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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 27 novembre 2008, n° 08-02918

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Aluplast GmbH Kunststoffprofile (SARL)

Défendeur :

Schuco International (SCS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maron

Conseillers :

M. Coupin, Mme Poinseaux

Avocats :

Selarl Weiland & Partenaires, Me Paetzold

T. com. Versailles, du 4 avr. 2008

4 avril 2008

Faits et procédure :

La société Aluplast, dont le siège social se trouve en Allemagne, a pour activité le développement, l'extrusion et la commercialisation de profilés de fenêtres et de portes en PVC.

La société Schuco International, dont le siège social se trouve en France, a quant à elle pour activité la commercialisation - et, fait-elle valoir, la conception - de profilés qu'elle se procure auprès de différents extrudeurs, telle la société Aluplast.

Par ailleurs, Aluplast produit et commercialise ses propres profilés, notamment sur le marché français.

Aujourd'hui, elle commercialise en France principalement les profilés de sa gamme Ideal à propos de laquelle Schuco lui reproche des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en considérant qu'elle aurait cherché à profiter indûment de ses efforts techniques, commerciaux et financiers.

C'est la raison pour laquelle elle a saisi le Tribunal de commerce de Versailles, pour obtenir notamment la cessation immédiate des actes reprochés et sa condamnation à lui payer 551 993 euro de dommages-intérêts.

Devant cette juridiction, Aluplast a soulevé une exception d'incompétence, notamment au profit de la juridiction de Karlsruhe.

Par le jugement déféré, en date du 4 avril 2008, le Tribunal de commerce de Versailles a rejeté cette exception et s'est déclaré compétent.

Au soutien du contredit qu'elle a formé contre ce jugement, Aluplast fait valoir en premier lieu que les actes de débauchages prétendument intervenus à partir de 2003 ne sauraient être à l'origine ni du développement, ni de la commercialisation en France des profilés Aluplast Ideal, objet des reproches de parasitisme puisqu'elle commercialisait en France dès avant cette date.

La relation commerciale entre Aluplast et Schuco s'est poursuivie normalement jusqu'en 2000, où un changement dans la direction de Schuco est intervenu, changement qui a d'ailleurs motivé le départ de divers salariés de Schuco, notamment le directeur commercial PVC de la société Schuco, Monsieur Ertel qui, - après avoir été licencié pour faute en décembre 2002 - a négocié son départ et tenté de créer sa propre entreprise de menuiserie aluminium au début de l'année 2003 avant d'être embauché par Aluplast en mars 2003.

Schuco a alors assigné ce dernier devant le Conseil des prud'hommes de Rambouillet et a obtenu sa condamnation au remboursement d'une indemnité de non-concurrence et au versement de dommages et intérêts pour violation d'une clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail.

En revanche, la demande de condamnation pour manœuvres dolosives et pour déloyauté n'a pas prospéré, ni en première instance, ni en appel.

Schuco a également assigné cet ancien salarié devant le Tribunal de commerce de Versailles pour violation de la clause de non-concurrence stipulée dans l'accord commercial qu'ils avaient conclu en janvier 2003, mais elle a été déboutée de ses demandes.

Ce n'est qu'en octobre 2005 que Schuco a adressé à Aluplast un courrier de mise en demeure lui reprochant alors pour la première fois d'avoir embauché ce salarié alors que celui-ci aurait été lié par une clause de non-concurrence avant de l'attraire devant le Tribunal de commerce de Versailles pour demander sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour débauchage et parasitisme ainsi qu'à la restitution de " l'ensemble de l'outillage et du matériel acquis et mis à la disposition d'Aluplast, en vue de la fabrication des profilés destinés à sa gamme de fenêtres Corona ".

C'est sur ces demandes, et sur une demande de restitution d'outils, que le tribunal de commerce, par le jugement déféré, s'est déclaré compétent.

Or les parties ont leur siège social respectif sur le territoire de différents Etats membres de la Communauté européenne.

Par conséquent, la compétence doit être déterminée en application du règlement CE n° 44-2001 du Conseil du 22 décembre 2000.

S'agissant des actes de débauchage et de parasitisme, ni l'article 2, ni l'article 5-3 du règlement 44-2001 ne permettent de rattacher le litige au ressort juridictionnel de Versailles.

En effet, l'article 2 énonce le principe selon lequel la défenderesse ne peut qu'être attraite devant les juridictions allemandes, sauf disposition contraire.

En matière délictuelle, l'article 5 n° 3 du règlement permet au demandeur d'attraire une personne également devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit (option de compétence).

