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Décisions

TUE, 8e ch., 19 mai 2010, n° T-11/05

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Wieland-Werke AG, Buntmetall Amstetten GmbH, Austria Buntmetall AG

Défendeur :

Commission européenne, Conseil de l'Union européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martins Ribeiro

Juges :

MM. Papasavvas, Wahl (rapporteur)

Avocats :

Mes Bechtold, Soltész, Eickstädt

TUE n° T-11/05

19 mai 2010

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

Antécédents du litige

1 Wieland-Werke AG (ci-après " Wieland ") est une société allemande active principalement dans la production, la vente et la distribution de semi-produits et de produits spéciaux en cuivre et en alliages de cuivre. Wieland contrôle plusieurs sociétés et forme notamment, depuis le 9 juillet 1999, le groupe Wieland avec Austria Buntmetall AG et Buntmetall Amstetten GmbH (ci-après, prises ensemble, le " groupe Buntmetall ").

1. Procédure administrative

2 À la suite de la communication d'informations par Mueller Industries Inc. (ci-après " Mueller ") en janvier 2001, la Commission des Communautés européennes a procédé à des vérifications inopinées, en mars 2001, dans les locaux de plusieurs entreprises actives dans le secteur des tubes en cuivre, en vertu de l'article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

3 Les 9 et 10 avril 2001, des vérifications complémentaires ont été effectuées dans les locaux de KME Germany AG (anciennement KM Europa Metal AG) ainsi que d'Outokumpu Oyj et de Luvata Oy (anciennement Outokumpu Copper Products Oy) (ci-après, prises ensemble, le " groupe Outokumpu "). Le 9 avril 2001, le groupe Outokumpu a présenté à la Commission une offre de coopération au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication de 1996 sur la coopération "), tant pour les tubes industriels que pour les tubes sanitaires. À la suite de vérifications complémentaires, la Commission a scindé son enquête portant sur les tubes en cuivre en trois procédures distinctes, à savoir l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), l'affaire COMP/E-1/38.121 (Raccords) et l'affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels).

4 Par lettre du 30 mai 2001, le groupe Outokumpu a transmis à la Commission un mémorandum, accompagné d'un certain nombre d'annexes, décrivant le secteur des tubes en cuivre et les accords collusifs s'y rapportant.

5 Le 5 juin 2002, dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels), des entretiens relatifs à l'offre de coopération faite par le groupe Outokumpu ont eu lieu, à l'initiative de la Commission, avec des représentants de cette entreprise. Cette dernière a également fait savoir qu'elle était disposée à ce que la Commission interroge les membres de son personnel impliqués dans les accords visés par l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre).

6 En juillet 2002, dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels), la Commission a, en application de l'article 11 du règlement n° 17, d'une part, adressé des demandes de renseignements à Wieland et au groupe KME [composé de KME Germany, KME France SAS (anciennement Tréfimétaux SA) et KME Italy SpA (anciennement Europa Metalli SpA)] et, d'autre part, invité le groupe Outokumpu à lui communiquer des informations complémentaires. Le 15 octobre 2002, le groupe KME a répondu à ladite demande de renseignements. Sa réponse contenait également une déclaration et une demande visant à bénéficier de l'application de la communication de 1996 sur la coopération dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre). En outre, le groupe KME a permis à la Commission d'utiliser toutes les informations fournies dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels) dans celui de l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre).

7 Le 23 janvier 2003, Wieland a communiqué à la Commission une déclaration comprenant une demande visant à bénéficier, dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), de l'application de la communication de 1996 sur la coopération.

8 Dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), la Commission a adressé, le 3 mars 2003, des demandes de renseignements au groupe Boliden [composé de Boliden AB, d'Outokumpu Copper Fabrication AB (anciennement Boliden Fabrication AB) et d'Outokumpu Copper BCZ SA (anciennement Boliden Cuivre & Zinc SA)], à HME Nederland BV (ci-après " HME ") et à Chalkor AE Epexergasias Metallon (ci-après " Chalkor "), ainsi que, le 20 mars 2003 au groupe IMI (composé d'IMI plc, d'IMI Kynoch Ltd et de Yorkshire Copper Tube).

9 Le 9 avril 2003, des représentants de Chalkor ont rencontré les représentants de la Commission et ont demandé, dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), l'application de la communication de 1996 sur la coopération.

10 Le 29 août 2003, la Commission a, dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), adopté une communication des griefs adressée aux sociétés concernées. Après que lesdites sociétés ont eu accès au dossier, sous format électronique, et qu'elles ont présenté des observations écrites, elles ont pris part, à l'exception de HME, à une audition le 28 novembre 2003).

11 Le 16 décembre 2003, la Commission a adopté la décision C (2003) 4820 final, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/E-1/38.240 - Tubes industriels) (ci-après la " décision relative aux tubes industriels "), dont un résumé est publié au Journal officiel de l'Union européenne du 28 avril 2004 (JO L 125, p. 50). Cette décision a fait l'objet d'un recours introduit par Wieland et rejeté par l'arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, Wieland-Werke/Commission (T-116/04, non encore publié au Recueil).

2. Décision attaquée

12 Le 3 septembre 2004, la Commission a adopté la décision C (2004) 2826 relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/E-1/38.069 - Tubes sanitaires en cuivre) (ci-après la " décision attaquée "), dont un résumé est publié au Journal officiel de l'Union européenne du 13 juillet 2006 (JO L 192, p. 21).

13 La décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

" Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, [CE] et, à compter du 1er janvier 1994, de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, en participant, au cours des périodes indiquées, à un ensemble d'accords et de pratiques concertées qui ont porté sur la fixation des prix et le partage des marchés dans le secteur des tubes sanitaires en cuivre :

a) Boliden [...], solidairement avec [Outokumpu Copper Fabrication] et [Outokumpu Copper BCZ], du 3 juin 1988 au 22 mars 2001 ;

b) [Outokumpu Copper Fabrication], solidairement avec Boliden [...] et [Outokumpu Copper BCZ], du 3 juin 1988 au 22 mars 2001 ;

c) [Outokumpu Copper BCZ], solidairement avec Boliden [...] et [Outokumpu Copper Fabrication], du 3 juin 1988 au 22 mars 2001 ;

d) Austria Buntmetall AG :

i) solidairement avec Buntmetall Amstetten [GmbH], du 29 août 1998 au moins au 8 juillet 1999, et

ii) solidairement avec [Wieland] et Buntmetall Amstetten [...], du 9 juillet 1999 au 22 mars 2001 ;

e) Buntmetall Amstetten [...] :

i) solidairement avec Austria Buntmetall [...], du 29 août 1998 au moins au 8 juillet 1999, et

ii) solidairement avec [Wieland] et Austria Buntmetall [...], du 9 juillet 1999 au 22 mars 2001 ;

f) [Chalkor], du 29 août 1998 au moins jusqu'au moins au début de septembre 1999 ;

g) [HME] du 29 août 1998 au moins jusqu'au 22 mars 2001 ;

h) IMI [...], solidairement avec IMI Kynoch [...] et Yorkshire Copper Tube [...], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

i) IMI Kynoch [...], solidairement avec IMI [...] et Yorkshire Copper Tube [...], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

j) Yorkshire Copper Tube [...], solidairement avec IMI [...] et IMI Kynoch [...], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

k) [KME Germany] :

i) individuellement, du 3 juin 1988 au 19 juin 1995, et

ii) solidairement avec [KME France] et [KME Italy], du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

l) [KME Italy] :

i) solidairement avec [KME France], du 29 septembre 1989 au 19 juin 1995, et

ii) solidairement avec [KME Germany] et [KME France], du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

m) [KME France] :

i) solidairement avec [KME Italy], du 29 septembre 1989 au 19 juin 1995, et

ii) solidairement avec [KME Germany] et [KME Italy], du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

[...]

s) Outokumpu [...], solidairement avec [Luvata], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

t) [Luvata], solidairement avec Outokumpu [...], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

u) [Wieland] :

i) individuellement du 29 septembre 1989 au 8 juillet 1999, et

ii) solidairement avec Austria Buntmetall [...] et Buntmetall Amstetten [...], du 9 juillet 1999 au 22 mars 2001.

Article 2

Pour les infractions visées à l'article 1er, les amendes suivantes sont infligées :

a) Boliden [...], [Outokumpu Copper Fabrication] et [Outokumpu Copper BCZ], solidairement : 32,6 millions d'euro ;

b) Austria Buntmetall [...] et Buntmetall Amstetten [...], solidairement: 0,6695 million d'euro ;

c) Austria Buntmetall [...], Buntmetall Amstetten [...] et [Wieland], solidairement : 2,43 millions d'euro ;

d) [Chalkor] : 9,16 millions d'euro ;

e) [HME] : 4,49 millions d'euro ;

f) IMI [...], IMI Kynoch [...] et Yorkshire Copper Tube [...], solidairement : 44,98 millions d'euro ;

g) [KME Germany] : 17,96 millions d'euro ;

h) [KME Germany], [KME France] et [KME Italy], solidairement : 32,75 millions d'euro ;

i) [KME Italy] et [KME France], solidairement : 16,37 millions d'euro ;

j) Outokumpu [...] et [Luvata], solidairement : 36,14 millions d'euro ;

k) [Wieland], individuellement : 24,7416 millions d'euro.

[...] "

14 La Commission a estimé que les entreprises en cause avaient participé à une infraction (ci-après le " cartel " ou l'" infraction en cause ") unique, continue, complexe et, dans le cas du groupe Boliden, du groupe KME et de Wieland, multiforme. La Commission a précisé que les accords nationaux n'étaient pas visés, en tant que tels, par la décision attaquée (considérants 2 et 106 de la décision attaquée).

Produits et marché en cause

15 Le secteur concerné, celui de la fabrication des tubes en cuivre, englobe deux groupes de produits, à savoir, d'une part, les tubes industriels, qui se subdivisent en différents sous-groupes en fonction de leur utilisation finale (air conditionné et réfrigération, raccords, chauffe-eau et chaudières à gaz, filtres déshydrateurs et télécommunications) et, d'autre part, les tubes sanitaires, appelés aussi " tubes de plomberie ", qui sont utilisés dans le bâtiment pour les installations d'eau, les conduites de gaz et de mazout et les systèmes de chauffage (considérant 3 de la décision attaquée).

16 La Commission a considéré que les affaires COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre) et COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels) concernaient deux infractions distinctes. À cet égard, elle s'est principalement fondée sur le fait que " ce sont des entreprises différentes (et des membres différents du personnel de ces entreprises) qui étaient impliquées dans les accords sur les tubes sanitaires, d'une part, et sur les tubes industriels, d'autre part, accords dont l'organisation aussi était différente ". En outre, la Commission a estimé que le secteur des tubes sanitaires se distinguait de celui des tubes industriels en ce qui concerne la clientèle visée, l'utilisation finale et les caractéristiques techniques des produits (considérants 4 et 5 de la décision attaquée).

17 S'agissant des tubes sanitaires en cuivre, la Commission a affirmé dans la décision attaquée que ce groupe de produits comprenait deux " sous-familles " de produits : les tubes sanitaires en cuivre nus, d'une part, et les tubes sanitaires en cuivre gainés, d'autre part. Elle a noté que " les tubes sanitaires en cuivre nus et les tubes sanitaires en cuivre gainés ne sont pas obligatoirement interchangeables et qu'ils peuvent constituer des marchés de produits distincts à la lumière de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence " (JO 1997, C 372, p. 5). Toutefois, pour les besoins de la décision attaquée, la Commission a estimé que ces deux " sous-familles " de produits devaient être considérées comme " un seul et même groupe de produits [...] parce que ce sont pour l'essentiel les mêmes entreprises (et les mêmes membres du personnel de ces entreprises) qui ont été impliquées dans les accords sur ces deux sous-familles de produits et que les accords étaient organisés de manière similaire " (considérants 13 et 459 de la décision attaquée).

18 Dans la décision attaquée, la Commission a également indiqué que le marché géographique pertinent était l'Espace économique européen (EEE). Elle a estimé que, en 2000, dans l'EEE, la valeur du marché des tubes sanitaires en cuivre nus était d'environ 970,1 millions d'euro et celle du marché des tubes sanitaires en cuivre gainés de 180,9 millions d'euro. La valeur cumulée de ces deux marchés a, par conséquent, été évaluée à 1 151 millions d'euro en 2000 dans l'EEE (considérants 17 et 23 de la décision attaquée).

Composantes de l'infraction en cause

19 La Commission a relevé que l'infraction en cause s'était manifestée sous trois formes distinctes, mais liées (considérants 458 et 459 de la décision attaquée). La première branche du cartel, à savoir les accords Sanco, consistait dans les accords conclus entre les " producteurs Sanco ", Sanco étant une marque de tubes sanitaires en cuivre nus produits par le groupe KME, Wieland et le groupe Boliden (considérants 115 à 118, 125 à 146 et 456 de la décision attaquée).

20 La deuxième branche de l'infraction en cause, à savoir les accords Wicu et Cuprotherm, comprenait les accords conclus entre les " producteurs Wicu et Cuprotherm ", Wicu et Cuprotherm étant des marques de tubes sanitaires en cuivre gainés produits par le groupe KME et Wieland (considérants 121 et 149 de la décision attaquée).

21 La troisième branche du cartel, à savoir les accords européens élargis, visait les accords conclus au sein d'un groupe plus large de producteurs de tubes sanitaires en cuivre nus. Elle comprenait les entreprises visées aux points 19 et 20 ci-dessus ainsi que le groupe Buntmetall (composé d'Austria Buntmetall et de Buntmetall Amstetten), Chalkor, HME, le groupe IMI, Mueller et le groupe Outokumpu (considérants 147, 148, 192, 459 à 462 de la décision attaquée).

