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Décisions

TUE, 8e ch., 19 mai 2010, n° T-20/05

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Outokumpu Oyj, Luvata Oy

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martins Ribeiro

Juges :

MM. Papasavvas, Wahl (rapporteur)

Avocats :

Mes Ratliff, Distefano, Luostarinen

TUE n° T-20/05

19 mai 2010

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

Antécédents du litige

1 Outokumpu Oyj, société cotée en bourse ayant son siège à Espoo (Finlande), est la société de tête d'un groupe présent dans le monde entier et actif, notamment, dans la production de métaux de base, d'acier, de produits en cuivre et dans les techniques de fabrication de ces produits. À l'époque des faits, Outokumpu détenait à 100 % Luvata Oy (anciennement Outokumpu Copper Products Oy) (ci-après, prises ensemble, le " groupe Outokumpu " ou les " requérantes "), qui produit notamment des tubes sanitaires en cuivre.

1. Procédure administrative

2 À la suite de la communication d'informations par Mueller Industries Inc. (ci-après " Mueller ") en janvier 2001, la Commission des Communautés européennes a procédé à des vérifications inopinées, en mars 2001, dans les locaux de plusieurs entreprises actives dans le secteur des tubes en cuivre, en vertu de l'article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

3 Les 9 et 10 avril 2001, des vérifications complémentaires ont été effectuées dans les locaux de KME Germany AG (anciennement Kabelmetall AG, puis KM Europa Metal AG) ainsi que d'Outokumpu et de Luvata. Le 9 avril 2001, Outokumpu a soumis à la Commission une offre de coopération au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication de 1996 sur la coopération "), tant pour les tubes industriels que pour les tubes sanitaires. À la suite de vérifications complémentaires, la Commission a scindé son enquête portant sur les tubes en cuivre en trois procédures distinctes, à savoir l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), l'affaire COMP/E-1/38.121 (Raccords) et l'affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels).

4 Par lettre du 30 mai 2001, le groupe Outokumpu a transmis à la Commission un mémorandum, accompagné d'un certain nombre d'annexes, décrivant le secteur des tubes en cuivre et les accords collusifs s'y rapportant.

5 Le 5 juin 2002, dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels), des entretiens relatifs à l'offre de coopération faite par le groupe Outokumpu ont eu lieu, à l'initiative de la Commission, avec des représentants de cette entreprise. Cette dernière a également fait savoir qu'elle était disposée à ce que la Commission interroge les membres de son personnel impliqués dans les accords visés par l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre).

6 En juillet 2002, dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels), la Commission a, en application de l'article 11 du règlement n° 17, d'une part, adressé des demandes de renseignements à Wieland-Werke AG (ci-après " Wieland ") et au groupe KME [composé de KME Germany, KME France SAS (anciennement Tréfimétaux SA) et KME Italy SpA (anciennement Europa Metalli SpA)] et, d'autre part, invité le groupe Outokumpu à lui communiquer des informations complémentaires. Le 15 octobre 2002, le groupe KME a répondu à ladite demande de renseignements. Sa réponse contenait également une déclaration et une demande visant à bénéficier de l'application de la communication de 1996 sur la coopération dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre). En outre, le groupe KME a permis à la Commission d'utiliser toutes les informations fournies dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels) dans celui de l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre).

7 Le 23 janvier 2003, Wieland a communiqué à la Commission une déclaration comprenant une demande visant à bénéficier, dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), de l'application de la communication de 1996 sur la coopération.

8 Dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), la Commission a adressé, le 3 mars 2003, des demandes de renseignements au groupe Boliden [composé de Boliden AB, d'Outokumpu Copper Fabrication AB (anciennement Boliden Fabrication AB) et d'Outokumpu Copper BCZ SA (anciennement Boliden Cuivre & Zinc SA)], à HME Nederland BV (ci-après " HME ") et à Chalkor AE Epexergasias Metallon (ci-après " Chalkor "), ainsi que, le 20 mars 2003, au groupe IMI (composé d'IMI plc, d'IMI Kynoch Ltd et de Yorkshire Copper Tube).

9 Le 9 avril 2003, des représentants de Chalkor ont rencontré les représentants de la Commission et ont demandé, dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), l'application de la communication de 1996 sur la coopération.

10 Le 29 août 2003, la Commission a, dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), adopté une communication des griefs adressée aux sociétés concernées. Après que lesdites sociétés ont eu accès au dossier, sous format électronique, et qu'elles ont présenté des observations écrites, elles ont pris part, à l'exception de HME, à une audition le 28 novembre 2003.

11 Le 16 décembre 2003, la Commission a adopté la décision C (2003) 4820 final, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/E-1/38.240 - Tubes industriels), dont un résumé est publié au Journal officiel de l'Union européenne du 28 avril 2004 (JO L 125, p. 50). Cette décision a fait l'objet d'un recours introduit par Outokumpu et Luvata, rejeté par l'arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, Outokumpu et Luvata/Commission (T-122-04, non encore publié au Recueil).

2. Décision attaquée

12 Le 3 septembre 2004, la Commission a adopté la décision C (2004) 2826 relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/E-1/38.069 - Tubes sanitaires en cuivre) (ci-après la " décision attaquée "), dont un résumé est publié au Journal officiel de l'Union européenne du 13 juillet 2006 (JO L 192, p. 21).