A cet égard, il y a lieu de souligner que dans son article 5, le règlement édicte aussi bien des règles de compétence internationale que territoriale. En effet, le règlement désigne, ici, non seulement l'Etat compétent, mais directement le tribunal spécialement compétent.

Or, en l'espèce, ce tribunal ne saurait être le Tribunal de commerce de Versailles, puisque le fait dommageable allégué ne s'est pas produit dans le ressort de cette juridiction.

Le "lieu où le fait dommageable s'est produit" au sens de l'article 5-3 du règlement vise à la fois le lieu de l'événement causal qui est à l'origine de ce dommage et le lieu où le dommage est survenu. Sur ce point, la CJCE a indiqué à plusieurs reprises que l'expression " lieu où le fait dommageable s'est produit " ne vise pas le domicile du demandeur où serait localisé le centre de son patrimoine, même au motif qu'il y aurait subi un préjudice financier (cf. CJCE du 10.06.2004, C-168-02).

En l'espèce, les premiers juges ont considéré que le fait dommageable se situait au siège social de Schuco, au motif que le fait causal serait le départ de compétences et d'informations, lesquelles auraient permis de démarcher les clients connus. Cela cependant ne saurait permettre d'y voir le lieu du fait dommageable.

En effet, notamment en matière de concurrence déloyale, une telle interprétation serait susceptible le plus souvent de reconnaître la compétence des tribunaux du domicile du demandeur, compétence pour laquelle le règlement 44-2001 n'est pas favorable en dehors des cas qu'il évoque expressément (CJCE du 10.06.2004, C-168-02).

Or il est, au contraire, de jurisprudence constante que la compétence du tribunal du lieu du siège social ou de la principale activité commerciale de l'entreprise demanderesse doit être rejetée, si celle-ci ne démontre pas que les clients du ressort de ce lieu auraient été destinataires des manœuvres déloyales invoquées et la CJCE et la Cour de cassation ont indiqué à plusieurs reprises que l'expression " lieu où le fait dommageable s'est produit " ne vise pas le domicile du demandeur où serait localisé le centre de son patrimoine, même au motif qu'il y aurait subi un préjudice financier (cf. CJCE du 10.06.2004, C-168-02 Cass civ. 28.02.1990, n° 88-11320).

Pour admettre la compétence des juridictions de Versailles, il serait ainsi nécessaire d'établir que la clientèle du ressort juridictionnel de Versailles aurait été l'objet des agissements litigieux et Schuco ne rapporte nullement la preuve en ce sens.

Si la cour faisait même abstraction de l'absence de clientèle dans le ressort juridictionnel de Versailles et rattachait la compétence à l'embauche de deux ex-salariés de Schuco par Aluplast, elle ne pourrait pas pour autant déclarer le tribunal saisi compétent pour statuer sur l'ensemble des demandes. Tout d'abord, l'ex-directeur commercial PVC de Schuco ne travaillait plus pour cette société à Versailles, lorsqu'il a été embauché par Aluplast à Karlsruhe. Le seul fait qu'il était alors encore tenu par une clause de non-concurrence ne permet pas de localiser le fait dommageable au siège social de Schuco.

Son embauche ne saurait donc être invoquée pour affirmer la compétence du Tribunal de commerce de Versailles. De plus, elle ne constitue pas " le fait causal initial " de l'ensemble des actes de concurrence déloyale invoqués par la demanderesse, les " actes de débauchage " allégués par la demanderesse ayant eu lieu en 2003, voire même plus tard, époque à laquelle le système de profilés Aluplast Ideal, objet des reproches de parasitisme, développé au début des années 90, était déjà commercialisé en France depuis plusieurs années.

S'agissant de la revendication de l'outillage, aucun critère de rattachement ne permet d'affirmer la compétence des tribunaux français et encore moins du Tribunal de commerce de Versailles dont la compétence ne saurait être fondée sur une connexité entre les demandes, même à la supposer établie.

En effet, en dehors de quelques cas spécifiques de connexité énumérés à l'article 6, le règlement 44-2001 ne fait pas de la connexité un critère positif général d'attribution de compétence (CJCE du 24.06.1981, aff. 150-80 n° 19).

Aussi, la connexité peut uniquement être invoquée à titre d'exception (article 28 du règlement), mais n'est pas un chef attributif de compétence.

A toutes fins utiles, il y a lieu de préciser que la société Schuco ne saurait pas plus invoquer le chef de compétence prévu par l'article 5-3 du règlement en matière délictuelle.

Il est, en effet, constant que l'outillage litigieux avait été mis à disposition dans le cadre de l'exécution du contrat de coopération entre les deux parties.