Durée et caractère continu de l'infraction en cause

22 La Commission a relevé dans la décision attaquée que l'infraction en cause avait commencé le 3 juin 1988 en ce qui concerne le groupe KME et le groupe Boliden, le 29 septembre 1989 en ce qui concerne le groupe IMI, le groupe Outokumpu et Wieland, le 21 octobre 1997 en ce qui concerne Mueller et, au plus tard, le 29 août 1998 en ce qui concerne Chalkor, le groupe Buntmetall et HME. Pour ce qui est de la date à laquelle l'infraction a pris fin, la Commission a retenu celle du 22 mars 2001, sauf en ce qui concerne Mueller et Chalkor, qui, d'après la Commission, ont respectivement cessé de participer au cartel le 8 janvier 2001 et en septembre 1999 (considérant 597 de la décision attaquée).

23 En ce qui concerne le caractère continu de l'infraction en cause, s'agissant du groupe Boliden, du groupe IMI, du groupe KME, du groupe Outokumpu et de Wieland, la Commission a relevé dans la décision attaquée que, bien que le cartel ait connu des périodes d'activité moins intense entre 1990 et décembre 1992, d'une part, et entre juillet 1994 et juillet 1997, d'autre part, l'activité infractionnelle n'avait toutefois jamais totalement cessé, de sorte que l'infraction en cause constituait effectivement une infraction unique non prescrite (considérants 466, 471, 476, 477 et 592 de la décision attaquée).

Détermination du montant des amendes

24 Par la décision attaquée, la Commission a infligé des amendes, au titre de l'article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), ainsi qu'au titre de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, au groupe Boliden, au groupe Buntmetall, à Chalkor, à HME, au groupe IMI, au groupe KME, au groupe Outokumpu et à Wieland (considérant 842 et article 2 de la décision attaquée).

25 Les montants des amendes ont été déterminés par la Commission en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction en cause, soit les deux critères explicitement mentionnés à l'article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1-2003 et à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui était, aux termes de la décision attaquée, applicable au moment de l'infraction en cause (considérants 601 à 603 de la décision attaquée).

26 Aux fins de fixer le montant de l'amende infligée à chaque entreprise, la Commission a fait application de la méthodologie définie dans les lignes directrices pour le calcul du montant des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices "), même si elle ne s'y est pas systématiquement référée. Dans la décision attaquée, la Commission a également apprécié si, et dans quelle mesure, les entreprises concernées satisfaisaient aux exigences fixées par la communication de 1996 sur la coopération.

Montant de départ des amendes

- Gravité

27 S'agissant de l'évaluation de la gravité de l'infraction en cause, la Commission a tenu compte de la nature propre de l'infraction, de son impact concret sur le marché, de l'étendue du marché géographique en cause et de la taille dudit marché (considérants 605 et 678 de la décision attaquée).

28 Elle a fait valoir que les pratiques de répartition des marchés et de fixation des prix, comme celles visées en l'espèce, constituaient, de par leur nature même, une infraction très grave et a considéré que le marché géographique affecté par le cartel correspondait à celui du territoire de l'EEE. La Commission a également tenu compte du fait que le marché des tubes sanitaires en cuivre constituait un secteur industriel très important, dont la valeur avait été estimée à 1 151 millions d'euro dans l'EEE en 2000, dernière année complète du cartel (considérants 606 et 674 à 678 de la décision attaquée).

29 En ce qui concerne l'impact concret sur le marché, la Commission a relevé qu'il existait des éléments de preuve suffisants pour démontrer que le cartel avait globalement produit des effets sur le marché concerné, notamment sur les prix, même s'il était impossible de les quantifier précisément (considérants 670 et 673 de la décision attaquée). Aux fins de cette constatation, elle s'est notamment fondée sur plusieurs indices. Premièrement, elle s'est basée sur la mise en œuvre de l'entente en se référant au fait que les participants avaient échangé des informations sur les volumes de vente et les niveaux de prix (considérants 629 et 630 de la décision attaquée).

30 Deuxièmement, elle a pris en compte la circonstance que les membres du cartel détenaient une partie importante, à savoir 84,6 %, du marché dans l'EEE (considérant 635 de la décision attaquée).

31 Troisièmement, la Commission s'est fondée sur les tableaux, mémorandums et notes rédigés, dans le contexte des réunions du cartel, par les membres de celui-ci. Ces documents feraient état de ce que les prix avaient augmenté au cours de certaines périodes du cartel et que les membres du cartel avaient réalisé des recettes additionnelles par rapport aux périodes précédentes. Certains desdits documents indiqueraient que les personnes impliquées dans le cartel estimaient qu'il avait permis aux entreprises concernées d'atteindre leurs objectifs de prix. La Commission s'est également appuyée sur les déclarations faites par M. M., ancien directeur d'une des sociétés du groupe Boliden, ainsi que par Wieland, par le groupe Boliden et par Mueller dans le cadre de leurs coopérations respectives (considérants 637 à 654 de la décision attaquée).

32 Enfin, la Commission a constaté que les parts de marché respectives des participants à l'entente étaient restées relativement stables pendant toute la durée du cartel, même si les clients des participants avaient parfois changé (considérant 671 de la décision attaquée).

33 La Commission en a conclu que les entreprises concernées avaient commis une infraction très grave (considérant 680 de la décision attaquée).

- Traitement différencié

34 La Commission a identifié dans la décision attaquée quatre groupes qu'elle estimait représentatifs de l'importance relative des entreprises dans l'infraction en cause. La répartition des membres du cartel en plusieurs catégories effectuée par la Commission s'est fondée sur les parts de marché respectives des participants au cartel pour les ventes des produits concernés dans l'EEE au cours de l'année 2000. En conséquence, le groupe KME a été considéré comme étant le principal acteur sur le marché concerné et a été classé dans la première catégorie. Les groupes Wieland, IMI et Outokumpu ont été considérés comme des opérateurs de taille moyenne sur ce marché et ont été placés dans la deuxième catégorie. Le groupe Boliden a été placé dans la troisième catégorie. Dans la quatrième catégorie figurent HME et Chalkor (considérants 681 à 692 de la décision attaquée).

35 Les parts de marché ont été déterminées en fonction du chiffre d'affaires, réalisé par chaque contrevenant, provenant des ventes de tubes sanitaires sur le marché cumulé des tubes sanitaires en cuivre nus et des tubes sanitaires en cuivre gainés. Partant, les parts de marché des entreprises qui ne vendaient pas de tubes Wicu et Cuprotherm ont été calculées par division de leurs chiffres d'affaires pour les tubes sanitaires en cuivre nus par la taille cumulée du marché des tubes sanitaires en cuivre nus et gainés (considérants 683 et 692 de la décision attaquée).

36 La Commission a par conséquent fixé le montant de départ des amendes à 70 millions d'euro pour le groupe KME, à 23,8 millions d'euro pour Wieland, les groupes IMI et Outokumpu, à 16,1 millions d'euro pour le groupe Boliden et à 9,8 millions d'euro pour Chalkor et pour HME (considérant 693 de la décision attaquée).

37 Compte tenu du fait que Wieland et le groupe Buntmetall constituaient une seule entreprise après juillet 1999 et que, jusqu'à juin 1995, KME France et KME Italy constituaient conjointement une entreprise distincte de KME Germany, le montant de départ des amendes qui leur ont été respectivement infligées a été fixé de la façon suivante : 35 millions d'euro pour le groupe KME (KME Germany, KME France et KME Italy solidairement) ; 17,5 millions d'euro pour KME Germany ; 17,5 millions d'euro pour KME Italy et KME France solidairement ; 3,25 millions d'euro pour le groupe Wieland ; 19,52 millions d'euro pour Wieland et 1,03 million d'euro pour le groupe Buntmetall (considérants 694 à 696 de la décision attaquée).

38 Afin de tenir compte de la nécessité de fixer l'amende à un niveau lui assurant un effet dissuasif, la Commission a majoré le montant de départ de l'amende infligée au groupe Outokumpu de 50 %, le portant ainsi à 35,7 millions d'euro, en considérant que le chiffre d'affaires mondial de celui-ci, supérieur à 5 milliards d'euro, indiquait qu'il disposait d'une taille et d'une puissance économique justifiant ladite majoration (considérant 703 de la décision attaquée).

Montant de base des amendes

39 Il ressort de la décision attaquée que la Commission a majoré les montants de départ des amendes de 10 % par année complète d'infraction et de 5 % pour toute période supplémentaire égale ou supérieure à six mois, mais inférieure à un an. Ainsi, il a été conclu que :

- le groupe IMI ayant participé au cartel pendant onze ans et cinq mois, une majoration de 110 % du montant de départ de l'amende de 23,8 millions d'euro devait lui être appliquée ;

- le groupe Outokumpu ayant participé au cartel pendant onze ans et cinq mois, une majoration de 110 % du montant de départ de l'amende, fixé à 35,7 millions d'euro après son augmentation aux fins de dissuasion, devait lui être appliquée ;

- le groupe Boliden ayant participé au cartel pendant douze ans et neuf mois, une majoration de 125 % du montant de départ de l'amende de 16,1 millions d'euro devait lui être appliquée ;

- Chalkor ayant participé au cartel pendant douze mois, une majoration de 10 % du montant de départ de l'amende de 9,8 millions d'euro devait lui être appliquée ;

- HME ayant participé au cartel pendant deux ans et six mois, une majoration de 25 % du montant de départ de l'amende de 9,8 millions d'euro devait lui être appliquée ;

- le groupe KME ayant participé au cartel pendant cinq ans et sept mois, une majoration de 55 % du montant de départ de l'amende de 35 millions d'euro devait lui être appliquée ;

- KME Germany ayant participé au cartel pendant sept ans et deux mois, une majoration de 70 % du montant de départ de l'amende de 17,5 millions d'euro devait lui être appliquée ;

- KME France et KME Italy ayant participé au cartel pendant cinq ans et dix mois, une majoration de 55 % du montant de départ de l'amende de 17,5 millions d'euro devait leur être appliquée ;

- Wieland ayant été considérée, d'une part, individuellement responsable pour une période de neuf ans et neuf mois et, d'autre part, solidairement responsable avec le groupe Buntmetall pour une période additionnelle d'un an et huit mois, une majoration de 95 % du montant de départ de l'amende de 19,52 millions d'euro, pour lequel Wieland est seule responsable, et une majoration de 15 % du montant de départ de l'amende de 3,25 millions d'euro, pour lequel Wieland et le groupe Buntmetall sont solidairement responsables, ont été appliquées (considérants 706 à 714 de la décision attaquée).

40 Partant, les montants de base des amendes infligées aux entreprises en cause s'établissent comme suit :

- le groupe KME : 54,25 millions d'euro ;

- KME Germany : 29,75 millions d'euro ;

- KME France et KME Italy (solidairement) : 27,13 millions d'euro ;

- le groupe Buntmetall : 1,03 million d'euro ;

- le groupe Wieland : 3,74 millions d'euro ;

- Wieland : 38,06 millions d'euro ;

- le groupe IMI : 49,98 millions d'euro ;

- le groupe Outokumpu : 74,97 millions d'euro ;

- Chalkor : 10,78 millions d'euro ;

- HME : 12,25 millions d'euro ;

- le groupe Boliden : 36,225 millions d'euro (considérant 719 de la décision attaquée).

Circonstances aggravantes et atténuantes

41 Le montant de base de l'amende infligée au groupe Outokumpu a été majoré de 50 % au motif que celui-ci était l'auteur d'une récidive, puisqu'il avait été destinataire de la décision 90/417/CECA de la Commission, du 18 juillet 1990, relative à une procédure au titre de l'article 65 [CA] concernant l'accord et les pratiques concertées des producteurs européens de produits plats en acier inoxydable laminés à froid (JO L 220, p. 28) (considérants 720 à 726 de la décision attaquée).

42 Au titre des circonstances atténuantes, la Commission a tenu compte du fait que les groupes KME et Outokumpu lui avaient fourni des informations, dans le cadre de leurs coopérations respectives, ne relevant pas de la communication de 1996 sur la coopération.

43 Partant, la Commission a réduit le montant de base de l'amende infligée au groupe Outokumpu de 40,17 millions d'euro, ce qui correspondrait à l'amende qui lui aurait été infligée pour la période infractionnelle allant de septembre 1989 à juillet 1997, dont l'établissement avait été rendu possible par les informations qu'il avait fournies à la Commission (considérants 758 et 759 de la décision attaquée).

44 S'agissant du groupe KME, le montant de base de l'amende qui lui a été infligée a été réduit de 7,93 millions d'euro en raison de sa coopération, qui avait permis à la Commission d'établir que l'infraction en cause englobait les tubes sanitaires en cuivre gainés (considérants 760 et 761 de la décision attaquée).

Application de la communication de 1996 sur la coopération

45 La Commission a, au titre du point D de la communication de 1996 sur la coopération, accordé une réduction du montant des amendes de 50 % au groupe Outokumpu, de 35 % au groupe Wieland, de 15 % à Chalkor, de 10 % au groupe Boliden et au groupe IMI et de 35 % au groupe KME. HME n'a bénéficié d'aucune réduction au titre de cette communication (considérant 815 de la décision attaquée).

Montant final des amendes

46 Conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et à l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, la Commission a fixé les montants des amendes à infliger aux entreprises destinataires de la décision attaquée comme suit :

- le groupe Boliden : 32,6 millions d'euro ;

- le groupe Buntmetall : 0,6695 million d'euro ;

- Chalkor : 9,16 millions d'euro ;

- HME : 4,49 millions d'euro ;

- le groupe IMI : 44,98 millions d'euro ;

- le groupe KME : 32,75 millions d'euro ;

- KME Germany : 17,96 millions d'euro ;

- KME France et KME Italy (solidairement) : 16,37 millions d'euro ;

- le groupe Outokumpu : 36,14 millions d'euro ;

- le groupe Wieland : 2,43 millions d'euro ;

- Wieland : 24,7416 millions d'euro (considérant 842 de la décision attaquée).

Procédure et conclusions des parties

47 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 janvier 2005, les requérantes, Wieland, Buntmetall Amstetten et Austria Buntmetall, ont introduit le présent recours.

48 Par ordonnance du 10 juin 2005, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis le Conseil de l'Union européenne à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

49 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

50 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée ;

- à titre subsidiaire, réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées ;

- condamner la Commission aux dépens.

