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Décisions

CA Dijon, ch. civ. B, 9 septembre 2008, n° 07-01612

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Oasis Srl (Sté)

Défendeur :

LFD (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Richard

Conseillers :

Mmes Vieillard, Vautrain

Avoués :

Me Gerbay, SCP Fontaine-Tranchand & Soulard

Avocats :

SCP du Parc, Associés, Me de Smet

T. com. Mâcon, du 28 sept. 2007

28 septembre 2007

Exposé de l'affaire

La société de droit italien Oasis Srl a fait appel du jugement rendu le 28 septembre 2007 par le Tribunal de commerce de Mâcon, qui avec exécution provisoire a retenu sa compétence, a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal de Pordenone, a rejeté l'exception de litispendance soulevée par la société appelante, a condamné cette dernière à payer à la SARL LF Diffusion (LFD) la somme de 816 000 euro à titre de dommages intérêts pour concurrence déloyale plus celle de 4 000 euro au titre des frais irrépétibles et a débouté la société Oasis Srl de ses demandes reconventionnelles.

Par décision du 15 janvier 2008 le Premier Président de cette cour a arrêté l'exécution provisoire du dit jugement au motif d'une violation des articles 12 et 455 du Code de procédure civile ainsi que du risque susceptible d'être entraîné par l'exécution de celui-ci tant sur la pérennité de la société Oasis Srl que sur l'incapacité de la SARL LFD d'effectuer un éventuel remboursement.

Par conclusions du 23 mai 2008, auxquelles il est fait référence par application de l'article 455 précité, la société appelante expose que la convention signée par les parties comprend dans son article 18-2 une clause attributive de compétence territoriale au profit du Tribunal de Pordenone, que dans son assignation devant le Tribunal de commerce de Mâcon la société intimée a reproché à la société Oasis Srl une violation de la clause contractuelle d'exclusivité consentie sur le territoire français à la SARL LFD, qu'ainsi aucune responsabilité délictuelle de la société appelante ne saurait être engagée, que par application de l'article 23 du règlement communautaire du 22 décembre 2000 la clause attributive de compétence doit recevoir application, subsidiairement que le tribunal italien ayant été saisi le 17 février 2006 avant le Tribunal de Mâcon, compte tenu de l'identité des parties, de l'objet et de la cause de la demande, il y a lieu de recevoir son exception de litispendance et qu'en outre la citation en justice de la société intimée devant le Tribunal de Pordenone étant régulière par application du règlement communautaire du 29 mai 2000 et de la circulaire française du 1er février 2006, il convient devant des demandes identiques pendantes devant deux juridictions de faire droit à son exception de connexité.

Elle ajoute très subsidiairement au fond que les prétendus faits de concurrence déloyale ne sont pas établis eu égard à l'attestation de M. Thierry Adam, qu'aucun préjudice n'est démontré par la SARL LFD, qu'en revanche elle justifie de nombreux retards de paiement ainsi que des impayés de la part de la société intimée pour 31 273,98 euro, qu'en outre cette dernière a commis à son égard une violation de la clause de non-concurrence en revendant des produits d'un concurrent et qu'ainsi elle avait de justes motifs pour résilier le contrat du 18 décembre 2001.

La société Oasis Srl conclut à la réformation du jugement entrepris, à l'incompétence du Tribunal de commerce de Mâcon, subsidiairement à l'admission de ses exceptions de litispendance et de connexité, très subsidiairement au débouté des demandes présentées par la SARL LFD ainsi qu'à sa condamnation à lui payer la somme de 31 273,98 euro pour factures impayées, celle de 280 000 euro à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat plus celle de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles.

La SARL LFD, par des écritures du 6 juin 2008, auxquelles il est de même fait référence, répond que la citation en justice devant le tribunal italien de la société intimée par la société Oasis Srl est irrégulière étant faite par simple lettre en violation du règlement communautaire du 29 mai 2000 et de la circulaire du 18 août 2004, qu'en revanche la citation par elle de la société appelante devant le Tribunal de commerce de Mâcon fondée sur la responsabilité délictuelle est conforme tant aux dispositions communautaires qu'à celle de droit interne, qu'il ne saurait y avoir litispendance ou connexité, puisque l'objet et la cause des procédures ne sont pas les mêmes, responsabilité contractuelle devant le tribunal italien et responsabilité délictuelle devant la juridiction française, qu'en outre l'assignation en Italie étant nulle, le Tribunal de Pordenone n'a pas été saisi le premier et que le Tribunal de commerce de Mâcon possède une compétence territoriale exclusive en raison de la concurrence déloyale, domaine de la responsabilité délictuelle (article 5, 3° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968).

Elle précise que la cour comme en première instance devra rejeter la demande reconventionnelle de la société Oasis Srl, la concurrence déloyale de cette dernière vis-à-vis de la société intimée étant établie par de très nombreux témoignages et lettres de reproche, que ses retards de paiement s'expliquent par la modification des conditions de paiement, le retard dans les livraisons ainsi que le démarchage par la société appelante des clients de son concessionnaire et que son préjudice est constitué par une perte de chiffre d'affaires et de la valeur de cession du portefeuille soit au total 816 000 euro.

