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Décisions

Cass. soc., 2 juillet 2008, n° 07-40.618

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Geci France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Quenson (faisant fonction)

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano

Cons. prud'h. Toulouse, du 30 juin 2005

30 juin 2005

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 novembre 2006), que M. X a été engagé le 13 août 2001, en qualité d'ingénieur d'études, par la société Geci France ; que l'article 12 de son contrat de travail contenait une clause dite de secret professionnel, de confidentialité et de non détournement de clientèle aux termes de laquelle le salarié s'engageait, "pendant et après son contrat de travail (ceci pendant une durée de deux années), à ne détourner aucun client des sociétés du groupe Geci, directement ou indirectement, sous quelque forme juridique que ce soit, tant en son nom personnel que pour le compte de tiers. Cette obligation s'applique en général à tout client des sociétés du groupe Geci, et en particulier, aux clients avec lesquels M. X sera en contact directement ou indirectement" ; que licencié le 12 juillet 2002 pour insuffisance professionnelle, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et procédure vexatoire et pour obtenir la requalification de cette clause en clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière et son indemnisation ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Geci France fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de M. X était sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à lui payer des dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que le motif hypothétique équivaut à un défaut de motifs ; qu'en posant péremptoirement l'hypothèse qu'il était " impossible " que l'employeur n'ait pas décelé en sept mois les insuffisances du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que le juge du fond ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, l'évaluation professionnelle établie par M. Y le 25 mars 2002 décelait une des insuffisances professionnelles reprochées par l'employeur, en mentionnant que M. X devait améliorer sa capacité à communiquer (" he needs improve his communication skill ", "more communicative is something to improve" : "il doit améliorer sa communication", "davantage de communication s'impose") ; qu'en affirmant qu'il était impossible que l'évaluateur qui avait qualifié le travail de M. X de globalement satisfaisant, n'ait pas décelé en sept mois de collaboration les insuffisances du salarié invoquées par l'employeur, retenant, en d'autres termes, que l'évaluation du 25 mars 2002 ne faisait état d'aucune insuffisance professionnelle, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'évaluation susvisée en violation de l'article 1134 du Code civil ; 3°) que l'insuffisance professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, nonobstant l'absence de remarque antérieure ou de sanction disciplinaire préalable ; qu'en retenant, de manière inopérante, l'absence d'avertissement ou de sanction disciplinaire précédant l'évaluation défavorable du 18 juin 2002 sur les capacités de M. X, pour juger que le motif de licenciement n'était pas réel, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; 4°) que l'employeur reprochait au salarié ses difficultés de communication qui, aux termes de la lettre de licenciement, " dépassent la simple barrière linguistique ", et avait versé aux débats des attestations de salariés faisant état de son refus de communiquer, y compris avec les ingénieurs italiens du bureau d'études ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que l'employeur avait pu apprécier la maîtrise de la langue française du salarié pendant la période d'essai puisqu'il avait invité celui-ci à suivre des cours du 1er octobre au 20 décembre 2001, pour lui refuser la possibilité de justifier le licenciement par cette insuffisance professionnelle, sans rechercher si les difficultés importantes et persistantes de communication du salarié, au-delà de la barrière linguistique, justifiait son licenciement pour insuffisance professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième et quatrième branches, la cour d'appel qui a constaté, hors toute dénaturation, que la seule évaluation professionnelle notifiée au salarié le 5 mars 2002 qualifiait son travail de globalement satisfaisant, a retenu, qu'en l'absence de tout exemple de l'employeur démontrant que la production, les études ou le livrable technique réalisés par le salarié auraient dû être refaits ou auraient mis en péril la bonne délivrance d'une prestation à un client, l'insuffisance professionnelle n'était pas établie ; que le moyen, qui ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, cette appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de fait et de preuve, ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen : - Attendu que l'employeur fait également grief à l'arrêt d'avoir dit illicite la clause de non détournement de clientèle et de l'avoir condamné à payer à M. X des dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui lui sont soumis ; que la clause intitulée "clause de (...) non détournement de clientèle" stipulait que M. X " s'engage, pendant et après son contrat de travail (et ceci pendant une durée de deux ans) à ne détourner aucun client des sociétés du groupe Geci, directement ou indirectement, sous quelque forme juridique que ce soit, tant en son nom personnel que pour le compte de tiers. Cette obligation s'applique en général à tout client des sociétés du Groupe et en particulier, aux clients avec lesquels M. X sera en contact directement ou indirectement " ; qu'en jugeant que cette clause constituait une clause de non-concurrence illicite car elle aboutissait à interdire au salarié l'accès à toute entreprise oeuvrant dans le secteur aéronautique, quand cette clause interdisait uniquement des actes de détournement de clientèle, la cour d'appel a dénaturé cette clause en violation de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant procédé à une interprétation nécessaire exclusive de dénaturation des termes ambigus de la clause contractuelle dite de non-détournement de clientèle, la cour d'appel qui a constaté que son libellé très large et imprécis aboutissait en fait à interdire à M. X l'accès aux entreprises oeuvrant dans le secteur aéronautique et donc à lui interdire l'exercice d'une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle, a décidé que la clause litigieuse devait s'analyser en une clause de non-concurrence déguisée illicite puisque dépourvue de contrepartie financière ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.