Cass. com., 19 janvier 2010, n° 08-15.338
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias (ès qual.), FHB (ès qual.), Morgan (Sté)
Défendeur :
Infinitif (SA), Marlène (SARL), Salm (SAS), La Gadgeterie du sentier (SARL), Groupe Vog (Sté), SSL (SARL), Naf Naf boutiques (SNC), SFASS (SARL), CDT distribution (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
Mme Bonhomme
Avocats :
Me Bertrand, SCP Bachellier, Potier de La Varde, SCP Baraduc, Duhamel, SCP Gadiou, Chevallier, SCP Laugier, Caston, SCP Ortscheidt, SCP Thomas-Raquin, Bénabent
LA COUR : - Joint les pourvois 08-15.338, 08-16.459 et 08-16.469, qui attaquent le même arrêt ; - Statuant, tant sur les pourvois principaux formés par les sociétés Infinitif, Marlène, Salm, La Gadgeterie du sentier et Groupe Vog, que sur les pourvois incidents relevés par les sociétés Morgan, SSL et Naf Naf boutiques ; - Donne acte à la société La Gadgeterie du sentier du désistement de son pourvoi, en tant que dirigé à l'encontre des sociétés SFASS et CDT distribution ; - Donne acte à la Selarl FHB et à la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias de leur intervention volontaire et leur reprise d'instance en qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Morgan ; - Donne acte à la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias de son intervention en qualité de liquidateur judiciaire de la société Morgan ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 20 juin 2006, pourvoi n° 04-20.776), que Mme X, revendiquant la qualité d'auteur de modèles de ceinture, et la société Céline, qui exploite ces modèles, ont fait pratiquer des saisies-contrefaçon, puis agi en contrefaçon et concurrence parasitaire à l'encontre des sociétés SSL, Infinitif, Marlène, Salm, Naf Naf boutiques, Morgan, La Gadgeterie du sentier et Groupe Vog, en leur reprochant d'avoir commercialisé, à bas prix, des ceintures de piètre qualité reproduisant les caractéristiques de ces modèles ;
Sur les premier et quatrième moyens du pourvoi des sociétés Infinitif, Marlène et Salm, les premier et troisième moyens du pourvoi de la société Groupe Vog, les premier et deuxième moyens du pourvoi de la société Morgan, les premier et quatrième moyens du pourvoi de la société Naf Naf boutiques, le premier moyen du pourvoi de la société La Gadgeterie du sentier et les premier et quatrième moyens du pourvoi de la société SSL : - Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;
Mais sur le second moyen du pourvoi de la société La Gadgeterie du sentier, le deuxième moyen du pourvoi des sociétés Infinitif, Salm et Marlène, pris en leur première branche, le deuxième moyen du pourvoi de la société Naf Naf boutiques, pris en sa première branche, le deuxième moyen du pourvoi de la société Morgan, le deuxième moyen du pourvoi de la société SSL et le deuxième moyen du pourvoi de la société Groupe Vog, pris en sa première branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu qu'après avoir constaté que les sociétés poursuivies avaient commis des actes de contrefaçon de modèles, l'arrêt retient, pour prononcer en outre condamnation au titre de la concurrence parasitaire, que le parasitisme est caractérisé par la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements ; qu'il constate que la société Céline justifie avoir consacré d'importants investissements publicitaires à ses deux modèles de ceintures à cartouches, dont il convient de relever qu'ils constituaient manifestement les accessoires phares de la collection Printemps-Eté 2001 de cette maison de couture, en ce qu'ils sont représentés en couverture du catalogue de luxe de la collection, mais également sur plus de la moitié des photographies de celui-ci ; qu'il relève que ces deux modèles ont fait l'objet d'une diffusion publicitaire importante dans différents magazines et revues, dont certains ont été tirés à plus de 250 000 exemplaires, et qu'ils ont été choisis pour figurer sur les pages d'accueil de sites Internet, dont la fréquentation s'est élevée à plus de 720 000 visiteurs pour les mois de mars à juin 2001, et que enfin, dans le cadre des travaux effectués dans son magasin, situé rue de Rennes à Paris, la société Céline a fait imprimer, sur une toile de 2,50 mètres de large, sur 10 mètres de long et 6,50 mètres de haut, destinée à recouvrir la palissade, une image représentant le modèle de ceinture à cartouches ; qu'il retient enfin que le succès de ces modèles est attesté par des articles de presse, notamment l'article "Les affaires sont dans le sac", paru dans le magazine "Elle", daté du 24 septembre 2001 ; que l'arrêt en conclut qu'il est avéré que les parties défenderesses ont entendu exploiter ce succès commercial en se plaçant délibérément dans le sillage de la société Céline, sans avoir à investir dans la création des modèles ni à procéder à des investissements publicitaires, de sorte qu'en tirant profit des investissements engagés par la société Céline, elles ont manifesté un comportement fautif à son encontre qui lui a directement causé un préjudice en banalisant ses modèles et en portant atteinte à sa notoriété, par la piètre qualité des modèles commercialisés par celles-ci, et à son succès commercial ;
Attendu qu'en se fondant, pour prononcer une condamnation distincte de celle résultant de la contrefaçon de modèles, sur des faits qui ne se distinguent pas de ceux caractérisant cette contrefaçon, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; - Vu l'article 624 du Code de procédure civile ;
Attendu que la cour d'appel ayant fixé le préjudice en distinguant les chefs de contrefaçon et de concurrence déloyale, la cassation de ce second chef emporte cassation de celui procédant à cette évaluation ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné à payer à la société Céline, in solidum la société Groupe Vog, la société La Gadgeterie du sentier et la société Morgan la somme de 20 000 euro au titre de la contrefaçon et celle de 10 000 euro au titre des agissements parasitaires, in solidum la société Groupe Vog, la société La Gadgeterie du sentier et la société SSL la somme de 20 000 euro au titre de la contrefaçon et celle de 10 000 euro au titre des agissements parasitaires, in solidum la société Groupe Vog, la société La Gadgeterie du sentier et la société Naf Naf boutiques la somme de 20 000 euro au titre de la contrefaçon et celle de 10 000 euro au titre des agissements parasitaires, in solidum la société Groupe Vog, la société La Gadgeterie du sentier et la société Infinitif la somme de 20 000 euro au titre de la contrefaçon et celle de 10 000 euro au titre des agissements parasitaires, in solidum la société Groupe Vog, la société La Gadgeterie du sentier et la société Marlène la somme de 20 000 euro au titre de la contrefaçon et celle de 10 000 euro au titre des agissements parasitaires, in solidum la société Groupe Vog, la société La Gadgeterie du sentier et la société Salm la somme de 20 000 euro au titre de la contrefaçon et celle de 10 000 euro au titre des agissements parasitaires, l'arrêt rendu le 26 mars 2008, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public.