ADLC, 16 avril 2010, n° 10-DCC-33
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusive de la société Coutis par la société ITM Alimentaire Région Parisienne (groupe ITM Entreprises)
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 16 mars 2009, relatif à l'acquisition de l'intégralité des titres de la société Coutis par la société ITM Alimentaire Région Parisienne, formalisée par un protocole d'accord signé le 11 février 2010 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. La société ITM Entreprises, contrôlée à 100 % par la Société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par 1 330 personnes physiques dits " adhérents associés ", conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de " Groupement des Mousquetaires ". En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l'animation d'un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s'effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d'enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin, ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d'approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au " Groupement des Mousquetaires ". Le groupe ITM Entreprises a réalisé au cours du dernier exercice clos au 31 décembre 2008, un chiffre d'affaires total hors taxes de [20-30] milliards d'euro, dont [15-25] milliards en France.
2. La société ITM Alimentaire Région Parisienne est une société de droit français détenue à [>50] % par la Société ITM Alimentaire France, elle-même détenue par la société ITM Entreprises.
3. La société Coutis est une société anonyme de droit français qui exploite directement un fond de commerce de distribution à dominante alimentaire sous l'enseigne Intermarché, dans la ville d'Othis (77). Le capital de la société Coutis est actuellement détenu à hauteur de [>50] % par la famille X. La société ITM Entreprises détient pour sa part une action de la société Coutis, cette action ne lui conférant toutefois pas de droits particuliers. En 2008, le chiffre d'affaires total hors taxes de Coutis, dernier exercice clos, s'est élevé à 22,1 millions d'euro, exclusivement réalisé en France.
4. Selon les termes du protocole d'accord signé par les parties le 11 février 2010, ITM Alimentaire Région Parisienne s'est engagée à acquérir l'intégralité des titres de la société Coutis. La partie notifiante souligne que l'opération notifiée est provisoire, les titres acquis devant être rétrocédés dans les meilleurs délais à un nouvel exploitant indépendant.
5. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la société Coutis par ITM Entreprises, via sa filiale ITM Alimentaire Région Parisienne, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (1), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (2) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
1. LES MARCHÉS DE SERVICE
7. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaire que nationales (3), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
8. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente supérieure à 2 500 m2. Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d'espèce, compte-tenu que des magasins dont la surface est située à proximité d'un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe dans les faits (4).
9. En l'espèce, le magasin racheté, situé à Othis (77), occupe aujourd'hui une surface de vente de 3 390 m2. Ce magasin rentre donc dans la catégorie des hypermarchés.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
10. Dans ses décisions récentes (5) relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l'Autorité de la concurrence a rappelé qu'en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s'apprécier sur deux zones différentes:
- une première zone où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- une seconde zone où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et autres formes de commerce équivalentes, situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés et les magasins discompteurs.
11. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
12. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (6) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (7).
13. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION ALIMENTAIRE
14. Sur le marché comprenant les hypermarchés situés dans une zone de chalandise de 30 minutes autour d'Othis, l'Intermarché exploité par la cible représente 3,22 % de part de marché exprimée en surfaces de vente (soit 3 390 m² sur une surface totale de 105 220 m²). Sont également présents sur la zone d'Othis deux autres hypermarchés Intermarché situés à Senlis (5,38 % de part de marché pour une surface de 5 660 m²) ainsi qu'à Chelles (2,92 % de part de marché avec une surface de 3 075 m²). Les hypermarchés exploités sous une enseigne du groupe ITM Entreprises représentent donc, sur la zone de chalandise, une part de marché cumulée de 11,52 %. Ces magasins font face à la concurrence exercée notamment par trois hypermarchés sous enseigne Carrefour (19 355 m², 18 000 m² et 12 000 m² soit respectivement 8,39 %, 17,11 % et 11,4 % des surfaces de vente) et deux hypermarchés sous enseigne E. Leclerc (7 300 m² et 6 000 m² soit respectivement 6,94 % et 5,7 % des surfaces de vente).
15. Sur le marché comprenant les supermarchés et autres formes de commerce équivalentes, situés dans une zone de chalandise de 15 minutes autour d'Othis, l'Intermarché exploité par la cible représente 21,86 % des surfaces de vente (soit 3 390 m² sur une surface totale de 15 507 m²). Sont également présents sur la zone d'Othis deux autres supermarchés Intermarché situés à Nanteuil-le-Haudouin et Moussy-le-Neuf, chacun détenant 9,67 % de part de marché pour une surface de 1 500 m². Les hypermarchés et supermarchés exploités sous une enseigne du groupe ITM Entreprise représentent donc, sur la zone de chalandise de 15 minutes autour d'Othis, une part de marché cumulée de 41,21 %. Ces magasins font face à la concurrence exercée notamment par un hypermarché sous enseigne E. Leclerc (4 761 m² soit une part de marché de 30,7 %), un supermarché sous enseigne Carrefour Market (1 800 m² soit une part de marché de 11,6 %) et trois maxi-discounters (Aldi, Leader Price et Lidl avec chacun un peu plus de 5% de part de marché).
16. Compte tenu de ce qui précède, la présente opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés considérés.
B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
17. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, qui ne concerne qu'un seul magasin, n'est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.
Decide
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0029 est autorisée.
Notes :
1 Voir notamment les décisions de la commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.
2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C 2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.
3 Décisions C 2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C 2007-172 Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008, C 2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C 2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C 2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.
4 Voir notamment l'avis n°00-A-06 du Conseil du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.
5 Décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/C SF ; 09-DCC-10 du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat,
6 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M. 2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.
7 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C2005-98, Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.