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Décisions

ADLC, 7 avril 2010, n° 10-DCC-30

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative au rachat par le groupe Plastivaloire des actifs de Key Plastics France et Slovaquie dans le cadre d'un plan de cession

ADLC n° 10-DCC-30

7 avril 2010

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 18 mai 2009 et déclaré complet le 19 mars 2010, relatif au rachat des actifs industriels des sociétés françaises Key Plastics Europe Holding, Key Plastics Interiors, Key Plastics Franche-Comté, Key Plastics International et de la société de droit slovaque Key Plastics Slovakia, en redressement judiciaire, par la société Plastiques du Val de Loire, formalisé par les jugements du tribunal de commerce d'Alençon en date du 29 mai 2009 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Le groupe Plastivaloire est actif dans le secteur de la fabrication de pièces plastiques par injection et leur montage en sous-ensembles. Plastiques du Val de Loire SA (ci-après " PVL ") est la société mère d'un ensemble de sociétés actives dans ce secteur qui transforment des granulés thermoplastiques d'origine pétrolière en pièces destinées pour l'essentiel aux secteurs suivants : TV/Vidéo, automobile, industrie électrique (luminaires, électricité générale), électroménager et articles de jardinage. Le chiffre d'affaires total mondial hors taxes réalisé par le groupe Plastivaloire en 2008, dernier exercice clos, s'élève à 253,4 millions d'euro, dont 121,9 millions d'euro en France.

2. Key Plastics est un groupe international spécialisé dans la conception, le développement, la production et la prestation de produits et services pour l'industrie automobile. Le groupe est notamment spécialisé dans l'injection plastique et maitrise la technologie d'extrusion-soufflage des pièces plastiques permettant de créer des corps creux. L'acquisition concerne certains éléments d'actifs des sociétés françaises Key Plastics Europe Holding, Key Plastics Interiors, Key Plastics Franche-Comté, Key Plastics International et de la société de droit slovaque Key Plastics Slovakia. Le chiffre d'affaires total mondial hors taxes affecté aux éléments d'actifs concernés s'élève en 2008 à 68,3 millions d'euro et est réalisé exclusivement en France.

3. L'acquisition s'inscrit dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire. Par cinq jugements rendus en date du 29 mai 2009, le Tribunal de commerce d'Alençon a ordonné la cession des actifs des sociétés Key Plastics Europe Holding, Key Plastics Interiors, Key Plastics Franche-Comté, Key Plastics International et Key Plastics Slovakia au profit de PVL.

4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif des actifs des sociétés Key Plastics Europe Holding, Key Plastics Interiors, Key Plastics Franche-Comté, Key Plastics International et Key Plastics Slovakia par PVL, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

A. LES MARCHÉS CONCERNÉS

5. Les parties sont simultanément actives dans le secteur de la fabrication de pièces détachées en plastique pour l'industrie automobile.

6. En matière d'équipement automobile, la pratique décisionnelle tant nationale que communautaire a considéré que chaque type de pièce pouvait constituer un marché pertinent étant donné l'absence de substituabilité entre les différents types de pièces (1). Ont notamment été identifiés des marchés spécifiques pour les pare-chocs, les panneaux de portes, les planches de bord, les pare-boues, les protections latérales (ceintures de caisse), les bas de caisse, les becquets ou encore les pièces décorées pour planches de bord et panneaux de portes...

7. En outre, la pratique décisionnelle du ministre (2) et de la Commission européenne (3) a distingué, dans leurs décisions relatives au secteur de l'équipement automobile, d'une part, des marchés de la première monte (OEM - Original Equipment Manufacturer) et des pièces de rechange distribuées par les réseaux des constructeurs (OES - Original Equipment Services), et d'autre part, des marchés regroupant les pièces de rechange distribuées par des réseaux de grande distribution ou de spécialistes de l'entretien de véhicules (IAM - Independant Aftermarket). Les parties à l'opération ne sont actives que sur le canal OEM/OES.

