'avoir apporté, dès que possible, une preuve documentaire permettant à la Commission d'établir plus aisément l'infraction et estime que cette délivrance de preuve relève du point D de la communication sur la coopération. De surcroît, rien n'indiquerait que la Commission ait eu en sa possession d'autres documents que le tableau et celle-ci n'aurait pas expliqué les raisons éventuelles pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions lui permettant d'obtenir une réduction de l'amende.

100 En second lieu, la requérante estime que, en fournissant des informations concernant l'entente sur le marché du fil industriel au Royaume-Uni, au risque d'actions civiles en dommages et intérêts, sa coopération a constitué une collaboration effective en dehors du champ d'application de la communication sur la coopération, au sens du point 3, sixième tiret, des lignes directrices. Selon elle, la fourniture d'informations a contribué à établir l'existence d'une autre infraction qui est liée à la présente infraction, une telle coopération étant analogue au fait de fournir, en application du point D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération, des informations relatives à l'infraction pour laquelle l'amende est infligée. Partant, la Commission aurait dû en tenir compte dans la présente affaire.

101 La Commission réfute l'ensemble de ces arguments et conclut au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

102 Dans la communication sur la coopération, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées de l'amende ou bénéficier d'une réduction du montant de l'amende qu'elles auraient normalement dû acquitter (voir point A, paragraphe 3, de la communication sur la coopération).

103 Aux termes du point D, paragraphe 1, de la communication sur la coopération, " [l]orsqu'une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d'une réduction de 10 à 50 % de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération ".

104 Le point D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération précise :

" Tel peut notamment être le cas si :

- avant l'envoi d'une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise,

- après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. "

105 En l'espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a estimé pouvoir accorder à la requérante le bénéfice d'une réduction de 15 % du montant de l'amende, en application du point D, paragraphe 2, premier et second tirets, de la communication sur la coopération (décision attaquée, considérant 463).

106 Pour justifier son appréciation, la Commission a tout d'abord indiqué que les informations, les documents et les autres preuves délivrés par la requérante avant la communication des griefs avaient matériellement contribué à établir l'existence de l'infraction. Elle a ensuite précisé que les informations délivrées par la requérante avaient principalement trait à l'entente sur le marché du fil industriel au Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, à l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE, si bien que ces informations ne lui étaient pas " aussi utiles " s'agissant de cette dernière. Elle a par ailleurs relevé que la requérante avait admis, dans sa première réponse à la demande de renseignements, avoir participé à des réunions pendant lesquels des prix cibles pour les clients de l'industrie automobile avaient été discutés. La Commission a enfin souligné que la requérante n'avait pas contesté de façon substantielle les faits sur lesquels elle avait fondé ses allégations (considérants 457, 458 et 462 de la décision attaquée).

107 En premier lieu, s'agissant du grief tiré de ce que la Commission a erronément apprécié la coopération apportée par la requérante, cette dernière se fonde essentiellement sur une preuve documentaire que la Commission n'aurait pas prise en considération et qui consiste en un tableau conçu par son représentant, comportant des informations sur les prix transmises pour les besoins de l'entente par les entreprises participantes.

108 Au préalable, il y a lieu de considérer que, contrairement à l'affirmation de la requérante, l'assertion de la Commission, figurant au considérant 459 de la décision attaquée, selon laquelle elle " n'a fourni aucune preuve documentaire des contacts entre les fournisseurs de fil automobile " ne constitue nullement une erreur factuelle. En effet, ainsi que la Commission l'a fait observer à juste titre, cette affirmation se réfère clairement à la demande de clémence formulée par la requérante dans le cadre de sa réponse à la demande de renseignements et n'a donc aucunement trait à sa réponse intervenue après la communication des griefs. Or, comme il a été rappelé ci-dessus, la requérante n'avait pas encore transmis de copie du tableau en annexe à sa réponse à la demande de renseignements.

