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Décisions

TUE, 5e ch., 28 avril 2010, n° T-452/05

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Belgian Sewing Thread NV

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vilaras

Juges :

MM. Prek (rapporteur), M. Ciuca

Avocats :

Mes Gilliams, Bocken

TUE n° T-452/05

28 avril 2010

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

Antécédents du litige

1. Objet du litige

1 Par décision C(2005)3452, du 14 septembre 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/38.337-PO/Fil, ci-après la " décision attaquée "), telle que modifiée par la décision C(2005)3765 de la Commission, du 13 octobre 2005, et dont un résumé est publié au Journal officiel de l'Union européenne du 26 janvier (JO 2008 C 21, p. 10), la Commission des Communautés européennes a constaté que la requérante, Belgian Sewing Thread (BST) NV, avait participé à un ensemble d'accords et de pratiques concertées sur le marché du fil industriel à l'exclusion du secteur automobile, dans les pays du Benelux ainsi qu'au Danemark, en Finlande, en Suède et en Norvège (ci-après les " pays nordiques "), pour la période allant de juin 1991 à septembre 2001.

2 La Commission a infligé une amende d'un montant de 0,979 million d'euro à la requérante pour sa participation au cartel concernant le marché du fil industriel à l'exclusion du secteur automobile dans les pays du Benelux et les pays nordiques.

2. Procédure administrative

3 Les 7 et 8 novembre 2001, la Commission a effectué des vérifications, en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), dans les locaux de plusieurs producteurs de fil. Ces vérifications faisaient suite à des renseignements fournis en août 2000 par The English Needle & Tackle Co.

4 Le 26 novembre 2001, Coats Viyella plc (ci-après " Coats ") a déposé une demande de clémence au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération "), à laquelle étaient jointes des pièces produites en vue de prouver l'existence des ententes suivantes : premièrement, une entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'Espace économique européen (EEE), deuxièmement, une entente sur le marché du fil destiné à l'industrie au Royaume-Uni et, troisièmement, une entente sur le marché du fil industriel à l'exclusion du secteur automobile dans les pays du Benelux ainsi que les pays nordiques (ci-après l' " entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques ").

5 Sur la base des documents emportés lors des inspections et de ceux communiqués par Coats, la Commission a adressé aux entreprises concernées des demandes de renseignements en mars et en août 2003, conformément à l'article 11 du règlement n° 17.

6 Le 15 mars 2004, la Commission a adopté une communication des griefs qu'elle a adressée à plusieurs entreprises en raison de leur participation à une ou à plusieurs des ententes visées au point 4 ci-dessus, dont celle sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques. Toutes les entreprises ont eu accès au dossier d'instruction de la Commission sous la forme d'une copie sur CD-ROM qui leur a été envoyée le 7 avril 2004.

7 Toutes les entreprises destinataires de la communication des griefs ont présenté des observations écrites.

8 Une audition s'est tenue les 19 et 20 juillet 2004.

9 Le 24 septembre 2004, les parties se sont vu accorder l'accès à la version non confidentielle des réponses à la communication des griefs et aux observations des parties lors de l'audition ainsi qu'un délai pour émettre d'autres observations.

10 Le 14 septembre 2005, la Commission a adopté la décision attaquée.

3. Décision attaquée

Définition du marché en cause

11 Dans la décision attaquée, une distinction est opérée entre le fil destiné à l'industrie automobile, d'une part, et le fil industriel à l'exclusion du secteur automobile, d'autre part. Dans la même décision attaquée, la Commission a indiqué que le marché de produits au regard duquel avait été examinée l'infraction reprochée à la requérante est celui du fil industriel.

12 Le marché géographique concerné par l'infraction reprochée à la requérante est celui des pays du Benelux et des " pays nordiques.

Taille et structure du marché en cause

13 Dans la décision attaquée, la Commission a précisé que le chiffre de ventes dans le marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques était de plus ou moins 50 millions d'euro en 2000 et de plus ou moins 40 millions d'euro en 2004.

14 La Commission a également indiqué que, à la fin des années 90, les principaux fournisseurs de fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques étaient notamment la requérante, Gütermann AG (ci-après " Gütermann "), Zwicky & Co. AG (ci-après " Zwicky "), Amann und Söhne GmbH & Co. KG (ci-après " Amann "), Barbour Threads Ltd (ci-après " Barbour ") avant son acquisition par Coats, et Coats.

Description des comportements infractionnels

15 La Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que l'infraction reprochée à la requérante relative au marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques avait été commise au cours des années 1990 à 2001.

16 Selon la Commission, les entreprises concernées se sont rencontrées au moins une fois par an et ces réunions ont été organisées en deux sessions, l'une consacrée au marché des pays du Benelux, l'autre à celui des pays nordiques, l'objectif principal de celles-ci étant de maintenir les prix à un niveau élevé sur chacun de ces deux marchés.

17 Les participants auraient échangé des listes de prix et des informations sur les rabais, sur l'application d'augmentations de prix catalogue, sur des baisses de rabais et sur l'augmentation de prix spéciaux applicables à certains clients. Auraient également été conclus des accords sur les futures listes de prix, sur le taux maximal de rabais, sur les diminutions de rabais et sur l'augmentation des prix spéciaux applicables à certains clients ainsi que des accords visant à éviter de se faire concurrence par les prix à l'avantage du fournisseur attitré et à se répartir les clients (considérants 99 à 125 de la décision attaquée).

Dispositif de la décision attaquée

18 À l'article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission a constaté que huit entreprises, dont la requérante, avaient enfreint l'article 81 CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en participant à un ensemble d'accords et de pratiques concertées sur le marché du fil industriel dans les pays du Benelux et dans les pays nordiques, pour la période allant de juin 1991 à septembre 2001 en ce qui concerne la requérante.

19 Aux termes de l'article 2, premier alinéa, de la décision attaquée, des amendes ont été infligées, pour l'entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, notamment aux entreprises suivantes :

- Coats : 15,05 millions d'euro ;

- Amann : 13,09 millions d'euro ;

- la requérante : 0,979 million d'euro ;

- Gütermann : 4,021 millions d'euro ;

- Zwicky : 0,174 million d'euro.

20 À l'article 3 de la décision attaquée, la Commission a enjoint les entreprises visées de mettre immédiatement fin aux infractions qu'elle avait constatées, si elles ne l'avaient déjà fait. Elle les a également obligées à s'abstenir de reproduire tout acte visé à l'article 1er de la décision attaquée et tout acte ou pratique ayant un objet ou un effet équivalent.

4. Procédure et conclusions des parties

21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 2005, la requérante a introduit le présent recours.

22 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

23 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler l'article 1er de la décision attaquée, en ce qui la concerne ;

- annuler l'article 2 de la décision attaquée dans la mesure où la Commission lui inflige une amende de 0,979 million d'euro ou, à titre subsidiaire, réduire de manière substantielle le montant de cette amende ;

- condamner la Commission à l'indemniser du préjudice subi, dans la mesure indiquée dans la requête ;

- désigner un expert afin de déterminer la partie du dommage qui ne peut encore être chiffré ;

- condamner la Commission aux dépens.

24 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours en annulation ;

- rejeter le recours en réparation du préjudice comme non fondé ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

25 Le présent recours comporte, d'une part, une demande en annulation partielle de la décision attaquée ou, à titre subsidiaire, une demande tendant à la réduction du montant de l'amende infligée et, d'autre part, une demande en indemnité.

1. Sur la demande en annulation de l'article 1er de la décision attaquée en ce qui concerne la requérante

Observations liminaires

26 À titre liminaire, il convient d'observer que, dans le cadre du premier moyen avancé à l'appui de sa demande en annulation de l'article 1er de la décision attaquée, la requérante prétend que les faits constitutifs de l'infraction qu'elle ne conteste pas avoir commis ne sauraient être assimilés à l'infraction " très grave " qui lui est reprochée à l'article 1er de la décision attaquée. Elle soutient à cet égard que l'infraction qu'elle admet avoir commise doit être distinguée des infractions commises par les autres entreprises. Elle fait ainsi valoir, en substance, que l'infraction dont elle est l'auteur ne relève pas de l'infraction unique et continue sur le marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques visée audit article 1er. Partant, il y a lieu de considérer que, par ces arguments, la requérante conteste l'existence de l'infraction qui lui est reprochée.

27 Toutefois, une grande partie de l'argumentation développée par la requérante dans le cadre de ce même moyen a trait à l'appréciation faite par la Commission de la gravité de l'infraction et à la fixation corrélative du montant de l'amende, au regard du rôle individuel de la requérante dans cette infraction. Une telle argumentation ne porte donc pas sur l'existence même de l'infraction, mais vise à contester l'amende et son montant. Partant, c'est dans le cadre des moyens consacrés à l'annulation ou à la réduction de l'amende que cette argumentation sera analysée.

Arguments des parties

28 Bien que la requérante ne remette pas en cause la matérialité des faits mentionnés dans la communication des griefs du 15 mars 2004, elle conteste que les faits qui lui sont reprochés puissent être assimilés à l'infraction commise par les entreprises qui ont conçu et organisé ladite infraction. Elle fait valoir à cet égard que l'entente a été conçue et organisée par d'autres entreprises sans qu'elle soit impliquée dans ces opérations.

29 La Commission conclut au rejet de ce moyen.

Appréciation du Tribunal

30 Il convient d'examiner l'argument de la requérante qui soutient, en substance, que les faits qui lui sont reprochés ne pouvaient être considérés comme relevant de l'infraction unique et continue sur le marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques constatée à l'article 1er de la décision attaquée et qu'ils auraient donc dû être appréciés de façon distincte et spécifique.

31 Il ressort, tout d'abord, de la jurisprudence que, eu égard à la nature des infractions aux règles de la concurrence ainsi qu'à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s'y rattachent, la responsabilité pour la commission de ces infractions a un caractère personnel. En effet, les accords et les pratiques concertées visés à l'article 81, paragraphe 1, CE résultent nécessairement du concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs de l'infraction, mais dont la participation peut revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d'exécution choisies ou envisagées. Toutefois, la simple circonstance que chaque entreprise participe à l'infraction dans des formes qui lui sont propres ne suffit pas pour exclure sa responsabilité pour l'ensemble de l'infraction, y compris pour les comportements qui sont matériellement mis en œuvre par d'autres entreprises participantes, mais qui partagent le même objet ou le même effet anticoncurrentiel (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, points 78 à 80).

32 Ainsi, une entreprise peut être tenue pour responsable d'une entente globale même s'il est établi qu'elle n'a participé directement qu'à un ou plusieurs des éléments constitutifs de celle-ci, dès lors, d'une part, qu'elle savait, ou devait nécessairement savoir, que la collusion à laquelle elle participait, en particulier au travers de réunions régulières organisées pendant plusieurs années, s'inscrivait dans un dispositif d'ensemble destiné à fausser le jeu normal de la concurrence et, d'autre part, que ce dispositif recouvrait l'ensemble des éléments constitutifs de l'entente (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T-48-00, Rec. p. II-2325, point 176). De même, le fait que différentes entreprises aient joué des rôles différents dans la poursuite d'un objectif commun n'élimine pas l'identité de l'objet anticoncurrentiel et, partant, de l'infraction, à condition que chaque entreprise ait contribué, à son propre niveau, à la poursuite de l'objectif commun (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25-95, T-26-95, T-30-95 à T-32-95, T-34-95 à T-39-95, T-42-95 à T-46-95, T-48-95, T-50-95 à T-65-95, T-68-95 à T-71-95, T-87-95, T-88-95, T-103-95 et T-104-95, Rec. p. II-491, point 4123).