8. Les autorités communautaires ont également envisagé de segmenter les marchés de produits en fonction du type de véhicule dans laquelle la pièce automobile allait être intégrée (véhicules de tourisme et commerciaux légers, et poids lourds) (4). Les parties à l'opération sont principalement actives sur le marché des véhicules de tourisme et commerciaux légers.

9. Les parties estiment qu'il convient de segmenter le marché en tenant compte de la technique utilisée pour la fabrication des pièces plastiques destinées au secteur de l'automobile. Ainsi, l'utilisation de l'extrusion soufflage, qui est une technique de transformation des matières plastiques utilisée pour créer des corps " creux " ou des " volumes ", permettrait de constituer un marché distinct de celui des pièces " pleines " fabriquées par injection plastique, les deux techniques n'étant pas substituables.

10. Les parties considèrent qu'il convient également de distinguer, d'une part, un marché de " concepteur-développeur " sur lequel se situeraient les actifs repris et, d'autre part, un marché de " production seule " sur lequel PVL serait active. Le premier marché se caractériserait par le fait que la production de chaque pièce spécifique nécessite la conception et le développement d'un moule, conçu et développé par un " fournisseur-concepteur ". Le second marché serait limité à la seule production de la pièce à l'aide d'un moule fourni par un " fournisseur-concepteur ".

11. En l'espèce, la question de la délimitation de la segmentation du marché selon la technologie utilisée, selon la capacité de conception de l'entreprise ou même selon le type de pièces peut être laissée ouverte, dans la mesure où quelle que soit la position retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

12. En matière de pièces détachées automobiles, la pratique décisionnelle considère de manière constante (5) que les marchés sont de dimension au moins communautaire dans la mesure où les fabricants de pièces automobiles exercent leur activité à travers toute l'Europe et où il n'existe pas de standards techniques ou autres barrières règlementaires au commerce au sein de l'Espace économique européen, et pas davantage de barrières douanières entre les Etats membres. Cette situation se retrouve dans le secteur plus spécifique des pièces plastiques et la présente instruction ne conduit pas à remettre en cause une telle approche. En conséquence, pour les besoins de la présente analyse, l'impact de l'opération sera examiné sur des marchés européens de pièces automobiles.

III. Analyse concurrentielle

13. Il ressort de l'instruction du dossier que, quelle que soit la segmentation retenue, les parts de marché détenues par les parties antérieurement à l'opération sont très modérées (6 % au maximum atteints sur les bacs batteries) et qu'en tout état de cause, les chevauchements d'activités seront limités.

14. En effet, en ce qui concerne les techniques de production, le groupe Key Plastics a pour spécificité de maîtriser le savoir-faire de la technique d'extrusion soufflage des pièces plastiques tandis que PVL n'est actif que sur les pièces produites avec la technique de l'injection. Ainsi, si une segmentation des marchés selon la technique de production devait être retenue, les parties ne seraient conjointement actives que sur les pièces créées par injection.

15. De plus, la segmentation des marchés par types de pièces recoupe celle par techniques de production. En effet, le procédé technique mis en œuvre a une conséquence directe sur le type de pièces qu'il est possible de produire. L'injection plastique produit des pièces " pleines " tandis que l'extrusion soufflage permet de produire des pièces " creuses " ou des " volumes ". Les activités des parties ne se recouvrent donc à nouveau que sur certains types de pièces produites par injection, soit les aérateurs et mécanismes (boîte à gants, porte-gobelets, poignée, accoudoirs...), d'une part, et les ébénisteries, d'autre part. Sur ces pièces, les parties sont des acteurs modestes au niveau européen, leur part de marché restant à la suite de l'opération inférieure à 3 % sur les aérateurs et les mécanismes et 1 % sur les ébénisteries.