109 Il y a également lieu de relever que les parties ne remettent en cause ni le fait que la Commission a eu connaissance de l'existence de ce tableau avant la communication des griefs, par l'entremise de l'entreprise Coats (considérant 228 de la décision attaquée), ni le fait que la Commission n'a été mise en possession de ce tableau que postérieurement à ladite communication. Il doit également être constaté que, mis à part le tableau conçu par son représentant, la requérante ne se prévaut d'aucune autre preuve ou d'aucun autre renseignement qu'elle aurait transmis à la Commission tendant à démontrer le caractère plus étendu de sa coopération.

110 Il convient de rappeler que la Commission bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et qu'elle peut, à cet égard, tenir compte de multiples éléments, au nombre desquels figure la coopération des entreprises concernées lors de l'enquête conduite par les services de cette institution. Dans ce cadre, la Commission est appelée à effectuer des appréciations factuelles complexes, telles que celles qui portent sur les coopérations respectives desdites entreprises (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C-328-05 P, Rec. p. I-3921, point 81).

111 La Commission jouit, à cet égard, d'une large marge d'appréciation pour évaluer la qualité et l'utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d'autres entreprises (arrêt SGL Carbon/Commission, point 110 supra, point 88).

112 Il faut également relever que, selon la jurisprudence, la réduction des amendes en cas de coopération des entreprises participant à des infractions au droit de la concurrence trouve son fondement dans la considération selon laquelle une telle coopération facilite la tâche de la Commission visant à constater l'existence d'une infraction et, le cas échéant, à y mettre fin (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, point 399, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Finnboard/Commission, T-338-94, Rec. p. II-1617, point 363). Eu égard à la raison d'être de la réduction, la Commission ne peut faire abstraction de l'utilité de l'information fournie, laquelle est nécessairement fonction des éléments de preuve déjà en sa possession.

113 En outre, il convient de préciser que le fait que l'hypothèse d'une transmission d'éléments de preuve après la communication des griefs n'est pas envisagée par le point D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération n'exclut nullement qu'une telle circonstance puisse donner lieu à une réduction de l'amende sur la base de cette même disposition. En effet, l'énumération des types de coopération visés au point D, paragraphe 2, n'est faite qu'à titre indicatif, comme le confirme l'utilisation de l'adverbe " notamment " (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T-45-98 et T-47-98, Rec. p. II-3757, point 274).Par ailleurs, le premier tiret, qui prévoit le cas de la transmission d'éléments de preuve avant la communication des griefs, ne saurait être interprété a contrario comme excluant la possibilité pour la Commission d'accorder une réduction lorsque ces éléments ont été transmis après la communication des griefs.

114 Cette analyse est confirmée par l'arrêt de la Cour du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission (C-65-02 P et C-73-02 P, Rec. p. I-6773, point 59), dans la mesure où la Cour y a admis que la Commission puisse prendre en compte la reconnaissance par des entreprises de la qualification juridique des faits reprochés intervenue à un stade avancé de la procédure, cela revenant en fin de compte à reconnaître l'infraction. Or, cette hypothèse est évoquée aux points B et C de la communication sur la coopération, mais n'est pas explicitement envisagée à son point D. Toutefois, la Cour a considéré qu'il n'existait aucune objection à ce qu'une entreprise soit récompensée pour une telle reconnaissance, même si celle-ci est intervenue à un stade plus avancé de la procédure que celui visé par les points B et C de la communication sur la coopération. En optant pour une telle solution, la Cour confirme le principe plus général selon lequel la clémence est une récompense accordée par la Commission pour avoir facilité l'établissement de l'infraction, et ce quel que soit le stade auquel est intervenue l'aide fournie par l'entreprise, que cette aide ait consisté en la fourniture d'informations nouvelles et d'éléments de preuve nouveaux, ou en la reconnaissance d'éléments factuels ou de la qualification juridique de ces derniers.