La demande de restitution de ces outils mis à disposition dans le cadre d'un contrat de coopération ne peut être qualifiée comme délictuelle au sens de l'article 5-3 du règlement. Tout au plus, Schuco pourrait donc invoquer la compétence spéciale en matière contractuelle, prévue à l'article 5-1 du règlement 44-2001, qui n'établirait cependant pas la compétence des Tribunaux de Versailles.

Par conséquent, il y a lieu d'appliquer l'article 2 al. 1 du règlement, prescrivant la compétence au lieu du domicile du défendeur, étant précisé que pour l'application du règlement, les sociétés sont domiciliées au lieu de leur siège social (Article 60 n° 1 a).

Ainsi, Aluplast ayant son siège social en Allemagne, à Karlsruhe, seules les juridictions allemandes, notamment le Tribunal de grande instance de Karlsruhe, chambre commerciale, Hans-Thoma-Straße 7, D-76133 Karlsruhe, sont compétentes pour statuer sur la demande de restitution de l'outillage.

Schuco fait valoir de son côté qu'elle commercialise, depuis la fin des années 1980, la gamme de profilés PVC Vartan 60 M/MF, pour laquelle elle a obtenu le 19 mars 1991 l'avis technique du Centre Scientifique et Technique du bâtiment (CSTB).

L'évolution de cette gamme a conduit à la conception par elle d'une nouvelle gamme de profilés et accessoires, dénommée Corona, pour laquelle elle a obtenu, dès le 10 septembre 1996, l'avis technique du CSTB, qui, renouvelé par la suite à plusieurs reprises, constate que "Le système Corona est une nouvelle série de profilés PVC pour menuiseries développée par Schuco".

La fabrication des profilés de ce nouveau système fut conjointement mise au point, entre 1995 et 2002, par Schuco, son concepteur et l'un des extrudeurs habituels de sa maison mère, la société de droit allemand Aluplast, basée près de Karlsruhe en Allemagne, laquelle société a également une activité de conception et de commercialisation de systèmes de fenêtres.

Dans le cadre de cette coopération, Schuco fait valoir qu'elle a investi une somme de 1 724 622,09 euro, qui a servi à l'acquisition des matériels et outillages nécessaires à l'extrusion par Aluplast d'une partie de ces profilés en vue de la commercialisation en France de sa nouvelle gamme Schuco Corona.

Schuco a également dû engager de très importants moyens techniques, logistiques et commerciaux en vue d'implanter et de développer en France sa gamme Corona auprès de sa clientèle de menuiseries PVC.

C'est grâce à sa coopération avec Schuco, qu'Aluplast mit au point un système de fenêtres quasiment identique au Corona, qu'elle dénomma Ideal 2000 et pour lequel elle obtint d'abord pour la seule Allemagne l'avis technique requis en février 1995, puis en France, mais seulement en décembre 1997.

Schuco précise qu'au cours de l'année 2000, elle informait Aluplast qu'elle entendait réduire à compter de 2001 le volume de l'ensemble de ses fournisseurs de profilés en PVC à la suite de la décision du groupe Schuco d'investir dans une unité de production de profilés en PVC, cependant qu'afin de lui permettre de s'organiser, elle avait mis en place une réduction progressive, étalée sur trois années, de son volume de commandes.

Or, c'est précisément à compter du début de l'année 2003, qu'Aluplast, qui n'était encore présente que de façon marginale sur le marché français et qui ne possède d'ailleurs encore à ce jour ni établissement ni succursale sur le territoire national, engageait une politique commerciale agressive en vue de s'implanter sur le marché français du PVC. A cette fin, elle n'a pas hésité à débaucher illicitement du personnel de Schuco le directeur PVC tenu par une clause de non-concurrence et une assistante de direction, puis, plus tard le responsable régional PVC, grâce auxquels elle a ensuite pu se livrer au démarchage déloyal, en vue de la détourner, de la clientèle de Schuco.

C'est dans ces conditions, qu'après deux mises en demeure restées sans réponse, Schuco engageait devant le Tribunal de commerce de Versailles la responsabilité délictuelle d'Aluplast pour concurrence déloyale, formant deux demandes principales destinées à réparer son préjudice, d'une part, la restitution de l'ensemble de l'outillage et du matériel acquis et mis à disposition d'Aluplast et d'autre part, l'allocation de dommages et intérêts pour un montant évalué en dernier lieu à la somme de 551 993 euro.

Schuco convient de l'applicabilité en l'espèce du règlement CE n° 44-2001 du Conseil du 22 décembre 2000 relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale mais estime que la compétence du Tribunal de commerce de Versailles est fondée sur la dérogation à la règle de compétence générale en faveur des juridictions de l'Etat membre sur lequel se trouvent domiciliées les personnes attraites en justice que prévoit l'article 5-3 dudit règlement.

