CA Lyon, 3e ch. civ. B, 31 janvier 2008, n° 06-00187
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Distribution Casino France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Conseillers :
Mme Devalette, M. Maunier
Avoués :
Me de Fourcroy, SCP Brondel-Tudela
Avocats :
SCP Bednarski-Charlet & Associés, Selarl Cussac
Par acte sous seing privé du 17 septembre 2001, Monsieur X a conclu un contrat de franchise avec la société Médis pour l'exploitation d'une supérette à l'enseigne Spar à Tessy-sur-Vire (54) pour une durée de sept années.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 11 juin 2002, Monsieur X a mis en demeure la société Médis de respecter ses obligations tant en matière d'approvisionnement qu'en sa qualité de centrale de référencement, et notamment de l'informer des résultats des négociations conduites par elle avec les fournisseurs pour le compte du réseau.
Par courrier du 25 juin 2002, la société Médis a contesté les manquements allégués et refusé la communication des accords avec les fournisseurs, au motif que les articles du contrat excluaient toute idée de commission, et de rétrocession des remises fournisseurs.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 28 juin 2002, Monsieur X a mis en demeure la société Médis de :
- respecter ses obligations en matière de logistique et d'approvisionnement,
- justifier du développement du réseau Spar,
- lui transmettre les accords conclus avec les fournisseurs en application de l'article 5-1 du contrat,
dans un délai d'un mois, faute de quoi il se prévaudra de la clause résolutoire incluse au contrat de franchise.
Par courrier du 2 août 2002, il l'a informée qu'il considérait le contrat comme résilié, faute d'avoir reçu de réponse positive à ses demandes.
Par assignation délivrée le 16 août 2002, il a saisi le Tribunal de commerce de Saint-Etienne aux fins de voir :
- constater que le contrat de franchise et ses avenants sont résiliés aux torts exclusifs de la société Médis, aux droits de laquelle est venue la société Distribution Casino France, à la date du 2 août 2002,
- condamner cette dernière au paiement de la somme de 75 154,95 euro en indemnisation du préjudice subi,
- ordonner une expertise aux fins de communication des accords signés par le franchiseur avec les producteurs et fournisseurs pour le compte du réseau.
Par jugement du 15 décembre 2005, le Tribunal de commerce de Saint-Etienne, après avoir dit que la résiliation du contrat de franchise est intervenue à ses torts, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes, et sur les demandes reconventionnelles, l'a condamné à payer à la société Distribution Casino France :
- la somme de 48 479,30 euro au titre de la perte de redevances, dont à déduire la somme de 16 766,09 euro représentant l'encours restant dû, soit un solde de 31 713,21 euro,
- la somme 9147 euro en remboursement du budget d'enseigne,
- la somme de 8 000 euro au titre de la clause de non-concurrence,
- la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur X a interjeté appel le 26 octobre 2005.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 8 octobre 2007, et expressément visées par la cour, il demande à la cour de :
- constater que le contrat de franchise et ses avenants sont résiliés aux torts exclusifs de la société Distribution Casino France par le jeu de la clause résolutoire prévue au contrat,
- en tout état de cause : prononcer la résiliation du contrat de franchise et de ses avenants aux torts exclusifs de la société Distribution Casino France,
- la condamner à réparer le préjudice subi évalué à 75 154,95 euro,
- désigner un expert avec la mission de :
* se faire communiquer pour les années 2001 et 2002 les accords négociés pour le compte du réseau Spar par la société Médis avec les producteurs et fournisseurs agréés pour l'ensemble des produits référencés livrés par ces derniers ou par Médis elle-même,
* obtenir le détail des avantages de toute nature visés dans les dits accords et les sommes devant revenir en vertu des dits accords au concluant,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Distribution Casino France à lui payer la somme de 16 766,09 euro au titre des encours existants,
- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a ordonné compensation entre cette somme et les condamnations mises à la charge de Monsieur X,
- condamner la société Distribution Casino France au paiement de la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire, Monsieur X expose que :
- l'article 13 b) du contrat de franchise prévoit que "... en cas d'inexécution ou de manquement par l'une des parties à l'une quelconque de ses obligations, l'autre partie pourra, après une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception non suivie d'effet dans le délai d'un mois, résilier de plein droit le présent contrat par l'envoi d'une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception et sans formalité judiciaire ",
- dans la lettre du 22 juillet 2002 en réponse à la lettre de mise en demeure du 28 juin 2002, la société Médis, se contentant d'une contestation de pure forme, n'a répondu à aucun des griefs qui lui étaient faits,
- la société Médis n'ayant pas exécuté ses obligations dans le délai fixé, par lettre du 2 août 2002, le concluant a constaté la résiliation de plein droit.