33 Enfin, dès lors que des accords et des pratiques concertées constatés se sont inscrits, en raison de leur objet identique, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d'objectifs de prix et de quotas, systèmes qui se sont inscrits à leur tour dans une série d'efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l'évolution des prix, il serait artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes, alors qu'il s'agit au contraire d'une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées. Une entreprise ayant participé à une telle infraction par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d'accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l'infraction dans son ensemble était également responsable, pour toute la période de sa participation à ladite infraction, des comportements mis en œuvre par d'autres entreprises dans le cadre de la même infraction. Tel est, en effet, le cas lorsqu'il est établi que l'entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants, ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter le risque. Une telle conclusion ne contredit pas le principe selon lequel la responsabilité pour de telles infractions a un caractère personnel. En effet, elle répond à une conception largement répandue dans les ordres juridiques des États membres quant à l'imputation de la responsabilité pour des infractions commises par plusieurs auteurs en fonction de leur participation à l'infraction dans son ensemble qui, dans ces systèmes juridiques, n'est pas considérée comme contraire au caractère personnel de la responsabilité (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 31 supra, points 82 à 84).

34 Il convient donc de déterminer si les faits reprochés à la requérante s'inscrivent dans un dispositif d'ensemble destiné à fausser le jeu normal de la concurrence sur le marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques et relèvent donc bien de l'infraction unique et continue que constitue l'entente sur ce marché.

35 À cet égard, la requérante ne conteste pas avoir participé à des réunions relatives au marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques. Elle ne remet pas non plus en cause le fait que, au cours de ces réunions, les participants ont échangé des listes de prix et des informations sur les rabais, sur l'application d'augmentations de prix catalogue, sur des baisses de rabais et sur l'augmentation de prix spéciaux applicables à certains clients, ont conclu des accords sur les futures listes de prix, sur le taux maximal de rabais, sur les diminutions de rabais et sur l'augmentation des prix spéciaux applicables à certains clients, visant à éviter de se faire concurrence par les prix à l'avantage du fournisseur attitré et à se répartir les clients, et ont établi des contacts visant à inciter les fournisseurs qui ne participaient pas à ces réunions à le faire.

36 De plus, la requérante reconnaît avoir participé à ces réunions tout en ayant eu conscience que les organisateurs de celles-ci avaient l'intention de l'impliquer dans des accords anticoncurrentiels. Elle déclare même qu'elle s'attendait à ce que la Commission constate une infraction la concernant.

37 En outre, selon la jurisprudence, il suffit que la Commission démontre que l'entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s'y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de ladite entreprise à l'entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d'avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu'elle avait indiqué à ses concurrents qu'elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C-199-92 P, Rec. p. I-4287, point 155, et Commission/Anic Partecipazioni, point 31 supra, point 96). La raison qui sous-tend ce principe de droit est que, ayant participé auxdites réunions sans se distancier publiquement de leur contenu, l'entreprise a donné à penser aux autres participants qu'elle souscrivait à leur résultat et qu'elle s'y conformerait. Cela vaut également pour la participation d'une entreprise à la mise en œuvre d'un accord unique. Afin d'établir la participation d'une entreprise à un tel accord, la Commission doit prouver que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l'ensemble des participants et qu'elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d'autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter le risque (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 31 supra, point 87).

38 Or, la requérante n'a pas démontré qu'elle avait indiqué à ses concurrents qu'elle participait auxdites réunions dans une optique différente de la leur.

39 Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a, à bon droit, considéré que la requérante était responsable de l'infraction unique qui a été commise sur le marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques telle que visée à l'article 1er de la décision attaquée.

40 Partant, le moyen par lequel la requérante conteste avoir commis l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée doit être rejeté.

2. Sur la demande en annulation de l'article 2 de la décision attaquée en ce qui concerne la requérante ou, à titre subsidiaire, de réduction du montant de l'amende

41 La requérante invoque, en substance, quatre moyens visant à contester l'amende et son montant. Le premier est tiré de l'appréciation erronée de l'infraction en cause comme étant " très grave ". Le deuxième, contenant quatre griefs, a trait à la fixation erronée du montant de départ et au classement erroné de la requérante dans la deuxième catégorie en raison d'un défaut de prise en compte, respectivement, de la taille du marché concerné, de la capacité économique effective à porter atteinte à la concurrence, de la situation de la requérante par rapport aux autres entreprises et de la situation financière précaire de cette dernière. Le troisième est tiré de l'appréciation erronée des circonstances atténuantes. Le quatrième est tiré de l'appréciation erronée de la coopération.

Sur le moyen tiré de la qualification erronée de l'infraction de " très grave "

Arguments des parties

42 La requérante fait valoir que la Commission a erronément qualifié l'infraction qui lui est reprochée de " très grave ". Elle reproche à la Commission d'avoir considéré qu'elle ne devait pas tenir compte des circonstances spécifiques portant uniquement sur son rôle personnel. La Commission n'aurait donc pas tenu compte de son rôle particulier dans l'infraction en cause et des circonstances concrètes de sa participation aux réunions relatives au marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques. À cet égard, la requérante fait valoir qu'elle n'a joué absolument aucun rôle dans la conception et l'organisation de l'infraction en cause, n'a pas eu pour but, en participant auxdites réunions, de conclure des accords anticoncurrentiels et n'a jamais mis en œuvre les accords conclus au cours de ces réunions.

43 La Commission demande que ce moyen soit rejeté comme non fondé.

Appréciation du Tribunal

44 Tout d'abord, ainsi qu'il a été observé dans le cadre du moyen tendant à la contestation de l'infraction et, en particulier, au point 39 ci-dessus, la Commission a considéré à bon droit que la requérante avait participé à l'infraction unique et continue sur le marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques visée à l'article 1er de la décision attaquée.

45 Ensuite, l'infraction unique et continue sur le marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques a consisté essentiellement pour les entreprises concernées à échanger des informations sensibles sur les listes de prix et/ou les prix par client, à s'entendre sur des hausses de prix et/ou des prix cibles, à éviter de se faire concurrence par les prix à l'avantage du fournisseur attitré et à se répartir les clients (considérants 99 à 125 et 345 de la décision attaquée). De telles pratiques constituent une restriction horizontale de type " cartel de prix " au sens des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5 [CA] (JO C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices "), et constituent ainsi une infraction " très grave " par nature. La Commission n'a donc pas commis d'erreur en qualifiant une telle infraction de " très grave ".

46 Enfin, les arguments avancés par la requérante pour contester la gravité des faits qui lui sont reprochés portent sur son rôle individuel dans l'infraction en cause et ne sauraient donc remettre en cause la qualification de cette dernière de " très grave ". En effet, de tels arguments procèdent d'une confusion entre l'appréciation de la gravité de l'infraction, qui sert à déterminer le niveau de départ général de l'amende, et celle de la gravité relative de la participation de chacune des entreprises concernées, cette dernière question devant être examinée dans le cadre de l'éventuelle application de circonstances aggravantes ou atténuantes.

47 Il convient également de rejeter l'argument de la requérante selon lequel le montant de départ général de l'amende fixé corrélativement à la gravité générale de l'infraction doit être lié à sa participation individuelle à cette dernière.

48 En effet, tandis que le montant de départ de l'amende est fixé en fonction de l'infraction, la gravité relative de celle-ci est déterminée par référence à de nombreux autres facteurs, pour lesquels la Commission dispose d'une marge d'appréciation (arrêt de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C-308-04 P, Rec. p. I-5977, point 71). En outre, il ressort des lignes directrices que l'appréciation de la gravité de l'infraction est effectuée en deux étapes. Dans un premier stade, la gravité générale est appréciée uniquement en fonction des éléments propres à l'infraction tels que sa nature et son impact sur le marché et, dans un second stade, l'appréciation de la gravité relative est modulée en fonction des circonstances propres à l'entreprise concernée, ce qui amène par ailleurs la Commission à prendre en considération non seulement des éventuelles circonstances aggravantes, mais également, le cas échéant, des circonstances atténuantes. Cette démarche permet, dans le cadre notamment d'infractions impliquant plusieurs entreprises, de tenir compte, dans l'appréciation de la gravité de l'infraction, du rôle différent joué par chaque entreprise et de son attitude vis-à-vis de la Commission pendant le déroulement de la procédure (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T-202-98, T-204-98 et T-207-98, Rec. p. II-2035, point 109). Ainsi, à le supposer négligeable, le rôle individuel de la requérante ne saurait remettre en cause la qualification de " très grave " de l'infraction unique.

49 L'argument de la requérante selon lequel sa participation aux réunions se serait inscrite dans une perspective de vente de l'entreprise et qu'elle n'avait donc nullement l'intention d'y conclure des accords anticoncurrentiels ne saurait davantage prospérer. En effet, l'éventualité d'une vente ne saurait en rien justifier la participation à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel. En outre, il y a lieu de rejeter l'argument de la requérante selon lequel sa participation aux réunions avait également résulté d'une forte pression exercée par d'autres entreprises concernées. D'une part, l'existence de ces prétendues pressions ne change rien à la gravité de l'infraction à laquelle la requérante a participé. D'autre part, à supposer même que la requérante ait subi des pressions, elle ne saurait se prévaloir de cette circonstance, dès lors qu'elle aurait pu dénoncer lesdites pressions aux autorités compétentes et introduire auprès de la Commission une plainte en application de l'article 3 du règlement n° 17, plutôt que de participer aux activités en question (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T-62-02, Rec. p. II-5057, point 63).

50 En conclusion, le moyen tiré de la qualification erronée de " très grave " de l'infraction doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de la fixation erronée du montant de départ de l'amende et du montant de l'amende ainsi que du classement erroné de la requérante dans la deuxième catégorie

Arguments des parties

51 Quatre griefs sont invoqués à l'appui du moyen tiré de la fixation erronée du montant de départ de l'amende et du montant de l'amende ainsi que du classement erroné de la requérante dans la deuxième catégorie. Ils sont relatifs, respectivement, à l'absence de prise en compte de la petite taille du marché en cause, à l'appréciation erronée de la capacité économique effective de la requérante à causer un préjudice à la concurrence, au caractère disproportionné du montant de départ de l'amende infligée à la requérante en comparaison de ceux appliqués à d'autres entreprises et au défaut de prise en compte de sa situation financière déficitaire.

52 En premier lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte la faible taille du marché en cause et, en conséquence, d'avoir fixé un montant de départ de l'amende trop élevé au regard de ladite taille. Selon elle, la Commission a tenu compte de la petite taille du marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE en fixant le montant de départ pour le calcul des amendes à 5 millions d'euro pour un marché évalué à 20 millions d'euro en 1999. Or, s'agissant du marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques, la Commission aurait fixé le montant de départ pour le calcul des amendes à 14 millions d'euro pour un marché évalué à 40 millions d'euro en 2004.