13 La décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

" Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, [CE] et, à compter du 1er janvier 1994, de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, en participant, au cours des périodes indiquées, à un ensemble d'accords et de pratiques concertées qui ont porté sur la fixation des prix et le partage des marchés dans le secteur des tubes sanitaires en cuivre :

a) Boliden [...], solidairement avec [Outokumpu Copper Fabrication] et [Outokumpu Copper BCZ], du 3 juin 1988 au 22 mars 2001 ;

b) [Outokumpu Copper Fabrication], solidairement avec Boliden [...] et [Outokumpu Copper BCZ], du 3 juin 1988 au 22 mars 2001 ;

c) [Outokumpu Copper BCZ], solidairement avec Boliden [...] et [Outokumpu Copper Fabrication], du 3 juin 1988 au 22 mars 2001 ;

d) Austria Buntmetall AG :

i) solidairement avec Buntmetall Amstetten [GmbH], du 29 août 1998 au moins au 8 juillet 1999, et

ii) solidairement avec [Wieland] et Buntmetall Amstetten [...], du 9 juillet 1999 au 22 mars 2001 ;

e) Buntmetall Amstetten [...] :

i) solidairement avec Austria Buntmetall [...], du 29 août 1998 au moins au 8 juillet 1999, et

ii) solidairement avec [Wieland] et Austria Buntmetall [...], du 9 juillet 1999 au 22 mars 2001 ;

f) [Chalkor], du 29 août 1998 au moins jusqu'au moins au début de septembre 1999 ;

g) [HME] du 29 août 1998 au moins jusqu'au 22 mars 2001 ;

h) IMI [...], solidairement avec IMI Kynoch [...] et Yorkshire Copper Tube [...], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

i) IMI Kynoch [...], solidairement avec IMI [...] et Yorkshire Copper Tube [...], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

j) Yorkshire Copper Tube [...], solidairement avec IMI [...] et IMI Kynoch [...], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

k) [KME Germany] :

i) individuellement, du 3 juin 1988 au 19 juin 1995, et

ii) solidairement avec [KME France] et [KME Italy], du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

l) [KME Italy] :

i) solidairement avec [KME France], du 29 septembre 1989 au 19 juin 1995, et

ii) solidairement avec [KME Germany] et [KME France], du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

m) [KME France] :

i) solidairement avec [KME Italy], du 29 septembre 1989 au 19 juin 1995, et

ii) solidairement avec [KME Germany] et [KME Italy], du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

[...]

s) Outokumpu [...], solidairement avec [Luvata], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

t) [Luvata], solidairement avec Outokumpu [...], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

u) [Wieland] :

i) individuellement du 29 septembre 1989 au 8 juillet 1999, et

ii) solidairement avec Austria Buntmetall [...] et Buntmetall Amstetten [...], du 9 juillet 1999 au 22 mars 2001.

Article 2

Pour les infractions visées à l'article 1er, les amendes suivantes sont infligées :

a) Boliden [...], [Outokumpu Copper Fabrication] et [Outokumpu Copper BCZ], solidairement : 32,6 millions d'euro ;

b) Austria Buntmetall [...] et Buntmetall Amstetten [...], solidairement: 0,6695 million d'euro ;

c) Austria Buntmetall [...], Buntmetall Amstetten [...] et [Wieland], solidairement : 2,43 millions d'euro ;

d) [Chalkor] : 9,16 millions d'euro ;

e) [HME] : 4,49 millions d'euro ;

f) IMI [...], IMI Kynoch [...] et Yorkshire Copper Tube [...], solidairement : 44,98 millions d'euro ;

g) [KME Germany] : 17,96 millions d'euro ;

h) [KME Germany], [KME France] et [KME Italy], solidairement : 32,75 millions d'euro ;

i) [KME Italy] et [KME France], solidairement : 16,37 millions d'euro ;

j) Outokumpu [...] et [Luvata], solidairement : 36,14 millions d'euro ;

k) [Wieland], individuellement : 24,7416 millions d'euro.

[...] "

14 La Commission a estimé que les entreprises en cause avaient participé à une infraction (ci-après le " cartel " ou l'" infraction en cause ") unique, continue, complexe et, dans le cas du groupe Boliden, du groupe KME et de Wieland, multiforme. La Commission a précisé que les accords nationaux n'étaient pas visés, en tant que tels, par la décision attaquée (considérants 2 et 106 de la décision attaquée).

Produits et marchés en cause

15 Le secteur concerné, celui de la fabrication des tubes en cuivre, englobe deux groupes de produits, à savoir, d'une part, les tubes industriels, qui se subdivisent en différents sous-groupes en fonction de leur utilisation finale (air conditionné et réfrigération, raccords, chauffe-eau et chaudières à gaz, filtres déshydrateurs et télécommunications) et, d'autre part, les tubes sanitaires, appelés aussi " tubes de plomberie ", qui sont utilisés dans le bâtiment pour les installations d'eau, les conduites de gaz et de mazout et les systèmes de chauffage (considérant 3 de la décision attaquée).