Il reproche à la société Médis :
- le non-respect de ses obligations en matière de logistique et d'approvisionnement, dont il s'est plaint par lettre du 11 juin 2002 : manquants sans cesse croissants, livraison de produits abîmés, etc... qui s'est poursuivi après la mise en demeure du 28 juin 2002,
- de n'avoir pas rendu compte des négociations " en tant que centrale de référencement et d'achat " avec les producteurs et fournisseurs " pour le compte du réseau Spar " (article 5. 1 du contrat de franchise),
- d'avoir manqué à son obligation, figurant à l'article 3 du contrat de franchise, de développer le réseau.
Il prend pour preuve de l'obligation pour le franchiseur de rendre compte de son activité de centrale d'achat la modification récente par la société Distribution Casino France de l'article 5-1 du contrat de franchise, qui désormais précise que cette dernière négocie avec les producteurs et fournisseurs pour son propre compte, et prévoit l'engagement du franchisé de ne pas réclamer le bénéfice ou la redistribution des avantages obtenus par le franchiseur auprès des producteurs et fournisseurs.
Subsidiairement, sur les négociations avec les fournisseurs et producteurs, l'appelant soutient que les obligations de la société Médis, si elles ne devaient pas relever du mandat, procéderaient du contrat de commission, et donc qu'il existerait également une obligation de rendre compte.
Il se prévaut encore de ce que l'article 5-1 du contrat de franchise prévoyait expressément " pour les produits référencés livrés directement par les fournisseurs agréés, la communication par le franchiseur aux franchisés de la liste continuellement mise à jour, leur définition et les procédures de commandes, livraisons et commandes ", obligation qui n'a jamais été honorée, même après mise en demeure.
Il reprend les mêmes griefs à l'appui de sa demande subsidiaire en résiliation du contrat aux torts du franchiseur, insistant sur le fait que le non-respect par la société Médis de ses obligations en termes d'approvisionnement l'a empêché de fidéliser la clientèle. Il signale que des produits constituant " l'indispensable des ménagères " ont régulièrement manqué dans les livraisons, et qu'il s'en était plaint oralement bien avant la lettre du 11 juin 2002.
Sur son préjudice, il réclame une indemnité d'un montant de 75 154,95 euro, correspondant à la redevance annuelle multipliée par le nombre d'années à courir jusqu'au terme du contrat, conformément à la clause pénale prévue au contrat au profit du franchiseur en cas de rupture aux torts du franchisé, dont il se prévaut au titre du " parallélisme des formes ".
Il maintient sa demande relative aux encours, à laquelle le tribunal a fait droit.
Il s'oppose aux diverses demandes reconventionnelles, en raison de la rupture du contrat aux torts du franchiseur.
Concernant la demande reconventionnelle fondée sur la clause de non-concurrence en cas de rupture aux torts du franchisé, il ajoute à titre subsidiaire, qu'elle n'est ni légitime, ni proportionnée, au regard du droit communautaire comme au regard du droit interne.
Ainsi, il énonce que :
- l'article 5 du règlement communautaire du 22 décembre 1999 (RE 2790-1999), applicable dès lors que le réseau Spar est un réseau européen déployé en France mais aussi en Belgique et en Allemagne, et revendique sur son site Internet 16 000 points de vente dans 30 pays, interdit :
" Toute obligation directe ou indirecte interdisant à l'acheteur, à l'expiration de l'accord de fabriquer, d'acheter, de vendre ou de revendre des biens ou prestations de services, sauf si cette obligation :
* concerne des biens ou des services qui sont en concurrence avec des biens ou des services contractuels,
* est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l'acheteur a opéré pendant la durée du contrat,
* est indispensable à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à l'acheteur,
* à condition que la durée d'une telle obligation de non-concurrence soit limitée à un an à compter de l'expiration de l'accord ".