53 La requérante soutient également que la Commission a erronément évalué le marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques à 40 millions d'euro en 2004 en ce qu'elle n'a pas tenu compte du fait que la majeure partie du fil industriel vendu dans l'EEE était achetée par des opérateurs l'exportant vers des entreprises établies en dehors de l'EEE. Elle affirme que le chiffre d'affaires représentant les exportations de produits finis aurait dû être déduit du chiffre d'affaires de 40 millions d'euro et que le marché en cause aurait ainsi dû être évalué à moins de 20 millions d'euro. La requérante conclut que, en omettant de tenir compte de la petite taille de ce marché lors de la fixation du montant de départ pour le calcul des amendes, la Commission a violé les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité. Elle estime en outre que la décision est insuffisamment motivée sur ce point.

54 En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission d'avoir apprécié de manière erronée sa capacité économique effective à créer un dommage important aux autres opérateurs, en particulier les consommateurs. Selon elle, la Commission devait tenir compte de sa part de marché et du " chiffre d'affaires global qu'elle réalise sur les articles concernés ".

55 Premièrement, la requérante soutient que la Commission fait valoir à tort que la capacité économique effective des entreprises concernées à causer un préjudice à la concurrence pouvait être évaluée sur la base des livraisons effectuées dans le marché en cause. Selon elle, la Commission n'a pas apporté de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle elle détiendrait, sur le marché en cause, un pouvoir de marché correspondant au chiffre d'affaires qu'elle réalise dans les pays du Benelux et les pays nordiques. Elle fait valoir que l'influence exercée par les entreprises concernées sur la concurrence ne saurait être évaluée correctement sans tenir compte des quatre circonstances spécifiques caractérisant le marché. Tout d'abord, la plus grande partie des fils vendus dans les pays du Benelux et dans les pays nordiques seraient destinés à être immédiatement exportée. Ensuite, les fils industriels feraient l'objet d'échanges commerciaux intensifs. En outre, il n'existerait aucune entrave technique ou règlementaire au commerce des fils. Enfin, les fils seraient faciles à entreposer et à transporter. La Commission aurait, par ailleurs, reconnu l'existence de ces circonstances sans pour autant en tirer les conséquences lors de son appréciation de sa capacité économique effective à causer un préjudice à la concurrence. Deuxièmement, la requérante estime que la Commission n'a pas tenu compte de la part de marché des entreprises concernées. Troisièmement, la requérante prétend que la Commission n'a pas non plus tenu compte du fait que la requérante n'était pas " intégrée verticalement " et ne possédait donc pas de capacité de production en dehors de l'EEE. Quatrièmement, la requérante se réfère à la décision 2002-759-CE de la Commission, du 5 décembre 2001, relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE (affaire COMP/37.800/F3 - Brasseries luxembourgeoises) (JO 2002 L 253, p. 21), dans laquelle des montants nettement moins élevés auraient été appliqués par la Commission.

56 En troisième lieu, la requérante estime que le montant de départ de l'amende qui lui a été infligée est beaucoup trop élevé en comparaison des montants de départ des amendes qui ont été appliquées aux autres entreprises concernées, et ce en raison de son rôle différent joué dans l'infraction en cause, de la taille des autres entreprises concernées et de leur pouvoir de marché supérieur au sien. Le mode de calcul appliqué par la Commission se fonderait sur l'hypothèse dénuée de fondement et non motivée selon laquelle elle détenait un pouvoir de marché correspondant au chiffre d'affaires réalisé sur le marché en cause. À supposer même que la Commission ait pu légitimement se limiter audit chiffre d'affaires, celui-ci aurait été pris en considération de manière disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation (à savoir l'intégration verticale, la capacité de production dans les pays à bas salaire et l'importance des importations provenant de ces pays), ce qui aurait donné lieu à la fixation d'un montant de départ de l'amende excessif. La requérante relève enfin que, même après application de la règle du plafond de 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction et après la réduction liée à la coopération, l'amende qui lui a été infligée représente 8 % de son chiffre d'affaires mondial de 2004 alors que l'amende infligée au " leader du marché " représente à peine 1,1 % de son chiffre d'affaires mondial.

57 En quatrième lieu, la requérante soutient que le montant de départ de l'amende qui lui a été infligée est manifestement trop élevé au regard de sa situation financière précaire reflétée par son très faible chiffre d'affaires.

58 La Commission réfute l'ensemble de ces arguments et demande que le moyen soit rejeté.

Appréciation du Tribunal

- Sur le grief tiré de l'absence de prise en compte de la petite taille du marché en cause

59 Premièrement, la requérante soutient, en substance, que la Commission n'a pas pris en compte la taille du marché en cause et a ainsi fixé un montant de départ pour le calcul des amendes qui est disproportionné au regard de ladite taille.

60 Il importe de relever, au préalable, que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Dans le contexte du calcul des amendes, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments et il ne faut attribuer à aucun de ces éléments une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation. Le principe de proportionnalité implique dans ce contexte que la Commission doit fixer l'amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l'infraction et qu'elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43-02, Rec. p. II-3435, points 226 à 228).

61 S'agissant du reproche fait à la Commission de ne pas avoir pris en compte la taille du marché en cause, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, la Commission peut infliger des amendes aux entreprises dont le montant n'excède pas 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction. Pour déterminer le montant de l'amende à l'intérieur de cette limite, ces dispositions prescrivent la prise en considération de la gravité et de la durée de l'infraction. En outre, conformément aux lignes directrices, la Commission fixe le montant de départ de l'amende en fonction de la gravité de l'infraction en tenant compte de la nature même de l'infraction, de son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et de l'étendue du marché géographique.

62 Ainsi, ni le règlement n° 17, ni le règlement n° 1-2003, ni les lignes directrices ne prévoient que le montant des amendes doit être fixé directement en fonction de la taille du marché affecté, ce facteur n'étant qu'un élément pertinent parmi d'autres. Ce cadre juridique n'impose donc pas, en tant que tel, à la Commission de tenir compte de la faible taille du marché des produits (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T-322-01, Rec. p. II-3137, point 148).

63 Cependant, selon la jurisprudence, lors de l'appréciation de la gravité d'une infraction, il incombe à la Commission de tenir compte d'un grand nombre d'éléments dont le caractère et l'importance varient selon le type d'infraction en cause et les circonstances particulières de l'infraction concernée (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 120). Parmi ces éléments attestant de la gravité d'une infraction, il ne peut être exclu que puisse figurer, selon le cas, la taille du marché du produit.

64 Par conséquent, si la taille du marché peut constituer un élément à prendre en considération pour établir la gravité de l'infraction, son importance varie en fonction du type d'infraction et des circonstances particulières de l'infraction concernée.

65 En l'espèce, l'infraction a consisté essentiellement pour les entreprises concernées à échanger des informations sensibles sur les listes de prix et/ou les prix par client, à s'entendre sur des hausses de prix et/ou des prix cibles, à éviter de se faire concurrence par les prix à l'avantage du fournisseur attitré et à se répartir les clients (considérants 99 à 125 et 345 de la décision attaquée). De telles pratiques constituent une restriction horizontale de type " cartel de prix " au sens des lignes directrices et est donc " très grave " par nature. Dans ce contexte, la faible taille du marché en cause, à la supposer avérée, n'est que d'une importance moindre par rapport à l'ensemble des autres éléments attestant de la gravité de l'infraction.

66 En tout état de cause, il convient de tenir compte de ce que la Commission a estimé que l'infraction devait être considérée comme très grave au sens des lignes directrices, qui, pour de tels cas, prévoient qu'elle peut " envisager " un montant de départ dépassant les 20 millions d'euro. En l'espèce, la Commission a réparti, dans la décision attaquée, les entreprises concernées en plusieurs catégories selon leur importance relative sur le marché en cause. Il ressort du considérant 358 de la décision attaquée que la Commission n'a retenu qu'un montant de départ de 14 millions d'euro pour les entreprises appartenant à la première catégorie, de 5,2 millions d'euro pour celle relevant de la deuxième catégorie (en l'occurrence, la requérante), de 2,2 millions d'euro pour celles incluses dans la troisième catégorie et de 0,1 million d'euro pour celle comprise dans la quatrième catégorie. Il en résulte que le montant de départ qui a servi de point de départ au calcul de l'amende infligée à la requérante a correspondu à un montant nettement inférieur à celui que, en vertu des lignes directrices, la Commission aurait pu " envisager " pour des infractions très graves. Cette détermination du montant de départ de l'amende tend à confirmer qu'il a bien été tenu compte de la taille du marché de produits en cause.

67 L'argument de la requérante selon lequel la Commission n'a pas pris en compte la taille du marché en cause et a ainsi fixé un montant de départ pour le calcul des amendes qui est disproportionné au regard de ladite taille doit donc être rejeté.

68 Deuxièmement, la requérante fait valoir, à tort, que les principes de proportionnalité et de l'égalité de traitement ont été violés lors de la fixation du montant de départ de l'amende au prétendu motif que, à la différence du calcul opéré en ce qui concerne l'infraction en cause, la Commission aurait tenu compte de la faible taille du marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE et aurait ainsi déterminé un montant de départ de l'amende proportionné à la taille dudit marché.

69 En effet, le principe de l'égalité de traitement interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié. En l'espèce, l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE et celle sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques sont deux infractions différentes qui concernent des marchés de produits et géographiques différents. La requérante n'est donc pas dans une situation identique à celle des entreprises concernées par l'entente sur le marché du fil destiné à l'industrie automobile dans l'EEE et ne saurait donc valablement se prévaloir d'une violation du principe de l'égalité de traitement à cet égard.

70 Troisièmement, l'argument de la requérante tiré de ce que la taille du marché en cause devrait être réduite, après déduction des exportations des produits finis, à un montant de 20 millions d'euro ne saurait prospérer. En effet, d'une part, les transactions concernant les produits concernés incorporés dans les produits finis ayant été exportés en dehors du marché en cause ont bien été opérées sur ce dernier marché et, de ce fait, font partie intégrante du marché. D'autre part, la requérante n'a nullement démontré que l'exportation, en dehors du marché en cause, de produits finis incorporant des produits concernés négociés sur ce marché diminue la taille de ce dernier.

71 Par ailleurs, s'agissant de l'argument tiré d'une prétendue violation de l'obligation de motivation, celui-ci doit être rejeté. En effet, il découle nécessairement des points 65 et 66 ci-dessus que la décision attaquée comprend suffisamment d'éléments en ce qui concerne la détermination du montant de départ de l'amende.

72 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le grief tiré de l'absence de prise en compte de la petite taille du marché en cause doit être rejeté.

- Sur le grief tiré de l'appréciation prétendument erronée de la capacité économique effective de la requérante à causer un préjudice à la concurrence

73 La requérante fait, en substance, valoir à tort que, en contradiction avec ses lignes directrices, la Commission aurait déterminé le montant de départ de l'amende indépendamment de son chiffre d'affaires global, que celle-ci n'aurait donc pas tenu compte de la capacité économique effective des entreprises concernées à causer un préjudice à la concurrence et qu'elle aurait ainsi violé le principe de proportionnalité.

74 Il ressort de la décision attaquée que, pour déterminer le montant de départ de l'amende, la Commission a d'abord pris en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché et l'étendue géographique de celui-ci. Compte tenu de ces facteurs, la Commission a conclu au caractère " très grave " de l'infraction commise par les entreprises concernées (considérants 344 à 353 de la décision attaquée).