16 La Commission a considéré que les affaires COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre) et COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels) concernaient deux infractions distinctes. À cet égard, elle s'est principalement fondée sur le fait que " ce sont des entreprises différentes (et des membres différents du personnel de ces entreprises) qui étaient impliquées dans les accords sur les tubes sanitaires, d'une part, et sur les tubes industriels, d'autre part, accords dont l'organisation aussi était différente ". En outre, la Commission a estimé que le secteur des tubes sanitaires se distinguait de celui des tubes industriels en ce qui concerne la clientèle visée, l'utilisation finale et les caractéristiques techniques des produits (considérants 4 et 5 de la décision attaquée).

17 S'agissant des tubes sanitaires en cuivre, la Commission a affirmé dans la décision attaquée que ce groupe de produits comprenait deux " sous-familles " de produits : les tubes sanitaires en cuivre nus, d'une part, et les tubes sanitaires en cuivre gainés, d'autre part. Elle a noté que " les tubes sanitaires en cuivre nus et les tubes sanitaires en cuivre gainés ne sont pas obligatoirement interchangeables et qu'ils peuvent constituer des marchés de produits distincts à la lumière de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence " (JO 1997, C 372, p. 5). Toutefois, pour les besoins de la décision attaquée, la Commission a estimé que ces deux " sous-familles " de produits devaient être considérées comme " un seul et même groupe de produits [...] parce que ce sont pour l'essentiel les mêmes entreprises (et les mêmes membres du personnel de ces entreprises) qui ont été impliquées dans les accords sur ces deux sous-familles de produits et que les accords étaient organisés de manière similaire " (considérants 13 et 459 de la décision attaquée).

18 Dans la décision attaquée, la Commission a également indiqué que le marché géographique pertinent était l'Espace économique européen (EEE). Elle a estimé que, en 2000, dans l'EEE, la valeur du marché des tubes sanitaires en cuivre nus était d'environ 970,1 millions d'euro et celle du marché des tubes sanitaires en cuivre gainés de 180,9 millions d'euro. La valeur cumulée de ces deux marchés a, par conséquent, été évaluée à 1 151 millions d'euro en 2000 dans l'EEE (considérants 17 et 23 de la décision attaquée).

Composantes de l'infraction en cause

19 La Commission a relevé que l'infraction en cause s'était manifestée sous trois formes distinctes, mais liées (considérants 458 et 459 de la décision attaquée). La première branche du cartel, à savoir les accords Sanco, consistait dans les accords conclus entre les " producteurs Sanco ", Sanco étant une marque de tubes sanitaires en cuivre nus produits par le groupe KME, Wieland et le groupe Boliden (considérants 115 à 118, 125 à 146 et 456 de la décision attaquée).

20 La deuxième branche de l'infraction en cause, à savoir les accords Wicu et Cuprotherm, comprenait les accords conclus entre les " producteurs Wicu et Cuprotherm ", Wicu et Cuprotherm étant des marques de tubes sanitaires en cuivre gainés produits par le groupe KME et Wieland (considérants 121 et 149 de la décision attaquée).

21 La troisième branche du cartel, à savoir les accords européens élargis, visait les accords conclus au sein d'un groupe plus large de producteurs de tubes sanitaires en cuivre nus. Elle comprenait les entreprises visées aux points 19 et 20 ci-dessus ainsi que le groupe Buntmetall (composé d'Austria Buntmetall et de Buntmetall Amstetten), Chalkor, HME, le groupe IMI, Mueller et le groupe Outokumpu (considérants 147, 148, 192 et 459 à 462 de la décision attaquée).

Durée et caractère continu de l'infraction en cause

22 La Commission a relevé dans la décision attaquée que l'infraction en cause avait commencé le 3 juin 1988 en ce qui concerne le groupe KME et le groupe Boliden, le 29 septembre 1989 en ce qui concerne le groupe IMI, le groupe Outokumpu et Wieland, le 21 octobre 1997 en ce qui concerne Mueller et, au plus tard, le 29 août 1998 en ce qui concerne Chalkor, le groupe Buntmetall et HME. Pour ce qui est de la date à laquelle l'infraction a pris fin, la Commission a retenu celle du 22 mars 2001, sauf en ce qui concerne Mueller et Chalkor, qui, d'après la Commission, ont respectivement cessé de participer au cartel le 8 janvier 2001 et en septembre 1999 (considérant 597 de la décision attaquée).

23 En ce qui concerne le caractère continu de l'infraction en cause, s'agissant du groupe Boliden, du groupe IMI, du groupe KME, du groupe Outokumpu et de Wieland, la Commission a relevé dans la décision attaquée que, bien que le cartel ait connu des périodes d'activité moins intense entre 1990 et décembre 1992, d'une part, et entre juillet 1994 et juillet 1997, d'autre part, l'activité infractionnelle n'avait toutefois jamais totalement cessé, de sorte que l'infraction en cause constituait effectivement une infraction unique non prescrite (considérants 466, 471, 476, 477 et 592 de la décision attaquée).

Détermination du montant des amendes

24 Par la décision attaquée, la Commission a infligé des amendes, au titre de l'article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), ainsi qu'au titre de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, au groupe Boliden, au groupe Buntmetall, à Chalkor, à HME, au groupe IMI, au groupe KME, au groupe Outokumpu et à Wieland (considérant 842 et article 2 de la décision attaquée).