51 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- augmenter le montant des amendes infligées aux requérantes ;

- condamner les requérantes aux dépens.

52 Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- statuer de manière appropriée sur les dépens.

53 Les requérantes et la Commission ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience du 19 novembre 2008. À cette occasion, la Commission a été invitée à répondre ultérieurement par écrit à l'une des questions posées par le Tribunal, ce qu'elle a fait dans le délai imparti.

54 Par lettre reçue le 10 décembre 2008, les requérantes ont présenté leurs observations sur la réponse de la Commission, avant que la procédure orale ne soit close.

En droit

1. Sur la demande tendant à l'annulation de la décision attaquée

55 À l'appui de cette demande, les requérantes excipent, tout d'abord, de l'illégalité de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003. Elles invoquent, ensuite, deux moyens tirés, respectivement, d'une violation du principe ne bis in idem et d'une scission illégale de la procédure.

Sur l'exception d'illégalité de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003

Arguments des parties

56 Les requérantes estiment que l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 viole le principe de légalité des peines et est, par conséquent, entaché de nullité. Selon elles, ledit article ne définit pas de manière suffisamment prévisible et claire les conséquences juridiques qui découlent d'une infraction aux règles de concurrence. Partant, la Commission disposerait d'une marge d'appréciation trop large, ce qui irait à l'encontre des exigences de clarté et de prévisibilité d'une loi répressive.

57 La Commission et le Conseil concluent au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

58 Il résulte de la jurisprudence que le principe de légalité des peines est un corollaire du principe de sécurité juridique, lequel constitue un principe général du droit communautaire et exige, notamment, que toute réglementation, en particulier lorsqu'elle impose ou permet d'imposer des sanctions, soit claire et précise, afin que les personnes concernées puissent connaître sans ambiguïté les droits et obligations qui en découlent et puissent prendre leurs dispositions en conséquence (voir arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission T-279-02, Rec. p. II-897, point 66, et la jurisprudence citée).

59 Ce principe, qui fait partie des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par différents traités internationaux, notamment par l'article 7 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la " CEDH "), signée à Rome le 4 novembre 1950, s'impose tant aux normes de caractère pénal qu'aux instruments administratifs spécifiques imposant ou permettant d'imposer des sanctions administratives. Il s'applique non seulement aux normes qui établissent les éléments constitutifs d'une infraction, mais également à celles qui définissent les conséquences qui découlent d'une infraction aux premières (voir arrêt Degussa/Commission, point 58 supra, point 67, et la jurisprudence citée).

60 Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, de la CEDH :

" Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même, il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. "

61 Selon la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après la " Cour EDH "), il résulte de cette disposition que la loi doit définir clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l'aide de l'interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (Cour eur. D. H., arrêt Coëme c. Belgique du 22 juin 2000, Recueil des arrêts et décisions, 2000-VII, § 145).

62 Cependant, pour satisfaire aux exigences du principe de légalité des peines, il n'est pas exigé que les termes des dispositions en vertu desquelles sont infligées ces sanctions soient à ce point précis que les conséquences pouvant découler d'une infraction à ces dispositions soient prévisibles avec une certitude absolue (arrêt Degussa/Commission, point 58 supra, point 71).

63 En effet, selon la jurisprudence de la Cour EDH, l'existence de termes vagues dans la disposition n'entraîne pas nécessairement une violation de l'article 7 de la CEDH et le fait qu'une loi confère un pouvoir d'appréciation ne se heurte pas en soi à l'exigence de prévisibilité, à condition que l'étendue et les modalités d'exercice d'un tel pouvoir se trouvent définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir à l'individu une protection adéquate contre l'arbitraire (Cour eur. D. H., arrêt Margareta et Roger Andersson c. Suède, du 25 février 1992, série A n° 226, § 75). À ce sujet, outre le texte de la loi elle-même, la Cour EDH tient compte de la question de savoir si les notions indéterminées utilisées ont été précisées par une jurisprudence constante et publiée (arrêt G. c. France du 27 septembre 1995, série A nº 325-B, § 25).

64 S'agissant de la validité de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 au regard du principe de légalité des peines, il convient de relever qu'il faut lire cette disposition en conjonction avec l'article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1-2003, dès lors que ces deux dispositions limitent le pouvoir d'appréciation de la Commission.

65 En précisant que, pour " chaque entreprise et association d'entreprises participant à l'infraction, l'amende n'excède pas 10 % de son chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice social précédent ", l'article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1-2003 prévoit un plafond des amendes déterminé en fonction du chiffre d'affaires des entreprises concernées, c'est-à-dire en fonction d'un critère objectif. Ainsi, s'il n'existe pas de plafond absolu applicable à la globalité des infractions aux règles de concurrence, l'amende pouvant être imposée connaît toutefois un plafond chiffrable et absolu, calculé en fonction de chaque entreprise, pour chaque cas d'infraction, de sorte que le montant maximal de l'amende pouvant être infligée à une entreprise donnée est déterminable à l'avance (voir, par analogie, arrêt Degussa/Commission, point 58 supra, point 75).

66 L'article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1-2003 impose à la Commission de fixer les amendes dans chaque cas d'espèce en prenant " en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci ". S'il est vrai que ces deux critères laissent à la Commission une large marge d'appréciation, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit de critères retenus par d'autres législateurs pour des dispositions similaires, permettant à la Commission d'adopter des sanctions en tenant compte du degré d'illégalité du comportement en cause. Dès lors, il y a lieu de considérer, à ce stade, que l'article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 1-2003, tout en laissant à la Commission une certaine marge d'appréciation, définit les critères et les limites qui s'imposent à elle dans l'exercice de son pouvoir en matière d'amendes (voir, par analogie, arrêt Degussa/Commission, point 58 supra, point 76).

67 En outre, il convient d'observer que, pour fixer des amendes en vertu de l'article 23 du règlement n° 1-2003, la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit, tout particulièrement les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité, tels que développés par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal (voir, par analogie, arrêt Degussa/Commission, point 58 supra, point 77).

68 Il convient également d'ajouter que, en vertu de l'article 229 CE et de l'article 31 du règlement n° 1-2003, le juge statue avec une compétence de pleine juridiction sur les recours intentés contre les décisions par lesquelles la Commission fixe des amendes et peuvent ainsi non seulement annuler les décisions prises par la Commission, mais également supprimer, réduire ou majorer l'amende infligée. Ainsi, la pratique administrative de la Commission est soumise au plein contrôle du juge, qui l'exerce dans le respect des critères visés à l'article 23, paragraphe 3, du règlement nº 1-2003. Dès lors, le contrôle exercé par le juge a permis, par une jurisprudence constante et publiée, de préciser les notions indéterminées que pouvait contenir l'article 23, paragraphe 3, du règlement nº 1-2003 (voir, par analogie, arrêt Degussa/Commission, point 58 supra, point 79).

69 En outre, il est de jurisprudence constante que la Commission peut adapter à tout moment le niveau des amendes si l'application efficace des règles de la concurrence l'exige (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 109, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T-23-99, Rec. p. II-1705, points 236 et 237), une telle altération d'une pratique administrative pouvant alors être considérée comme objectivement justifiée par l'objectif de prévention générale des infractions aux règles de la concurrence. L'augmentation récente du niveau des amendes ne saurait donc, en soi, être considérée comme illégale au regard du principe de légalité des peines, dès lors qu'elle reste dans le cadre légal défini par l'article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 1-2003 tel qu'interprété par les juridictions (voir, par analogie, arrêt Degussa/Commission, point 58 supra, point 81).

70 Par ailleurs, il convient de tenir compte de ce que, en adoptant les lignes directrices et en annonçant par leur publication qu'elle appliquerait dorénavant la méthode qui y est exposée aux cas concernés par celles-ci, la Commission s'est autolimitée dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation (arrêt Degussa/Commission, point 58 supra, point 82).

71 Ainsi, au vu des différents éléments relevés ci-dessus, un opérateur avisé peut, en s'entourant au besoin d'un conseil juridique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode et l'ordre de grandeur des amendes qu'il encourt pour un comportement donné. Le fait que cet opérateur ne puisse, à l'avance, connaître avec précision le niveau des amendes que la Commission infligera dans chaque cas d'espèce ne saurait constituer une violation du principe de légalité des peines, compte tenu de ce que, en raison de la gravité des infractions que la Commission est appelée à sanctionner, les objectifs de répression et de dissuasion justifient d'éviter que les entreprises soient en mesure d'évaluer les bénéfices qu'elles retireraient de leur participation à une infraction en tenant compte, par avance, du montant de l'amende qui leur serait infligée en raison de ce comportement illicite (arrêt Degussa/Commission, point 58 supra, point 83).

72 À cet égard, même si les entreprises ne sont pas en mesure, à l'avance, de connaître avec précision le niveau des amendes que la Commission retiendra dans chaque cas d'espèce, il convient de noter que, conformément à l'article 253 CE, dans la décision infligeant une amende, la Commission est tenue, et ce malgré le contexte généralement connu de la décision, de fournir une motivation, notamment quant au montant de l'amende infligée et quant à la méthode choisie à cet égard. Cette motivation doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de la Commission de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin d'apprécier l'opportunité de saisir le juge et, le cas échéant, de permettre à celui-ci d'exercer son contrôle (arrêt Degussa/Commission, point 58 supra, point 84).

73 Il résulte de l'ensemble de ces considérations que l'exception d'illégalité soulevée à l'égard de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 doit être rejetée comme non fondée.

Sur le moyen tiré d'une violation du principe ne bis in idem

Arguments des parties

74 Les requérantes font valoir que c'est à tort que la Commission a considéré que les affaires COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels) et COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre) concernaient deux infractions distinctes. En scindant la procédure administrative et en adoptant deux décisions infligeant des amendes, la Commission aurait violé le principe ne bis in idem, dès lors que les éléments essentiels, à savoir la nature des ententes et leurs mesures d'applications sur lesquelles les deux décisions sont fondées, seraient identiques.

75 À l'appui de leur affirmation de l'identité des éléments essentiels sur lesquels la décision relative aux tubes industriels et la décision attaquée sont fondées, les requérantes mentionnent ce qui suit :

- les deux procédures ont concerné, dans une large mesure, les mêmes entreprises ;

- ce sont pour l'essentiel les mêmes personnes qui ont été impliquées dans les ententes et dans leur mise en œuvre ;

- les réunions portant sur les produits en cause (tubes industriels et tubes sanitaires en cuivre) avaient souvent lieu au même endroit et au même moment ;

- les ententes avaient été initiées ou au moins tolérées par les mêmes instances responsables au sein des entreprises ;

- les ententes recouvraient, à l'exception d'un mois, une période identique ;

- l'origine (accords des licences) et le fonctionnement des deux ententes étaient similaires ;

- les deux procédures reposaient dans une large mesure sur les mêmes documents de preuve, notamment ceux fournis par Mueller.

76 Dans ce contexte, les requérantes affirment que le fait que les produits en cause, à savoir les tubes industriels et les tubes sanitaires en cuivre, relèvent de marchés distincts n'est pas, contrairement à ce qui ressort du raisonnement implicite de la Commission aux considérants 4, 80 et 717 de la décision attaquée, un critère adéquat aux fins de la détermination de l'identité de l'infraction. Ce raisonnement serait par ailleurs contraire à la pratique décisionnelle de la Commission.

77 Selon les requérantes, la Commission s'est, dans la décision attaquée, contredite dès lors qu'elle a considéré que, bien que les tubes sanitaires en cuivre nus et les tubes sanitaires en cuivre gainés ait relevé de deux marchés distincts, il convenait de regrouper les ententes les concernant en une seule infraction. Les motifs que la Commission aurait avancés à cet égard au considérant 13 de la décision attaquée, à savoir que ce sont " pour l'essentiel les mêmes entreprises (et les mêmes membres du personnel de ces entreprises) qui ont été impliquées dans les accords sur ces deux sous-familles de produits et que les accords étaient organisés de manière similaire ", seraient précisément les critères communs à l'entente relative aux tubes industriels et à celle relative aux tubes sanitaires en cuivre.

78 De surcroît, les requérantes estiment que la Commission a délimité les marchés de manière erronée. Selon elles, au vu de l'existence de certains chevauchements entre les tubes industriels et les tubes sanitaires en cuivre, ces deux types de produits constituent, pour le moins, deux marchés très voisins. Partant, même en admettant la délimitation du marché des produits comme critère de la scission de la procédure, cette dernière n'aurait pas été justifiée.

79 Les requérantes rejettent l'affirmation de la Commission selon laquelle il leur incombait de fournir les preuves de l'identité des faits entre les deux ententes. À cet égard, les requérantes font valoir que le principe ne bis in idem doit être appliqué d'office par la Commission, dès lors qu'il constitue une garantie de procédure. En tout état de cause, les requérantes considèrent qu'elles ont satisfait à l'éventuelle charge de la preuve qui leur incombe.

80 La Commission conclut au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

81 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que, dans le domaine du droit de la concurrence, le respect du principe ne bis in idem est soumis à une triple condition d'identité des faits, d'unité de contrevenant et d'unité de l'intérêt juridique protégé (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, point 338).

82 La condition d'identité des faits ne sera remplie en l'espèce que dans l'hypothèse où l'entente portant sur les tubes industriels et celle portant sur les tubes sanitaires en cuivre feraient partie d'un plan global visant à fausser la concurrence.

83 À cet égard, il convient de constater d'emblée que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, il ressort de la jurisprudence que l'existence de marchés de produits différents, quand bien même voisins, est un critère pertinent aux fins de la détermination de la portée et, partant, de l'identité des infractions à l'encontre de l'article 81 CE (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T-71-03, T-74-03, T-87-03 et T-91-03, non publié au Recueil, points 118 à 124, et du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43-02, Rec. p. II-3435, points 309 à 314).

84 Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que le marché des tubes sanitaires en cuivre se distinguait de celui des tubes industriels en ce qui concerne la clientèle visée, l'utilisation finale et les caractéristiques techniques des produits (considérants 4 et 5 de la décision attaquée). À cet égard, la Commission a également fait référence au résultat de l'enquête qu'elle avait réalisée dans le cadre de sa décision du 8 décembre 2003 déclarant la compatibilité avec le marché commun d'une concentration [Affaire N IV/M.3284 - Outokumpu/Boliden) sur le fondement du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1)].

