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Décisions

Cass. com., 18 mai 2010, n° 08-21.681

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

France 2 (SA), France Télévisions (SA)

Défendeur :

Planète Prod (Sté), Presse Planète (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Michel-Amsellem

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié

T. com. Paris, du 24 sept. 2007

24 septembre 2007

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 octobre 2008), que la société Planète Prod qui conçoit et produit de manière indépendante des magazines, des documentaires et des fictions destinés à la télévision, a travaillé pour la société France 2 de 1998 à 2005 ; qu'elle a eu, dans ce cadre, recours à la société Presse Planète, en qualité de sous-traitant ; que soutenant qu'à compter de l'été 2005, la programmation des chaînes publiques aurait été décidée par la société France Télévisions, holding du groupe, et que toutes leurs propositions de magazines, de fictions et de documentaires seraient restées sans réponse, ce qui aurait conduit à une chute brutale de leur chiffre d'affaires, les sociétés Planète Prod et Presse Planète ont assigné les sociétés France Télévisions et France 2 en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société France Télévisions à titre personnel et venant aux droits de la société France 2 fait grief à l'arrêt d'avoir dit la société Presse Planète recevable en son action, alors, selon le moyen : 1°) que seule la société qui a entretenu une relation commerciale directe et effective avec un partenaire économique est recevable à rechercher la responsabilité délictuelle de celui-ci pour rupture abusive d'une relation commerciale établie ; qu'en décidant que la société Presse Planète était recevable à se plaindre de la rupture des relations commerciales ayant existé entre la société Planète Prod et les sociétés France 2 et France Télévisions, après avoir constaté que la société Presse Planète n'avait agi qu'en qualité de sous-traitante de la société Planète Prod et n'avait jamais conclu directement le moindre contrat avec une chaîne quelconque du groupe France Télévisions, la cour d'appel a violé les articles 31 du Code de procédure civile et L. 442-6-I 5° du Code de commerce ; 2°) qu'en affirmant que la société Presse Planète justifiait avoir réalisé un chiffre d'affaires propre relevant de son activité directement déployée auprès des sociétés France 2 et France 5, quand la société Presse Planète avait expressément admis que cette activité n'avait été déployée auprès des sociétés France 2 et France 5 qu'au travers des contrats de sous-traitance signés avec la société Planète Prod, seule contractante des sociétés France 2 et France 5, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que les contrats produits aux débats, signés entre la société France 2 et la société Planète Prod, reconnaissent expressément à la société Presse Planète la qualité de sous-traitant de la société Planète Prod, et précisent que les prestations de cette société seront directement rémunérées par la chaîne au moyen du versement d'une somme forfaitaire, puis que la société Presse Planète justifie avoir réalisé un chiffre d'affaires propre relevant de son activité directement déployée auprès de la société France 2 ; que la cour d'appel, sans méconnaître l'objet du litige, a ainsi souverainement apprécié l'intérêt à agir de la société Presse Planète ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches : - Vu l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; - Attendu que pour dire recevable l'action engagée à l'encontre de la société France Télévisions, l'arrêt relève qu'il résulte de son objet que celle-ci définit les orientations stratégiques, coordonne et promeut les politiques de programmes et l'offre de service, de sorte qu'elle intervient directement dans le choix de la programmation des chaînes du service public, comme le démontre la création à l'été 2005, du poste de directeur général des antennes, l'objectif poursuivi étant de présenter une offre globale de programmes aux téléspectateurs ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par un motif impropre à démontrer que la société France Télévisions intervenait effectivement dans la mission de programmation de sa filiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce ; - Attendu que pour dire que les sociétés France Télévisions et France 2 avaient brutalement rompu les relations commerciales établies entre les sociétés Planète Prod et Presse Planète, d'un côté, et la société France 2, de l'autre, l'arrêt après avoir rappelé que ces relations avaient débuté en 1998 et s'étaient achevées en 2006, retient que cette durée est significative et que les sociétés Planète Prod et Presse Planète justifient d'un courant régulier et en nombre important de contrats de production télévisuelle pour chacune des années écoulées entre 1998 et 2005 ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si eu égard à la nature de leur prestation de conception et réalisation de programmes télévisuels les sociétés Planète Prod et Presse Planète pouvaient légitimement s'attendre à la stabilité de leur relation avec la société France 2, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, sauf en ses dispositions relatives à la recevabilité de l'action de la société Presse Planète, l'arrêt rendu le 8 octobre 2008, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant aux autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.