25 Les montants des amendes ont été déterminés par la Commission en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction en cause, soit les deux critères explicitement mentionnés à l'article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1-2003 et à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui était, aux termes de la décision attaquée, applicable au moment de l'infraction en cause (considérants 601 à 603 de la décision attaquée).

26 Aux fins de fixer le montant de l'amende infligée à chaque entreprise, la Commission a fait application de la méthodologie définie dans les lignes directrices pour le calcul du montant des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices "), même si elle ne s'y est pas systématiquement référée. Dans la décision attaquée, la Commission a également apprécié si, et dans quelle mesure, les entreprises concernées satisfaisaient aux exigences fixées par la communication de 1996 sur la coopération.

Montant de départ des amendes

- Gravité

27 S'agissant de l'évaluation de la gravité de l'infraction en cause, la Commission a tenu compte de la nature propre de l'infraction, de son impact concret sur le marché, de l'étendue du marché géographique en cause et de la taille dudit marché (considérants 605 et 678 de la décision attaquée).

28 Elle a fait valoir que les pratiques de répartition des marchés et de fixation des prix, comme celles visées en l'espèce, constituaient, de par leur nature même, une infraction très grave et a considéré que le marché géographique affecté par le cartel correspondait à celui du territoire de l'EEE. La Commission a également tenu compte du fait que le marché des tubes sanitaires en cuivre constituait un secteur industriel très important, dont la valeur avait été estimée à 1 151 millions d'euro dans l'EEE en 2000, dernière année complète du cartel (considérants 606 et 674 à 678 de la décision attaquée).

29 En ce qui concerne l'impact concret sur le marché, la Commission a relevé qu'il existait des éléments de preuve suffisants pour démontrer que le cartel avait globalement produit des effets sur le marché concerné, notamment sur les prix, même s'il était impossible de les quantifier précisément (considérants 670 et 673 de la décision attaquée). Aux fins de cette constatation, elle s'est notamment fondée sur plusieurs indices. Premièrement, elle s'est basée sur la mise en œuvre de l'entente en se référant au fait que les participants avaient échangé des informations sur les volumes de vente et les niveaux de prix (considérants 629 et 630 de la décision attaquée).

30 Deuxièmement, elle a pris en compte la circonstance que les membres du cartel détenaient une partie importante, à savoir 84,6 %, du marché dans l'EEE (considérant 635 de la décision attaquée).

31 Troisièmement, la Commission s'est fondée sur les tableaux, mémorandums et notes rédigés, dans le contexte des réunions du cartel, par les membres de celui-ci. Ces documents feraient état de ce que les prix avaient augmenté au cours de certaines périodes du cartel et que les membres du cartel avaient réalisé des recettes additionnelles par rapport aux périodes précédentes. Certains desdits documents indiqueraient que les personnes impliquées dans le cartel estimaient qu'il avait permis aux entreprises concernées d'atteindre leurs objectifs de prix. La Commission s'est également appuyée sur les déclarations faites par M. M, ancien directeur d'une des sociétés du groupe Boliden, ainsi que par Wieland, par le groupe Boliden et par Mueller dans le cadre de leurs coopérations respectives (considérants 637 à 654 de la décision attaquée).

32 Enfin, la Commission a constaté que les parts de marché respectives des participants à l'entente étaient restées relativement stables pendant toute la durée du cartel, même si les clients des participants avaient parfois changé (considérant 671 de la décision attaquée).

33 La Commission en a conclu que les entreprises concernées avaient commis une infraction très grave (considérant 680 de la décision attaquée).

- Traitement différencié

34 La Commission a identifié dans la décision attaquée quatre groupes qu'elle estimait représentatifs de l'importance relative des entreprises dans l'infraction en cause. La répartition des membres du cartel en plusieurs catégories effectuée par la Commission s'est fondée sur les parts de marché respectives des participants au cartel pour les ventes des produits concernés dans l'EEE au cours de l'année 2000. En conséquence, le groupe KME a été considéré comme étant le principal acteur sur le marché concerné et a été classé dans la première catégorie. Les groupes Wieland (composé de Wieland et du groupe Buntmetall, dont Wieland a pris le contrôle en juillet 1999), IMI et Outokumpu ont été considérés comme des opérateurs de taille moyenne sur ce marché et ont été placés dans la deuxième catégorie. Le groupe Boliden a été placé dans la troisième catégorie. Dans la quatrième catégorie figurent HME et Chalkor (considérants 681 à 692 de la décision attaquée).

35 Les parts de marché ont été déterminées en fonction du chiffre d'affaires, réalisé par chaque contrevenant, provenant des ventes de tubes sanitaires sur le marché cumulé des tubes sanitaires en cuivre nus et des tubes sanitaires en cuivre gainés. Partant, les parts de marché des entreprises qui ne vendaient pas de tubes Wicu et Cuprotherm ont été calculées par division de leurs chiffres d'affaires pour les tubes sanitaires en cuivre nus par la taille cumulée du marché des tubes sanitaires en cuivre nus et gainés (considérants 683 et 692 de la décision attaquée).