85 Les requérantes n'ont présenté aucun élément suffisamment précis susceptible d'infirmer la position retenue par la Commission en ce qui concerne la définition du marché pertinent. Elles n'ont notamment apporté aucun élément quantitatif aux fins de soutenir qu'il existe une élasticité croisée suffisamment importante entre la demande des tubes industriels, d'une part, et la demande des tubes sanitaires en cuivre, d'autre part, pour que lesdits produits puissent être considérés comme faisant partie d'un seul et même marché. De même, elles n'ont apporté aucun élément quantitatif en ce qui concerne l'élasticité du côté de l'offre.

86 Il ressort de ce qui précède que les requérantes n'ont pas démontré que c'est à tort que la Commission a considéré que les tubes industriels et les tubes sanitaires en cuivre relevaient de marchés distincts aux fins de considérer que les comportements infractionnels en cause relevaient d'ententes distinctes.

87 Néanmoins, le fait que les deux ententes aient porté sur deux marchés de produits différents n'exclut pas nécessairement qu'elles se soient inscrites dans un même plan global. Cela aurait pu être le cas s'il avait existé entre elles des liens de conditionnalité ou de coordination.

88 Cependant, force est de constater que, malgré le fait que le dossier contienne bon nombre d'éléments concernant le contenu et la mise en œuvre des accords collusoires, les requérantes n'ont pu identifier aucun élément de nature à démontrer que les accords collusoires concernant les tubes sanitaires en cuivre ont été unis aux accords collusoires portant sur les tubes industriels par de tels liens.

89 À cet égard, il convient de relever que le fait que 6 des entités reconnues responsables de l'infraction constatée dans la décision relative aux tubes industriels figuraient parmi les 21 qui ont été tenues pour responsables de l'infraction constatée dans la décision attaquée, et que 9 des 79 individus impliqués dans les réunions relatives à cette dernière infraction ont été simultanément impliqués dans les contacts collusoires relatifs aux tubes industriels, ne permet pas de conclure que les deux ententes s'inscrivaient dans le même plan global. En outre, même dans l'hypothèse où seraient fondées les affirmations des requérantes selon lesquelles les deux ententes ont couvert une période presque identique et les directions des entreprises impliquées étaient conscientes de l'existence des deux ententes, cela ne permettrait pas non plus de conclure que des liens de conditionnalité ou de coordination ont existé entre les deux ententes.

90 En ce qui concerne l'assertion des requérantes sur le fait que les réunions menées dans le cadre des deux ententes coïncidaient, il y a lieu de souligner qu'elles n'ont produit aucun élément de preuve à cet égard, à l'exception de la référence à la déclaration de M. M, qui n'a toutefois jamais été présent aux réunions portant sur les tubes industriels. En revanche, la Commission, en faisant référence tant à la décision attaquée qu'à la décision relative aux tubes industriels, a démontré qu'il n'existait presque aucun chevauchement entre les différentes réunions des points de vue temporel et géographique.

91 Quant à la similitude du fonctionnement des deux ententes, il y a lieu de constater que les éléments avancés par les requérantes, à savoir la répartition et la stabilisation des parts de marché, la fixation d'objectifs sur des éléments du prix que les parties pouvaient contrôler et l'échange d'informations sensibles en vue de surveiller les accords, sont caractéristiques d'une grande partie des ententes et ne peuvent être considérés comme propres aux deux ententes en question. Partant, dans le cadre de l'application du principe ne bis in idem, lesdits éléments ne permettent pas, en l'espèce, d'établir l'identité des faits.

92 De même, le fait que les deux ententes aient prétendument découlé d'accords de licence de brevets est dépourvu de pertinence, dès lors qu'il s'agit de licences et de brevets différents et qu'il ne ressort pas du dossier qu'il y aurait eu une interdépendance entre les licences pertinentes pour les tubes industriels, d'une part, et pour les tubes sanitaires en cuivre, d'autre part.

93 S'agissant de l'affirmation des requérantes selon laquelle les deux procédures reposent dans une large mesure sur les mêmes éléments de preuve, force est de constater qu'elles ne présentent aucun fait précis à son soutien. Le fait que la Commission ait versé tant au dossier relatif à l'entente sur les tubes industriels qu'au dossier relatif à l'entente sur les tubes sanitaires en cuivre l'ensemble des documents produits par Mueller dans le cadre de sa demande de coopération ne suffit pas à prouver que la constatation des deux infractions repose sur les mêmes éléments de preuve.

94 Enfin, le fait que la Commission a, dans la décision attaquée, considéré que les comportements infractionnels relatifs aux tubes sanitaires en cuivre nus et aux tubes sanitaires en cuivre gainés relevaient d'une seule infraction, bien qu'elle ait reconnu que ces produits ne relevaient pas d'un même marché, est sans rapport avec la question de savoir s'il existait des liens de conditionnalité ou de coordination entre l'infraction sanctionnée par la décision relative aux tubes industriels, d'une part, et les accords sanctionnés par la décision attaquée, d'autre part.

95 Il ressort de tout ce qui précède que les arguments avancés par les requérantes sont soit non fondés, soit insuffisants aux fins de conclure que les deux ententes s'inscrivaient dans le même plan global visant à fausser la concurrence. Partant, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la violation du principe ne bis in idem.

Sur le moyen tiré d'une scission illégale de la procédure

Arguments des parties

96 Les requérantes font valoir que la scission de la procédure était illégale en soi et a enfreint les droits de la défense. La procédure et les compétences de la Commission en matière de répression des ententes seraient régies, de manière exhaustive, par le règlement n° 1-2003. Or celui-ci ne prévoirait pas la possibilité de disjoindre une procédure. Les droits de la défense des requérantes auraient été violés en ce qu'elles n'auraient été informées de la scission de la procédure que le 19 décembre 2002, soit près d'un an après la décision de scinder la procédure et près de 21 mois après l'ouverture de la procédure d'enquête, le 23 mars 2001.

97 Les requérantes font également valoir qu'elles ont été discriminées par rapport à Outokumpu en ce qui concerne la possibilité de bénéficier d'une réduction du montant de leur amende dans le cadre de l'application de la communication de 1996 sur la coopération. À cet égard elles rappellent qu'Outokumpu a été informée de la décision de scission de la procédure le 15 janvier 2002, tandis qu'elles n'ont reçu cette information que le 19 décembre 2002.

98 Enfin, la Commission n'aurait pas suffisamment motivé sa décision de scission.

99 La Commission conclut au rejet du présent moyen

Appréciation du Tribunal

100 À titre liminaire, force est de constater que le grief tiré du caractère insuffisant de la motivation de la décision de scinder la procédure est manifestement non fondé. En effet, il ressort des considérants 80 et 717 de la décision attaquée que la Commission a scindé les affaires parce qu'elle a considéré qu'elles mettaient en cause des infractions distinctes, organisées dans des cadres différents, avec des participants partiellement différents et portant sur des produits distincts.

101 Il convient de relever que la décision de scinder une procédure, qui équivaut à ouvrir une ou plusieurs nouvelles procédures d'enquête, relève, contrairement à ce que prétendent les requérantes, de la compétence discrétionnaire de la Commission dans l'exercice des prérogatives qui lui sont dévolues par le traité dans le domaine du droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85-87, Rec. p. 3137, points 17 à 19, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, Rec. p. I-8375, points 446 à 449).

102 Par ailleurs, les requérantes n'ont pu démontrer que la scission de la procédure a porté atteinte aux droits de la défense. En effet, les requérantes partent de la prémisse que la Commission ne pouvait leur infliger deux amendes distinctes pour les deux ententes. Or, ainsi qu'il a été constaté aux points 81 à 95 ci-dessus, la décision attaquée n'enfreint pas le principe ne bis in idem dès lors que la Commission a sanctionné une infraction distincte de celle sanctionnée par la décision relative aux tubes industriels. Partant, rien n'empêchait la Commission d'infliger aux requérantes deux amendes distinctes pour les deux ententes (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 83 supra, point 118).

103 En ce qui concerne le grief relatif à la violation du principe d'égalité de traitement, force est de constater qu'il est, en tout état de cause, non fondé. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission a décidé de scinder la procédure après que le groupe Outokumpu lui avait présenté son offre de coopération au titre de la communication de 1996 sur la coopération, tant en ce qui concernait l'entente portant sur les tubes industriels que celle portant sur les tubes sanitaires en cuivre. Par lettre du 30 mai 2001, le groupe Outokumpu a transmis à la Commission un mémorandum décrivant le secteur des tubes en cuivre et les accords collusifs s'y rapportant. La Commission a informé Outokumpu de sa décision de scinder la procédure le 15 janvier 2002. Les requérantes ont commencé à coopérer avec la Commission, dans le cadre de l'affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels), en septembre 2002.

104 Il s'ensuit que la communication préalable à Outokumpu de la décision de scission de la procédure n'a nullement incité celle-ci à devancer les requérantes dans leur coopération avec la Commission.

105 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d'écarter le présent moyen dans son intégralité.

2. Sur la demande tendant à la réduction du montant de l'amende

106 À l'appui de cette demande, les requérantes invoquent plusieurs moyens, tirés respectivement d'une violation du " principe d'équité ", de la fixation d'un montant de départ de l'amende excessif, d'un traitement différencié inadéquat, d'une augmentation erronée de l'amende en raison de la durée du cartel, d'une erreur de droit dans l'application des règles sur les délais de prescription, d'une omission de prendre en compte certaines circonstances atténuantes et d'une erreur de calcul quant à la répartition du montant de l'amende entre elles.

107 Avant d'examiner les moyens soulevés par les requérantes, il importe de rappeler qu'il ressort des considérants 601 et 842 de la décision attaquée que les amendes imposées par la Commission du fait de l'infraction l'ont été en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ainsi que de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003. En outre, la Commission a déterminé le montant des amendes en application de la méthodologie définie dans les lignes directrices et la communication de 1996 sur la coopération (voir point 26 ci-dessus).

108 Les lignes directrices, bien qu'elles ne puissent être qualifiées de règle de droit, énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s'écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d'égalité de traitement (voir arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397-03 P, Rec. p. I-4429, point 91, et la jurisprudence citée).

109 Il appartient donc au Tribunal de vérifier, dans le cadre du contrôle de la légalité des amendes infligées par la décision attaquée, si la Commission a exercé son pouvoir d'appréciation selon la méthode exposée dans les lignes directrices et, dans la mesure où il devrait constater qu'elle s'en est départie, de vérifier si cet écart est justifié et motivé à suffisance de droit. À cet égard, il importe de relever que la Cour a confirmé la validité, d'une part, du principe même des lignes directrices et, d'autre part, de la méthode générale qui y est indiquée (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, points 252 à 255, 266 à 267, 312 et 313).

110 L'autolimitation du pouvoir d'appréciation de la Commission résultant de l'adoption des lignes directrices n'est en effet pas incompatible avec le maintien d'une marge d'appréciation substantielle pour la Commission. Les lignes directrices contiennent différents éléments de flexibilité qui permettent à la Commission d'exercer son pouvoir discrétionnaire en conformité avec les dispositions des règlements nos 17 et 1-2003, telles qu'interprétées par la Cour (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 109 supra, point 267).

111 Partant, dans les domaines où la Commission a conservé une marge d'appréciation, par exemple en ce qui concerne le taux de majoration au titre de la durée ou celui aux fins de dissuasion, le contrôle de légalité opéré sur ces appréciations se limite à celui de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T-241-01, Rec. p. II-2917, points 64 et 79).

112 La marge d'appréciation de la Commission et les limites qu'elle y a apportées ne préjugent par ailleurs pas, en principe, de l'exercice, par le juge, de sa compétence de pleine juridiction (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67-00, T-68-00, T-71-00 et T-78-00, Rec. p. II-2501, point 538), qui l'habilite à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l'amende infligée par la Commission (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C-3-06 P, Rec. p. I-1331, points 60 à 62, et arrêt du Tribunal du 21 octobre 2003, General Motors Nederland et Opel Nederland/Commission, T-368-00, Rec. p. II-4491, point 181).

Sur le moyen tiré d'une violation du " principe d'équité "

113 Au soutien de ce moyen, les requérantes font valoir que, si le Tribunal devait estimer que le principe ne bis in idem n'est pas applicable en l'espèce, les amendes infligées dans l'affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels) devraient tout de même être prises en compte dans l'affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), eu égard au principe de non-cumul des peines. De plus, la nécessité de dissuasion aurait disparu à la suite de la décision relative aux tubes industriels.

114 Il ressort de la jurisprudence que, une fois établi que des infractions sont distinctes, il est loisible à la Commission d'infliger aux entreprises concernées des amendes distinctes pour chacune des infractions, et ce chaque fois dans les limites fixées par le règlement applicable (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 83 supra, points 117 et 118).

115 En effet, les sanctions pécuniaires en droit de la concurrence servent principalement un objectif dissuasif, à savoir neutraliser, au moins, les gains potentiels que les participants d'une entente peuvent en tirer. Imposer à la Commission une obligation de sanctionner plus faiblement des entreprises qui ont simultanément participé à plusieurs ententes irait à l'encontre de cet objectif et saperait l'efficacité du droit communautaire de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 décembre 2007, ETI e.a., C-280-06, Rec. p. I-10893, point 41).

116 Il s'ensuit qu'il convient de rejeter le présent moyen, dès lors qu'il a déjà été conclu aux points 81 à 95 ci-dessus que l'entente relative aux tubes industriels et le cartel ne constituaient pas une infraction unique.