75 Ensuite, la Commission a estimé nécessaire de procéder à un traitement différencié des entreprises ayant participé aux cartels afin de tenir compte de leur capacité économique effective à causer un préjudice à la concurrence ainsi que de fixer l'amende à un niveau garantissant un effet dissuasif suffisant. Elle a ajouté qu'il était nécessaire de tenir compte du poids spécifique du comportement illicite de chaque entreprise, et donc de son impact réel sur la concurrence. Elle a souligné avoir pris, comme base de comparaison de l'importance relative des entreprises concernées, le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise sur le marché et pour le produit concerné. En conséquence, elle a regroupé les entreprises en quatre catégories. Amann et Coats, avec un chiffre d'affaires situé entre 14 et 18 millions d'euro, ont été classées dans la première catégorie. La requérante, avec un chiffre d'affaires de 6 millions d'euro, a été placée dans la deuxième catégorie. Gütermann, Barbour et Bieze Stork BV, avec un chiffre d'affaires situé entre 2 et 4 millions d'euro, se sont retrouvées dans la troisième catégorie et Zwicky, avec un chiffre d'affaires de 0 à 1 million d'euro, dans la quatrième catégorie. Sur la base de ces considérations, la Commission a retenu un montant de départ de l'amende, déterminé en fonction de la gravité de l'infraction, de 14 millions d'euro pour Coats et Amann, de 5,2 millions d'euro pour la requérante, de 2,2 millions d'euro pour Gütermann, Barbour et Bieze Stork et de 0,1 million d'euro pour Zwicky (considérants 356 à 358 de la décision attaquée).

76 Premièrement, dans la mesure où la requérante affirme que son chiffre d'affaires sur le marché en cause ne permettait pas à lui seul de déterminer sa capacité économique effective à causer un préjudice à la concurrence et qu'il aurait fallu prendre en compte son chiffre d'affaires global, c'est-à-dire celui qu'elle a réalisé sur la vente de tous les fils industriels au niveau mondial, il y a tout d'abord lieu de rappeler que la seule référence expresse au chiffre d'affaires global d'une entreprise ayant participé à l'infraction contenue dans l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 concerne la limite supérieure que le montant d'une amende ne peut dépasser. Dans le respect de cette limite, la Commission peut, en principe, fixer l'amende à partir du chiffre d'affaires de son choix, en termes d'assiette géographique et de produits concernés, sans être obligée de retenir précisément le chiffre d'affaires global ou celui réalisé sur le marché géographique ou le marché des produits en cause. De plus, si les lignes directrices ne prévoient pas le calcul des amendes en fonction d'un chiffre d'affaires déterminé, elles ne s'opposent pas non plus à ce que le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises concernées sur le marché en cause soit pris en compte dans la détermination du montant de l'amende afin que soient respectés les principes généraux du droit de l'Union et lorsque les circonstances l'exigent. Le chiffre d'affaires peut ainsi entrer en ligne de compte lors de la prise en considération des différents éléments énumérés au point 75 ci-dessus, contenus dans le point 1 A, quatrième et sixième alinéas, des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes (arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 82, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 195).

77 Il s'ensuit que, aux fins de la détermination du montant de l'amende, la Commission est libre de prendre en considération le chiffre d'affaires de son choix, pour autant que celui-ci n'apparaisse pas déraisonnable en fonction des circonstances de l'espèce. De même, la Commission n'est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes, d'assurer, au cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes traduisent toute différenciation entre les entreprises concernées quant à leur chiffre d'affaires global ou à leur chiffre d'affaires pertinent (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, point 312 ; arrêts du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T-241-01, Rec. p. II-2917, point 166, et du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T-304-02, Rec. p. II-1887, point 84).

78 S'agissant du choix que peut opérer la Commission pour l'un et/ou l'autre chiffre d'affaires, la jurisprudence a précisé que, dans l'analyse, effectuée en vue de fixer le montant d'une amende pour infraction aux règles de la concurrence, de la capacité économique effective des contrevenantes à causer un préjudice à la concurrence, qui implique une appréciation de l'importance réelle de ces entreprises sur le marché en cause, c'est-à-dire de leur influence sur celui-ci, le chiffre d'affaires global ne présente qu'une vue incomplète de la situation réelle. Il ne saurait être exclu, en effet, qu'une entreprise puissante ayant une multitude d'activités différentes ne soit présente que de manière accessoire sur un marché de produits spécifique. De même, il ne saurait être exclu qu'une entreprise ayant une position importante sur un marché géographique autre que celui de l'Union ne dispose que d'une position faible sur ce dernier ou celui de l'EEE. Dans de tels cas, le seul fait que l'entreprise concernée réalise un chiffre d'affaires global important ne signifie pas nécessairement qu'elle exerce une influence déterminante sur le marché affecté (arrêts du Tribunal Cheil Jedang/Commission, point 76 supra, point 88, et du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T-224-00, Rec. p. II-2597, point 194). C'est pourquoi, s'il est vrai que le chiffre d'affaires d'une entreprise sur le marché concerné ne saurait être déterminant afin de conclure qu'une entreprise appartient à une entité économique puissante, il est en revanche pertinent afin de déterminer l'influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 29 novembre 2005, SNCZ/Commission, T-52-02, Rec. p. II-5005, point 65, et Union Pigments/Commission, point 49 supra, point 152).

79 Ainsi, la part du chiffre d'affaires provenant de la vente des marchandises faisant l'objet de l'infraction est de nature à donner une juste indication de l'ampleur de l'infraction sur le marché concerné (arrêts Cheil Jedang/Commission, point 76 supra, point 91, et Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 78 supra, point 196). En effet, le chiffre d'affaires provenant des marchandises faisant l'objet de l'infraction est de nature à donner une juste indication de la responsabilité de chaque entreprise concernée sur le marché en cause, étant donné qu'il constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité du comportement infractionnel pour le jeu normal de la concurrence et représente donc un bon indicateur de la capacité de chaque entreprise concernée à créer un dommage à la concurrence. En l'espèce, le choix de la Commission de se référer au chiffre d'affaires sur le marché en cause pour déterminer la capacité de chaque entreprise concernée à créer un dommage était donc cohérent et objectivement justifié.

80 Les circonstances spécifiques dont se prévaut la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion. En effet, il y a lieu de rappeler tout d'abord que l'entente n'avait pas une portée géographique mondiale et que la concurrence restreinte par l'infraction se limitait au marché du fil industriel dans les pays du Benelux et les pays nordiques. Ensuite, la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur en considérant que les chiffres d'affaires réalisés par les entreprises concernées sur le marché en cause ont englobé les chiffres d'affaires qu'elles ont réalisés pour des fils industriels produits dans des pays autres que les pays du Benelux et les pays nordiques, mais négociés sur le marché en cause ou les chiffres d'affaires qu'elles ont réalisés pour des fils industriels initialement produits dans les pays du Benelux ou les pays nordiques et ultérieurement exportés vers d'autres pays. Enfin, le raisonnement de la requérante est contradictoire en ce qu'il suppose la prise en compte du chiffre d'affaires global des entreprises concernées pour opérer leur répartition en différentes catégories et, d'autre part, que le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises concernées sur le marché en cause soit choisi pour déterminer le montant de départ de l'amende de chacune d'entre elles.

81 Deuxièmement, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en compte les parts de marché des entreprises concernées. En effet, il convient, tout d'abord, d'observer que, au considérant 356 de la décision attaquée, la Commission a estimé que les informations concernant les parts de marché n'étaient, de façon générale, pas suffisamment précises pour pouvoir s'y référer. À supposer, comme le soutient la requérante, que les informations fournies en ce qui concerne sa part de marché dans les pays du Benelux et les pays nordiques aient été suffisamment précises pour pouvoir s'y référer, de telles informations n'auraient toutefois pas pu être utilisées étant donné l'insuffisance des informations concernant les parts de marché des autres participants à l'entente. Dans ces circonstances, la Commission s'est, à juste titre, référé au chiffre d'affaires réalisé sur le marché en cause, lequel a le mieux reflété, au stade de la détermination du poids relatif des participants à l'entente en vue de les répartir dans différents groupes, le poids en question de ces entreprises.

82 Troisièmement, il y a lieu de réfuter l'argument de la requérante selon lequel la Commission devait prendre en compte le fait que la requérante n'était pas intégrée verticalement, à la différence d'autres entreprises concernées. En effet, il est loisible à la Commission de fonder son évaluation de la capacité économique effective des auteurs d'une infraction aux règles de la concurrence à causer un préjudice à la concurrence sur les données relatives au chiffre d'affaires et aux parts de marché dans le marché concerné aux fins de l'appréciation de la gravité de cette infraction et de la fixation du montant de départ de l'amende. Toutefois, des circonstances particulières, telles que les caractéristiques de ce marché, peuvent être de nature à amoindrir sensiblement le caractère significatif de ces données et à imposer, pour l'appréciation de l'influence des entreprises sur le marché, la prise en compte d'autres facteurs pertinents, notamment l'intégration verticale et l'étendue de la gamme de produits (arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T-26-02, Rec. p. II-713, points 61 et 63). En effet, si l'intégration verticale et l'étendue de la gamme de produits peuvent, le cas échéant, constituer des éléments pertinents pour apprécier l'influence qu'une entreprise est capable d'exercer sur le marché et constituer des indices de cette influence complémentaires par rapport aux parts de marché ou aux chiffres d'affaires sur le marché concerné (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27-76, Rec. p. 207, points 67 à 72 et 78 à 81), il y a lieu de considérer en l'espèce que les arguments de la requérante tirés de l'intégration verticale des autres entreprises concernées ne démontrent pas que ces dernières disposaient d'avantages concurrentiels particuliers et significatifs dans le marché en cause. De plus, ainsi qu'il a été souligné au point 80 ci-dessus, la requérante n'a pas démontré que les chiffres d'affaires que les autres entreprises concernées ont réalisés pour des fils industriels produits dans des pays autres que les pays du Benelux et les pays nordiques, mais négociés sur le marché en cause, ou les chiffres d'affaires qu'elles ont réalisés pour des fils industriels initialement produits dans les pays du Benelux ou les pays nordiques et ultérieurement exportés vers d'autres pays n'ont pas été englobés dans leurs chiffres d'affaires sur le marché en cause.

83 Quatrièmement, la comparaison effectuée par la requérante entre la décision attaquée et la décision " Brasseries luxembourgeoises " (point 55 ci-dessus) n'est pas pertinente. En effet, pour fixer le montant de l'amende, la Commission a usé de sa marge d'appréciation dans le respect du règlement n° 17 et du règlement n° 1-2003 ainsi que des règles qu'elle s'est elle-même imposées dans les lignes directrices pour le calcul des amendes. De plus, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence (arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T-23-99, Rec. p. II-1705, point 234, et du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T-53-03, Rec. p. II-1333, point 275).

84 Partant, il y a lieu de rejeter ce grief.

- Sur le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité en raison de l'application d'un montant de départ manifestement trop élevé en comparaison de ceux appliqués à d'autres entreprises concernées

85 Premièrement, la requérante soutient, à tort, que le montant de départ de l'amende qui lui a été infligée, soit 5,2 millions d'euro, est disproportionné en comparaison des montants de départ retenus pour le calcul des amendes infligées à d'autres entreprises concernées.

86 D'une part, ainsi qu'il a été observé dans le cadre du premier grief, c'est à juste titre que la Commission s'est, en l'espèce, référée au chiffre d'affaires réalisé par les entreprises concernées sur le marché en cause pour déterminer leur importance relative sur celui-ci.