36 La Commission a par conséquent fixé le montant de départ des amendes à 70 millions d'euro pour le groupe KME, à 23,8 millions d'euro pour les groupes Wieland, IMI et Outokumpu, à 16,1 millions d'euro pour le groupe Boliden et à 9,8 millions d'euro pour Chalkor et pour HME (considérant 693 de la décision attaquée).

37 Compte tenu du fait que Wieland et le groupe Buntmetall constituaient une seule entreprise après juillet 1999 et que, jusqu'à juin 1995, KME France et KME Italy constituaient conjointement une entreprise distincte de KME Germany, le montant de départ des amendes qui leur ont été respectivement infligées a été fixé de la façon suivante : 35 millions d'euro pour le groupe KME (KME Germany, KME France et KME Italy solidairement) ; 17,5 millions d'euro pour KME Germany ; 17,5 millions d'euro pour KME Italy et KME France solidairement ; 3,25 millions d'euro pour le groupe Wieland ; 19,52 millions d'euro pour Wieland et 1,03 million d'euro pour le groupe Buntmetall (considérants 694 à 696 de la décision attaquée).

38 Afin de tenir compte de la nécessité de fixer l'amende à un niveau lui assurant un effet dissuasif, la Commission a majoré le montant de départ de l'amende infligée au groupe Outokumpu de 50 %, le portant ainsi à 35,7 millions d'euro, en considérant que le chiffre d'affaires mondial de celui-ci, supérieur à 5 milliards d'euro, indiquait qu'il disposait d'une taille et d'une puissance économique justifiant ladite majoration (considérant 703 de la décision attaquée).

Montant de base des amendes

39 Il ressort de la décision attaquée que la Commission a majoré les montants de départ des amendes de 10 % par année complète d'infraction et de 5 % pour toute période supplémentaire égale ou supérieure à six mois, mais inférieure à un an. Ainsi, il a été conclu que :

- le groupe IMI ayant participé au cartel pendant onze ans et cinq mois, une majoration de 110 % du montant de départ de l'amende de 23,8 millions d'euro devait lui être appliquée ;

- le groupe Outokumpu ayant participé au cartel pendant onze ans et cinq mois, une majoration de 110 % du montant de départ de l'amende, fixé à 35,7 millions d'euro après son augmentation aux fins de dissuasion, devait lui être appliquée ;

- le groupe Boliden ayant participé au cartel pendant douze ans et neuf mois, une majoration de 125 % du montant de départ de l'amende de 16,1 millions d'euro devait lui être appliquée ;

- Chalkor ayant participé au cartel pendant douze mois, une majoration de 10 % du montant de départ de l'amende de 9,8 millions d'euro devait lui être appliquée ;

- HME ayant participé au cartel pendant deux ans et six mois, une majoration de 25 % du montant de départ de l'amende de 9,8 millions d'euro devait lui être appliquée ;

- le groupe KME ayant participé au cartel pendant cinq ans et sept mois, une majoration de 55 % du montant de départ de l'amende de 35 millions d'euro devait lui être appliquée ;

- KME Germany ayant participé au cartel pendant sept ans et deux mois, une majoration de 70 % du montant de départ de l'amende de 17,5 millions d'euro devait lui être appliquée ;

- KME France et KME Italy ayant participé au cartel pendant cinq ans et dix mois, une majoration de 55 % du montant de départ de l'amende de 17,5 millions d'euro devait leur être appliquée ;

- Wieland ayant été considérée, d'une part, individuellement responsable pour une période de neuf ans et neuf mois et, d'autre part, solidairement responsable avec le groupe Buntmetall pour une période additionnelle d'un an et huit mois, une majoration de 95 % du montant de départ de l'amende de 19,52 millions d'euro, pour lequel Wieland est seule responsable, et une majoration de 15 % du montant de départ de l'amende de 3,25 millions d'euro, pour lequel Wieland et le groupe Buntmetall sont solidairement responsables, ont été appliquées (considérants 706 à 714 de la décision attaquée).

40 Partant, les montants de base des amendes infligées aux entreprises en cause s'établissent comme suit :

- le groupe KME : 54,25 millions d'euro ;

- KME Germany : 29,75 millions d'euro ;

- KME France et KME Italy (solidairement) : 27,13 millions d'euro ;

- le groupe Buntmetall : 1,03 million d'euro ;

- le groupe Wieland : 3,74 millions d'euro ;

- Wieland : 38,06 millions d'euro ;

- le groupe IMI : 49,98 millions d'euro ;

- le groupe Outokumpu : 74,97 millions d'euro ;

- Chalkor : 10,78 millions d'euro ;

- HME : 12,25 millions d'euro ;

- le groupe Boliden : 36,225 millions d'euro (considérant 719 de la décision attaquée).

Circonstances aggravantes et atténuantes

41 Le montant de base de l'amende infligée au groupe Outokumpu a été majoré de 50 % au motif que celui-ci était l'auteur d'une récidive, puisqu'il avait été destinataire de la décision 90-417-CECA de la Commission, du 18 juillet 1990, relative à une procédure au titre de l'article 65 [CA] concernant l'accord et les pratiques concertées des producteurs européens de produits plats en acier inoxydable laminés à froid (JO L 220, p. 28) (considérants 720 à 726 de la décision attaquée).