Sur le moyen tiré du caractère excessif du montant de départ de l'amende

Arguments des parties

117 Les requérantes font valoir que la Commission a apprécié la gravité de l'infraction en cause d'une manière erronée. Elles soutiennent que l'appréciation par la Commission des critères énoncés au point 1 A des lignes directrices, à savoir la nature de l'infraction, son incidence concrète sur le marché et l'étendue du marché géographique concerné, était viciée. Les requérantes reprochent notamment à la Commission d'avoir omis de prendre en compte le fait que le cartel avait eu un impact limité sur les prix, d'avoir surévalué l'importance du système d'échange d'informations, d'avoir exagéré la taille du marché et de ne pas avoir pris en compte le rapport existant entre leur chiffre d'affaires réalisé sur le marché des tubes sanitaires en cuivre et leur chiffre d'affaires global. Elles soutiennent également que le cartel aurait eu sa source dans des accords de licence légaux entre les entreprises et il ne se serait développé et institutionnalisé que lentement.

118 Les requérantes avancent également plusieurs griefs procéduraux à l'encontre de la Commission.

119 Premièrement, elles allèguent que les droits de la défense ont été violés dès lors que la Commission n'avait pas expressément indiqué dans la communication des griefs qu'elle avait qualifié l'infraction en cause de " très grave ". Elles font valoir que, s'il leur avait été clairement indiqué que la Commission estimait être en présence d'une infraction " très grave ", elles auraient choisi d'investir davantage dans leur défense et d'en élargir le champ. Elles auraient notamment eu recours à un expert pour prouver de manière plus circonstanciée et plus étayée que le cartel n'avait eu qu'un faible impact sur le marché, pour autant qu'il en ait eu un.

120 Deuxièmement, elles font grief à la Commission de ne pas avoir motivé la façon dont elle a déterminé le montant de départ, à savoir 70 millions d'euro. D'après les requérantes, il est paradoxal que la Commission calcule le montant final de l'amende à 100 euro près, tout en fixant des montants de départ de plusieurs millions d'euro en l'absence de toute motivation.

121 Troisièmement, les requérantes font valoir que la motivation contenue au considérant 630 de la décision attaquée renvoie à des moyens de preuve non spécifiés, dont les auteurs ne sont pas identifiés, ce qui ne satisfait pas à l'obligation qui incombe à la Commission en vertu de l'article 253 CE.

122 La Commission conclut au rejet du présent moyen.

Appréciation du Tribunal

- Sur le défaut de motivation

123 S'agissant du grief selon lequel la Commission n'aurait pas expliqué comment elle a déterminé les montants de départ indiqués au considérant 693 de la décision attaquée, il convient de rappeler que la Commission remplit son obligation de motivation lorsqu'elle indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C-291-98 P, Rec. p. I-9991, point 73, et Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 101 supra, point 463). L'indication des éléments chiffrés qui ont guidé, notamment quant à l'effet dissuasif recherché, l'exercice du pouvoir d'appréciation de la Commission dans la fixation des amendes est une faculté dont il est souhaitable que la Commission use, mais qui va au-delà des exigences découlant de l'obligation de motivation (voir en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15-02, Rec. p. II-497, point 214).

124 En l'espèce, il ressort des considérants 605 à 692 de la décision attaquée que la Commission a exposé les éléments pris en considération pour la détermination des montants de départ, permettant ainsi aux requérantes de connaître la justification de ce montant et de faire valoir leurs droits et mettant le juge communautaire en mesure d'exercer son contrôle. La Commission a ainsi satisfait aux exigences posées par la jurisprudence. Il s'ensuit que le grief tiré du fait que la Commission n'a pas expliqué pourquoi elle a fixé le montant de départ de l'amende est non fondé.

125 Les requérantes font également valoir que la motivation contenue au considérant 630 de la décision attaquée renvoie à des moyens de preuve non spécifiés, dont les auteurs ne sont pas identifiés, ce qui ne satisferait pas à l'obligation qui incombe à la Commission en vertu de l'article 253 CE.

126 Force est de constater que le considérant 630 de la décision attaquée est l'un des nombreux considérants par lesquels la Commission motive sa conclusion concernant les effets du cartel sur les prix (voir, également, considérants 627 à 666). À la lecture desdits considérants, la thèse des requérantes selon laquelle la Commission a renvoyé à des moyens de preuve non spécifiés et dont les auteurs ne sont pas connus apparaît comme manifestement non fondée.

127 Partant, il convient de rejeter l'ensemble des griefs tirés d'un défaut de motivation.

- Sur la violation des droits de la défense

128 Les requérantes allèguent que les droits de la défense ont été violés dès lors que la Commission n'a pas expressément indiqué dans la communication des griefs que l'infraction en cause devait être qualifiée de " très grave ". Elles font valoir que, s'il leur avait été clairement indiqué que la Commission estimait être en présence d'une infraction " très grave ", elles auraient choisi d'investir davantage dans leur défense et d'en élargir le champ.

129 Selon une jurisprudence constante, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu'elle va examiner s'il convient d'infliger des amendes aux entreprises concernées et qu'elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d'entraîner l'infliction d'une amende, tels que la gravité et la durée de l'infraction supposée et le fait d'avoir commis celle-ci de propos délibéré ou par négligence, elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises à être entendues. Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre la constatation d'une infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, point 69 supra, point 21, et LR AF 1998/Commission, point 69 supra, point 199).

130 En revanche, la Commission n'est pas obligée, dès lors qu'elle a indiqué les éléments de fait et de droit sur lesquels elle baserait son calcul du montant des amendes, de préciser la manière dont elle se servirait de chacun de ces éléments pour la détermination du niveau de l'amende (arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T-259-02 à T-264-02 et T-271-02, Rec. p. II-5169, point 369).

131 Il s'ensuit que, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, les droits de la défense des entreprises concernées sont garantis devant la Commission par la possibilité de présenter leurs observations portant sur la durée, la gravité et le caractère anticoncurrentiel des faits qui leurs sont reprochés (arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T-83-91, Rec. p. II-755, point 235).

132 Or, en l'espèce, la Commission a clairement mentionné, aux points 648 et 657 de la communication des griefs, son intention d'imposer des amendes aux entreprises destinataires de cet acte.

133 La Commission a également indiqué, au point 653 de la communication des griefs, qu'elle estimait que l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE avaient été enfreints de propos délibéré.

134 S'agissant de la gravité des faits reprochés, la Commission, après avoir rappelé, au point 651 de la communication des griefs, qu'elle prendrait en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché et l'étendue du marché géographique concerné, qui constituent autant de facteurs pertinents aux fins de l'évaluation du caractère de gravité de l'infraction conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, a précisé, au point 653 de ladite communication des griefs, que la répartition d'un commun accord des marchés et la fixation des prix représentaient de par leur nature même la violation de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE la plus importante, que les entreprises concernées étaient pleinement conscientes de l'illégalité de leur conduite, qu'elles s'étaient concertées pour établir un système secret et institutionnalisé visant à restreindre la concurrence dans le secteur des tubes sanitaires, que les arrangements collusoires avaient affecté pleinement l'industrie des tubes sanitaires, qu'ils avaient été dirigés et encouragés au plus haut niveau au sein des entreprises concernées, qu'ils avaient opéré au bénéfice exclusif de ces dernières et au détriment de leurs clients et, en dernière analyse, du public en général, qu'ils couvraient la totalité de la Communauté et, enfin, que les entreprises concernées avaient contrôlé environ 80 % du marché de l'EEE au cours de la durée de l'infraction.

135 Au point 649 de la communication des griefs, la Commission a également manifesté son intention de fixer les amendes à un niveau suffisant pour assurer leur caractère dissuasif.

136 Il résulte de ce qui précède que la Commission a indiqué, dans sa communication des griefs, les éléments de fait et de droit sur lesquels elle se baserait dans le calcul du montant de départ des amendes infligées aux requérantes, de sorte que, à cet égard, le droit d'être entendu de ces dernières a été dûment respecté. Le fait que la Commission n'a pas explicitement énoncé dans la communication des griefs qu'elle allait qualifier l'infraction en cause de " très grave " ne saurait infirmer cette conclusion, dès lors que cette considération ressort de toute évidence d'une simple lecture combinée de la communication des griefs et des lignes directrices, ce que les requérantes auraient dû être en mesure d'entreprendre au vu des moyens dont elles disposaient.

137 Partant, il y a lieu d'écarter le grief des requérantes.

- Sur la nature du cartel

138 En substance, les requérantes contestent que le cartel ait été, de par sa nature, une infraction très grave. À cet égard, il suffit de relever qu'il est de jurisprudence constante que les ententes horizontales en matière de prix et de partage de marchés font partie des infractions les plus graves au droit de la concurrence et peuvent donc, à elles seules, être qualifiées de très graves (arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T-49-02 à T-51-02, Rec. p. II-3033, points 173 et 174, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, point 147). En l'occurrence, la Commission a établi, ce que les requérantes ne contestent pas, que le cartel avait porté sur la fixation des prix et le partage des marchés (voir article 1er de la décision attaquée).

139 S'agissant de la question de savoir si la Commission, en fixant le montant de départ de l'amende, devait être tenue de prendre en compte le glissement progressif des accords litigieux dans l'illégalité, il convient de relever que le glissement progressif dans l'illégalité pourrait éventuellement avoir une incidence sur l'appréciation de la gravité d'une infraction commise par négligence.

140 Dans le cas d'espèce, il convient de rappeler que l'infraction en cause constitue une entente secrète ayant pour objet notamment la répartition de marchés et la fixation de prix. Ce type d'entente est expressément interdit par l'article 81, paragraphe 1, sous a) et c), CE et constitue une infraction particulièrement grave. Dès lors, les parties devaient avoir conscience du caractère illicite de leur comportement. Le caractère secret de l'entente indique que tel était bien le cas. Par conséquent, c'est à juste titre que la Commission a conclu au considérant 603 de la décision attaquée que l'infraction en cause a été commise de propos délibéré.

141 Il ressort de ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en concluant que l'infraction en cause était, de par sa nature, une infraction très grave. Le grief des requérantes doit donc être écarté.

- Sur l'incidence du cartel sur les prix

142 Les requérantes font valoir que la Commission n'a pas suffisamment pris en compte le fait que le cartel avait eu un impact limité sur les prix. Elles reprochent à la Commission d'avoir omis de quantifier les effets du cartel sur le marché et de s'être appuyée sur des éléments non probants, tels que des estimations subjectives d'employés impliqués dans le cartel. Les requérantes soutiennent également que, étant donné que la Commission n'a pas quantifié l'impact du cartel sur le marché, il faudrait présumer que celui-ci n'a eu aucune incidence.

143 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, à supposer même que la Commission n'ait pas prouvé que le cartel a eu un impact concret sur le marché, une telle constatation n'aurait pas d'incidence sur la qualification de l'infraction de " très grave " et donc sur le montant des amendes.

144 En effet, il ressort du système de sanction des violations des règles de concurrence, tel que mis en place par les règlements nos 17 et 1-2003 et interprété par la jurisprudence, que les ententes telles que les cartels méritent, en raison de leur nature propre, les amendes les plus sévères. Leur éventuel impact concret sur le marché, notamment la question de savoir dans quelle mesure la restriction de la concurrence a abouti à un prix de marché supérieur à celui qui aurait prévalu dans l'hypothèse de l'absence de cartel, n'est pas un critère déterminant pour la détermination des niveaux d'amendes (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Musique Diffusion française e.a./Commission, point 69 supra, points 120 et 129, et du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C-286-98 P, Rec. p. I-9925, points 68 à 77 ; voir, également, conclusions de l'avocat général M. Mischo sous l'arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Mo och Domsjö/Commission, C-283-98 P, Rec. p. I-9855, I-9858, points 95 à 101).

145 Il convient d'ajouter que, aux termes des lignes directrices, les accords ou les pratiques concertées visant notamment, comme en l'espèce, à la fixation des prix et à la répartition de la clientèle peuvent, sur le seul fondement de leur nature propre, être qualifiés de " très graves ", sans qu'il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particuliers. Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description des infractions " graves " mentionne expressément l'impact sur le marché et les effets sur des zones étendues du marché commun, celle des infractions " très graves ", en revanche, ne mentionne aucune exigence d'impact concret sur le marché ni de production d'effets sur une zone géographique particulière (arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, point 138 supra, point 150).

146 En tout état de cause, le Tribunal constate que les griefs des requérantes sont en l'espèce non fondés.

147 S'agissant de l'argument selon lequel la Commission n'a pas suffisamment pris en compte l'impact limité du cartel sur les prix, il importe de souligner que la Commission n'est pas tenue de quantifier l'impact concret d'une entente sur le marché, mais que celui-ci doit être considéré comme suffisamment démontré si la Commission est en mesure de fournir des indices concrets et crédibles indiquant, avec une probabilité raisonnable, que l'entente a eu un impact sur le marché (arrêts du Tribunal Scandinavian Airlines System/Commission, point 111 supra, points 122 ; du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T-59-02, Rec. p. II-3627, points 159 à 161 ; Jungbunzlauer/Commission, point 83 supra, points 153 à 155 ; Archer Daniels Midland/Commission, T-329-01, Rec. p. II-3255, points 176 à 178, et Roquette Frères/Commission, T-322-01, Rec. p. II-3137, points 73 à 75).

148 En outre, il convient de constater que c'est en tenant compte du fait que les objectifs de prix n'avaient pas été totalement atteints que la Commission a conclu que le cartel avait globalement produit des effets sur le marché, même s'il était impossible de les quantifier précisément (voir considérants 670 à 673 de la décision attaquée). Les faits sur lesquels la Commission s'est principalement appuyée à cet égard sont la mise en œuvre d'un système d'échange de données portant sur les volumes de vente et les niveaux de prix, l'existence de documents, rédigés dans le cadre des réunions du cartel, faisant état d'augmentations des prix au cours de certaines périodes du cartel et indiquant que le cartel avait permis aux entreprises concernées d'atteindre leurs objectifs de prix, l'importante part de marché détenue par l'ensemble des participants à l'infraction en cause et le fait que les parts de marché respectives desdits participants étaient restées relativement stables pendant toute la durée de l'infraction en cause (voir points 29 à 32 ci-dessus).