- la clause litigieuse interdit au franchisé " d'exploiter ou participer d'une quelconque manière, directement ou par personne interposée à l'exploitation, la gestion, l'administration, le contrôle d'un fonds de commerce ou d'une entreprise ayant une activité identique ou similaire à l'unité en franchise " ; elle n'est donc pas une simple clause de non-réaffiliation,
- elle n'est pas limitée au fonds de commerce,
- il n'est pas démontré qu'elle serait indispensable à la protection du savoir-faire de la société Distribution Casino France,
- au regard du droit interne, une clause de non-concurrence n'est valable que si elle est indispensable et proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur ; ce n'est pas le cas de la clause litigieuse, qui obligerait le franchisé à fermer son fonds de commerce pendant une année et verrait disparaître sa clientèle,
- de surcroît, une condamnation à ce titre ferait double emploi avec la condamnation au paiement des redevances annuelles jusqu'au terme du contrat demandée par ailleurs par la société Distribution Casino France.
Monsieur X conteste également les demandes de la société Distribution Casino France relatives à :
- la perte de marge sur approvisionnement : d'abord du fait qu'il n'y avait aucune clause d'exclusivité, ensuite en raison du caractère forfaitaire de la clause pénale en cas de rupture aux torts du franchisé,
- la perte d'emplacement : en raison également du caractère forfaitaire de la clause pénale, mais en outre du fait que la société Médis a totalement négligé la région d'implantation du franchisé, et encore du fait que la clientèle appartient au franchisé.
Dans ses dernières écritures déposées au greffe le 13 novembre 2007, et expressément visées par la cour, la société Distribution Casino France venant aux droits de la société Médis par suite d'une fusion-absorption avec effet à compter du 30 novembre 2002, conclut à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande du franchiseur au titre de la perte de marge sur approvisionnement et au titre de la perte d'emplacement, et limité à 8 000 euro le préjudice du franchiseur subi du fait de la violation de la clause de non-concurrence.
En conséquence, elle demande la condamnation de Monsieur X à lui payer :
- la somme de 48 479,30 euro au titre de la perte de redevances consécutive à la résiliation anticipée du contrat,
- la somme de 150 000 euro au titre du préjudice résultant de la violation de la clause de non-concurrence,
- la somme de 451 073 euro au titre de la perte de marge sur approvisionnement,
- la somme de 150 000 euro au titre de la perte d'emplacement.
Enfin elle demande la condamnation de Monsieur X au paiement de la somme de 9 147 euro en restitution du budget d'enseigne et l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Préalablement, elle indique que dès le 6 août 2002 Monsieur X est passé sous l'enseigne d'un groupe concurrent, comme huit autres de ses franchisés à la même époque, qui lui ont adressé, chacun, une mise en demeure d'avoir à respecter une prétendue obligation d'avoir à communiquer les accords fournisseurs.
Elle conteste avoir manqué à ses obligations en matière d'approvisionnement et d'assistance, faisant valoir que :
- aucune clause du contrat ne lui fait obligation de l'intégralité des commandes dans un délai préfix ; en raison des ruptures de stock un tel engagement ne pourrait jamais être tenu,
- les délais de livraison ne sont donnés qu'à titre indicatif ; les retards éventuels ne donnent pas le droit d'annuler la vente, de refuser la marchandise ou de réclamer des dommages-intérêts (annexe 8 du contrat) ; en outre le plus souvent les manquants étaient livrés la fois suivante ; le tableau produit par Monsieur X est partiel, et, à le supposer exact, démontrerait que seules trois références sur plus d'un millier ont manqué pendant un mois, et deux pendant cinq jours,
- Monsieur X ne s'est jamais plaint avant le 11 juin 2002, date à laquelle il est passé sous la coupe de Carrefour/Promodes,
- la preuve d'une livraison non conforme après la mise en demeure du 28 juin 2002 n'est pas rapportée.
Sur la prétendue obligation de développement du réseau, elle expose que :
- Monsieur X n'a pas soulevé ce moyen en première instance,
- elle a répondu sur ce point à la lettre de mise en demeure dans sa lettre du 22 juillet 2003, rappelant la création de 61 magasins Spar en 2001,
- en toute hypothèse, elle n'avait pas d'obligation contractuelle de développer le réseau, et encore moins d'en justifier auprès du franchisé.
