Cass. soc., 13 mai 2008, n° 07-40.466
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
CIT.EH.CAR (Sté)
Défendeur :
Boulben
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bailly (faisant fonction)
Avocats :
Me Haas, SCP Gatineau
LA COUR - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Boulben a constitué en 2001 une société dénommée EHVB, qui a conclu le 15 juin 2001, avec la société CIT.EH.CAR, exploitant en franchise un hôtel de la marque Etap hôtel, un contrat de gérance-mandat qui lui confiait la gestion de cet établissement ; que ce contrat a été résilié le 15 décembre 2003 par la société CIT.EH.CAR, qui a ensuite employé Mme Boulben, en qualité de directrice d'hôtel salariée, à partir du 3 mars 2004 ; qu'après avoir vainement demandé à son employeur de faire remonter les effets de ce contrat au 15 juin 2001 et de lui payer des heures supplémentaires de travail accomplies depuis cette date, Mme Boulben a pris acte le 10 juin 2004 de la rupture de son contrat de travail par la faute de l'employeur et a saisi le juge prud'homal de demandes en paiement de salaires et de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société CIT.EH.CAR, qui est préalable : - Attendu que la société CIT.EH.CAR fait grief à l'arrêt d'avoir retenu l'existence d'un contrat de travail et la compétence du conseil de prud'hommes pour connaître du litige, alors, selon le moyen : 1°) que le respect par le gérant-mandataire des directives impératives résultant d'un contrat de franchise conclu par le mandant ne saurait caractériser l'existence d'un lien de subordination entre le mandant et le mandataire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a caractérisé le prétendu lien de subordination liant la société mandante CIT.EH.CAR à Mme Boulben, gérant mandataire, par l'obligation de respecter les directives applicables aux hôtels de la chaîne Etap hôtel en vertu du contrat de franchise conclu par la société mandante avec le groupe Accor ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1 et L. 511-1 du Code du travail ; 2°) que l'exécution par une personne physique, ès qualités de gérant d'une société, des obligations nées d'un contrat de gérance-mandat conclu par cette société, ne peut caractériser un rapport de subordination juridique entre son gérant et le mandant qu'à la condition que la société mandataire soit fictive ; qu'en jugeant qu'un contrat de travail liait Mme Boulben, gérante de la société EHVB, à la société CIT.EH.CAR du fait de leur exécution du contrat de gérance-mandat conclu entre les société EHVB et CIT.EH.CAR sans constater préalablement que la société EHVB était fictive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 511-1 du Code du travail ; 3°) que l'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention ; qu'en déduisant l'existence d'une relation de travail salarié entre 2001 et 2004 de la proposition faite par Mme Boulben de conclure un tel contrat en 2003 puis de sa conclusion effective en 2004, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait, que Mme Boulben ne disposait que de pouvoirs limités dans la direction de l'hôtel, qu'elle était soumise à des inspections de la société CIT.EH.CAR, que celle-ci lui donnait des instructions et des directives pour la gestion de l'établissement et qu'elle disposait du pouvoir de sanctionner les manquements ; qu'elle a pu en déduire, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche du moyen, que Mme Boulben avait accompli son travail dans un état de subordination à l'égard de cette société et qu'elle était ainsi liée à elle par un contrat de travail, sans qu'il soit nécessaire d'établir au préalable que la société EHVB avait un caractère fictif ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée : - Attendu que Mme Boulben fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes en paiement de salaires et de dommages-intérêts alors, selon le moyen : 1°) qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties ; que les juges ne peuvent, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par un salarié sans examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisées que l'employeur est tenu de leur fournir ; qu'en considérant que la salariée n'apportait aucun élément de nature à établir que l'accomplissement d'heures supplémentaires lui avait été imposé ou avait été rendu nécessaire par les conditions d'exploitations de l'hôtel, sans tirer la moindre conséquence de l'absence de tout élément de preuve apporté en défense par l'employeur quant aux horaires effectivement réalisés, la cour d'appel a violé l'article L. 212-1-1 du Code du travail ; 2°) que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que le contrat de "gérance-mandat" signé entre la société CIT.EH.CAR et la société EHVB le 15 juin 2001, constituait, pour la période litigieuse, l'unique document contractuel fixant les obligations de la salariée à l'égard de son employeur et définissant les fonctions de cette dernière ; qu'il ressort des termes de ce contrat que tout acte lié à la gestion ou à l'administration de l'hôtel au sens large, rentrait expressément dans le cadre de la mission confiée à Mme Boulben en tant que gérante et directrice de l'hôtel ; que, par ailleurs, la société EHVB s'engageait, dans le respect de la règlementation en vigueur, à faire assurer une permanence sécurité 24 heures sur 24 ; que, dès lors, en considérant que la salariée n'établissait pas l'existence d'heures supplémentaires imposées ou rendues nécessaires par les conditions d'exploitation de l'hôtel, cependant que les fonctions de direction et de surveillance qu'elle avait exercées "sur la base des directives reçues", inhérentes à la gestion d'un hôtel, entraient dans le champ de sa mission contractuelle et devaient donc, par l'effet de la requalification de la relation des parties en un contrat de travail, être regardées comme ayant été imposées par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté qu'il n'était pas établi que les horaires de travail invoqués par la salariée avaient été accomplis à la demande de l'employeur, ni qu'ils étaient rendus nécessaires par les conditions d'exploitation de l'hôtel, a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, qu'aucune créance de rémunération ne pouvait être invoquée lorsque la salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette les pourvois tant principal qu'incident.