149 Il ressort de la jurisprudence que la Commission est en droit de déduire, sur la base des indices cités au point 148 ci-dessus, que l'infraction en cause a eu un impact concret sur le marché (voir, en ce sens, arrêts Jungbunzlauer/Commission, point 83 supra, point 159 ; Roquette Frères/Commission, point 147 supra, point 78 ; du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T-59-02, point 147 supra, point 165 ; Archer Daniels Midland/Commission, T-329-01, point 147 supra, point 181, et Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 130 supra, points 285 à 287).

150 Dès lors, au regard de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les griefs des requérantes en ce qui concerne l'incidence du cartel sur les prix.

- Sur le système d'échange d'informations

151 Les requérantes soutiennent que la Commission a, dans le cadre de son analyse de l'incidence concrète du cartel sur le marché, surévalué l'importance du système d'échange d'informations, dès lors que les informations en cause étaient publiquement disponibles et que cet échange ne pouvait pas, en tant que tel, restreindre la concurrence.

152 Ce reproche est manifestement dénué de fondement. Tout d'abord, le système d'échange d'informations comprenait des données qui n'étaient pas disponibles publiquement, tels que les taux de remise, les coûts de production et la capacité productive de chaque producteur (voir notamment considérants 210, 248, 348, 366, 403, 412, 449 et 450 de la décision attaquée).

153 Ensuite, il ressort du dossier que les données portant sur les volumes de ventes dont les requérantes soutiennent qu'elles étaient publiquement et légalement disponibles n'étaient pas aussi détaillées que celles échangées entre les membres du cartel. Par exemple, les données fournies par l'International Wrought Copper Council étaient ventilées sur des bases annuelles ou trimestrielles sans précision des ventes individuelles de chaque producteur. De même, bien que les informations rendues publiques par l'European Copper Water Tube Statistics et Intrastat avaient été établies sur une base mensuelle, elles n'indiquaient pas les ventes individuelles de chaque producteur.

154 En revanche, il ressort des observations formulées aux considérants 118, 127, 140 à 143 et 155 à 161 de la décision attaquée, que les requérantes ne contestent d'ailleurs pas, que les données sur les volumes de ventes échangées entre les membres du cartel étaient, au moins en ce qui concerne les " producteurs Sanco " et les " producteurs Wicu et Cuprotherm ", souvent ventilées sur une base mensuelle en indiquant les ventes individuelles de chaque participant.

155 Il s'ensuit que c'est à tort que les requérantes affirment que l'échange d'informations entre les participants au cartel ne pouvait pas, en tant que tel, entraîner de restriction de concurrence.

156 Dans la mesure où les requérantes reprochent à la Commission d'avoir surévalué l'incidence concrète du système d'échange d'informations, il y a lieu de relever que cette conclusion ne ressort pas de la section pertinente de la décision attaquée (considérants 627 à 673 de la décision attaquée). En effet, étant donné que la Commission n'a pas considéré le système d'échange d'informations comme une infraction autonome à l'article 81 CE, mais comme étant un des éléments constitutifs du cartel (considérants 449 à 457 de la décision attaquée), elle a évalué les effets réels de l'ensemble du cartel (considérants 627 à 673 de la décision attaquée).

157 Si les requérantes entendent, en revanche, faire valoir que c'est à tort que la Commission a qualifié le système d'échange d'informations d'illégal, force est de constater qu'il est évident que la mise en œuvre dudit système avait pour objet de restreindre la concurrence, ce qui en soi enfreint l'article 81, paragraphe 1, CE.

158 Les griefs des requérantes doivent donc être écartés.

- Sur la taille du marché

159 Les requérantes reprochent à la Commission d'avoir retenu, dans le cadre de son analyse de l'incidence concrète de l'infraction sur le marché, un chiffre trop important quant à la taille du marché concerné par le cartel. Selon elles, le chiffre pertinent aurait dû comprendre uniquement la marge de transformation réalisée par les entreprises concernées dans les cinq pays principalement touchés par le cartel, à savoir la France, l'Espagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Allemagne.

160 Il ressort de la jurisprudence que, aux fins de la détermination du montant de l'amende, la Commission est libre de prendre en considération, dans le cadre des lignes directrices, le chiffre d'affaires de son choix, pour autant que celui-ci n'apparaisse pas déraisonnable en fonction des circonstances de l'espèce (voir arrêt Scandinavian Airlines System/Commission, point 111 supra, points 160 à 166, et la jurisprudence citée).

161 En ce qui concerne la question de savoir si la Commission aurait dû se borner à prendre en compte le chiffre d'affaires relatif à la marge de transformation, il convient de rappeler qu'il ressort de la jurisprudence qu'aucune raison valable n'impose que le chiffre d'affaires d'un marché pertinent soit calculé en excluant certains coûts de production. En effet, il existe dans tous les secteurs industriels des coûts inhérents au produit final que le fabricant ne peut maîtriser, mais qui constituent néanmoins un élément essentiel de l'ensemble de ses activités et qui, partant, ne sauraient être exclus de son chiffre d'affaires lors de la fixation du montant de départ de l'amende (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25-95, T-26-95, T-30-95 à T-32-95, T-34-95 à T-39-95, T-42-95 à T-46-95, T-48-95, T-50-95 à T-65-95, T-68-95 à T-71-95, T-87-95, T-88-95, T-103-95 et T-104-95, Rec. p. II-491, points 5030 et 5031). Le fait que le prix du cuivre constitue une partie importante du prix final des tubes sanitaires ou que le risque de fluctuations des prix du cuivre soit bien plus élevé que pour d'autres matières premières n'infirme pas cette conclusion.

162 S'agissant de l'étendue géographique du marché concerné, la Commission, conformément au point 1 A des lignes directrices, en a tenu compte en appréciant la gravité de l'infraction en cause (considérant 605 de la décision attaquée). Dans ce contexte, elle a conclu que le territoire de l'EEE constituait le marché géographique pertinent pour le secteur des tubes sanitaires en cuivre (considérant 17 de la décision attaquée). Cette conclusion n'est pas contestée par les requérantes. Dès lors, les requérantes ne sauraient prétendre que la Commission aurait dû prendre en compte uniquement les chiffres d'affaires réalisés dans les cinq pays principalement affectés par le cartel.

163 Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a évalué, dans le cadre de sa marge d'appréciation, la gravité du cartel et, partant, le montant de départ, en prenant en compte l'importance de l'ensemble du marché pertinent, à savoir le chiffre d'affaires du secteur des tubes sanitaires dans l'EEE.

164 Les griefs des requérantes doivent donc être rejetés.

- Sur le rapport entre le chiffre d'affaires réalisé sur le marché des tubes sanitaires en cuivre et le chiffre d'affaires global

165 Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir pris en compte, lors du calcul du montant de départ de l'amende, la relation entre leur chiffre d'affaires réalisé sur le marché des tubes sanitaires en cuivre et leur chiffre d'affaires global. Une telle considération constituerait pourtant une nécessité impérieuse dans la fixation du montant de l'amende (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 69 supra, points 120 et suivants, et arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission, T-77-92, Rec. p. II-549, points 87 et suivants). Le secteur des tubes sanitaires n'occuperait qu'une place secondaire dans l'ensemble des activités des requérantes, dont la marge de transformation ne représenterait que 5,7 % environ de la marge de transformation globale des requérantes dans l'EEE, et seulement 3 % environ de leur chiffre d'affaires global.

166 Il y a lieu de relever que, dans le cadre de la fixation du montant de l'amende, le respect du principe de proportionnalité assure que la Commission n'inflige pas des amendes qui sont soit disproportionnées par rapport à la gravité de l'infraction établie, soit disproportionnées par rapport aux capacités contributives des entreprises concernées. Partant, le rapport existant entre le chiffre d'affaires d'une entreprise réalisé sur le marché pertinent et son chiffre d'affaires global n'a, en tant que tel, aucune incidence aux fins d'évaluer si le montant de l'amende infligée a été déterminé en conformité avec le principe de proportionnalité. La jurisprudence dont les requérantes se prévalent n'infirme pas cette conclusion.

167 En l'espèce, la Commission a apprécié la gravité de l'infraction commise par les requérantes et, partant, le montant de départ de leur amende en fonction de la nature du cartel, de son impact sur le marché pertinent, de la taille du marché pertinent et de la part de marché des requérantes sur celui-ci. Il y a lieu de constater que les éléments pris en considération par la Commission pour apprécier la gravité de l'infraction commise par les requérantes sont pertinents et suffisants. Il ne peut dès lors pas lui être reproché de ne pas avoir pris en compte le rapport existant entre le chiffre d'affaires des requérantes réalisé sur le marché pertinent et leur chiffre d'affaires global.

168 Eu égard à l'ensemble de ces considérations, il y a lieu de conclure que ce dernier grief n'est pas non plus fondé.

169 Partant, le moyen tiré du caractère excessif du montant de départ de l'amende doit être rejeté dans son intégralité.

170 Enfin, le Tribunal estime, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction et à la lumière des considérations qui précèdent, qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause l'appréciation de la Commission quant au montant de départ retenu s'agissant des requérantes, soit 23,8 millions d'euro.

Sur le moyen tiré de la violation du principe d'égalité de traitement

Arguments des parties

171 Les requérantes allèguent que le montant de départ de l'amende aurait dû refléter la considérable différence de taille entre les différentes contrevenantes. D'après les requérantes, la Commission a complètement omis, sauf pour le groupe Outokumpu, de prendre en compte les chiffres d'affaires globaux des entreprises, ce qui serait contraire aux lignes directrices ainsi qu'à la jurisprudence.

172 Dans ce contexte, les requérantes rappellent que la Commission a ajusté le montant de départ de l'amende infligée au groupe Outokumpu avec un taux forfaitaire, mais qu'elle a omis d'ajuster le montant de départ qui leur a été appliqué ainsi que celui appliqué aux groupes IMI et KME. Les requérantes soulignent que les chiffres d'affaires du groupe IMI et du groupe KME représentent environ le double du leur. Partant, en n'ayant pas différencié le montant de départ qui leur a été appliqué de celui appliqué aux groupes IMI et KME, la Commission aurait violé les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement ainsi que celui de l'individualité des peines et des sanctions.

173 De plus, la Commission aurait violé l'article 253 CE en n'ayant présenté aucune motivation en ce qui concerne le taux de majoration choisi pour le groupe Outokumpu et l'absence d'ajustement pour les autres entreprises.

174 La Commission conclut au rejet du présent moyen.

Appréciation du Tribunal

175 S'agissant, en premier lieu, du grief tiré du défaut de motivation, il convient de rappeler qu'une décision telle que la décision attaquée, bien que rédigée et publiée sous la forme d'une seule décision, doit s'analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l'égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infraction(s) retenue(s) à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende (arrêt du Tribunal du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T-304-02, Rec. p. II-1887, points 59 et 60).

176 Il s'ensuit que, en l'espèce, les requérantes ne sont pas recevables à faire valoir que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée en ce qui concerne la détermination des montants de départ des amendes infligées aux groupes Outokumpu, KME et IMI.

177 En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que l'obligation de motivation est remplie lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction (voir point 123 ci-dessus). En revanche, elle n'est pas tenue d'y faire figurer des éléments chiffrés ou un exposé plus détaillé concernant le mode de calcul de l'amende (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C-279-98 P, Rec. p. I-9693, points 50 et 51).

178 Or, en l'espèce, la Commission a indiqué, aux considérants 681 à 683, 688 à 697 et 701 à 703 de la décision attaquée, les éléments qu'elle a pris en compte dans la fixation des montants de départ des amendes infligées aux groupes Outokumpu, KME et IMI.

179 Enfin, pour autant que l'argument des requérantes puisse être compris comme visant à reprocher à la Commission de ne pas avoir motivé les raisons pour lesquelles le montant de départ qui leur a été appliqué n'a pas été réduit au titre de la dissuasion, il y a lieu de constater que l'article 253 CE, au vu de la jurisprudence rappelée au points 123 et 177 ci-dessus, ne peut pas être interprété dans le sens qu'il impose à la Commission d'expliquer dans ses décisions les raisons pour lesquelles elle n'a pas retenu, en ce qui concerne le calcul du montant de l'amende, des approches alternatives à celle effectivement retenue dans la décision attaquée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, T-319-94, Rec. p. II-1331, point 127).

180 Il s'ensuit que le grief tiré d'un défaut de motivation doit être rejeté.

181 S'agissant, en second lieu, du bien-fondé du moyen, il y a lieu de constater que les requérantes critiquent la différentiation opérée par la Commission entre les montants de départ des amendes infligées aux contrevenantes conformément à la méthode exposée dans les lignes directrices. Les requérantes soutiennent que, dans le cadre de la fixation du montant de l'amende, la taille de l'entreprise revêt une importance particulière et que, en l'occurrence, le montant de départ de l'amende infligée à chacune des entreprises concernées aurait dû être individualisé afin d'être proportionnel à l'écart existant entre les tailles des entreprises.

182 À cet égard, il y a lieu de relever que le fait que la méthode de calcul exposée dans les lignes directrices n'est pas fondée sur le chiffre d'affaires global des entreprises concernées et permet, de ce fait, qu'apparaissent des disparités entre les entreprises en ce qui concerne le rapport entre leurs chiffres d'affaires et le montant des amendes qui leur sont infligées est sans pertinence pour apprécier si la Commission a violé les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement ainsi que d'individualité des peines. En effet, la Commission n'est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction en cause, d'assurer, au cas où des amendes seraient infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation parmi celles-ci quant à leur chiffre d'affaires global ou à leur chiffre d'affaires pertinent (arrêt de la Cour du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C-407-04 P, Rec. p. I-829, points 141 à 147, et arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T-62-02, Rec. p. II-5057, point 159).

183 Il s'ensuit que la Commission ne peut être tenue, à aucun stade de l'application des lignes directrices, d'assurer que les montants intermédiaires des amendes retenus traduisent toute différence existant entre les chiffres d'affaires globaux des entreprises concernées.