Elle conclut à la confirmation du jugement, dont appel, et à la condamnation de la société Oasis Srl à lui payer une somme supplémentaire de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la compétence du Tribunal de commerce de Mâcon

Attendu que les parties ont signé le 18 décembre 2001 un contrat de concession de vente et distribution à Bodoia (Italie), qui comprend les clauses suivantes:

- Distribution

1-1 : Avec le présent contrat la compagnie (Oasis Srl) concède au distributeur l'exclusivité pour la distribution des produits sur le territoire (France métropolitaine et Corse) et le distributeur accepte de fournir les services demandés pour la distribution des produits selon les termes et conditions indiqués ci-après : ...

1-4 : Dans la zone, qui vous est assignée, nous ne recourrons pas au travail d'autres agents. Elle vous est attribuée avec droit d'exclusivité, exception faite pour les fournitures à des industries, organismes ou dans tous les cas à des sociétés en général, qui ne font pas partie des canaux de vente normaux. A ces sociétés la société Oasis se réserve de parvenir à des négociations directes.

1-5 : Vous avez l'obligation spécifique de vous abstenir d'assumer d'autres activités de vente pour des produits similaires ou concurrents de ceux indiqués au point 1 précédent...

18 - Loi applicable et tribunal compétent

18-1 : Le présent contrat est discipliné par la loi italienne

18-2 : Pour toutes les controverses relatives à l'interprétation, à l'exécution, à l'existence et à la validité du présent contrat, seul le Tribunal de Pordenone sera compétent";

Attendu que la société Oasis Srl a adressé à la SARL LFD le 7 novembre 2005 un courrier en langue italienne, dont la traduction est la suivante :

"Nous devons constater que l'inaccomplissement du paiement des montants dûs est devenu désormais une habitude et nous ne pouvons plus accepter une conduite si peu respectueuse des accords du contrat. En plus des continuels retards dans le paiement, nous devons constater la violation de l'article 1-5 du contrat, avec lequel vous vous êtes obligés de ne pas vous occuper de la vente de produits similaires ou concurrents avec ceux de notre production... Suite à ce que nous avons spécifié, le rapport contractuel se considère résolu en tous les sens à partir de la date d'aujourd'hui"

Attendu que suite à cette rupture de la convention, la société appelante a attrait la SARL LFD devant le Tribunal de Pordenone puis le 29 juin 2006 la société intimée a fait citer la société Oasis Srl devant le Tribunal de Mâcon pour les motifs suivants : "... pendant la période du contrat la société LFD avait eu à reprocher des manquements à Oasis quant à (ses) obligations contractuelles (livraisons, conformité des marchandises...) et surtout depuis 2006 des actes de concurrence déloyale de la part de son fournisseur.

Les pièces fournies aux débats en justifient. En effet et avant même que Oasis lui reproche des faits de même nature et pour des raisons bien précises comme indiqué ci-après, LFD s'est aperçu à diverses reprises d'actes de concurrence déloyale de la part du fournisseur italien Oasis, qui n'hésitait pas à démarcher de nouveaux clients ou les clients eux-mêmes de LFD au mépris de l'exclusivité commerciale consentie sur le territoire français";

Attendu qu'il est ainsi établi que la société intimée reproche à la société Oasis Srl des violations des clauses ou obligations contractuelles, notamment de la disposition 1-5 de la convention;

Attendu qu'il s'agit donc bien d'une responsabilité contractuelle et non délictuelle, cette dernière n'existant qu'en cas de relations commerciales non formalisées par une convention prévoyant notamment une clause de non-concurrence (Cass. com., 6 février 2007);

Attendu que par application de l'article 23 du règlement communautaire n° 44-2001 et de l'article 1-8-2 du contrat le Tribunal de Pordenone est seul compétent pour connaître des litiges nés d'un rapport de droit déterminé, à savoir la convention du 18 décembre 2001, notamment sa clause de non-concurrence;

Attendu qu'il convient en conséquence de réformer le jugement déféré et de constater l'incompétence du Tribunal de commerce de Mâcon;

Attendu que dans ces conditions il n'y a pas lieu d'examiner les moyens subsidiaires des parties ;

Attendu qu'une somme de 2 500 euro sera allouée à la société appelante au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; que la SARL LFD, qui succombe, ne saurait bénéficier de ces dispositions et sera condamnée aux dépens;

Par ces motifs, LA COUR, Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la société de droit italien Oasis Srl, Constate l'incompétence du Tribunal de commerce de Mâcon, Renvoie les parties à mieux se pourvoir, Condamne la SARL LF Diffusion à payer à la société Oasis Srl une somme de 2 500 euro au titre des frais irrépétibles, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne la société intimée aux dépens et autorise Maître Gerbay à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.