Sur l'article 5-1 du contrat, qui en son alinéa 1 dispose que " la société Médis négocie directement avec les producteurs et fournisseurs et agit en tant que centrale d'achat pour l'ensemble des produits, et ce pour l'ensemble du réseau ", elle expose que :
- dans sa réponse à la mise en demeure du 22 juin 2002, elle a fondé son refus de communication sur les textes du contrat, donc sur son article 5-1,
- pendant toute la durée de la relation contractuelle, le franchisé a acheté et payé les marchandises au pris des tarifs annexés au contrat de franchise,
- elle n'a aucune obligation de rendre compte et de communiquer les accords conclus avec ses propres fournisseurs ; le réseau n'a aucune existence juridique,
- elle a agi comme grossiste ; la qualification de mandat est fantaisiste : les factures des fournisseurs ne sont pas établies au nom du franchisé,
- si le terme " centrale d'achat " peut recouvrir un contrat de commission, le terme " centrale de référencement " l'exclut ; en l'espèce, le contrat de commission ne peut donc pas être déduit de l'emploi dans le contrat des mots " centrale d'achat et de référencement ", qui ne font référence qu'à un rôle économique,
- l'intention des parties a été d'instaurer une relation d'achat/vente, ce qu'établit l'existence de tarifs annexés au contrat de franchise, le respect par le franchisé des conditions générales de vente du franchiseur, propriétaire de la marchandise jusqu'à sa revente au franchisé, l'existence d'une clause de réserve de propriété au profit du franchiseur, la possibilité pour celui-ci de modifier les prix à la baisse ou à la hausse pour tenir compte des prix des fournisseurs...,
- l'existence d'un contrat de commission supposerait une rémunération, qui n'est pas prévue en l'espèce,
- le dernier alinéa de l'article 5.1 du contrat prévoyant que " pour les produits référencés, le franchiseur communique au franchisé la liste continuellement mise à jour, leur définition et les procédures de commandes, livraison et paiement ", n'implique pas une obligation du franchiseur de communiquer les accords de remises et ristournes conclus avec ces fournisseurs ; de plus, le franchisé qui s'approvisionne directement auprès des fournisseurs agréés connaît par conséquence les remises et ristournes qu'ils sont susceptibles de lui consentir ; enfin la mise en demeure du 28 juin 2002 ne visait pas la communication des listes de fournisseurs, mais la rétrocession des remises et ristournes.
Sur ce point, elle se prévaut encore du comportement des parties après la signature du contrat, et notamment du fait que :
- le franchisé n'a jamais imaginé de demander une reddition de compte avant que le groupe concurrent ne le lui suggère,
- il n'a jamais tenu une comptabilité correspondant à un contrat de commission.
Elle en conclut que ni la demande aux fins de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, ni la demande subsidiaire aux fins de prononcé de la résiliation aux torts du franchiseur ne sont justifiées.
Se prévalant de la rupture aux torts du franchisé, elle prétend à l'indemnisation de :
- sa perte de redevances, prévue à l'article 13 d) du contrat de franchise, selon lequel " dans le cas où le contrat de franchise serait rompu aux torts du franchisé avant l'échéance... le franchisé devra payer au franchiseur une somme fixée au montant de la redevance annuelle multiplié par le nombre d'années à courir jusqu'au terme du contrat avec un minimum de 12 mois " soit en l'espèce 48 479,30 euro, sur une base mensuelle de 664,10 euro pendant 73 mois
- sa perte de marge sur approvisionnement sur la base des estimations d'achat pendant la période restant à courir jusqu'au terme prévu du contrat : 451 173 euro,
- la perte de l'emplacement, en raison de la difficulté de créer un nouveau point de vente, correspondant à la valeur d'un fonds de commerce équivalent à celui du franchisé : 150 000 euro.
Si la cour devait estimer que la clause de l'article 13 d) constituait une clause pénale, elle en demande la révision en raison de son caractère dérisoire au regard du préjudice effectivement subi par la société concluante.
Enfin, Monsieur X s'étant immédiatement après la rupture affilié à une chaîne concurrente, elle sollicite une indemnisation de l'article 13 d) du contrat de franchise qui interdisait au franchisé, en cas de résiliation du contrat à ses torts, de faire concurrence directement ou indirectement au franchiseur et de s'affilier à une chaîne concurrente, pendant une année et dans un rayon de 5 kilomètres à vol d'oiseau autour du supermarché objet de la franchise.
Elle se prévaut de la jurisprudence de la Cour de cassation suivant laquelle, selon elle, la clause de non-concurrence est valable quand elle est limitée dans le temps dans l'espace comme dans son objet, et proportionnée aux intérêts légitimes du contractant, quand bien même elle aboutirait, ce qui du reste est son objet, à l'interdiction de l'activité concurrente et à la " disparition de l'entreprise " pendant cette période.