Schuco souligne qu'elle reproche à Aluplast d'avoir utilisé des moyens déloyaux en vue de détourner sa clientèle PVC, consistant principalement en des actes de débauchage de son personnel grâce auxquels elle a ensuite pu démarcher sa clientèle et commettre des actes de parasitisme. N'ayant de clientèle qu'en France où elle ne possède qu'un seul et unique établissement, son siège social, d'où son personnel fut débauché, il n'est, selon Schuco, pas contestable que les faits dommageables reprochés à Aluplast se sont déroulés dans un seul et même Etat, la France, où le dommage a par ailleurs été intégralement subi.

Les juridictions françaises sont dès lors compétentes et elle estime qu'elle était donc bien fondée, en application de l'article 5-3 du règlement CE du 22 décembre 2000, à attraire Aluplast dans un autre Etat membre que l'Allemagne, lequel ne peut être que la France, Etat où le dommage a été intégralement subi.

Elle considère que ce même article 5.3 donne par ailleurs clairement compétence au Tribunal de Versailles pour statuer sur les demandes qu'elle a formées. En effet, comme l'a retenu cette juridiction, le " fait causal initial " était le " départ de compétences et d'informations... basées de toute évidence au siège social de la société Schuco, l'un des ex salariés, (...) qui était Directeur commercial PVC, était tenu par une clause de non-concurrence pour laquelle il a été condamné, ce qui a permis ensuite de démarcher des clients connus ".

Aluplast, qui n'a toujours à ce jour ni filiale ni succursale en France, mais qui souhaitait néanmoins s'implanter en France a, dans ce but, embauché en février 2003 l'ex-directeur commercial PVC de Schuco, en qualité de Responsable PVC France, alors qu'elle n'ignorait pas que celui-ci était tenu par une clause de non-concurrence.

Cette clause interdisait également à cet ex-salarié d'embaucher ou de faire embaucher, directement ou indirectement, du personnel de Schuco.

Or celui-ci a activement participé au recrutement par Aluplast d'une assistante de direction et tenté de débaucher un VRP PVC.

C'est dans ces conditions que Schuco a engagé avec succès sa responsabilité contractuelle devant le Conseil de prud'hommes de Rambouillet, qui l'a condamné le 20 septembre 2004 à rembourser à Schuco la contrepartie financière de la clause de non-concurrence versée par Schuco ainsi qu'à payer 60 000 euro de dommages et intérêts, pour s'être fait embaucher par Aluplast en violation de son obligation de non-concurrence et tentative de débauchage d'un salarié de Schuco. Ce jugement a été confirmé par la Cour d'appel de Versailles.

L'embauche, par Aluplast, de cet ex-directeur commercial PVC, alors que celle-ci savait qu'il était tenu par une obligation de non-concurrence, puis le débauchage d'une assistante commerciale ainsi que la tentative de débauchage d'un commercial PVC constituent indiscutablement une faute qui a directement causé à Schuco un dommage initial qui est survenu qu'en un seul et unique lieu, qui est celui où travaillaient les deux salariés débauchés par Aluplast, à savoir le siège social de la concluante, qui se situe dans le ressort territorial du Tribunal de commerce de Versailles.

Afin de mieux convaincre les clients de Schuco de changer de fournisseur, Aluplast s'est prévalue de ce qu'ils pouvaient utiliser les mêmes machines avec les mêmes réglages et les mêmes outils fournis par Schuco pour menuiser les profilés de sa gamme dans la mesure où ceux-ci sont identiques à ceux de la gamme Schuco Corona.

Outre le caractère particulièrement déloyal de ce démarchage, ces agissements constituent clairement des actes de parasitage, dans la mesure où, pour détourner à son profit la clientèle de Schuco, Aluplast a clairement cherché à profiter indûment de ses efforts techniques, commerciaux et financiers.

C'est donc à bon droit que le jugement a considéré que ce débauchage originel constituait le fait causal initial ou encore le fait générateur du démarchage illicite, qui s'en est ensuivi et en a déduit la compétence du Tribunal de commerce de Versailles, lieu du fait à l'origine du dommage.

En outre, le tribunal dans le ressort duquel s'est produit le fait à l'origine du dommage détient une compétence complète et peut ordonner la réparation de l'entier dommage en vertu du principe selon lequel l'accessoire doit suivre le principal pour déterminer le lieu d'exécution de plusieurs obligations litigieuses. Ce principe, dégagé par la CJCE (arrêt Shenavaï du 15.01.1987) en matière contractuelle, doit être transposé en matière délictuelle, à savoir que lorsque des dommages ont été subis dans le ressort de différents tribunaux d'un même Etat, le tribunal du lieu où le principal dommage a été subi peut connaître de l'ensemble des préjudices subis dans cet Etat.