115 Il s'ensuit que, en l'espèce, la question de savoir si la requérante mérite d'être davantage récompensée pour avoir fourni, après la communication des griefs, le tableau comportant des informations sur les prix transmises par les entreprises participantes pour les besoins de l'entente dépend principalement de la qualité et de l'utilité de cette coopération, que la Commission évalue dans le cadre de sa large marge d'appréciation, telle que rappelée aux points 110 et 111 ci-dessus. Dans le cadre d'une appréciation d'ensemble, la Commission peut également tenir compte de la circonstance que la requérante ne lui a communiqué les documents qu'après la réception de la communication des griefs (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T-23-99, Rec. p. II-1705, point 365), sans toutefois pouvoir la considérer comme déterminante pour minimiser la coopération fournie par une entreprise en vertu du point D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération. Il convient dès lors de déterminer concrètement, tant au regard de la qualité et de l'utilité du document que du moment où celui-ci a été transmis, si la Commission a commis une erreur manifeste dans son appréciation du degré de coopération fourni par la requérante.

116 À cet égard, il importe de relever que la requérante n'a pas remis en cause le constat selon lequel l'existence de l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE avait été établie dans tous ses éléments essentiels à partir des informations fournies par Coats et que, au considérant 455 de la décision attaquée, la Commission a énuméré les preuves fournies par cette dernière entreprise qui avaient été utilisées à l'appui de nombreux points de la communication des griefs. En particulier, il ressort du point 189 de la communication des griefs du 15 mars 2004 que Coats a déclaré, d'une part, que les participants avaient été invités à transmettre au représentant de la requérante, M. B., les prix les plus élevés et ceux les moins élevés appliqués aux produits de base, afin de définir des prix minimaux pour ces produits, et, d'autre part, que ces données étaient reprises dans un tableau conçu par M. B. De même, le point 192 de la communication des griefs contient les déclarations de Coats portant sur l'existence de discussions dont a fait l'objet ce tableau lors d'une réunion à l'aéroport de Zurich, sur les produits concernés et sur l'existence d'un consensus sur le prix à atteindre. Ces considérations formulées dans la communication des griefs ont été reprises respectivement aux considérants 228 et 233 de la décision attaquée.

117 Il apparaît ainsi que, dans la décision attaquée, la Commission ne s'est pas appuyée sur le document lui-même, mais sur la description par Coats des circonstances dans lesquelles le tableau a été élaboré et sur le souvenir que Coats avait du contenu de celui-ci.

118 La requérante ne saurait dès lors valablement soutenir que le tableau fourni par son représentant après la communication des griefs ait été d'une utilité telle qu'il justifierait une réduction supplémentaire du montant de l'amende qui lui a été infligée.

119 Partant, la Commission n'a commis aucune erreur manifeste dans l'exercice de sa large marge d'appréciation de la coopération apportée par la requérante.

120 Les circonstances particulières, invoquées par la requérante, dans lesquelles la preuve documentaire a été fournie ne sauraient remettre en cause cette considération. À supposer même que ces circonstances témoignent d'un véritable esprit de coopération dans le chef de la requérante, il n'en reste pas moins que ce document n'a été d'aucune utilité pour la Commission pour fonder sa décision. Pour cette raison, l'argumentation de la requérante tirée de la décision " Extra d'alliage " (point 97 supra) ne saurait davantage prospérer.

121 En outre, il convient de rejeter l'argument tiré du fait que la Commission n'a pas expliqué les raisons pour lesquelles la fourniture du tableau par la requérante ne remplissait pas les conditions permettant à cette dernière d'obtenir une réduction de l'amende. En effet, il ressort implicitement mais certainement des considérants 228 et 233 de la décision attaquée que le tableau transmis par la requérante n'a été d'aucune utilité à la Commission.

122 En second lieu, la requérante soutient à tort que le fait qu'elle a délivré des informations concernant l'entente sur le marché du fil industriel au Royaume-Uni aurait dû être récompensé au titre d'une collaboration effective en dehors du champ d'application de la communication sur la coopération, au sens du point 3, sixième tiret, des lignes directrices, lors du calcul de l'amende qui lui a été infligée pour l'infraction sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE.

