Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 1 avril 2010, n° 09-00490

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Delimpex (SARL)

Défendeur :

Rozenblit (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mme Poinseaux, M. Testut

Avoués :

SCP Lefevre Tardy & Hongre Boyeldieu, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod

Avocats :

Mes Decap, Bonnet-Desplan

T. com. Nanterre, 4e ch., du 12 déc. 200…

12 décembre 2008

Par un jugement du 12 décembre 2008 le Tribunal de commerce de Nanterre a :

- condamné la société Rozenblit à payer à la société Delimpex la somme de 10 959 euro à titre de dommages et intérêts suite à la rupture de la relation d'agent commercial,

- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie en cas d'appel.

- condamné la société Rozenblit à payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La SARL Delimpex a interjeté appel le 20 janvier 2009.

Dans ses dernières écritures en date du 24 novembre 2009 la société Delimpex demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité de préavis et limité le quantum de l'indemnité de rupture à la somme de 10 959 euro.

Statuant à nouveau,

- débouter la société Rozenblit de ses demandes,

- condamner la société Rozenblit à lui verser la somme de 2 740 euro au titre de l'indemnité de préavis.

- la condamner de même à lui verser la somme de 21 918 euro au titre de l'indemnité compensatoire de rupture,

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2007,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil,

- la condamner à lui payer la somme de 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Lefèvre Tardy;

Dans ses dernières écritures en date du 9 octobre 2009 la société Rozenblit demande à la cour de :

- débouter la société Delimpex de toutes les demandes fins et prétentions,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer une indemnité de rupture de 10 959 euro,

- dire que le contrat établi entre les parties a perdu la qualification d'agence commerciale du fait de l'abandon par la société Delimpex de son mandat de négociation,

- dire que la société Delimpex n'apporte aucun élément au soutien de sa demande d'indemnisation pour résiliation du contrat,

- si la qualification d'agence commerciale devait être maintenue jusqu'à la résiliation, dire que la relation entre la société Rozenblit et la société Delimpex a été résiliée du fait de la faute grave de l'agent dans l'exécution de ses obligations,

- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la demande de la société Delimpex en paiement d'une indemnité de préavis,

- dire que la société Delimpex ne saurait bénéficier du droit à indemnité prévu à l'article L. 134-12 du Code de commerce,

Subsidiairement confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé l'indemnité de rupture à la somme de 10 959 euro,

- condamner la société Delimpex au paiement de la somme de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Delimpex aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Lissarrague Dupuis.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties;

Qu'il convient seulement de rappeler que :

- à compter de 1999, la société Rozenblit, spécialisée dans la commercialisation, notamment à l'export, de produits d'entretien ménager, a confié à la société Delimpex, sans qu'un contrat soit régularisé, le soin d'assurer le suivi et le développement de sa clientèle dans certains pays d'Afrique (Nigeria, Gabon, Cameroun);

- par courrier du 22 décembre 2006, la société Delimpex a mis fin à cette relation contractuelle, indiquant qu'elle reprenait la gestion de ses clients au niveau mondial, comme elle le faisait déjà, quasiment, au Gabon et au Cameroun,

- par courrier du 5 janvier 2007, la société Delimpex a pris acte de cette décision et sollicité, " conformément à l'usage ", une indemnité de rupture, que la société Rozenblit a refusé de lui verser, invoquant la défaillance de la société Delimpex dans l'exécution de ses obligations contractuelles;

Sur l'existence d'une faute de la société Delimpex

Considérant que, pour se déterminer, le premier juge a relevé que le contrat d'agence commerciale, mandat d'intérêt commun, n'est pas révocable par la seule volonté de l'une des parties;

Que seule la faute grave du mandataire peut le priver de son droit à indemnité, que celle-ci n'est pas prouvée en l'espèce,

Que bien au contraire l'agent a fait preuve durant toute la durée de ce contrat d'un comportement exemplaire dans des territoires difficiles ;

Que le seul motif allégué dans la lettre de rupture du 22 décembre repose sur la volonté du mandant de réorganiser son réseau de vente au niveau mondial ; que la société Rozenblit n'a jamais émis, avant la lettre de rupture du contrat, la moindre remarque sur le comportement de son agent;

Que le grief de détournement d'une somme d'argent n'a été développé que pour les besoins de la cause, la société Delimpex s'en expliquant d'ailleurs dans un courtier du 13 mai 2006 comme résultant d'une démarche faite d'ailleurs dans l'intérêt du mandant pour assurer le recouvrement d'une créance de la société Rozenblit auprès d'un de ses clients Fokou;

Considérant qu'en cause d'appel la société Rozenblit, sur qui pèse la charge de la preuve d'une faute ouvrant droit à rupture sans indemnité, ne présente aucun élément de fait venant à l'encontre de ceux déjà examinés par le premier juge;