42 Au titre des circonstances atténuantes, la Commission a tenu compte du fait que les groupes KME et Outokumpu lui avaient fourni des informations, dans le cadre de leurs coopérations respectives, ne relevant pas de la communication de 1996 sur la coopération.

43 Partant, la Commission a réduit le montant de base de l'amende infligée au groupe Outokumpu de 40,17 millions d'euro, ce qui correspondrait à l'amende qui lui aurait été infligée pour la période infractionnelle allant de septembre 1989 à juillet 1997, dont l'établissement avait été rendu possible par les informations qu'il avait fournies à la Commission (considérants 758 et 759 de la décision attaquée).

44 S'agissant du groupe KME, le montant de base de l'amende qui lui a été infligée a été réduit de 7,93 millions d'euro en raison de sa coopération, qui avait permis à la Commission d'établir que l'infraction en cause englobait les tubes sanitaires en cuivre gainés (considérants 760 et 761 de la décision attaquée).

Application de la communication de 1996 sur la coopération

45 La Commission a, au titre du point D de la communication de 1996 sur la coopération, accordé une réduction du montant des amendes de 50 % au groupe Outokumpu, de 35 % au groupe Wieland, de 15 % à Chalkor, de 10 % au groupe Boliden et au groupe IMI et de 35 % au groupe KME. HME n'a bénéficié d'aucune réduction au titre de cette communication (considérant 815 de la décision attaquée).

Montant final des amendes

46 Conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et à l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, la Commission a fixé les montants des amendes à infliger aux entreprises destinataires de la décision attaquée comme suit :

- le groupe Boliden : 32,6 millions d'euro ;

- le groupe Buntmetall : 0,6695 million d'euro ;

- Chalkor : 9,16 millions d'euro ;

- HME : 4,49 millions d'euro ;

- le groupe IMI : 44,98 millions d'euro ;

- le groupe KME : 32,75 millions d'euro ;

- KME Germany : 17,96 millions d'euro ;

- KME France et KME Italy (solidairement) : 16,37 millions d'euro ;

- le groupe Outokumpu : 36,14 millions d'euro ;

- le groupe Wieland : 2,43 millions d'euro ;

- Wieland : 24,7416 millions d'euro (considérant 842 de la décision attaquée).

Procédure et conclusions des parties

47 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2005, les requérantes ont introduit le présent recours.

48 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

49 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler ou réduire l'amende infligée à l'article 2, sous j), de la décision attaquée ;

- condamner la Commission aux dépens.

50 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner les requérantes aux dépens

En droit

51 À l'appui du présent recours, les requérantes invoquent trois moyens tirés respectivement d'une majoration erronée, au titre de la récidive, du montant de base de l'amende infligée, d'une majoration erronée de 50 % du montant de départ de l'amende à des fins de dissuasion et d'une évaluation inadéquate de la taille du secteur affecté par l'infraction en cause.

52 Par lettre du 5 mai 2008 adressée au greffe du Tribunal, les requérantes ont indiqué qu'elles retiraient le moyen tiré d'une augmentation erronée de 50 % du montant de départ de l'amende à des fins de dissuasion.

1. Sur le premier moyen, tiré d'une majoration erronée, au titre de la récidive, du montant de base de l'amende infligée aux requérantes

Arguments des parties

53 Les requérantes font valoir que, en augmentant le montant de base de l'amende au titre de la récidive, la Commission a violé l'article 23 du règlement n° 1-2003, les lignes directrices et le principe d'égalité de traitement. En outre, la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les faits pertinents.

54 Dans le cadre du présent moyen, les requérantes ont initialement avancé, en substance, cinq griefs. Premièrement, elles ont soutenu que dans la mesure où l'infraction en cause ne relevait pas du même traité que la décision 90-417, il ne saurait être question d'une récidive. Deuxièmement, elles ont fait valoir que la décision 90-417 ne saurait fonder un constat de récidive, dès lors que ladite décision ne leur avait imposé aucune amende ou sanction. Troisièmement, les requérantes ont estimé que, dès lors que l'infraction précédente avait été commise dans des circonstances particulières, dont il avait été tenu compte dans la décision 90-417, elle ne pouvait fonder le constat d'une récidive en l'espèce. Quatrièmement, les requérantes ont prétendu avoir fait l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport à d'autres entreprises à l'encontre desquelles la décision 90-417 n'aurait pas été retenue comme circonstance aggravante. Cinquièmement, les requérantes ont allégué qu'en tout état de cause, au vu des circonstances particulières de l'affaire ayant donné lieu à la décision 90-417, la majoration de 50 % du montant de base de l'amende infligée en l'espèce était disproportionnée.

55 Par lettre du 5 mai 2008 adressée au greffe du Tribunal, les requérantes ont indiqué que, dans le cadre du présent moyen, elles retiraient le deuxième grief tiré de l'absence de sanction pécuniaire antérieure.