184 En l'espèce, il ressort des considérants 681 à 683, 688 à 693 et 701 à 705 de la décision attaquée que la Commission a effectué une différentiation en deux étapes entre les entreprises concernées. Elle a, tout d'abord, opéré, en conformité avec le point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices, une différentiation en fonction de la part de responsabilité qui incombait à chacun des participants à l'infraction en cause. Ensuite, en application du point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices, elle a procédé à une pondération aux fins de garantir un effet suffisamment dissuasif aux amendes infligées.

185 S'agissant de la part de responsabilité qui incombe à chacun des participants à l'infraction en cause, la Commission a pris en considération la part de marché dans l'EEE de chacune des entreprises présentes sur le marché des tubes sanitaires en cuivre en 2000, dernière année pleine de l'infraction. Elle en a déduit que le groupe KME était l'acteur le plus important sur le marché et relevait dès lors d'une première catégorie d'entreprises. Les requérantes ainsi que les groupes IMI et Outokumpu ont été considérés comme des opérateurs de taille moyenne sur ce marché et ont été placés dans la deuxième catégorie. Le groupe Boliden a été placé dans la troisième catégorie, alors que dans la quatrième catégorie figurent HME et Chalkor (voir point 34 ci-dessus).

186 Sur la base des considérations susmentionnées, la Commission a fixé le montant de départ de l'amende à 70 millions d'euro pour le groupe KME, à 23,8 millions d'euro pour les requérantes, les groupes IMI et Outokumpu, à 16,1 millions d'euro pour le groupe Boliden et à 9,8 millions d'euro pour Chalkor et pour HME (voir point 36 ci-dessus).

187 Il ressort de la jurisprudence qu'il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir suivi cette approche en ce qui concerne la première étape de pondération. En effet, dans le cadre de la détermination du montant de l'amende en fonction de la gravité, même si, en raison de la répartition en groupes, certaines entreprises se voient appliquer un montant de départ identique alors qu'elles sont de tailles différentes, cette différence de traitement est objectivement justifiée par la prééminence accordée à la nature de l'infraction par rapport à la taille des entreprises lors de la détermination de la gravité de l'infraction (voir arrêt Degussa/Commission, point 58 supra, point 330, et la jurisprudence citée).

188 Dans le cadre de la deuxième étape de pondération, la Commission a, au regard du chiffre d'affaires global du groupe Outokumpu, estimé que le montant de départ de l'amende infligée audit groupe devait être majoré de 50 % afin de lui assurer un effet suffisamment dissuasif en tenant compte de sa taille et de l'ensemble de ses ressources (voir point 34 ci-dessus).

189 Les requérantes ne sauraient reprocher à la Commission d'avoir procédé à une telle pondération. En effet, l'augmentation du montant de départ de l'amende infligée au groupe Outokumpu " pour tenir compte de sa taille et de l'ensemble de ses ressources " (considérant 703 de la décision attaquée) n'implique pas que la Commission aurait dû diminuer le montant de départ appliqué aux requérantes ou augmenter celui appliqué aux groupes KME et IMI. Il importe de rappeler à cet égard (voir points 182 et 183 ci-dessus) que la Commission n'est pas tenue, dans le cadre d'une modification du montant de départ d'amendes au titre de la dissuasion, d'assurer que les montants retenus pour les diverses entreprises traduisent toute différenciation parmi celles-ci quant à leur chiffre d'affaires global.

190 Au contraire, conformément au raisonnement exposé aux points 110 et 111 ci-dessus, il est loisible à la Commission, dans le cadre de sa marge d'appréciation, d'ajuster le montant des amendes selon une méthode forfaitaire pour autant que celles-ci n'apparaissent pas déraisonnables eu égard aux circonstances de l'espèce.

191 Dans ce contexte, il importe de souligner que, dans le cadre de la prise en compte de la dissuasion, le montant de l'amende est modulé pour tenir compte de l'impact recherché sur l'entreprise à laquelle elle est infligée, et ce afin que l'amende ne soit pas rendue négligeable ou au contraire excessive, au regard de la capacité financière de l'entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d'une part, de la nécessité d'assurer l'effectivité de l'amende et, d'autre part, du respect du principe de proportionnalité (arrêt Degussa/Commission, point 58 supra, point 283).

192 Par ailleurs, en choisissant le taux de majoration pour des entreprises de taille supérieure, la Commission est limitée par le fait que le montant de départ ne peut pas, en tout état de cause, dépasser un montant proportionnel à la gravité de l'infraction. Partant, même dans les situations où le chiffre d'affaires de l'entreprise la plus importante est nettement plus élevé que celui des autres entreprises concernées, il se peut, en fonction de la gravité de l'infraction en cause, que la Commission ne puisse majorer que marginalement le montant de départ de l'amende infligée à l'entreprise la plus importante.

193 Eu égard à tout ce qui précède, et en tenant compte de la gravité de l'infraction en cause, de la part de marché détenue par les requérantes dans l'EEE ainsi que de l'affirmation selon laquelle leur taille globale aurait été environ la moitié de celle du groupe KME et du groupe IMI, le Tribunal estime que le montant de départ de l'amende infligée aux requérantes, qui s'élève à 23,8 millions d'euro, est justifié.

194 Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré d'une augmentation erronée du montant de départ de l'amende en raison de la durée du cartel

Arguments des parties

195 En substance, les requérantes soutiennent que, lors de la majoration du montant de départ de l'amende en raison de la durée, la Commission est obligée, au titre du point 1 B des lignes directrices ainsi qu'en vertu de la jurisprudence, d'appliquer un taux déterminé au vu des circonstances propres au cartel. En l'espèce, l'intensité du cartel aurait varié, notamment si l'on prend en compte les suspensions des accords entre 1994 et 1997.

196 En ayant mécaniquement appliqué le taux maximal de 10 % par année infractionnelle, la Commission aurait enfreint les lignes directrices ainsi que la jurisprudence. Par ailleurs, la Commission aurait retenu la même circonstance aggravante, à savoir que l'infraction en cause a duré plus de cinq années, tant pour motiver l'application d'une majoration que pour fixer le taux maximal de majoration de 10 %.

197 Les requérantes font également valoir que la motivation fournie par la Commission est contradictoire et ne satisfait pas aux exigences de l'article 253 CE. À cet égard, les requérantes mettent en exergue le fait que, bien que la Commission ait indiqué, au considérant 710 de la décision attaquée, qu'elle entendait procéder à une majoration de 10 % " par année, au-delà de cinq années d'infraction ", elle a également appliqué ladite majoration aux cinq premières années.

198 Selon les requérantes, la Commission ne saurait se prévaloir du fait que le considérant susmentionné est mal formulé. Les requérantes considèrent que c'est à l'auteur d'une décision de supporter les conséquences d'une rédaction erronée, et que, dans l'hypothèse où une décision comporterait des déclarations contradictoires, la sanction la plus favorable à l'égard de la personne concernée l'emporterait.

199 Enfin, dans leur requête, les requérantes reprochaient à la Commission d'avoir, au considérant 714 de la décision attaquée, augmenté de 10 % le montant de départ de l'amende infligée au groupe Buntmetall pour la période antérieure à 1999. Pourtant, ainsi qu'il ressortirait du considérant 706 de la décision attaquée et des lignes directrices, le groupe Buntmetall n'aurait dû se voir appliquer aucune majoration pour ladite période. À cet égard, les requérantes ont déclaré, en réponse aux questions du Tribunal au cours de l'audience, qu'elles étaient satisfaites des explications fournies par la Commission dans son mémoire en défense et qu'elles ne soutenaient plus que le montant des amendes qui leur avaient été infligées était entaché d'une erreur de calcul, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l'audience.

Appréciation du Tribunal

200 En ce qui concerne, en premier lieu, le grief tiré d'une motivation ambiguë ainsi que de l'affirmation selon laquelle la Commission aurait renoncé, dans la décision attaquée, à augmenter le montant de départ de l'amende infligée aux requérantes pour les cinq premières années du cartel, il importe de relever que les décisions auxquelles renvoie la Commission dans la note en bas de page n° 1028 de la décision attaquée, aux fins d'illustrer sa politique de majoration au titre de la durée, concernent toutes des affaires dans lesquelles les montants de départ des amendes ont été majorés de 10 % par an.

201 Dès lors, une lecture combinée du considérant 710 de la décision attaquée, des trois décisions citées audit considérant et du point 1 B des lignes directrices ne laisse aucun doute sur l'intention de la Commission d'augmenter le montant de départ de l'amende infligée aux requérantes de 10 % par année infractionnelle. Partant, il y a lieu de rejeter les griefs soulevés par les requérantes à cet égard.

202 S'agissant, en second lieu, du bien-fondé du moyen, il convient de rappeler qu'une augmentation du montant de départ de l'amende en fonction de la durée n'est pas limitée à l'hypothèse où il existerait une relation directe entre la durée et un préjudice accru causé aux objectifs visés par les règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 278, et la jurisprudence citée).

203 Il ressort en outre des lignes directrices que la Commission n'a établi aucun chevauchement ni aucune interdépendance entre l'appréciation de la gravité et celle de la durée de l'infraction.

204 Au contraire, premièrement, il ressort de l'économie des lignes directrices qu'elles prévoient l'appréciation de la gravité de l'infraction en tant que telle aux fins de déterminer un montant de départ de l'amende. Deuxièmement, la gravité de l'infraction est analysée par rapport aux caractéristiques de l'entreprise concernée, notamment sa taille et sa position sur le marché pertinent, ce qui peut donner lieu à une pondération du montant de départ, à la répartition des entreprises en catégories et à la fixation d'un montant de départ spécifique. Troisièmement, la durée de l'infraction est prise en compte pour la fixation du montant de base et, quatrièmement, les lignes directrices prévoient la prise en considération de circonstances aggravantes et atténuantes permettant de moduler le montant de l'amende, notamment en fonction du rôle actif ou passif des entreprises concernées dans la mise en œuvre de l'infraction.

205 Il s'ensuit que le simple fait que la Commission se soit réservée une possibilité de majoration par année d'infraction allant, s'agissant des infractions de longue durée, jusqu'à 10 % du montant retenu pour la gravité de l'infraction ne l'oblige nullement à fixer ce taux en fonction de l'intensité des activités de l'entente ou des effets de celle-ci, voire de la gravité de l'infraction. Il appartient en effet à la Commission de choisir, dans le cadre de sa marge d'appréciation (voir points 110 et 111 ci-dessus), le taux de majoration qu'elle entend appliquer au titre de la durée de l'infraction.

206 En ce qui concerne le grief selon lequel la Commission aurait retenu la même circonstance, à savoir que l'infraction en cause a duré plus de cinq années, tant pour motiver l'application d'une majoration que pour fixer le taux maximal de ladite majoration à 10 %, le Tribunal ne constate aucune illégalité dans le fait que la durée d'une infraction non seulement suscite la majoration du montant de départ en tant quel tel, mais détermine aussi, le cas échéant, le taux définitif de majoration. Ainsi qu'il a été exposé au point 205 ci-dessus, la Commission n'est pas tenue de prendre en compte la gravité de l'infraction en choisissant le taux de majoration appliqué au titre de la durée de l'infraction.

207 En l'espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a majoré les montants de départ des amendes de 10 % par année complète d'infraction et de 5 % pour toute période supplémentaire égale ou supérieure à six mois, mais inférieure à un an. Ce faisant, la Commission ne s'est pas écartée des règles qu'elle s'est imposées dans les lignes directrices.

208 Au demeurant, le Tribunal estime que la majoration au titre de la durée, effectuée par la Commission, du montant de départ de l'amende infligée aux requérantes n'est pas, en l'espèce, manifestement disproportionnée.

Sur le moyen tiré d'une erreur de droit dans l'application des règles relatives aux délais de prescription

Arguments des parties

209 En substance, les requérantes font valoir que le cartel a été interrompu entre août 1994 et juillet 1997. Par conséquent, la période antérieure à l'interruption serait couverte par la prescription des poursuites au titre de l'article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1-2003. La Commission aurait commis une erreur de droit en concluant que le cartel s'était poursuivi pendant ladite période. À l'appui de leur position, les requérantes font d'abord référence au dossier, notamment aux déclarations du groupe KME, d'Outokumpu et des employés de cette dernière au cours de la procédure administrative. Les requérantes soutiennent qu'il en ressort que la Commission n'a pu prouver à suffisance de droit que les activités collusoires ont été ininterrompues pendant la période litigieuse.

210 De plus, les requérantes allèguent que la décision attaquée (considérants 127, 214, 485, 491 et 733) fournit quantité d'indices de la cessation du cartel entre août 1994 et juillet 1997.

211 L'évolution du marché rendrait également plausible l'interruption du cartel au cours de la période litigieuse. La réunification allemande aurait entraîné une demande très élevée sur le marché des tubes sanitaires en cuivre, ce qui aurait rendu la coordination des comportements sur le marché non seulement superflue, mais également impossible.

212 En ce qui concerne la réunion du 26 septembre 1995 tenue entre le groupe KME, les requérantes et une partie tierce, les requérantes font valoir qu'il n'y a pas lieu de supposer que cette réunion était de nature collusoire, dès lors que la partie tierce ne participait pas au cartel.

213 La Commission conclut au rejet du présent moyen.

Appréciation du Tribunal

214 Il découle des considérants 127, 141, 149, 154, 158, 159, 161, 484 et 494 de la décision attaquée que les " producteurs Sanco " et les " producteurs Wicu et Cuprotherm ", parmi lesquels figuraient les requérantes, ont fréquemment échangé entre eux des données détaillées sur les volumes de ventes des tubes sanitaires en cuivre pendant toute la durée du cartel, y compris entre 1994 et 1997, ce que ne contestent pas les requérantes. Ainsi qu'il ressort des points 152 à 157 ci-dessus, cet échange de données était illégal et faisait partie des éléments constitutifs du cartel.

215 Par ailleurs, force est de constater que les requérantes ne mettent pas en cause les constatations effectuées par la Commission aux considérants 288 et 289 de la décision attaquée, selon lesquelles elles ont participé aux réunions collusoires en avril et mai 1996 ainsi qu'en juin 1997. Il convient également de souligner que les sujets discutés au cours de la réunion du 26 septembre 1995 entre le groupe KME et les requérantes étaient de nature collusoire, comme cela ressort du considérant 172 de la décision attaquée. Le fait qu'une partie tierce était également présente et que sa responsabilité n'a pas été retenue n'enlève rien au caractère anticoncurrentiel de ladite réunion.