Que la seule absence de vente au Nigeria en 2005 et 2006, au vu de la situation économique, sociale et politique du pays, ne suffit pas à caractériser la faute de la société Delimpex alors que le chiffre d'affaires a progressé au Cameroun et au Gabon ;

Que, sur le grief de l'encaissement fait par la société Delimpex, la société Rozenblit ne présente aucun élément venant contredire les explications de son agent;

Que la société Delimpex explique que, si elle a effectivement perçu la somme de 3 250 euro pour le compte de son mandant, fin septembre 2006, elle en a ordonné le virement, dès le 10 octobre 2006, au compte de la société Rozenblit à la banque Marseillaise de Crédit, n'ayant pas été avisée de la clôture dudit compte,

Qu'elle a procédé à un second virement le 12 mai 2007, quant elle a pu vérifier que ce virement n'avait pas atteint son destinataire;

Qu'aucune plainte n'a d'ailleurs été déposée par la société Rozenblit;

Qu'il y a lieu de confirmer sur ce point le jugement entrepris;

Sur le préavis

Considérant que le contrat d'agence commerciale ne nécessite pas qu'il soit formalisé par écrit, qu'il peut se déduire de l'existence d'une pratique continue des parties et notamment par de simples échanges de correspondances.

Qu'à défaut de stipulation écrite particulière le premier juge a pu se référer aux dispositions de l'article L. 134-11 du Code de commerce fixant la durée du préavis à 3 mois dès lors que les relations commerciales ont duré plus de deux ans révolus;

Considérant que le premier juge a écarté l'indemnité de préavis en considérant que l'indemnité compensatrice de l'article L. 134-12 du Code de commerce englobait tous les préjudices liés à la perte des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties;

Que cependant l'indemnité de préavis n'est pas liée à la perte d'une rémunération mais sanctionne la brutalité d'une décision de rupture prise sans que le mandataire ait été informé suffisamment à l'avance du devenir de son activité;

Que par voie de conséquence, la décision entreprise sera réformée et la société Rozenblit condamnée à payer la somme de 2 740 euro au titre de l'indemnité de préavis montant correspondant à 3 mois de commission moyenne mensuelle perçue au titre des exercices 2004, 2005 et 2006;

Sur l'indemnité de rupture

Considérant que la société Rozenblit soutient que la société Delimpex ne peut bénéficier de l'indemnité de fin de contrat aux motifs qu'à la date de la rupture, elle avait perdu le bénéfice du statut des agents commerciaux tel que défini aux articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, en renonçant à son pouvoir de négociation du fait de la cessation du suivi de clientèle;

Que si il est de l'essence même du contrat d'agence commerciale que le mandataire est chargé, de façon permanente, de négocier et conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou tout autre contrat de nature commerciale, la société Rozenblit n'établit aucunement soit qu'elle ait formellement interdit à son agent, à partir d'une certaine date de négocier auprès de la clientèle les conditions de prix, de délai et de qualité consubstantielles aux ventes apportées à son mandant;

Que le seul fait que des collaborateurs de la société Rozenblit aient pu, au cours de tournées dans les pays de la zone considérée, rencontrer des clients préalablement démarchés par la société Delimpex, voire rapporter directement les bons de commande, ne peut suffire à démontrer la perte de qualité de négociateur attachée à l'action de son agent local ;

Considérant que l'indemnité de rupture de l'article L. 134-12 du Code de commerce a un caractère forfaitaire et répare le préjudice qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt des parties sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature,

Qu'elle s'évalue notamment au regard de la nature des biens ou services commercialisés et des contraintes particulières qui pesaient sur l'agent, ici celles du commerce international;

Que, pour déterminer le quantum de cette indemnité, le premier juge a analysé les divers éléments du dossier et a pu, dans une discussion que la cour fait sienne, apprécier ce préjudice à une année de commission soit la somme de 10 959 euro ;

Sur les frais irrépétibles et dépens :

Considérant que la société Delimpex a dû engager en cause d'appel des frais irrépétibles que la cour fixe à la somme de 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Que les entiers dépens seront mis à la charge de la société Rozenblit dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Lefevre Tardy.

Par ces motifs, LA COUR statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a : - condamné la société Rozenblit à payer à la société Delimpex la somme de 10 959 euro au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agence commerciale, - condamné la société Rozenblit au paiement de la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance, Le reforme pour le surplus, et statuant à nouveau : Condamne la société Rozenblit à payer à la société Delimpex la somme de 2 740 euro (deux mille sept cent quarante euro) au titre de l'indemnité de préavis, Y ajoutant : Condamne la société Rozenblit à payer à la société Delimpex la somme complémentaire de 3 500 euro (trois mille cinq cent euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Rozenblit aux dépens d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Lefevre Tardy dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.