87 D'autre part, il convient de rappeler qu'il ressort des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes que le montant de départ envisagé pour les infractions très graves est au minimum de 20 millions d'euro. Dès lors que les montants de départ de l'amende traduisent de façon proportionnée la différence entre les entreprises concernées et que, tenant compte des éléments rappelés au point 74 ci-dessus, la Commission les a fixés à des niveaux nettement inférieurs au minimum fixé par les lignes directrices, aucune violation du principe de proportionnalité ne saurait être retenue.

88 Deuxièmement, l'argument de la requérante tiré du caractère déraisonnablement élevé du montant de départ et du montant final de l'amende qui lui a été infligée par rapport à ceux des amendes infligées aux autres entreprises concernées doit également être rejeté. En effet, la requérante ne peut valablement conclure à un traitement discriminatoire ou disproportionné, étant donné que le point de départ de l'amende retenu est justifié à la lumière du critère retenu par la Commission pour l'appréciation de l'importance de chacune des entreprises sur le marché pertinent (voir, en ce sens, arrêt LR AF 1998/Commission, point 83 supra, point 304), étant, en outre, observé que le montant de départ de 5,2 millions d'euro retenu correspond à un seuil largement inférieur à celui prévu par les lignes directrices pour les infractions " très graves ".

89 Par ailleurs, ainsi qu'il a été rappelé au point 77 ci-dessus, la Commission n'est pas tenue d'assurer que les montants finaux des amendes infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction traduisent toute différenciation entre les entreprises concernées quant à leur chiffre d'affaires global ou à leur chiffre d'affaires pertinent.

90 Il convient d'ajouter que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 n'exigent pas non plus que, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, le montant de l'amende infligée à une entreprise de petite ou de moyenne taille ne soit pas supérieur, en pourcentage du chiffre d'affaires, à celui des amendes infligées aux entreprises plus grandes. En effet, il ressort de ces dispositions que, tant pour les entreprises de petite ou de moyenne taille que pour les entreprises de taille supérieure, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l'amende, la gravité et la durée de l'infraction. Dans la mesure où la Commission impose aux entreprises impliquées dans une même infraction des amendes justifiées, pour chacune d'elles, par rapport à la gravité et à la durée de l'infraction, il ne saurait lui être reproché que, pour certaines d'entre elles, le montant de l'amende soit supérieur, par rapport au chiffre d'affaires, à celui d'autres entreprises (arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303-02, Rec. p. II-4567, point 174).

91 Compte tenu de ce qui précède, il ne saurait valablement être conclu au caractère disproportionné du montant de départ, du montant de base et du montant final de l'amende infligée à la requérante.

92 Il y a donc lieu de rejeter ce grief.

- Sur le grief tiré de la fixation d'un montant de départ excessif au regard de la situation financière précaire de la requérante

93 Il convient de rejeter le grief de la requérante tiré du caractère excessif du montant de départ de l'amende qui lui a été infligée en raison de sa situation financière précaire et du risque que l'amende entraîne sa disparition.

94 En effet, le montant de départ de l'amende ne constitue qu'un montant intermédiaire qui, dans le cadre de l'application de la méthode définie par les lignes directrices, fait ensuite l'objet d'adaptations en fonction de la durée de l'infraction et des circonstances aggravantes ou atténuantes constatées (voir, en ce sens, arrêt Cheil Jedang/Commission, point 76 supra, point 95). Il s'ensuit que le seul fait que le montant de départ de l'amende représente 32 % du chiffre d'affaires global de la requérante en 2001 ne permet pas de conclure au caractère excessif de celui-ci.

95 En tout hypothèse, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission n'est pas obligée, lors de la détermination du montant de l'amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d'une entreprise, étant donné que la reconnaissance d'une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 77 supra, point 327, et SGL Carbon/Commission, point 48 supra, point 105 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ International Belgium e.a./Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369, points 54 et 55).

96 Par ailleurs, à supposer qu'une mesure prise par une institution provoque la liquidation d'une entreprise, une telle liquidation de l'entreprise sous sa forme juridique en cause, si elle peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires, actionnaires ou détenteurs de parts, ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l'entreprise perdraient eux aussi leur valeur (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 76 supra, point 372).

97 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la fixation erronée du montant de départ de l'amende et du montant de l'amende ainsi que du classement erroné de la requérante dans la deuxième catégorie.

Sur le moyen tiré de l'appréciation erronée des circonstances atténuantes

Arguments des parties

98 Premièrement, la requérante soutient n'avoir jamais mis, ni eu l'intention de mettre, en œuvre les accords conclus pendant les réunions.

99 En premier lieu, la requérante fait observer que la Commission n'a pas apprécié de façon effective son comportement individuel.

100 En deuxième lieu, la requérante soutient que la " non-application effective des accords ou pratiques infractionnels " serait confirmée par l'absence de communication des listes de ses " tarifs réels " et par la transmission de listes de " tarifs de base fictifs ". À cet égard, elle soutient ne négocier et ne conclure des accords sur les prix avec ses acheteurs que sur une base individuelle et ne pratique donc pas une politique de réductions sur des prix catalogue communiqués aux clients. Elle prétend n'appliquer et ne remettre des barèmes internes que dans le cadre de sa relation avec ses intermédiaires (agents et distributeurs). La comparaison entre les prix de base fictifs, d'une part, et les prix réellement facturés à ses clients ainsi que les barèmes fournis à ses agents, d'autre part, démontrerait clairement l'absence de corrélation entre ces types de prix.

101 En troisième lieu, la requérante fait valoir qu'elle n'a pas adapté son comportement en matière de prix sur le marché selon les listes des " tarifs de base fictifs " qu'elle a communiquées. Elle estime avoir démontré, chiffres à l'appui, que l'évolution des prix effectivement pratiqués par elle était totalement indépendante de l'évolution des tarifs distribués lors des réunions, et ce pendant toute la période comprise entre 1994 et 2001. Elle relève également que la tentative d'augmentation de 3,5 % pour les livraisons aux Pays-Bas, que lui reproche la Commission, fait suite non à l'un des prétendus accords conclus lors de la réunion du 19 septembre 2000 à Budapest, mais plutôt à un règlement en ce sens de la fédération belge du textile (Febeltex). De même, l'augmentation de prix de 6 % appliquée en Suède ne porterait que sur les fils de nylon et serait uniquement due à l'augmentation du cours de la livre britannique.

102 Deuxièmement, la requérante fait valoir que, en ne lui accordant une réduction que de 15 % du montant de l'amende, la Commission n'a pas pris en considération le fait que son rôle était considérablement plus limité dans le temps dans la mesure où elle n'a commencé à participer aux discussions concernant les pays nordiques qu'en 1997. La Commission n'aurait pas davantage tenu compte du fait qu'elle était la seule des entreprises concernées à n'avoir pas conçu ni organisé l'infraction en cause et qu'elle n'avait commencé à participer aux réunions consacrées aux pays du Benelux qu'en 1991. La requérante s'étonne donc que le même pourcentage de réduction du montant de l'amende ait été accordé à Bieze Stork, qui a pourtant participé aux discussions relatives aux pays du Benelux depuis le début de l'infraction en cause. La requérante souligne avoir seulement participé à environ 85 % des réunions relatives aux pays du Benelux, à 35 % des réunions concernant les pays nordiques et, en moyenne, à 60 % de la durée totale de l'infraction en cause. Partant, la Commission aurait violé le principe d'égalité de traitement et le principe de proportionnalité.

103 La Commission réfute l'ensemble de ces arguments et demande que le moyen soit rejeté.

Appréciation du Tribunal

104 Les lignes directrices prévoient, en leur point 3, la diminution du montant de base de l'amende pour des " circonstances atténuantes particulières ", telles que la non-application effective des accords collusoires, le rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l'infraction, la cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission et d'autres circonstances non explicitement mentionnées.

105 Premièrement, il convient d'examiner le grief tiré de l'absence de prise en compte de la non-application effective des accords collusoires alléguée par la requérante.

106 En premier lieu, en ce qui concerne l'argument de la requérante selon lequel elle n'aurait transmis que des tarifs de base fictifs aux entreprises concurrentes, il convient de rappeler que celle-ci a fourni deux séries de listes de prix en prétendant que la première série de listes, à savoir celles qu'elle avait transmises aux participants à l'entente lors des réunions, contenait des tarifs de base fictifs, et que la seconde reprenait ses tarifs réels. De même, il y a lieu de souligner que les listes de tarifs réels comportent plusieurs tarifs par type de fils, mentionnés dans huit colonnes, tandis que les listes de tarifs de base prétendument fictifs ne comportent qu'un seul tarif de base pour chaque type de fil, indiqué dans la première colonne.

107 Force est de constater que les montants repris dans la première colonne des deux séries de listes respectivement des tarifs réels et des tarifs de base prétendument fictifs sont quasiment identiques. À cet égard, la requérante a affirmé que seul le tarif réel mentionné dans la huitième colonne était pertinent.

108 Il y a lieu de relever, à l'instar de la Commission, que, sur les listes de tarifs réels, plusieurs types de fils ne comportaient aucun tarif mentionné dans la huitième colonne, mais seulement des tarifs de base mentionnés dans les quatre premières colonnes. Il paraît donc difficile d'admettre que seuls les tarifs mentionnés dans la huitième colonne étaient pertinents. De plus, il ressort du dossier de la Commission que les différents tarifs étaient applicables en fonction des quantités commandées. Ainsi, les tarifs variaient selon le poids des produits (par exemple, pour les fils pour les sacs en polyester, les tarifs mentionnés dans la première colonne correspondaient à un poids de 10 kilos, les tarifs mentionnés dans la deuxième colonne correspondaient à un poids de 25 kilos, etc.) ou selon l'unité de conditionnement des produits (par exemple, pour le polyamide, les tarifs mentionnés dans la première colonne correspondaient à des quantités commandées inférieures à une unité de conditionnement, les tarifs mentionnés dans la deuxième colonne correspondaient à des quantités commandées égales à la plus petite unité de conditionnement, etc.). Il est permis de déduire de ce constat que le tarif mentionné dans la première colonne est, en réalité, celui communiqué pour la catégorie des petits achats et n'est donc en rien fictif. À supposer même, comme le soutient la requérante, que les tarifs mentionnés dans les quatre premières colonnes figuraient sur les listes de tarifs réels de l'année 2001 uniquement à titre de " référence historique ", il n'en reste pas moins, d'une part, que ces tarifs n'étaient pas purement fictifs et, d'autre part, qu'il ne saurait être exclu que les entreprises concurrentes aient pu, à partir des tarifs de base mentionnés dans la première colonne, se faire une idée des tarifs applicables aux commandes plus importantes. Partant, il est permis de considérer que les listes de prix communiquées par la requérante aux entreprises concurrentes n'étaient pas fictives, mais seulement imprécises ou incomplètes.

109 En conclusion, la Commission a conclu, à juste titre, au considérant 170 de la décision attaquée, que la requérante n'avait pas démontré le caractère fictif de ses tarifs de base mentionnés dans la première colonne.

110 À cet égard, l'argument de la requérante, appuyé par des études annexées à ses écritures, selon lequel les prix appliqués à ses clients étaient plus bas que ceux discutés lors des réunions ne saurait suffire à remettre en cause la conclusion précitée de la Commission. En effet, la Commission n'a nullement nié l'existence d'une différence entre les prix effectivement appliqués par la requérante à ses clients et ceux discutés lors des réunions, mais elle a souligné, à juste titre, que cette différence n'était pas surprenante, dès lors que chaque fournisseur accordait à ses clients des rabais.

