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Décisions

ADLC, 26 mars 2010, n° 10-DCC-28

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle conjoint de la société Fragui par les sociétés Gamax et ITM Entreprises

ADLC n° 10-DCC-28

26 mars 2010

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 26 février 2010, déclaré complet le 12 mars 2010, relatif à l'acquisition de la société Fragui par les sociétés Gamax et ITM Entreprises, formalisée par un protocole d'accord signé le 29 septembre 2009 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. La société ITM Entreprises, contrôlée à 100 % par la Société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par 1 330 personnes physiques dits " adhérents associés ", conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de " Groupement des Mousquetaires ". En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l'animation d'un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s'effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d'enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin, ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d'approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au " Groupement des Mousquetaires ".

2. La société ITM Alimentaire Centre Est est une société de droit français détenue à [>50 %] par la Société ITM Alimentaire France, elle-même détenue par la société ITM Entreprises, et à [<50 %] par la société ITM Entreprises. La société ITM Entreprises a confié à la société ITM Alimentaire Centre Est l'animation et le développement du réseau de franchisés exploitant les enseignes alimentaires Intermarché, Ecomarché et Netto dans la région Centre-Est de la France. La société ITM Alimentaire Centre Est a également pour mission la défense de l'intégrité du réseau par l'achat en portage des points de vente dont les propriétaires souhaitent se séparer. Elle assure l'exploitation des points de vente pendant la phase de portage, dans l'attente de la sélection d'un nouvel adhérent.

3. Le groupe ITM Entreprises a réalisé au cours du dernier exercice clos au 31 décembre 2008, un chiffre d'affaires total hors taxes de [20-30] milliards d'euro, dont [15-25] milliards d'euro en France.

4. La société Gamax est une société de droit français qui a pour objet principal la détention de titres dans des sociétés exploitant un point de vente sous enseigne Intermarché. La société Gamax détient la majorité des titres des sociétés Galvo et Tolbog, qui exploitent chacune un magasin à dominante alimentaire situé à Jayat (01), respectivement sous les enseignes Intermarché et Netto, en vertu de deux contrats d'enseigne conclus avec ITM Entreprises. La société Gamax est détenue [majoritairement] par M. et Mme X. Le solde du capital de Gamax est détenu par la société ITM Entreprises, à travers une action ne lui conférant pas de droits particuliers. En 2008, le chiffre d'affaires total hors taxes de Gamax, exclusivement réalisé en France, s'est élevé, en 2008, à 23,4 millions d'euro, les époux X ne détenant aucune autre entreprise.

5. La société Fragui est une société de droit français qui a pour objet exclusif l'exploitation d'un magasin à dominante alimentaire situé à Mâcon (71) sous enseigne Intermarché. L'intégralité du capital de la société est détenue par la société ITM Alimentaire Centre Est, à l'exception d'une action détenue par la société ITM Entreprise qui ne lui confère aucun droit particulier. En 2008, le chiffre d'affaires total hors taxes de Fragui, exclusivement réalisé en France, s'est élevé à 4,4 millions d'euro.

6. Au terme de l'opération, les titres de la société Fragui seront détenus [majoritairement] en pleine propriété et [minoritairement] en usufruit par la société Gamax. Le solde du capital de la société Fragui sera détenu à hauteur de [<5 %] en nue-propriété par ITM Alimentaire Centre Est, ITM Entreprises conservant une action en pleine propriété et les droits associés. Les statuts de la société Fragui seront modifiés concomitamment à la réalisation de la présente opération. Ces statuts confèreront à ITM Entreprises, pendant une durée [>15 ans], la possibilité de bloquer tout changement d'enseigne, de s'opposer à toute mutation d'actions et d'obliger les actionnaires majoritaires à céder le fond de commerce dès l'instant où ils exploiteraient un fond de commerce similaire sous une enseigne concurrente. Au-delà de cette période, ITM Entreprises conservera un droit de préférence sur toute vente de titres pendant cinq années supplémentaires. De plus, la société Fragui signera, concomitamment à la réalisation de la présente opération, un contrat d'enseigne avec ITM Entreprises par lequel l'utilisation de l'enseigne Intermarché lui sera concédée pour l'exploitation de son fonds de commerce. Ce contrat d'enseigne confère à ITM Entreprises pour une durée [>15 ans], un droit de priorité en cas de cession du fond de commerce à un prix calculé selon une formule prédéterminée. Après l'opération, la société Fragui sera donc contrôlée conjointement par Gamax, et ITM Entreprises, via une action de préférence.

7. En ce qu'elle entraîne le passage d'un contrôle exclusif d'ITM Alimentaire Centre Est sur Fragui à un contrôle conjoint d'ITM Entreprises et de Gamax, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

8. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (1), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (2) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

1. LES MARCHÉS DE SERVICE

9. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaire que nationales (3), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

10. Les supermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente inférieure à 2 500 m2 et supérieure à 400 m2. Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d'espèce, compte-tenu que des magasins dont la surface est située à proximité d'un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe dans les faits (4).

11. En l'espèce, le magasin racheté occupe aujourd'hui une surface de vente de 1 200 m2. Ce magasin rentre donc dans la catégorie des supermarchés.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

12. Dans ses décisions récentes (5) relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l'Autorité de la concurrence a rappelé que deux types de marchés sont usuellement distingués, sur la base des zones de chalandise :

- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes, situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.

13. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

14. Au cas d'espèce, le magasin concerné par l'opération occupant une surface de vente inférieure à 2 500 m2 et rentrant dans la catégorie des supermarchés, l'analyse concurrentielle ne portera que sur le second marché, soit sur le marché incluant l'ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs localisés sur une zone de chalandise de 15 minutes autour de Mâcon.

B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

15. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (6) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (7).

16. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

17. Sur le marché aval de la distribution alimentaire, comprenant les hypermarchés, les supermarchés, et les maxi-discompteurs sur une zone de chalandise de 15 minutes en voiture autour de Mâcon, l'opération n'aura aucun impact, dans la mesure où la société Gamax, qui prendra au terme de l'opération le contrôle conjoint de la société Fragui aux côtés l'actionnaire actuel, la société ITM Alimentaire Centre Est, n'exploite pas de point de vente sur cette zone et où le magasin continuera d'être exploité sous enseigne Intermarché. La part de marché des magasins sous enseignes appartenant à ITM Entreprises s'élèvera à 21,9 %, avant comme après l'opération. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché considéré.

18. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, qui ne concerne qu'un seul magasin, n'est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus comme par grands groupes de produits. Le renforcement est d'autant plus mineur que, préalablement à l'opération, l'entreprise cible s'approvisionnait déjà [majoritairement] par l'intermédiaire de filiales d'ITM Entreprises.

Décide

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0021 est autorisée.

Notes

1 Voir notamment les décisions de la commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.

2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C 2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.

3 Décisions C 2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C 2007-172 Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008, C 2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C 2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C 2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.

4 Voir notamment l'avis n° 00-A-06 du Conseil du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.

5 Décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC- du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat,

6 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M. 2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.

7 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C2005-98, Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.