ADLC, 20 avril 2010, n° 10-DCC-32
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusive de la société Duc Distribution par la société ITM Entreprises
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 16 mars 2009, relatif à l'acquisition de l'intégralité des titres de la société Duc Distribution par la société ITM Entreprises, formalisée par une lettre de levée d'option en date du 27 octobre 2009 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. La société ITM Entreprises, contrôlée à 100 % par la Société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par 1 330 personnes physiques dits " adhérents associés ", conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de " Groupement des Mousquetaires ". En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l'animation d'un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s'effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d'enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin, ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d'approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au " Groupement des Mousquetaires ". Le groupe ITM Entreprises a réalisé au cours du dernier exercice clos au 31 décembre 2008, un chiffre d'affaires total hors taxes de [20-30] milliards d'euro, dont [15-25] milliards en France.
2. La société Duc Distribution est une société anonyme de droit français ayant pour principale activité l'exploitation d'un fond de commerce de distribution à dominante alimentaire sous l'enseigne Intermarché à Séné (56). Le capital de la société Duc Distribution est détenu à hauteur de [>50] % par la famille X. La société ITM Entreprises détient pour sa part une action de la société Duc Distribution, cette action ne lui conférant toutefois pas de droits particuliers. En 2008, le chiffre d'affaires total hors taxes de Duc Distribution, dernier exercice clos, s'est élevé à 25,2 millions d'euro, exclusivement réalisé en France.
3. Selon les termes de la promesse d'achat en date du 12 octobre 2005, la société ITM Entreprises s'est engagée à acquérir les titres détenus par la famille X dans la société Duc Distribution, dans le cas où Madame et Monsieur X exprimeraient leur souhait de cesser leur activité. L'option stipulée dans cette promesse a été levée par un courrier de Madame et Monsieur X en date du 27 octobre 2009. La partie notifiante souligne que la présente opération est provisoire, les titres acquis devant être rétrocédés dans les meilleurs délais à un nouvel exploitant indépendant.
4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la société Duc Distribution par ITM Entreprises, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
5. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (1), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (2) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
1. LES MARCHÉS DE SERVICE
6. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaire que nationales (3), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
7. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente supérieure à 2 500 m2. Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d'espèce, compte-tenu que des magasins dont la surface est située à proximité d'un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe dans les faits (4).
8. En l'espèce, le magasin racheté, situé à Séné (56), occupe aujourd'hui une surface de vente de 3 000 m2. Ce magasin rentre donc dans la catégorie des hypermarchés.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
9. Dans ses décisions récentes (5) relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l'Autorité de la concurrence a rappelé qu'en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s'apprécier sur deux zones différentes:
- une première zone où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- une seconde zone où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et autres formes de commerce équivalentes, situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés et les magasins discompteurs.
10. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
11. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (6) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (7).
12. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION ALIMENTAIRE
13. Sur le marché comprenant les hypermarchés situés dans une zone de chalandise de 30 minutes autour de Séné, l'Intermarché exploité par la cible représente 7,22 % de part de marché exprimée en surfaces de vente (soit 3 000 m² sur une surface totale de 41 534 m²). Sont également présents sur la zone de Séné deux autres hypermarchés Intermarché situés à Crach (6,6 % de part de marché pour une surface de 2 740 m²) ainsi qu'à Questembert (6,51 % de part de marché avec une surface de 2 705 m²). Les hypermarchés exploités sous une enseigne du groupe ITM Entreprises représentent donc, sur la zone de chalandise de 30 minutes définie ci-avant, une part de marché cumulée de 20,33 %. Ces magasins font face à la concurrence exercée notamment par un hypermarché sous enseigne Carrefour (8 300 m² soit une part de marché de 19,98 %), deux hypermarchés sous enseigne E. Leclerc (6 100 m² et 3 462 m² soit des parts de marché de 14,69 % et 8,34 %) et un hypermarché sous enseigne Hyper U (4 000 m² soit 9,63 % de part de marché).
14. Sur le marché comprenant les supermarchés et autres formes de commerce équivalentes, situés dans une zone de chalandise de 15 minutes autour de Séné, l'Intermarché exploité par la cible représente 7,12 % de part de marché (soit 3 000 m² sur une surface totale de 42 116 m²). Sont également présents sur la zone de Séné quatre autres supermarchés Intermarché dont deux sont situés à Vannes (1 682 m² et 1 200 m²), un troisième à Saint-Avé (1650 m²) et le dernier à Surzur (1 200 m²). En outre, sur cette même zone sont exploité trois magasins sous l'enseigne Netto situés à Vannes (956 m²), Saint-Avé (850 m²) et Séné (550 m²). Les hypermarchés et supermarchés exploités sous une enseigne du groupe ITM Entreprises représentent donc, sur la zone de chalandise de 15 minutes autour de Séné, une part de marché cumulée de 26,33 %. Ces magasins font face à la concurrence exercée notamment par un hypermarché sous enseigne Carrefour (8 300 m² soit une part de marché de 19,71 %), un hypermarché sous enseigne E. Leclerc (6 100 m² soit une part de marché de 14,48 %) et un hypermarché sous enseigne Hyper U (4 000 m² soit une part de marché de 9,5 %).
15. Compte tenu de ce qui précède, la présente opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés considérés.
B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
16. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, qui ne concerne qu'un seul magasin, n'est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.
Décide
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0030 est autorisée.
Notes :
1 Voir notamment les décisions de la commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.
2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C-2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.
3 Décisions C-2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C-2007-172 Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008, C-2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C-2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C-2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.
4 Voir notamment l'avis n°00-A-06 du Conseil du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.
5 Décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC- du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat,
6 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M. 2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.
7 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C 2005-98, Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C 2006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C 2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C 2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.