111 En second lieu, en ce qui concerne le grief de la requérante tiré de l'absence de mise en œuvre des accords conclus pendant les réunions, il convient d'examiner si les arguments soulevés par celle-ci sont de nature à établir que, pendant la période au cours de laquelle celle-ci a adhéré aux accords infractionnels, elle s'est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu'elle a clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d'avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Daiichi Pharmaceutical/Commission, point 82 supra, point 113).

112 En l'espèce, il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que la Commission a établi, à suffisance de droit, que la requérante avait participé à de nombreuses réunions de l'entente et à des rencontres bilatérales, et a itérativement participé à plusieurs pratiques collusoires visées par la décision attaquée.

113 Ensuite, en ce qui concerne l'affirmation de la requérante selon laquelle elle n'a jamais donné suite ou exécution aux réunions incriminées, il ressort des considérants 139, sous b), et 143 de la décision attaquée qu'elle a annoncé à deux reprises avoir augmenté ses prix.

114 D'une part, au considérant 139, sous b), de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, lors de la réunion qui s'est tenue à Prague le 8 septembre 1998, la requérante avait informé qu'elle avait augmenté ses prix de 6 % à l'égard de son distributeur en Suède. La requérante nie avoir réellement mis en œuvre ladite augmentation mais ne justifie son affirmation que par le seul fait que le prix réellement appliqué en Suède est demeuré inchangé pendant la période 1997-1998. Une telle explication n'est pas convaincante puisque la requérante a elle-même confirmé tant dans sa réponse à la communication des griefs que dans ses écritures que la tendance générale du marché étaient sérieusement à la baisse de 1992 à 2002. La Commission n'a donc pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que les prix auraient normalement dû diminuer. Il s'ensuit que la stabilité des prix pratiqués par la requérante en Suède tend plutôt à démontrer qu'ils ont été artificiellement maintenu à un certain niveau et permet de présumer, en l'absence d'explication convaincante de la part de la requérante, que cette dernière a mis en œuvre, au moins en partie, certains des accords conclus.

115 D'autre part, il ressort du considérant 143 de la décision attaquée qu'un accord a été conclu lors de la réunion du 19 septembre 2000 à Budapest, visant à augmenter les prix de 3,5 % pour les livraisons aux Pays-Bas en 2001, laquelle augmentation serait d'abord mise en œuvre par la requérante. Celle-ci ne conteste pas avoir effectivement augmenté lesdits prix de 3,5 %.

116 Toutefois, la requérante soutient à tort que ladite augmentation aurait été effectuée à la suite d'une demande, adressée en octobre 2000 par la Febeltex, d'augmenter les prix de 5 %. En effet, au considérant 170 de la décision attaquée, la Commission a considéré, à juste titre, que cette justification n'était pas pertinente étant donné l'existence d'indices suffisamment concordants pour démontrer le contraire. Tout d'abord, l'accord prévoyait une augmentation des prix de 3,5 % entre janvier et mars 2001. Or, la requérante ne conteste pas avoir appliqué une telle augmentation dès le 1er janvier 2001. Ensuite, la lettre de Febeltex comporte une date postérieure à celle de l'accord. Enfin, l'augmentation appliquée par la requérante a été de 3,5 % et non de 5 %.

117 Dans ces circonstances, la requérante soutient, à tort, que la Commission aurait dû lui reconnaître une circonstance atténuante fondée sur la " non-application effective des accords ".

118 Deuxièmement, quant à l'argument tiré de son rôle prétendument passif ou suiviste dans la réalisation de l'infraction en cause, il convient de considérer qu'il est dénué de fondement.

119 En effet, il y a lieu de rappeler qu'un rôle passif implique l'adoption par l'entreprise concernée d'un " profil bas ", c'est-à-dire une absence de participation active à l'élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 76 supra, point 167).

120 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d'une entreprise au sein d'une entente, peut être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l'entente, de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l'objet de l'infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l'existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d'entreprises tierces ayant participé à l'infraction (arrêts Cheil Jedang/Commission, point 76 supra, point 168 ; Tokai Carbon e.a./Commission, point 76 supra, point 331, et Union Pigments/Commission, point 49 supra, point 126).

121 En l'espèce, la Commission a précisément tenu compte de la participation plus sporadique de la requérante et de Bieze Stork aux réunions concernant les pays nordiques en leur accordant chacune une réduction de 15 % du montant de base de l'amende (considérant 372 de la décision attaquée). La requérante et Bieze Stork n'avaient en effet pris part aux discussions concernant les pays nordiques qu'à partir respectivement de l'année 1997 et de l'année 1998.

122 En premier lieu, la requérante se prévaut, à tort, d'une violation du principe d'égalité de traitement au prétendu motif que Bieze Stork aurait bénéficié du même pourcentage de réduction du montant de l'amende alors même que cette dernière avait participé dès le début à l'infraction en cause. Le raisonnement de la requérante procède d'une confusion entre la question de la durée de l'infraction et celle relative à l'existence de circonstances atténuantes. S'agissant de la durée de l'infraction en cause, la Commission a appliqué des pourcentages aux montants de départ des amendes infligées à la requérante et à Bieze Stork proportionnels à la durée de leur participation respective à ladite infraction, à savoir 100 % pour la première et 115 % pour la seconde. La requérante est d'autant plus mal fondée à invoquer une violation du principe d'égalité de traitement que la réduction accordée à la requérante est identique à celle de Bieze Stork alors que cette dernière a pris part aux discussions concernant le fil industriel dans les pays nordiques un an après elle.

123 En second lieu, la requérante ne saurait valablement soutenir que le principe de proportionnalité de l'amende a été violé au prétendu motif que la réduction de 15 % accordée au titre des circonstances atténuantes était insuffisante.

124 Tout d'abord, la requérante a elle-même reconnu, dans ses écritures, avoir été présente à environ 85 % des réunions consacrées aux pays du Benelux. Elle était donc présente à la grande majorité des réunions collusoires et ne saurait se prévaloir d'une circonstance atténuante tirée d'un quelconque rôle passif sur ce fondement. En outre, le fait qu'elle a seulement participé à 35 % des réunions relatives aux pays nordiques et le fait qu'elle n'a été présente aux réunions que durant 60 % de la durée totale de l'infraction en cause ne change rien à cet égard. Lorsque la Commission octroie une réduction pour une telle circonstance atténuante, elle ne saurait être obligée d'opérer un calcul purement mathématique consistant en l'application d'un pourcentage directement proportionnel au taux de participation de chaque entreprise aux réunions organisées dans le cadre de l'entente. Tenant compte des circonstances de l'espèce, le taux de 15 % accordée à la requérante pour sa participation tardive aux réunions relatives aux pays nordiques apparaît comme raisonnable.

125 Ensuite, le fait que la requérante a commencé à participer à l'infraction en cause après le lancement des réunions n'implique pas pour autant qu'elle n'a pas participé à la conception ou à l'organisation de ladite infraction. En effet, comme le souligne à juste titre la Commission, le fonctionnement de l'entente n'a pas été organisé et figé uniquement lors des premières réunions.

126 Enfin, il ressort tant du considérant 139, sous e), de la décision attaquée que des déclarations de la requérante en réponse à la communication des griefs que celle-ci n'a pas eu un rôle purement passif ou suiviste. En effet, lors de la réunion du 8 septembre 1998 à Prague, il a été convenu, à la demande d'Amann, que la requérante établirait des liens avec Danfield pour l'inciter à exercer une influence sur son importateur et distributeur unique pour l'Allemagne et les pays du Benelux, la société Heinke, laquelle pratiquait des prix fortement réduits. La requérante reconnaît qu'elle n'a pas ouvertement refusé de répondre à cette demande et justifie cela par le fait qu'elle ne pouvait se permettre un tel refus étant donné la faiblesse de sa position vis-à-vis de Coats et d'Amann. Toutefois, la prétendue contrainte exercée par Coats et Amann à son encontre ne saurait nullement constituer un fait justificatif, dès lors qu'elle pouvait parfaitement dénoncer les pressions dont elle aurait fait l'objet aux autorités compétentes et introduire auprès de la Commission une plainte en application de l'article 3 du règlement nº 17.

127 De plus, au considérant 139, sous b), de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, lors de la réunion du 8 septembre 1998 à Prague, la requérante avait informé les entreprises participantes qu'elle avait augmenté les prix applicables à son distributeur de 6 % en février 1998. La requérante ne conteste pas avoir transmis une telle information. Par ailleurs, elle ne remet pas en cause le constat effectué par la Commission au considérant 143 de la décision attaquée selon lequel elle aurait été la première à appliquer une augmentation de prix de 3,5 % au Danemark et en Suède.

128 Il importe de préciser que la question de savoir si la requérante a effectivement pris contact avec Danfield ou si elle a réellement augmenté ses prix et a été la première à le faire n'est pas pertinente, en l'espèce, étant donné que le rôle passif ou non d'une entreprise doit être déterminé par son seul comportement pendant les réunions collusoires.

129 À cet égard, le fait qu'une entreprise, dont la participation à une concertation illégale en vertu de l'article 81, paragraphe 1, CE est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d'une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte. En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique qui s'écarte de celle convenue peut simplement tenter d'utiliser l'entente à son profit (voir, en ce sens, arrêt Union Pigments/Commission, point 49 supra, point 130).

130 Il s'ensuit que la Commission a conclu, à bon droit, que la requérante n'était pas fondée à revendiquer le bénéfice de la circonstance atténuante tirée de son rôle passif ou suiviste dans l'infraction en cause.

131 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, le présent moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré d'une appréciation erronée de la coopération

Arguments des parties

132 En premier lieu, la requérante considère que la réduction de 20 % du montant de l'amende, accordée au titre des dispositions du point D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération, est insuffisante au regard des éléments dont elle estime pouvoir se prévaloir et qui ressortiraient expressément de la décision attaquée. Elle soutient ne pas avoir contesté la matérialité des faits, avoir fourni des preuves ayant aidé la Commission à établir l'infraction, avoir été une source (souvent même la seule source) importante d'informations factuelles reprises dans la communication des griefs, avoir fourni des informations établissant le contenu de nombreuses réunions, tel que l'essentiel du contenu de l'accord de Zurich du 9 septembre 1997, et, enfin, avoir été la seule à fournir les listes de prix qu'elle avait reçues de ses concurrentes, transmettant ainsi plus d'informations que celles qui lui avaient été demandées ainsi que des preuves importantes. Elle a également transmis de nombreuses données qui l'incriminaient elle-même et a même remis ses livres de comptes annuels, une structure complète de ses coûts et de ses barèmes internes. Partant, sa coopération extrêmement poussée aurait dû être récompensée par une réduction d'au moins 40 %.

133 En second lieu, la requérante estime que les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement ont été violés en ce que la réduction de 20 % qui lui a été accordée pour sa coopération à l'enquête est largement insuffisante en comparaison de celle de 15 % accordée à Amann, à Gütermann et à Zwicky alors même que la Commission a qualifié les informations fournies par ces trois entreprises d'inutiles.