216 Il s'ensuit que c'est à tort que les requérantes prétendent que le cartel a été interrompu entre août 1994 et juillet 1997. Il y a donc lieu de rejeter le moyen comme non fondé.

Sur le moyen tiré de l'omission de prendre en compte certaines circonstances atténuantes

Arguments des parties

217 Dans le cadre de ce moyen, les requérantes avancent quatre griefs.

218 Premièrement, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte, lors du calcul du montant de l'amende, de la situation difficile du secteur des tubes sanitaires en cuivre et du fait que de très faibles marges d'exploitation y étaient réalisées, violant de ce fait les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement.

219 Deuxièmement, les requérantes font valoir que la Commission, en violation des lignes directrices, n'a pas pris en compte le fait que les requérantes avaient volontairement mis fin à leur participation au cartel après les vérifications.

220 Troisièmement, les requérantes affirment que la Commission a violé le " principe d'égalité " en réduisant les amendes infligées aux groupes Outokumpu et KME sur la base d'une coopération en dehors de la communication de 1996 sur la coopération, alors que cette réduction aurait dû leur être accordée. À cet égard, les requérantes font valoir que ce sont elles, et non le groupe Outokumpu, qui ont été les premières à fournir la preuve déterminante concernant la continuité du cartel entre 1994 et 1997.

221 En tout état de cause, il ressortirait des considérants 194, 774, 785 et 786 de la décision attaquée que la coopération fournie par les requérantes en dehors de la communication de 1996 sur la coopération avait une valeur ajoutée au moins égale aux coopérations fournies par les groupes KME et Outokumpu. Or, la Commission n'aurait pas envisagé de réduire le montant des amendes infligées aux requérantes au titre de leur coopération en dehors de la communication de 1996 sur la coopération.

222 Les requérantes soutiennent qu'une application par analogie du point 23 de la communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la " communication de 2002 sur la coopération ") aurait dû aboutir, conformément au principe d'égalité de traitement, à examiner l'opportunité d'une telle réduction en leur faveur. À cet égard, la Commission aurait également violé son obligation de motivation, car si elle avait des raisons objectives de refuser d'accorder une telle réduction aux requérantes, elle aurait dû les exposer dans la décision attaquée.

223 Les requérantes notent également qu'elles ont été discriminées dès lors que la coopération du groupe KME et celle du groupe Outokumpu ont fait l'objet d'une double comptabilisation, indiquée aux considérants 757 et suivants et 768 et suivants de la décision attaquée.

224 Quatrièmement, les requérantes soutiennent que la Commission a, au considérant 714 de la décision attaquée, commis une erreur de calcul en faveur du groupe Outokumpu.

225 La Commission conclut au rejet du présent moyen.

Appréciation du Tribunal

226 En premier lieu, l'affirmation selon laquelle la Commission a violé les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement en refusant de qualifier de circonstance atténuante la situation économique prétendument difficile du secteur des tubes sanitaires en cuivre est manifestement non fondée.

227 Il découle en effet de la jurisprudence (voir arrêts du Tribunal du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T-64-02, Rec. p. II-5137, point 139, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 345, et la jurisprudence citée) que la Commission n'est pas tenue de considérer comme circonstance atténuante la mauvaise santé financière du secteur en cause et que la prise en compte par la Commission, dans de précédentes affaires, de la situation économique du secteur comme circonstance atténuante n'implique pas qu'elle doive nécessairement continuer à observer cette pratique. En effet, en règle générale, les cartels naissent au moment où un secteur connaît des difficultés (arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 130 supra, point 510, et arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T-30-05, non publié au Recueil, point 207). De même, la Commission ne peut être tenue de prendre en compte la faible marge d'exploitation prétendument réalisée dans l'industrie concernée afin de fixer le montant des amendes.

228 Quant au deuxième grief, il convient de rappeler que, aux termes du point 3, troisième tiret, des lignes directrices, la " cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission (notamment vérifications) " compte parmi les circonstances atténuantes. Toutefois, une réduction de l'amende en raison de la cessation d'une infraction dès les premières interventions de la Commission ne saurait être automatique, mais dépend d'une évaluation des circonstances du cas d'espèce par la Commission, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal 8 juillet 2008, BPB/Commission, T-53-03, Rec. p. II-1333, point 436).

229 En l'espèce, l'infraction en cause a trait à une entente secrète ayant pour objet la fixation de prix et la répartition de marchés. Ce type d'entente est expressément interdit par l'article 81, paragraphe 1, sous a) et c), CE et constitue une infraction particulièrement grave. Les parties devaient, dès lors, avoir conscience du caractère illicite de leur comportement. Le caractère secret de l'entente confirme le fait que tel était le cas. Par conséquent, le Tribunal estime qu'il ne fait aucun doute que cette infraction a été commise de propos délibéré par les parties en cause. Or, le Tribunal a déjà expressément considéré que la cessation d'une infraction commise de propos délibéré ne saurait être considérée comme une circonstance atténuante lorsqu'elle a été déterminée par l'intervention de la Commission (arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Ensidesa/Commission, T-157-94, Rec. p. II-707, point 498).

230 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes comme non fondé.

231 Par ailleurs, le Tribunal estime, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, que le fait que les requérantes ont mis fin à l'infraction en cause à la suite de la première intervention de la Commission ne justifie pas, en tout état de cause, une réduction du montant de l'amende qui leur a été infligée. En effet, cette cessation constituait une réaction appropriée et normale à l'intervention de la Commission et ne saurait être assimilée à une initiative autonome. En outre, ladite cessation constituait uniquement un retour à un comportement licite et n'a pas contribué à rendre les poursuites par la Commission plus efficaces.

232 En troisième lieu, s'agissant du grief selon lequel la Commission aurait dû appliquer le point 3, sixième tiret, des lignes directrices en faveur des requérantes, il y a lieu de relever qu'il est loisible à la Commission de réserver l'application de cette disposition à l'entreprise qui est la première à lui fournir des informations lui permettant d'élargir son enquête et d'entreprendre les mesures nécessaires afin d'établir une infraction plus grave ou une infraction d'une durée plus longue.

233 L'argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû appliquer par analogie le point 23 de la communication de 2002 sur la coopération doit être rejeté. Il ressort en effet dudit point que son application est également réservée à la première entreprise qui fournit des éléments de preuve qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l'entente présumée. En conséquence, il ne saurait non plus y avoir de violation de l'obligation de motivation à cet égard.

234 Partant, le grief des requérantes ne saurait être accueilli que si elles prouvent qu'elles ont été les premières à fournir des informations ayant permis à la Commission d'élargir son enquête et d'entreprendre les mesures nécessaires afin d'établir une infraction plus grave ou une infraction d'une durée plus longue.

235 Or, force est de constater que les requérantes ne satisfont pas à cette condition. La preuve mentionnée au considérant 172 de la décision attaquée afin d'établir la continuité du cartel entre 1995 et 1997 provient, selon la Commission et sans que les requérantes l'aient contredite, des vérifications effectuées dans les locaux des requérantes.

236 En outre, il ressort de sa demande du 23 janvier 2003 visant à bénéficier de l'application de la communication de 1996 sur la coopération que Wieland avait mentionné l'année 1993 comme date probable du commencement du cartel. En revanche, il ressort des considérants 758 et 774 de la décision attaquée et il n'est pas contesté par les requérantes que le groupe Outokumpu avait déjà informé la Commission en 2001 de ce que le cartel avait couvert une période allant de la fin des années 80 jusqu'en 2001.

237 Au demeurant, le fait que les groupes Outokumpu et KME aient bénéficié, tant en vertu de l'application de la communication de 1996 sur la coopération qu'au titre de l'application des lignes directrices, d'une réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées pour avoir coopéré avec la Commission ne saurait constituer une discrimination vis-à-vis des requérantes. Si les requérantes avaient été les premières entreprises à fournir à la Commission des informations lui permettant d'élargir son enquête, elles auraient été susceptibles de bénéficier tant de l'application de la communication de 1996 sur la coopération que de l'application des lignes directrices.

238 En quatrième lieu, eu égard au principe selon lequel nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d'autrui (voir arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, SGL Carbon/Commission, T-68-04, non encore publié au Recueil, point 119, et la jurisprudence citée), force est de constater que l'argument des requérantes selon lequel la Commission a, au considérant 759 de la décision attaquée, commis une erreur de calcul en faveur du groupe Outokumpu doit être rejeté. En tout état de cause, les requérantes ont déclaré au cours de l'audience être satisfaites de l'explication fournie par la Commission dans son mémoire en défense s'agissant du calcul du montant de l'amende infligée au groupe Outokumpu, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l'audience.

239 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu d'écarter le présent moyen dans son ensemble.

Sur le moyen tiré d'une erreur de calcul quant à la répartition du montant de l'amende entre les requérantes

240 Dans leur requête, les requérantes font valoir que, en procédant à la répartition du montant de départ de l'amende entre elles, la Commission est parvenue à des résultats erronés, qui se reflètent dans l'ensemble de la décision attaquée et entachent sa conclusion. En réponse aux questions du Tribunal au cours de l'audience, les requérantes ont cependant déclaré qu'elles étaient satisfaites des explications fournies par la Commission dans son mémoire en défense et qu'elles ne soutenaient plus que le calcul du montant de l'amende qui leur avait été infligée était entaché d'une erreur, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l'audience.

241 Partant, il n'y plus lieu de statuer sur ce moyen.

3. Sur la demande reconventionnelle

Sur la demande reconventionnelle fondée sur la contestation par les requérantes du caractère continu du cartel

Arguments des parties

242 Dans son mémoire en défense, la Commission invite les requérantes à déclarer explicitement si, s'agissant de l'établissement du caractère continu du cartel, elles remettent en cause des faits antérieurement non contestés. Si tel était le cas, la Commission soutient qu'il y aurait lieu de majorer le montant des amendes infligées aux requérantes, dès lors que la réduction qui leur a été accordée au titre de la communication de 1996 sur la coopération aurait été fondée sur le fait qu'elles n'avaient pas, après avoir reçu la communication des griefs, contesté la matérialité des faits sur lesquels elle avait fondé ses accusations.

243 Les requérantes concluent au rejet de cette demande.

Appréciation du Tribunal

244 Il y a lieu de constater que la Commission n'a fait référence à aucun élément spécifique, en ce qui concerne l'établissement du caractère continu du cartel, figurant dans le dossier ni développé d'argument au soutien de sa demande. Il s'ensuit que, en ce qui concerne la présente demande, le mémoire en défense ne satisfait pas aux exigences posées à l'article 46, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure du Tribunal. Dès lors, la demande reconventionnelle fondée sur la contestation par les requérantes du caractère continu du cartel doit être rejetée comme irrecevable.

Sur la demande reconventionnelle fondée sur le traitement potentiellement favorable des requérantes par rapport à Chalkor et au groupe IMI

Arguments des parties

245 La Commission constate que le groupe IMI et Chalkor ont respectivement fait valoir, dans leurs requêtes dans les affaires T-18-05 et T-21-05, que, lors de la détermination du montant des amendes, elle n'a pas pris en considération le fait qu'ils n'avaient pas été impliqués dans les accords Sanco et les accords Wicu et Cuprotherm et qu'ils avaient donc commis une infraction moins grave que celle commise par les requérantes, le groupe Boliden et le groupe KME. Les arguments du groupe IMI et de Chalkor soulèveraient la question de la prétendue discrimination entre les participants au cartel dans le cadre de ce qui a été considéré comme une infraction unique.

246 La Commission soutient que, si le Tribunal devait admettre les arguments du groupe IMI et de Chalkor sur ce point, il devrait, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, relever le montant des amendes infligées aux groupes KME et Boliden et à Wieland, plutôt que de réduire celui des amendes infligées au groupe IMI et à Chalkor.

247 Les requérantes concluent au rejet de cette demande.

Appréciation du Tribunal

248 Il y a lieu de constater que le Tribunal a jugé, dans ses arrêts de ce jour, IMI e.a./Commission (T-18-05, non encore publié au Recueil), et Chalkor/Commission (T-21-05, non encore publié au Recueil), que le groupe IMI et Chalkor ont commis une infraction moins grave que celle commise par le groupe Boliden, le groupe KME et Wieland et que la Commission a commis une erreur en omettant de prendre en considération cet élément lors du calcul des montants des amendes.

249 Le Tribunal a en outre jugé, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, que le montant de départ des amendes retenu par la Commission était, par rapport à la gravité que représentait l'ensemble des trois branches du cartel, approprié et qu'il y avait lieu de réduire les montants de départ des amendes infligées au groupe IMI et à Chalkor afin de prendre en compte le fait qu'ils n'ont pas été tenus responsables par la Commission en ce qui concerne les accords Sanco (arrêts IMI e.a./Commission, point 248 supra, points 166, 167 et 189, et Chalkor/Commission, point 248 supra, points 104, 105 et 185).

250 Il s'ensuit que la demande de la Commission doit être écartée.

Sur les dépens

251 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Cependant, aux termes de l'article 87, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens.

252 En l'espèce, les requérantes ont succombé en leur recours, alors que la Commission a succombé dans sa demande reconventionnelle. Celle-ci ne visant à augmenter le montant des amendes que marginalement, force est de constater que ce sont essentiellement les requérantes qui ont succombé en leurs conclusions et en leurs moyens. Dans ces conditions, il y a lieu de décider que les requérantes supporteront leurs propres dépens et 90 % des dépens exposés par la Commission, alors que la Commission supportera 10 % de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) La demande reconventionnelle formulée par la Commission européenne est rejetée.

3) Wieland-Werke AG, Buntmetall Amstetten GmbH et Austria Buntmetall AG supporteront leurs propres dépens et 90 % des dépens exposés par la Commission.

4) La Commission supportera 10 % de ses propres dépens.

5) Le Conseil de l'Union européenne supportera ses propres dépens.