56 La Commission conclut au rejet du présent moyen et fait observer dans sa duplique que les requérantes, dans leur réplique, prétendent que la Commission a violé le principe nulla poena sine lege. Selon la Commission, ce moyen ne figurait pas dans la requête et est par conséquent, un moyen nouveau soulevé en cours d'instance. Partant, il serait irrecevable en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

Appréciation du Tribunal

57 En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, il y a lieu de rappeler qu'il ressort des dispositions combinées de l'article 44, paragraphe 1, sous c), et de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure que la requête introductive d'instance doit contenir l'objet du litige ainsi que l'exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

58 Cependant, un moyen qui constitue l'ampliation d'un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d'instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (arrêt du Tribunal du 5 février 1997, Ibarra Gil/Commission, T-207-95, RecFP p. I-A-13 et II-31, point 51 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 mai 1983, Verros/Parlement, 306-81, Rec. p. 1755, points 9 et 10). Une solution analogue s'impose pour un grief invoqué au soutien d'un moyen (arrêts du Tribunal du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T-231-99, Rec. p. II-2085, point 156, et du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T-345-05, non encore publié au Recueil, point 85).

59 Le Tribunal constate que, en l'espèce, cette exigence est satisfaite dès lors que, tant dans la requête que dans la réplique, les requérantes mettent en exergue le fait que la Commission n'avait jamais, avant la décision attaquée, cherché à constater de récidive dans une affaire relevant du traité CE sur la base d'une infraction précédente relevant du traité CA.

60 Partant, l'intégralité des griefs soulevés à l'appui du présent moyen doivent être déclarés recevables.

61 S'agissant du bien-fondé du présent moyen, il y a lieu de rappeler que les traités constitutifs ont mis en œuvre un ordre juridique unique dans lequel le traité EA constitue, et le traité CA constituait jusqu'au 23 juillet 2002, une lex specialis dérogeant à la lex generalis qu'est le traité CE (voir arrêt du Tribunal du 5 juin 2001, ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, T-6-99, Rec. p. II-1523, point 102, et la jurisprudence citée). En outre, il ressort de la jurisprudence que la prohibition des ententes est prévue par deux dispositions analogues, à savoir les article 81 CE et 65 CA, qui, bien qu'émanant de deux traités distincts, font appel à des notions juridiques identiques (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T-141-94, Rec. p. II-347, points 269, 270 et 277, du 11 mars 1999, Unimétal/Commission, T-145-94, Rec. p. II-585, points 248 et 252, et du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T-45-98 et T-47-98, Rec. p. II-3757, point 181).

62 Partant, il doit être admis qu'une fois que la Commission a établi par voie de décision la participation d'une entreprise à une entente, conformément à la compétence qui lui est octroyée, cette décision pourra servir de base pour évaluer, dans le cadre d'une nouvelle décision, la propension de cette entreprise à enfreindre des règles relatives aux ententes.

63 Au demeurant, aucun élément dans les lignes directrices n'indique que l'indication selon laquelle doit être en cause une " récidive de la même ou [des] mêmes entreprises pour une infraction de même type " doit être entendue dans le sens que la Commission ne peut pas prendre en compte, afin de constater une récidive dans le cadre de l'application de l'article 81 CE, des infractions constatées en vertu du traité CA. Au contraire, il ressort de l'intitulé des lignes directrices que celles-ci s'appliquent tant au calcul des amendes infligées en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 qu'à celles infligées en vertu de l'article 65, paragraphe 5, CA.

64 En ce qui concerne l'argument selon lequel les circonstances spéciales qui ont entouré l'infraction antérieure empêcheraient la Commission de retenir la récidive à l'égard des requérantes, il y a lieu de l'écarter dès lors qu'il ressort de la jurisprudence que la notion de récidive implique uniquement le constat préalable d'une infraction au droit de la concurrence (arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C-3-06 P, Rec. p. I-1331, point 41).

65 Or, en l'espèce, il ressort clairement des articles 1er et 4 de la décision 90-417 qu'Outokumpu avait été avertie que, en concluant des accords de prix et en se répartissant les marchés et les clients avec ses concurrents, elle avait enfreint le droit de la concurrence et qu'elle devait s'abstenir de répéter ces comportements. Pourtant, il ressort de l'article 1er de la décision attaquée que les requérantes ont par la suite participé à une infraction quasi identique.

66 S'agissant de l'argument selon lequel les requérantes auraient fait l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport à d'autres entreprises à l'encontre desquelles la décision 90-417 n'aurait pas été retenue comme circonstance aggravante, il importe de souligner que le seul fait que la Commission a considéré, dans sa pratique décisionnelle antérieure, que certains éléments ne constituaient pas une circonstance aggravante aux fins de la détermination du montant de l'amende, n'implique pas qu'elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, point 57).

67 Il ressort de ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreur en constatant la récidive à l'encontre des requérantes.

68 En ce qui concerne les griefs formulés à l'encontre du taux de majoration de 50 % appliqué dans la décision attaquée, il doit être relevé que la Commission peut, en fixant un taux de majoration au titre de la récidive, prendre en considération les indices tendant à confirmer la propension de l'entreprise concernée à s'affranchir des règles de concurrence, y compris le temps qui s'est écoulé entre les infractions en cause.

69 En l'espèce, il doit être constaté que, à la date de l'adoption de la décision 90-417, le 18 juillet 1990, l'infraction faisant l'objet de la décision attaquée avait déjà commencé. Or, malgré la constatation d'une infraction quasi identique aux règles de concurrence de la part des requérantes dans la décision 90-417, celles-ci ont décidé de continuer leur participation à la nouvelle entente. Cette circonstance justifie en tant que telle le taux de majoration retenu dans la décision attaquée.