134 La Commission soutient avoir déjà obtenu un nombre relativement important d'informations grâce aux vérifications et à la coopération de Coats. La contribution de la requérante était due en grande partie à son obligation de produire les documents qui lui auraient été demandés dans le cadre d'une demande valable de renseignements. De plus, la Commission estime que l'absence de contestation des faits qui a été prise en considération pour la réduction de l'amende était en définitive relativement limitée, la requérante ayant minimisé son propre rôle. Enfin, la requérante n'aurait pas contesté que la réduction devait être comprise entre 10 % et 50 %, en application du titre D de la communication sur la clémence, que le chiffre de 20 % était compris dans cette fourchette et que, au vu de la coopération se limitant en des réponses à une demande valable de renseignements et en une absence de contestation des faits, la réduction de 20 % pouvait être qualifiée de normale.

135 S'agissant du grief tiré de la violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, il ne serait pas fondé. Selon la Commission, les développements de la requérante tendent plutôt à démontrer que la réduction de 15 % accordée aux trois entreprises précitées serait illégale alors que nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d'autrui. Elle relève, enfin, que la requérante ne va pas jusqu'à assimiler sa coopération à celle de Coats, mais demande pourtant de lui accorder une réduction comparable.

Appréciation du Tribunal

136 Dans la communication sur la coopération, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées de l'amende ou bénéficier d'une réduction du montant de l'amende qu'elles auraient autrement dû acquitter (point A, paragraphe 3, de la communication sur la coopération).

137 Le point D de la communication sur la coopération prévoit :

" 1. Lorsqu'une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d'une réduction de 10 à 50 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération.

2. Tel peut notamment être le cas si :

- avant l'envoi d'une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise,

- après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. "

138 En l'espèce, la requérante a bénéficié d'une réduction de 20 % du montant de son amende en vertu du point D de la communication sur la coopération.

139 Pour justifier son appréciation, la Commission fait valoir ce qui suit au considérant 393 de la décision attaquée :

" BST a fourni à la Commission des éléments de preuve qui l'ont considérablement aidée à établir les infractions et lui ont permis de les prouver plus aisément. BST est également citée dans la communication des griefs comme une source importante des conclusions factuelles auxquelles la Commission est parvenue. L'annexe 14 de la réponse de BST à la demande de renseignements de la Commission a aidé la Commission à établir le contenu de nombreuses réunions tel que l'essentiel du contenu des accords du début des années 90, le contenu de la réunion de Vienne et le contenu de l'accord de Zurich du 9 septembre 1997. BST a été la seule à fournir à la Commission les listes de prix qu'elle a reçues au moment des accords avec ses concurrents. Dans sa lettre du 23 avril 2003, BST ne s'est pas contentée de fournir des données factuelles, mais, au point 4.3. "Contenu des discussions lors des réunions informelles", elle a effectivement fourni à la Commission des preuves importantes. "

140 La Commission a également indiqué que, après avoir reçu la communication des griefs, la requérante l'a informée qu'elle ne contestait pas la matérialité des faits sur lesquels elle a fondé ses accusations (considérant 392 de la décision attaquée).

141 Il y a également lieu de relever que Amann, Gütermann et Zwicky ont bénéficié d'une réduction de 15 % du montant de l'amende qui leur a été infligée. Aux considérants 395 et 396 de la décision attaquée, la Commission a justifié cette réduction par deux raisons. D'une part, ces trois entreprises avaient fourni des informations, documents et autres preuves qui avaient matériellement contribué à établir l'existence de l'infraction, tout en soulignant cependant que les informations fournies par ces entreprises ne pouvaient être considérées comme utiles en comparaison de celles délivrées par la requérante. D'autre part, elles n'avaient pas contesté de façon substantielle les faits sur lesquels la Commission avait fondé ses allégations.

142 En outre, dans le cadre de l'appréciation de la coopération fournie par les membres d'une entente, seule une erreur manifeste d'appréciation de la part de la Commission est susceptible d'être censurée, dès lors qu'elle bénéficie d'une large marge d'appréciation pour évaluer la qualité et l'utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d'autres entreprises (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C-328-05 P, Rec. p. I-3921, point 88). Pourtant, elle ne saurait, dans le cadre de cette appréciation, méconnaître le principe d'égalité de traitement.

143 Il convient donc de vérifier, à la lumière de cette jurisprudence, si la Commission a pu, sans méconnaître le principe d'égalité de traitement et sans outrepasser sa marge d'appréciation, accorder une réduction de 20 % de l'amende à la requérante au titre de sa coopération.

144 En premier lieu, il importe de souligner que les considérations de la Commission émises au considérant 393 de la décision attaquée ne prêtent à aucune confusion quant à la très haute portée de la coopération de la requérante durant la procédure administrative. Tout d'abord, cette coopération a " considérablement " aidée la Commission à établir les infractions. Ensuite, celle-ci reconnaît sans équivoque que la requérante a été une source " importante " des conclusions factuelles auxquelles elle est parvenue et qu'elle a été " la seule " à fournir les listes de prix échangées lors des réunions. De tels documents sont d'une importance évidente pour démontrer l'existence d'une infraction, telle que celle de l'espèce, consistant essentiellement à échanger des informations sensibles sur les listes de prix et/ou les prix par client et à s'entendre sur des hausses de prix et/ou des prix cibles. Enfin, la Commission a mis en évidence que la requérante " ne s'est pas contentée " de fournir des données factuelles, mais qu'elle a également transmis des " preuves importantes ".

145 Les explications de la Commission visant à atténuer la portée de la coopération de la requérante telle que décrite dans la décision attaquée ne sont guère convaincantes. En effet, le motif que la Commission avait déjà obtenu un nombre relativement important d'informations grâce aux vérifications et à la coopération de Coats ne saurait pour autant diminuer à lui seul l'importance du rôle de la requérante durant la procédure administrative. À supposer, comme la Commission le soutient, qu'elle avait déjà été mise au courant par Coats de la tenue de plusieurs réunions mentionnées par la requérante, il n'en reste pas moins qu'il résulte des considérants 131, 133, 135, 137, 139 et 146 de la décision attaquée que la requérante est fréquemment citée comme source, voire comme l'unique source, d'informations sur ces réunions.

146 À cet égard, dans ses écritures, la Commission tente également de minimiser la coopération de la requérante à l'enquête en faisant valoir que ce sont les renvois fréquents aux listes de prix qui donnent l'impression qu'elle se réfère fréquemment aux documents de la requérante. Ces références fréquentes à l'annexe 14 transmise par la requérante et la mention explicite de cette dernière dans le considérant 393 de la décision attaquée tendent au contraire à démontrer l'importance que la Commission a attaché à ces éléments de preuve. Ainsi qu'il a été souligné au point 144 ci-dessus, ces éléments de preuve sont d'une importance d'autant plus évidente que l'infraction a consisté en un cartel de prix.

147 L'affirmation de la Commission selon laquelle la contribution de la requérante était due en grande partie à son obligation de produire les documents qui lui avaient été demandés dans le cadre d'une demande valable de renseignements doit également être rejetée. Il y a lieu de rappeler qu'une coopération à l'enquête qui ne dépasse pas ce qui résulte des obligations qui incombent aux entreprises en vertu de l'article 11, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 17 ne justifie pas une réduction de l'amende (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12-89, Rec. p. II-907, points 341 et 342). En revanche, une telle réduction est justifiée lorsque l'entreprise a fourni des renseignements allant bien au-delà de ceux dont la production peut être exigée par la Commission en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T-308-94, Rec. p. II-925, points 260 et 262, et du 9 juillet 2003, Daesang et Sewon Europe/Commission, T-230-00, Rec. p. II-2733, point 137). En l'espèce, la Commission a explicitement admis que la requérante ne s'était pas contentée de fournir des données factuelles, mais qu'elle avait effectivement fourni des preuves importantes de l'infraction en cause.

148 En deuxième lieu, la Commission a rappelé que la requérante n'a pas contesté la matérialité des faits sur lesquels elle fondait ses accusations.

149 En troisième lieu, il convient de constater que la coopération d'Amann, celle de Gütermann et celle de Zwicky ont été qualifiées d'inutiles en comparaison de celle de la requérante. De surcroît, ces trois entreprises n'ont pas contesté " de façon substantielle " les faits.

150 Force est de constater que, au regard des efforts supplémentaires faits par la requérante, celle-ci n'a été récompensée que d'une réduction de 5 % supérieure à celle dont ont bénéficié Amann, Gütermann et Zwicky, alors que ceux-ci n'ont pas effectué de tels efforts durant la procédure administrative. Cette différence entre la réduction du montant de l'amende accordée à la requérante et celle octroyée aux trois entreprises précitées est déraisonnablement faible.

151 Pour l'ensemble de ces raisons, il y a lieu de considérer que la réduction de 20 % accordée à la requérante au titre de sa coopération est insuffisante et que, partant, la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation.

152 Il s'ensuit que le moyen tiré par la requérante d'une appréciation erronée de la coopération doit être accueilli.

153 Dans ces conditions, il appartient au Tribunal de fixer un taux de réduction approprié. En effet, selon l'article 31 du règlement n° 1-2003, le Tribunal statue avec une compétence de pleine juridiction au sens de l'article 229 CE sur les recours intentés contre les décisions par lesquelles la Commission fixe une amende et il peut supprimer, réduire ou majorer l'amende infligée. Dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal considère qu'il convient d'accorder à la requérante, au titre de sa coopération, une réduction supplémentaire de 10 % à celle de 20 % déjà octroyée. Ainsi, il y a lieu d'appliquer une réduction de 30 % au montant de l'amende après l'application de la règle du plafond des 10 % du chiffre d'affaires, soit 1,224 millions d'euro, ce qui conduit à fixer le montant final de l'amende infligée à 856 800 euro.

3. Sur la demande en indemnité

Arguments des parties

154 La requérante constate que la Commission a divulgué, par erreur, des listes internes de prix qu'elle lui avait transmises dans le cadre de l'enquête relative à l'entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques. La requérante estime que la responsabilité non contractuelle de la Communauté européenne peut être engagée, dès lors que les trois conditions indispensables suivantes sont réunies.

155 Selon la requérante, la première des conditions liées à l'engagement de la responsabilité, à savoir l'existence d'une faute non contractuelle, est remplie. En effet, cette condition impliquerait qu'une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers doit avoir été violée de façon suffisamment caractérisée, ce qui serait le cas en l'espèce.

156 Premièrement, la règle dont la violation est invoquée, à savoir l'obligation de confidentialité prévue à l'article 287 CE et à l'article 28 du règlement n° 1-2003 ainsi que le principe de protection de la confiance légitime, a pour objet de conférer des droits aux particuliers.

157 Deuxièmement, la requérante fait valoir qu'une telle violation de cette règle de droit est, en elle-même, suffisamment caractérisée. En effet, cette règle serait si incontestable et impérative qu'elle ne laisserait qu'un rôle très limité à l'institution concernée, voire aucune marge d'appréciation.

158 À toutes fins utiles, la requérante procède à l'analyse concrète de la faute pour démontrer que celle-ci est " caractérisée ". Elle relève, en premier lieu, que des secrets d'affaires n'ayant aucun lien avec l'infraction en cause (à savoir des barèmes des années 2002 et 2003 relatifs à l'Irlande, à l'Espagne, à l'Italie et au Royaume-Uni) ou qui sont sans pertinence avec celle-ci (à savoir des barèmes relatifs aux Pays-Bas et à la Suède, à l'exception cependant des années 2000 et 2001) ont été divulgués. En deuxième lieu, la requérante estime que la Commission ne peut raisonnablement soutenir qu'elle ne savait pas ou n'aurait pas dû savoir qu'il s'agissait d'informations sur les prix extrêmement sensibles et confidentielles. La requérante renvoie à ce sujet au point 18 de la communication de la Commission relative aux règles d'accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles 81 et 82 du traité CE, des articles 53, 54 et 57 de l'Accord EEE et du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil (JO C 325, p. 7). La requérante estime avoir clairement indiqué, dans sa lettre du 18 avril 2004, le caractère confidentiel desdites informations, ce qui aurait par ailleurs été confirmé par la Commission, elle-même, dans sa lettre du 15 janvier 2004. En troisième lieu, la Commission n'aurait pris aucune mesure pour limiter le dommage qu'elle lui a causé.