Elle conteste l'application en l'espèce du règlement communautaire du 22 décembre 1999 du fait que :
- la clause de non-réaffiliation ne répond pas à la définition de la clause de non-concurrence donnée par le règlement,
- le règlement se limite à poser des conditions, qui si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l'interdiction des ententes ; il n'établit pas de prescription contraignante,
- Distribution Casino France n'a aucune fonction dans les réseaux étrangers sous l'enseigne Spar ; en l'espèce le contrat de franchise est franco-français et n'affecte pas le commerce communautaire.
Elle ajoute que la clause de non-affiliation de l'article 13 d) interdit seulement au franchisé de s'affilier, d'adhérer ou de participer à une chaîne concurrente, pas de s'approvisionner auprès d'elle ; les franchisés Spar, dans des proportions variables, le font habituellement, ce qui signifie qu'ils le font à des prix compétitifs ; l'exercice d'une activité indépendante est dont possible.
Si la clause de non-réaffiliation devait être soumise aux conditions de validité de la clause de non-concurrence, elle fait observer qu'elle est aussi limitée dans le temps, dans l'espace et dans son objet, et proportionnée aux intérêts du franchiseur. Elle relève que le franchisé a bénéficié du concept, du savoir-faire, de l'assistance et de la notoriété de l'enseigne, qui lui ont permis de développer une clientèle, qui à défaut de clause de non-réaffiliation serait récupérée par une enseigne concurrente.
Elle évalue à 150 000 euro le préjudice résultant pour elle de la violation de la clause de non-affiliation par Monsieur X et de la perte de chance d'implanter un nouveau magasin Spar dans la zone de chalandise.
Elle demande le remboursement du budget d'enseigne selon les dispositions de l'avenant n° 1, soit 9 147 euro.
Elle conteste devoir une quelconque somme à Monsieur X au titre des encours, et souligne que si le comptable du franchisé a déclaré que le compte fournisseur de Médis présentait un solde débiteur de 16 766,09 euro, il a indiqué par ailleurs qu'aucune justification de ce solde ne lui a été fournie suite à ses demandes.
A titre subsidiaire, elle indique que si une expertise était ordonnée, le secret des affaires ferait obstacle à la communication des accords commerciaux et de coopération commerciale.
A titre infiniment subsidiaire, il conteste les demandes indemnitaires présentées par Monsieur X, qui ne saurait revendiquer l'application d'une clause pénale stipulée en faveur du franchiseur.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2007.
Sur ce :
Sur les demandes de Monsieur X :
Sur la résiliation du contrat :
En application de l'article 13 b) du contrat de franchise : "... en cas d'inexécution ou de manquement par l'une des parties à l'une quelconque de ses obligations, l'autre partie pourra, après une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception non suivie d'effet dans le délai d'un mois, résilier de plein droit le présent contrat par l'envoi d'une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception et sans formalité judiciaire ".
Dans sa lettre de mise en demeure du 28 juin 2002, visant l'article 13 b) du contrat de franchise, Monsieur X a sommé la société Distribution Casino France de :
- respecter ses obligations en termes d'approvisionnement,
- de justifier du développement du réseau Spar,
- de transmettre les accords négociés avec les producteurs et fournisseurs pour le compte du réseau.
Selon l'appelant, les obligations du franchiseur en matière d'approvisionnement, qui n'auraient pas été respectées, ressortent notamment :
- de l'article 3.3 du contrat de franchise, aux termes duquel " le franchiseur offrira au franchisé un assortiment adapté à son type de magasin et à son environnement ",
- de l'article 3.5, aux termes duquel " le franchiseur communiquera chaque année au franchisé un plan de vente comportant les opérations obligatoires, optionnelles ou spéciales... soutenues par les prospectus, affiches, etc, ainsi que les catalogues saisonniers (Noël, Pâques) ",
- de l'article 5.1, aux termes duquel " pour les produits référencés et livrés directement par le franchiseur ce dernier assure le stockage d'un très large assortiment de produits disponibles sur l'entrepôt et en communiquant en permanence au franchisé la liste et la définition ",
- des conditions générales de vente annexées au contrat, qui prévoient que " le nombre et l'état des marchandises doivent être impérativement vérifiés au moment de la livraison ", " aucune réclamation (n'étant acceptée) pour non-conformité, défauts apparents ou manquants qui n'auraient pas été signalés selon la procédure décrite ci-dessus ".