16. En outre, la nouvelle entité sera confrontée sur chacune de ces activités à la concurrence de nombreux opérateurs plus importants. Ainsi, à titre d'exemple, Bourbon, fabrique des aérateurs et mécanismes et dispose, selon les parties, d'une part de marché de 10 %. De même, Mecaplast fabrique quant à elle des ébénisteries et dispose, selon les parties, d'une part de marché de 4 %. Le secteur de la production de pièces plastiques pour l'automobile est un secteur globalement peu concentré. Les concurrents transformateurs de plastique et équipementiers restent nombreux sur le marché, de taille significative et, pour certains, adossés à de grands groupes (6) (Faurecia, Visteon, Plastic Omnium, Cockpit Automotive, Bourbon, Manuplast, Dorier, MGI, Mecaplast, Dr Schneider, Ohlo).

17. Enfin, les clients, constructeurs de véhicules automobiles, sont concentrés et bénéficient, comme l'ont relevé les Autorités de la concurrence tant communautaires que nationales (7), d'un fort pouvoir de marché.

18. L'opération va par ailleurs permettre à PVL d'élargir la gamme de pièces automobiles qu'elle propose, notamment aux pièces produite par soufflage. Néanmoins, la nouvelle entité ne disposera sur aucun des marchés envisagés d'une position à partir de laquelle elle serait susceptible de faire jouer un effet de levier. La présente opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux sur les marchés de pièces plastique pour l'industrie automobile.

19. La présente opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés des pièces plastiques à destination de l'industrie automobile.

Décide

Article unique : l'opération notifiée sous le numéro 09-0030 est autorisée.

Notes :

1 Voir notamment la décision n° 09-DCC-08 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Setforge par la société Farinia BV ; la lettre C2007-141135 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi du 4 avril 2008 au conseil de la société Zen SpA, relative à une concentration dans le secteur des pièces pour automobiles ; la lettre C2007-177141135 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi du 11 février 2008 aux conseils de la société CIE Automotive SA relative à une concentration dans le secteur des composants pour l'industrie automobile ; la lettre C2007-135 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi du 26 novembre 2007 aux conseils du groupe Arche relative à une concentration dans le secteur des pièces pour automobiles ; la lettre C2006-121 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 16 novembre 2006 aux conseils du groupe American Industrial Acquisition Corporation, relative à une concentration dans le secteur des pièces d'équipement automobile ; la lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en date du 28 mars 2003, aux conseils de la société Mecaplast, relative à une concentration dans le secteur de la fabrication de pièces plastiques destinées à l'équipement automobile ; la décision COMP/M.4239 Plastic Omnium/Inopart du 27 octobre 2006 ; la décision COMP/M.2241 Peugeot/Sommer Allibert, en date du 20 décembre 2000 ;

2 Voir notamment la lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi du 28 mars 2003 aux conseils de la société Mecaplast relative à une concentration dans le secteur de la fabrication de pièces plastiques destinées à l'équipement automobile.

3 Voir notamment les décisions de la Commission M.360-Arvin/Sogefi du 23 août 1993, M.1245-Valéo/ITT Industries du 30 juillet 1998 et M.2939-JCI/Bosch/VB Autobatterien JV du 18 octobre 2002.

4 Voir notamment les décisions de la Commission, COMP/M.3789 du 29 juin 2005 Johnson Controls/Robert Bosch/delphi Sli, et COMP/M.3972, Trw Automotive/ Dalphi Metal Españ du 12 octobre 2005.

5 Voir notamment la décision n° 09-DCC-08 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Setforge par la société Farinia BV et la décision de la Commission européenne COMP/M.3151 Thyssenkrupp/Sofedit du 27 mai 2003.

6 Voir notamment la lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en date du 21 février 2002 au conseil du groupe Mann + Hummel relative à une concentration dans le secteur de l'équipement automobile.

7 Voir notamment la lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi du 28 mars 2003 aux conseils de la société Mecaplast relative à une concentration dans le secteur de la fabrication de pièces plastiques destinées à l'équipement automobile ; la lettre C2007-149 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 18 avril 2007 aux conseils de la société Faurecia Bloc Avant relative à une concentration dans le secteur des pare-chocs automobiles ; la décision COMP/M.4043 Plastal/Dynamit Nobel Kunstoff, en date du 22 décembre 2005.