70 Certes, les requérantes se réfèrent à une série de circonstances qui ont entouré l'infraction constatée dans la décision 90-417 et sont explicitées au titre X, point 12, de ladite décision. Toutefois, ces circonstances, qui ont certes justifié la non-imposition d'une amende aux requérantes dans ladite décision, sont nécessairement propres à cette dernière et ne présentent aucun lien avec la propension des requérantes à s'affranchir, à partir du 18 juillet 1990, des règles de concurrence. Elles ne sauraient par conséquent être prises en compte aux fins de la fixation du taux de majoration de l'amende pour récidive.

71 En ce qui concerne l'argument selon lequel les requérantes auraient fait l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport à d'autres entreprises à l'encontre desquelles la constatation de récidive n'a pas entraîné une majoration aussi sévère que pour les requérantes, il convient de souligner, d'une part, que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 292) et, d'autre part, que la Commission dispose, dans le cadre du règlement nº 17 et du règlement n° 1-2003, d'une marge d'appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d'orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 216) et de pouvoir à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, point 169).

72 Eu égard à ce qui précède, la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en appliquant aux requérantes une majoration de 50 % du montant de base de l'amende infligée au titre de la récidive. Par ailleurs, le Tribunal n'estime pas nécessaire, dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, de modifier ledit taux.

2. Sur le second moyen, tiré d'une évaluation erronée de la taille du secteur affecté par le cartel

Arguments des parties

73 Par ce moyen, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a, en retenant que la valeur du marché concerné était de 1 151 millions d'euro, exagéré la taille de celui-ci et, partant, la gravité de l'infraction, ce qui aurait donné lieu à une amende excessive. L'erreur commise par la Commission résiderait dans le fait qu'elle a inclu le prix du métal dans le chiffre d'affaires du marché. Pourtant, selon les requérantes, le prix du métal tombe hors de leur sphère de contrôle, puisque ce prix est déterminé par les cotations journalières au London Metal Exchange (Bourse des métaux de Londres). Partant, la Commission aurait dû se borner à examiner la taille du marché en cause, c'est-à-dire qu'elle aurait dû soustraire le prix du métal lors de l'évaluation de la taille du marché, ce qui aurait abouti à un montant de départ moins élevé.

74 La Commission conclut au rejet du présent moyen. En outre, elle allègue que les requérantes ont pris une position ambiguë dans leurs écritures en ce qui concerne leur participation à une infraction portant sur la totalité du secteur des tubes sanitaires et consistant en des échanges d'informations, une répartition des marchés et des clients, un système de " chefs de file " et une entente sur les conditions commerciales et de paiement. Ainsi, la Commission invite le Tribunal à apprécier la position des requérantes sur ces faits et à exercer, si les requérantes les contestaient, sa compétence de pleine juridiction en majorant l'amende infligée aux requérantes, au motif qu'elles ont bénéficié d'une réduction de 50 % du montant de l'amende pour avoir notamment déclaré qu'elles ne contestaient pas la matérialité desdits faits.

Appréciation du Tribunal

75 À titre liminaire, force est de constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande reconventionnelle formulée par la Commission. À cet égard, il convient de relever que les requérantes ont clairement indiqué, dans leur réplique, qu'elles ne contestaient pas les faits allégués par la Commission.

76 En effet, les requérantes admettent expressément que l'infraction en cause avait trait au secteur des tubes sanitaires dans son ensemble. Elles admettent aussi que la répartition des volumes et des marchés, les échanges d'informations, le système de " chefs de file " ainsi que la collusion concernant les conditions de paiement et de livraisons avaient trait à la fourniture de tubes sanitaires. Elles reconnaissent également que, indépendamment de la marge de transformation, un ajustement des " lignes de prix " et des remises était effectué.

77 S'agissant du bien-fondé du présent moyen, il importe de souligner qu'aucune raison valable n'impose que le chiffre d'affaires d'un marché pertinent soit calculé en excluant certains coûts de production. Ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, il existe dans tous les secteurs industriels des coûts inhérents au produit final que le fabricant ne peut maîtriser, mais qui constituent néanmoins un élément essentiel de l'ensemble de ses activités et qui, partant, ne sauraient être exclus de son chiffre d'affaires lors de la fixation du montant de départ de l'amende (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25-95, T-26-95, T-30-95 à T-32-95, T-34-95 à T-39-95, T-42-95 à T-46-95, T-48-95, T-50-95 à T-65-95, T-68-95 à T-71-95, T-87-95, T-88-95, T-103-95 et T-104-95, Rec. p. II-491, points 5030 et 5031). Le fait que le prix du cuivre constitue une partie importante du prix final des tubes sanitaires ou que le risque de fluctuations des prix du cuivre soit bien plus élevé que pour d'autres matières premières n'infirme pas cette conclusion.

78 Il y a donc lieu de conclure que c'est à bon droit que la Commission a pris en compte le prix du cuivre aux fins de déterminer la taille du secteur concerné. Le présent moyen n'est donc pas non plus fondé.

79 Le recours doit donc être rejeté.

Sur les dépens

80 En vertu de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de les condamner aux dépens conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Outokumpu Oyj et Luvata Oy sont condamnées aux dépens.