Cependant, aucune de ces clauses n'implique l'obligation du franchiseur de satisfaire à chaque fois l'intégralité des commandes du franchisé dans le délai convenu.
De plus, on peut douter de la souscription d'une obligation aussi contraignante par un fournisseur qui peut se trouver confronté à tout moment à une rupture de stock, pour des motifs qui lui sont totalement étrangers.
Ensuite, la société Distribution Casino France fait observer fort justement que l'article 6-1 du contrat faisait obligation au franchisé de s'approvisionner auprès du franchiseur, ou des fournisseurs agréés par lui, pour les seuls produits du franchiseur, et que l'article 14 du contrat, lui faisant interdiction pendant la durée du contrat, de participer ou de s'intéresser directement ou indirectement à une entreprise concurrente du franchiseur, n'affecte pas sa liberté d'approvisionnement en dehors du franchiseur pour les autres produits. Or, pour leur plus grande part, sinon la totalité, les manquants énumérés dans la lettre du 23 juillet 2003 de Monsieur X à la société Médis ne sont pas des produits du franchiseur.
Enfin, les conditions générales de vente, au chapitre " Livraisons-Transports ", stipulent que " les délais de livraison prévus lors des commandes ne sont donnés qu'à titre indicatif... ", ce qui exclut l'obligation du franchiseur de satisfaire à chaque fois l'intégralité des commandes du franchisé ; et, dans le même chapitre, prévoient une procédure de réclamation en cas de manquants ou d'avaries, dont il n'est pas établi, ni même soutenu, qu'elle a été mise en œuvre ne serait-ce qu'une fois.
En conséquence, il n'y pas eu de manquement de la société Distribution Casino France à ses obligations en matière d'approvisionnement, ni avant, ni après la mise en demeure.
Sur le développement du réseau Spar, Monsieur X, dans la lettre du 28 juin 2002, se prévaut de l'annonce par la société Médis dans la presse professionnelle en juin, juillet 2002, de 60 à 80 ouvertures annuelles, contredite à sa connaissance par le départ du réseau de plusieurs franchisés, et en conséquence demande au franchiseur de s'expliquer sur ce qu'il entend faire pour redynamiser et relancer le réseau.
En premier lieu, les annonces invoquées ne rentrent pas dans les obligations souscrites par la société Médis envers Monsieur X en septembre 2001. Le contrat de franchise, à l'article 3, rappelle seulement la mission essentielle du franchiseur, qui est d'animer le réseau de franchise... pour une meilleure pénétration du marché face à la concurrence, ce qui, en l'absence d'objectifs chiffrés et de calendrier, est singulièrement vague.
En deuxième lieu, Monsieur X ne rapporte pas la preuve du dépérissement du réseau, fermement contesté par la société Médis.
En troisième lieu, le contrat ne contient aucune obligation de cette dernière de rendre compte périodiquement à ses franchisés du développement du réseau.
En dernier lieu, selon les écritures adverses, non contestées sur ce point, et confirmées par les mentions du jugement entrepris, Monsieur X n'a pas formulé ce grief en première instance.
Il n'y a donc pas eu de manquement de la société Médis à une quelconque obligation envers le franchisé à cet égard.
Pour réclamer la transmission par la société Médis des accords conclus avec les fournisseurs et producteurs, Monsieur X se prévaut des dispositions de l'article 5-1, alinéa 1, du contrat de franchise, aux termes duquel :
" La société Médis négocie directement avec les producteurs et fournisseurs et agit en tant que centrale de référencement et d'achat pour l'ensemble des produits, et ce pour le compte du réseau Spar ".
En application de l'article 1156 du Code civil " on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des mots ".
En l'espèce, le contrat pris dans son ensemble établit essentiellement entre le franchiseur et le franchisé une relation de grossiste à détaillant :
- l'article 5 prévoit que le franchiseur, pour les produits référencés et livrés directement par lui, assure le stockage... sur entrepôt et en communique en permanence au franchisé la liste et la définition ; cela signifie qu'il achète aux producteurs et fournisseurs avant de recevoir commande du franchisé,
- l'article 6-6 dispose que le franchiseur communique régulièrement son tarif au franchisé et peut le modifier en hausse ou en baisse " pour tenir compte, en particulier, des prix des producteurs et fournisseurs, des cours du marché et de la concurrence ",
- l'annexe 8 qui prévoit que le franchiseur facture au franchisé, et se réserve la propriété des marchandises jusqu'au paiement intégral du prix (page 28, annexe 8).