159 La requérante fait également valoir que les listes divulguées concernaient également d'autres pays non visés par les réunions relatives au marché en cause ainsi que les années 2002 et 2003 et que lesdites listes seraient beaucoup plus détaillées et plus volumineuses. Quant à l'argument de la Commission selon lequel ces listes pouvaient ne pas être confidentielles, la requérante le réfute. En effet, même si cela lui avait été demandé, elle n'aurait jamais consenti à communiquer sa structure tarifaire complète et détaillée à ses concurrents. De plus, l'hypothèse avancée par la Commission selon laquelle elle aurait pu obtenir une décision contraignante du conseiller-auditeur serait dénuée de pertinence, étant donné qu'il serait établi que la Commission n'a pas suivi la procédure " Akzo " et que, de ce fait, ses droits et intérêts n'ont nullement été pris en considération.

160 Quant à son préjudice, la requérante soutient qu'il consiste, d'une part, en un manque à gagner représentant la différence entre les revenus qu'elle aurait perçus en l'absence de divulgation de ses barèmes de prix et ceux qu'elle a effectivement perçus et, d'autre part, en des frais structurels liés à la compensation de la baisse du chiffre d'affaires résultant de la perte de revenus. Elle souligne que son dommage ne s'est pas encore pleinement manifesté, mais qu'une partie de ce dommage est actuellement chiffrable et découle de la perte de son client principal, à savoir VF Europe.

161 Selon la requérante, le lien de causalité entre la faute commise par la Commission et la perte de son client principal serait également établi. En effet, American & Efird aurait eu connaissance (directement et via sa filiale Bieze Stork) de la structure des prix de la requérante et aurait ainsi pu faire, à VF Europe, des offres inférieures à celles de la requérante. VF Europe aurait confirmé n'avoir jamais transmis les offres de la requérante à d'autres producteurs de fil tels qu'American & Efird.

162 La Commission conclut au rejet de ce chef de conclusions.

Appréciation du Tribunal

163 Il résulte d'une jurisprudence constante que l'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, au sens de l'article 288, deuxième alinéa, CE, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d'un ensemble de conditions, à savoir l'illégalité du comportement reproché à l'institution, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26-81, Rec. p. 3057, point 16, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T-383-00, Rec. p. II-5459, point 95).

164 Dès lors que l'une des trois conditions d'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté n'est pas remplie, les prétentions indemnitaires doivent être rejetées, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les deux autres conditions (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, Kydep/Conseil et Commission, C-146-91, Rec. p. I-4199, point 81, et arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T-170-00, Rec. p. II-515, point 37), le juge communautaire n'étant en outre pas tenu de suivre un ordre d'examen déterminé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C-257-98 P, Rec. p. I-5251, point 13).

165 À cet égard, il importe au préalable de rappeler que, en ce qui concerne tout d'abord la condition du préjudice, ce dernier doit être réel et certain (arrêt du Tribunal du 2 juillet 2003, Hameico Stuttgart e.a./Conseil et Commission, T-99-98, Rec. p. II-2195, point 67) ainsi qu'évaluable (arrêt du Tribunal du 16 janvier 1996, Candiotte/Conseil, T-108-94, Rec. p. II-87, point 54). En revanche, un dommage purement hypothétique et indéterminé ne donne pas droit à réparation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T-267-94, Rec. p. II-1239, points 72 et 73).

166 Ensuite, s'agissant de la condition relative au lien de causalité, il convient de souligner que la Communauté ne peut être tenue pour responsable que du préjudice qui découle de manière suffisamment directe du comportement irrégulier de l'institution concernée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil, 64-76, 113-76, 167-78, 239-78, 27-79, 28-79 et 45-79, Rec. p. 3091, point 21 ; arrêts du Tribunal du 13 février 2003, Meyer/Commission, T-333-01, Rec. p. II-117, point 32, et du 27 novembre 2007, Pitsiorlas/Conseil et BCE, T-3-00 et T-337-04, Rec. p. II-4779, point 292). La preuve de ce lien certain et direct de cause à effet entre la faute commise par l'institution concernée et le préjudice invoqué doit être apportée par le requérant (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 janvier 1987, GAEC de la Ségaude/Conseil et Commission, 253-84, Rec. p. 123, point 20, et du 30 janvier 1992, Finsider e.a./Commission, C-363-88 et C-364-88, Rec. p. I-359, point 25 ; arrêt du Tribunal du 30 septembre 1998, Coldiretti e.a./Conseil et Commission, T-149-96, Rec. p. II-3841, point 101).

167 Enfin, c'est à la partie qui met en cause la responsabilité de la Communauté qu'il incombe d'apporter des preuves quant à l'existence ou à l'étendue du préjudice qu'elle invoque et d'établir entre ce dommage et le comportement incriminé de l'institution mise en cause un lien suffisamment direct de cause à effet (arrêt Dumortier e.a./Conseil, point 166 supra, point 21, et arrêt du Tribunal du 24 octobre 2000, Fresh Marine/Commission, T-178-98, Rec. p. II-3331, point 118).

168 À cet égard, lorsqu'il s'agit de déterminer la valeur d'un manque à gagner et donc nécessairement la valeur d'opérations économiques hypothétiques, il peut être difficile, voire impossible, pour la partie requérante de chiffrer exactement le préjudice qu'elle prétend avoir subi. Dans pareils cas, le juge peut se contenter d'estimations sur la base de valeurs statistiques moyennes (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 janvier 2000, Mulder e.a./Conseil et Commission, C-104-89 et C-37-90, Rec. p. I-203, points 63 à 65). Cependant, cela ne saurait dispenser la requérante de toute obligation de preuve quant au préjudice invoqué. En effet, si la valeur d'un manque à gagner représente nécessairement une donnée hypothétique qui doit être estimée à défaut de pouvoir être calculée de manière certaine, toujours est-il que les données sur lesquelles se fonde cette estimation peuvent - et doivent, dans toute la mesure du possible - être prouvées par la partie qui s'en prévaut (ordonnance du Tribunal du 29 août 2007, Selex Sistemi Integrati/Commission, T-186-05, non publiée au Recueil, point 27).

169 C'est à la lumière de cette jurisprudence qu'il convient d'examiner si, pour avoir divulgué par erreur des listes de prix de la requérante autres que celles pour lesquelles celle-ci avait renoncé à la confidentialité, la responsabilité extracontractuelle de la Communauté peut être engagée.

170 Il y a lieu de constater d'emblée qu'au moins une des conditions de l'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté fait défaut en l'espèce.

171 S'agissant du préjudice invoqué par la requérante, il y a lieu de relever que, selon elle, celui-ci consiste non seulement en une nette diminution de ses revenus consécutive à la perte de son client principal, mais également en d'autres pertes de revenus auxquelles elle prétend être confrontée quotidiennement ainsi qu'en des frais structurels liés à la compensation de la baisse de son chiffre d'affaires résultant de la perte de revenus.

172 D'une part, en ce qui concerne les " autres pertes de revenus " et les frais structurels, la requérante ne produit pas de preuves permettant de déterminer si ces éléments du préjudice sont réels et certains.

173 À cet égard, la seule pièce produite par la requérante est un tableau qui fait apparaître une baisse significative de son chiffre d'affaires entre mai 2003 et janvier 2004, soit avant la divulgation des informations présumées confidentielles. Si préjudice il y a, il ne saurait en tout cas pas comprendre la perte de revenus durant cette période.

174 D'autre part, en ce qui concerne la diminution de revenus consécutive à la perte du principal client, il convient, en premier lieu, de relever que le contrat passé entre ce dernier et un concurrent de la requérante, n'a été signé que pour une durée de deux ans, soit pour les années 2005 et 2006. Dès lors, rien n'empêchait la requérante de reconquérir, dès l'année 2007, ce client qu'elle avait perdu. Partant, le préjudice ne saurait en tout état de cause être considéré comme réel et certain au-delà des années 2005 et 2006.

175 En deuxième lieu, les preuves apportées par la requérante pour démontrer la réalité de son dommage sont obscures. En effet, le tableau reproduit dans la requête, qui vise à démontrer la réduction de la marge brute résultant de la perte par la requérante de son client principal, comporte des données dont la réalité n'est attestée par aucune pièce. Les données figurant dans le tableau sont en outre difficiles à interpréter.

176 Toutefois, il n'y a pas lieu de poursuivre plus avant la question de savoir si cette preuve avancée par la requérante démontre à suffisance de droit la partie du dommage résultant de la perte de son client, pour envisager dès à présent la question du lien de causalité entre la faute et ce prétendu dommage. En effet, à supposer même établi le préjudice résultant de la perte de VF Europe pour les années 2005 et 2006, il n'apparaît pas que la condition d'un lien de causalité direct entre cet événement et la faute de la Commission soit remplie.

177 La perte par la requérante de son principal client peut, en effet, parfaitement s'expliquer par la décision du groupe VF Corporation USA de centraliser ses décisions d'achat. Il y a d'ailleurs lieu de constater que, dans un courrier du 2 mars 2005 adressé à la Commission, soit après la divulgation des listes de prix, la requérante a souligné elle-même que ce n'est plus VF Europe mais bien VF Corporation USA qui décide de son approvisionnement et de la répartition des commandes. Elle ajoute que l'approvisionnement de son client principal est désormais entièrement confié à des entreprises anglo-américaines.

178 L'affirmation de la requérante figurant dans ce même courrier selon laquelle elle a proposé spontanément à son client principal, à la fin de l'année 2004, une réduction de ses prix de 10 % à partir de janvier 2005 tend également à confirmer l'absence de tout lien de causalité entre le comportement reproché à la Commission et la perte dudit client. En effet, comme la Commission le souligne à juste titre, si un concurrent avait voulu proposer des prix en dessous des prix antérieurs de la requérante, l'offre de cette dernière serait demeurée nettement inférieure. La connaissance éventuelle des prix de la requérante ne saurait donc être la véritable raison de la perte de son client principal.

179 Il s'ensuit que la condition du lien de causalité n'est pas remplie.

180 Compte tenu de ces constatations, les conclusions en indemnité doivent être rejetées dans leur intégralité.

Sur les dépens

181 Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

182 Le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera 90 % de ses propres dépens et 90 % des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant 10 % de ses propres dépens et 10 % des dépens exposés par la partie requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1) Le montant de l'amende infligée à Belgian Sewing Thread (BST) NV à l'article 2 de la décision C (2005) 3452 de la Commission, du 14 septembre 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/38.337 - PO/Fil), est fixé à 856 800 euro.

2) La demande en annulation est rejetée pour le surplus.

3) La demande en indemnité est rejetée.

4) BST supportera 90 % de ses propres dépens et 90 % des dépens exposés par la Commission européenne, cette dernière supportant 10 % de ses propres dépens et 10 % des dépens exposés par BST.