C'est cette solution qui a été adoptée par les juridictions françaises et confirmée par la CJCE dans un arrêt Fiona Shevill du 7 mars 1995 rendu en matière de diffamation.

Selon cette décision, l'expression "lieu où le fait dommageable s'est produit" utilisée par l'article 5-3 du règlement CE, doit, en cas de diffamation au moyen d'un article de presse diffusé dans plusieurs Etats membres, être interprétée en ce sens que la victime peut intenter contre l'éditeur une action en réparation, soit devant les juridictions de l'Etat du lieu d'établissement de l'éditeur de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer l'intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit devant les juridictions de chaque Etat contractant dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l'Etat de la juridiction saisie.

En conclusion, la compétence du Tribunal de Versailles, dans le ressort duquel le dommage initial est survenu, doit être retenue, non seulement pour connaître de ce dommage mais aussi de tous ceux dont il a ensuite permis la réalisation.

De la même manière, la restitution par Aluplast de l'ensemble de l'outillage et du matériel, acquis par Schuco et mis à la disposition d'Aluplast en vue de la fabrication de profilés destinés à sa gamme de fenêtres Corona constitue une mesure de réparation se rattachant directement à la demande principale en dommages et intérêts formée par Schuco.

Cette société en déduit que le Tribunal de commerce de Versailles est donc internationalement et territorialement compétent pour connaître de l'ensemble des demandes formées par la société Schuco à l'encontre de la société Aluplast, et ce d'autant plus que les arguments de la société Aluplast ne sont pas de nature à modifier cette solution.

Sur ce, LA COUR,

Attendu qu'Aluplast est domiciliée en Allemagne et Schuco en France;

Attendu que selon l'article 5-3 du règlement du Conseil n° 44-2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions de justice en matière civile et commerciale, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ;

Attendu que l'expression " le lieu où le fait dommageable s'est produit " vise à la fois le lieu où le dommage est survenu et le lieu de l'événement causal ; qu'il en résulte que le défendeur peut être attrait devant le tribunal soit du lieu où le dommage est survenu, soit du lieu de l'événement causal qui est à l'origine de ce dommage;

Attendu qu'en l'espèce Schuco fait grief à Aluplast d'avoir débauché illicitement certains membres de son personnel, à savoir un ancien directeur PVC tenu par une clause de non-concurrence, une assistante de direction, puis, plus tard un responsable régional PVC, et grâce à ces débauchages, de s'être livrée au démarchage déloyal, en vue de la détourner, de sa clientèle, et de lui avoir ainsi causé un très grave préjudice;

Attendu qu'en l'espèce, l'événement causal qui serait à l'origine du démarchage de clientèle est intervenu au siège de Schuco;

Attendu en effet que c'est à ce siège que cette société était bénéficiaire des obligations de non-concurrence auxquelles était tenu son ex-directeur PVC qui, comme cela résulte notamment de l'arrêt de la cour de céans en date du 22 novembre 2005 et des attestations produites, a tenté d'y débaucher un autre salarié, VRP, Jean-Vincent Le Coent ; qu'il est en outre allégué qu'il y aurait débauché une autre salariée, assistante de direction et, par ailleurs, démarché des clients de Schuco ; que son obligation de non-concurrence avait, précisément, pour objet de prévenir des agissements du type de ceux qui sont reprochés à Aluplast et que l'embauche de l'ex-directeur PVC de Schuco lui a donné la possibilité de commettre lesdits agissements ; que cette embauche constitue dès lors bien l'événement causal à l'origine du dommage imputé à Aluplast ; qu'il en résulte que c'est à bon droit que le premier juge a considéré que le fait causal initial était le départ de compétences et d'informations qui étaient basées au siège social de Schuco;

Attendu, en ce qui concerne la demande de restitution de matériel que Schuco fait valoir qu'elle constitue, pour elle, une mesure de réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme qu'elle impute à Aluplast, complémentaire à la demande de dommages-intérêts, qu'elle forme ; que dans ces conditions, et contrairement aux allégations d'Aluplast, il ne saurait être considéré que cette demande ressortirait exclusivement des dispositions de l'article 2 alinéa 1er du règlement; que, pour ce motif, le jugement déféré doit être confirmé;

Attendu que l'équité conduit à condamnation d'Aluplast à payer à Schuco la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré et statuant plus avant, Condamne Aluplast à payer à Schuco la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux dépens du présent contredit. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.