La mention dans le contrat de ce que la société Médis négocie avec les producteurs et fournisseurs " pour le compte " du réseau ne caractérise ni un mandat, ni un contrat de commission, en premier lieu du fait que le " réseau " n'a pas la personnalité morale, et en second lieu du fait que le franchiseur, comme centrale d'achat achète en son nom et pour son propre compte, et revend aux franchisés, et comme centrale de référencement, agit comme un courtier, sans autre obligation que de communiquer aux adhérents du réseau, selon l'article 5-1, alinéa 2, in fine, du contrat, " la liste (des produits référencés) continuellement mise à jour, leur définition et les procédures de commandes, livraisons et paiement ". Il n'est pas démontré que cette obligation n'a pas été exécutée.
De plus, la demande de Monsieur X aux fins de reddition de compte des négociations a nécessairement pour objectif final la rétrocession des remises et ristournes obtenues par la société Médis et encaissées par elle. A défaut, elle serait sans intérêt. Du reste, dans sa lettre du 11 juin 2002 au franchiseur, Monsieur X demande non seulement la communication des accords, mais aussi le reversement des ristournes, remises et autres rabais. Donc se poserait la question de la répartition des avantages consentis par les producteurs et fournisseurs, d'abord entre le franchiseur et les franchisés, et ensuite entre les différents franchisés, qui si elle avait été prévue, aurait nécessité l'élaboration d'un document contractuel en fixant les règles et les modalités. Or, il est constant qu'un tel document n'a pas été établi.
Par ailleurs, quand Monsieur X , dans sa lettre du 12 juin 2002 où il somme la société Médis d'exécuter correctement son obligation en matière d'approvisionnement, dit ensuite " profiter de la présente " pour " interroger " le franchiseur sur l'article 5-1 du contrat, il laisse entendre qu'il découvre la prétendue obligation de reddition de compte sur les négociations, donc qu'elle n'était donc pas convenue entre les parties à la signature du contrat.
Par conséquent, Monsieur X n'est pas fondé à soutenir que le contrat prévoyait l'obligation du franchiseur d'abord de rendre compte à l'ensemble des franchisés de ses négociations avec les producteurs et les fournisseurs, et ensuite de leur reverser tout ou partie des remises ou ristournes négociées.
En conséquence, les griefs allégués par la société Laperouse Services sont impropres à justifier la mise en demeure du 25 mars 2002 et l'application de la clause résolutoire de plein droit, et pas plus la demande subsidiaire en résiliation judiciaire du contrat ; le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la résiliation du contrat est intervenue aux torts de Monsieur X.
Sur les encours :
Monsieur X se fonde sur l'attestation de son expert-comptable, en date du 21 février 2005, selon laquelle le compte fournisseur de la société Médis présente toujours un solde débiteur de 16 766,09 euro dans la comptabilité de son client. Cependant, dans son rapport sur les comptes au 30 septembre 2002, l'expert comptable écrivait " aucune justification de ce solde ne nous a été fournie suite à ses demandes ". Il n'est pas démontré que cette observation n'était plus valable en 2005, et qu'entre temps l'expert comptable aurait reçu les justificatifs demandés. En tout cas l'expert comptable ne le dit pas, alors pourtant que l'attestation lui a été demandée en cours d'instance, et que la demande à ce titre était contestée. De plus, Monsieur X, à qui incombe la charge de la preuve, ne précise pas les articles du compte qui fondent sa demande, et ne critique pas les éléments du compte de la société Médis, qui prétend ne plus rien lui devoir.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de Monsieur X au titre des encours.
Sur les demandes de la société Distribution Casino France :
Sur la perte de redevance :
En application de l'article 13 d) du contrat de franchise " dans le cas où le contrat de franchise serait rompu aux torts du franchisé avant l'échéance (...), le franchisé devra payer au franchiseur une somme fixée au montant de la redevance annuelle multipliée par le nombre d'années restant à courir jusqu'à l'année du terme du contrat avec un minimum de douze mois ".
Le contrat devait se poursuivre jusqu'au 16 septembre 2008, soit pendant encore 73 mois.
Le calcul de la société Distribution Casino France n'est pas contesté.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur X à payer à ce titre la somme de 48 479,30 euro.
Sur le remboursement du budget d'enseigne :
L'article 4 de l'avenant n° 1, en date du 17 septembre 2001, stipule notamment que le franchisé aura l'obligation de rembourser la totalité du budget d'enseigne si la rupture intervient à ses torts avant l'expiration de la deuxième année d'application du contrat.