123 Ainsi qu'il a été mentionné au point 106 ci-dessus, la Commission a estimé, au considérant 458 de la décision attaquée, que les informations délivrées par la requérante avaient principalement trait à l'entente sur le marché du fil industriel au Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, à l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE.

124 Il importe également de rappeler que ni la requérante ni aucune autre entreprise concernée ne se s'est vu infliger d'amende pour sa participation à l'infraction sur le marché du fil industriel au Royaume-Uni au motif que la prescription pour l'imposition des sanctions était acquise.

125 Il s'ensuit que la délivrance d'informations relatives au marché du Royaume-Uni ne saurait, en l'espèce, relever du point D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération. En effet, ne constitue pas une coopération relevant du champ d'application de la communication sur la coopération le fait pour une entreprise de mettre à la disposition de la Commission des informations relatives à des actes pour lesquels elle n'aurait pas dû acquitter d'amende au titre du règlement n° 17 et du règlement n° 1-2003 (arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 66 supra, point 297, et du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T-101-05 et T-111-05, Rec. p. II-4949, point 222).

126 Il y a dès lors lieu d'examiner si, comme le soutient la requérante, la délivrance de ces informations est constitutive d'une collaboration effective en dehors du champ d'application de la communication au sens du point 3, sixième tiret, des lignes directrices. À cet égard, ainsi qu'il a été rappelé au point 112 ci-dessus, une réduction du montant de l'amende au titre d'une coopération lors de la procédure administrative n'est justifiée que si le comportement de l'entreprise en cause a permis à la Commission de constater l'existence d'une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d'y mettre fin.

127 Force est de constater à cet égard que la requérante ne démontre nullement que les informations relatives à l'entente sur le marché du fil industriel au Royaume-Uni ont permis à la Commission de constater l'existence de l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE avec plus de facilité et lui ont donc été utiles.

128 En outre, la requérante n'a nullement contesté le fait que l'infraction commise sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE et celle commise sur le marché du fil industriel au Royaume-Uni étaient distinctes et ne constituaient pas une infraction unique et continue.

129 Or, il y a lieu de considérer que la " collaboration effective de l'entreprise à la procédure " au sens du point 3, sixième tiret, des lignes directrices doit se comprendre, dans le contexte des lignes directrices et de la communication sur la coopération, comme la collaboration effective de l'entreprise à la procédure administrative spécifique qui concerne l'infraction présumée pour laquelle ladite procédure a été mise en œuvre, en l'occurrence l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE. Le fait qu'une autre procédure administrative ait été menée simultanément pour une autre infraction, à savoir celle sur le marché du fil industriel au Royaume-Uni, ne saurait remettre en cause ce constat. Il n'en aurait été autrement que si, au terme de l'enquête, la Commission avait conclu à l'existence d'une infraction unique et continue, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

130 Partant, dès lors que les informations relatives au Royaume-Uni ont été fournies dans le cadre de la procédure administrative relative à une autre infraction et que, de surcroît, la requérante n'a nullement remis en cause le fait que ces informations n'avaient été d'aucune utilité pour permettre à la Commission de constater l'existence de l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE avec moins de difficulté, la requérante ne saurait valablement revendiquer le bénéfice d'une réduction supplémentaire du montant de l'amende qui lui a été infligée au titre d'une prétendue collaboration effective en dehors du champ d'application de la communication sur la coopération.

131 Par conséquent, est également dénué de pertinence l'argument de la requérante selon lequel il fallait prendre en compte le fait que, en fournissant des informations concernant l'entente au Royaume-Uni, elle s'était exposée à des actions civiles en dommages et intérêts.

132 Il s'ensuit que le moyen tiré d'une appréciation erronée de la coopération doit être rejeté.

133 Il résulte des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

134 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Oxley Threads Ltd est condamnée aux dépens.