La demande à ce titre est donc bien fondée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la perte de marge sur approvisionnement et sur la perte d'emplacement :
L'article 13 d), alinéa 1, rappelé ci-dessus, institue une clause pénale au sens de l'article 1152, alinéa 1, du Code civil aux termes duquel " lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre ".
En conséquence, il ne peut être alloué à la société Distribution Casino France une indemnité pour perte de marge sur approvisionnement, ou une indemnité pour perte d'emplacement non prévues au contrat.
De surcroît, en raison de la liberté laissée au franchiseur de se fournir ailleurs que chez le franchiseur, le préjudice relatif à la perte de marge n'aurait pu constituer qu'une perte de chance. Quant à la perte d'emplacement, elle relève également de la discussion sur la clause de non-concurrence (cf infra).
Enfin, la société Distribution Casino France ne démontre pas le caractère dérisoire la peine convenue.
La demande à ce titre sera donc rejetée, et le jugement confirmé de ce chef.
Sur la clause de non-concurrence :
En droit communautaire et en droit interne, une clause de non-concurrence peut être déclarée valable à condition d'être limitée dans le temps et l'espace, et d'être proportionnée par rapport à l'objet du contrat.
En l'espèce, l'article 13 d), alinéa 2 et 3, du contrat dispose que :
" En outre (dans le cas de rupture du contrat aux torts du franchisé avant l'échéance) le franchisé s'interdit d'exploiter ou de participer d'une quelconque manière, directement ou par personne interposée, à l'exploitation, la gestion, l'administration le contrôle d'un fonds de commerce ou d'une entreprise ayant une activité identique, ou similaire, à l'unité en franchise, et de s'affilier, d'adhérer ou de participer de quelque manière que ce soit à une chaîne concurrente du franchiseur ou d'en créer une lui-même, et plus généralement de se lier à tout groupement, organisme ou entreprise concurrente du franchiseur ".
" Cette interdiction sera valable pendant un an dans un rayon à vol d'oiseau de cinq kilomètres du supermarché... ".
La clause est raisonnablement limitée dans le temps et dans l'espace.
Quant à sa proportionnalité aux intérêts du franchiseur, dans le préambule du contrat de franchise, le franchisé reconnaît le bien-fondé et l'originalité du savoir-faire de la société Médis, se déclare informé des possibilités et exigences de la formule et exprime le désir de bénéficier de l'expérience et des avantages offerts par le franchiseur. Un manuel de formation lui est remis.
Monsieur X a donc reconnu le savoir-faire particulier de la société Médis, pour le bénéfice duquel il a accepté de verser une redevance annuelle égale à 0,80 % de son chiffre d'affaires.
La clause ci-dessus est donc proportionnée aux intérêts de la société Médis, et valable à tout le moins en ce qu'elle tend à empêcher son ancien franchisé dans un délai convenu de s'affilier auprès d'un groupe concurrent. Elle l'est d'autant plus en l'espèce, que selon les éléments non contestés du dossier, le supermarché est situé dans un village de 1844 habitants où l'implantation de plusieurs supérettes apparaît difficile.
Il est constant que Monsieur X s'est affilié à un groupe concurrent immédiatement après la fin du contrat de franchise signé avec la société Médis.
En conséquence, celle-ci est bien fondée en sa demande au titre de la violation de la clause de non-concurrence. Son préjudice peut être évalué à la somme de 50 000 euro, équivalente à la perte de redevance sur la durée du contrat restant à courir au moment de la résiliation.
Il lui sera alloué une indemnité pour frais d'instance hors dépens.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déduit de l'indemnité mise à la charge de Monsieur X au titre de la perte de redevance la somme de 16 766,09 euro représentant les encours ; Déboute Monsieur X de sa demande au titre des encours ; Infirme le jugement déféré en ce qu'il a limité à 8 000 euro l'indemnité due par Monsieur X à la société Distribution Casino France au titre de la clause de non-concurrence ; Condamne Monsieur X à payer à la société Distribution Casino France à ce titre la somme de 50 000 euro ; Confirme le jugement déféré pour le surplus ; Condamne Monsieur X à payer à la société Distribution Casino France la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Le déboute de sa demande à ce titre ; Le condamne aux dépens, qui seront distraits au profit de la SCP Brondel-Tudela, avoués, sur son affirmation de droit.