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Décisions

Cass. com., 18 mai 2010, n° 08-15.831

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

France Tambour (SA)

Défendeur :

SMEA (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Jenny

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Gadiou, Chevallier, SCP Thouin-Palat, Boucard

T. com. Pontoise, 1re ch., du 16 janv. 2…

16 janvier 2007

LA COUR, Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 mai 2008) que la société SMEA distributeur-grossiste de pièces automobiles ayant pour fournisseur la société France Tambour qui avait assigné celle-ci en remboursement de paiements effectués à la place de certains membres d'un groupement qui lui est attaché et qui avaient fait l'objet de procédures collectives, puis qui avait sollicité en cours d'instance que son adversaire soit en outre condamné à lui communiquer ses conditions particulières de vente auprès d'autres distributeurs-grossistes de pièces similaires, a été déboutée de toutes ses demandes, par un jugement dont elle a interjeté appel ; que devant la cour d'appel, elle a acquiescé au jugement en ce qu'il avait rejeté sa demande de remboursement ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société France Tambour fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel de la société SMEA du chef des demandes de communications de pièces, alors, selon le moyen, que le désistement de l'appel qui n'a pas besoin d'être accepté emporte de plein droit acquiescement du jugement dont les chefs correspondants se situent donc hors litige entre les parties ; qu'il s'ensuit dès lors que, comme en l'espèce, la société SMEA s'étant désistée en appel sans réserve sur tous les chefs du jugement ayant tranché en sa défaveur tout le principal, elle ne pouvait plus prétendre en appel contester exclusivement des chefs avant dire droit, à défaut du maintien de la saisine d'aucune prétention de fond ; que l'arrêt a donc violé ensemble les articles 401, 403 et 544 du Code de procédure civile, en relation avec l'article 4 du même Code ;

Mais attendu que l'arrêt retient exactement que la recevabilité de l'appel s'apprécie au jour où il est effectué, et que l'appel interjeté par la société SMEA contre l'ensemble des chefs du jugement reste recevable, nonobstant acquiescement postérieur au jugement en ses dispositions ayant rejeté les demandes en remboursement de cette société ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche : - Attendu que la société France tambour fait grief à l'arrêt, pour infirmer le jugement, de dire recevable la demande de la société SMEA tendant à ce qu'elle soit condamnée à lui communiquer ses conditions de ventes auprès de tiers, alors, selon le moyen, que si les juges apprécient souverainement l'existence ou l'inexistence d'un lien suffisant entre les demandes additionnelles et les prétentions originaires, ils sont néanmoins tenus de motiver leur décision lorsque la recevabilité de ces demandes additionnelles est contestée ; qu'en l'espèce, où France Tambour contestait expressément tout lien de causalité entre la demande additionnelle de communication de pièces et la demande originaire en paiement d'une prétendue créance de la société SMEA à son encontre et où cette totale absence de lien découle au demeurant des propres constatations de l'arrêt sur les prétentions originaires de la société SMEA tendant à la condamnation de ses factures impayées et sur la demande additionnelle en vue de cette même communication de pièces afférentes à des marchés conclus avec des entreprises tierces, l'arrêt ne pouvait donc affirmer sans la moindre explication qu'il y aurait néanmoins "lien étroit" dès l'origine entre demande originaire et demande additionnelle, sans violer l'article 70 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant rappelé les objets exacts de la demande initiale et de la demande additionnelle formées par la société SMEA en réplique aux défenses de son adversaire, la cour d'appel, motivant sa décision, a souverainement retenu qu'il existait un lien suffisant entre ces demandes ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches : - Attendu que la société France Tambour fait grief à l'arrêt de lui avoir ordonné, sous astreinte et avec paiement d'une indemnité provisionnelle, de communiquer ses conditions de vente, barèmes de prix unitaires, réductions de prix et conditions de règlement aux différents groupements nationaux de grossistes, alors, selon le moyen : 1°) qu'il se déduit de l'article L. 441-6 du Code de commerce qu'il ne peut y avoir obligation pour un producteur de communiquer à un acheteur, fût-il grossiste, ses conditions de vente consenties à d'autres clients tiers qu'à la condition que le demandeur et ces tiers exercent la même "activité professionnelle" et se situent dans "une même catégorie" ; qu'en l'espèce, ainsi que le soulignait avec force la société France Tambour, dans ses conclusions, la société SMEA, qui se présentait inexactement comme une centrale d'achat, n'était en réalité qu'une entreprise exerçant le commerce de gros en équipements automobiles et répertoriée comme telle dans les codes APE NAF (Nomenclatures d'activités françaises éditées au Journal officiel) sous le numéro spécifique 503 A, en sorte qu'elle ne pouvait exercer qu'à titre accessoire l'activité de gestion limitée d'un groupement de grossistes, alors que les conditions de vente sollicitées concernaient soit des centrales d'achat non alimentaires - dont Auto Distribution, Star G et Star Excel, répertoriées codes APE NAF 511 U - soit des entreprises de conseil et de gestion dont la société 3G (Code APE NAF 741 G), lesquelles offraient donc pour ces raisons des services multiples de vente que n'offrait pas la société SMEA à France Tambour ; que dans ces conditions, l'arrêt qui ne s'est pas expliqué à ce sujet, aurait dû pour le moins préciser pourquoi la société SMEA qui n'avait pas la même activité professionnelle et ne se situait pas dans la même catégorie que ces sociétés tierces, fussent-elles grossistes, était en droit d'obtenir de France Tambour la communication de ses conditions de vente à l'égard de ces mêmes sociétés ; que l'arrêt est donc déjà vicié pour défaut de base légale au regard de l'article L. 441-6 du Code de commerce ; 2°) qu'il se déduit également de l'article L. 441-6 du Code de commerce que "les conditions de vente, les barèmes des prix unitaires, les réductions de prix, les conditions de règlement" qui "constituent le socle de la négociation", sont nécessairement incluses dans les "conditions générales de vente" et que "ces conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services (...) en fonction notamment du chiffre d'affaires, de la nature de la clientèle et du mode de distribution (...)" ; que l'arrêt qui exige dans son dispositif la seule communication par France Tambour de ses conditions de vente, barèmes des prix unitaires, réductions de prix et conditions de règlement s'en tient donc à la seule communication de ses conditions générales de vente qui, loin d'être secrètes, figurent expressément au verso de ses factures, ainsi qu'elle l'a précisé dans ses écritures ; que de surcroît l'arrêt a expressément reconnu qu'eu égard à la différence considérable entre les montants des chiffres d'affaires annuels de France Tambour, limités à environ 300 000 euro à l'égard de la société SMEA, mais dépassant largement 1 000 000 d'euro à l'égard des principales centrales d'achat dont Auto Distribution et Star G/3G, ce critère pouvait justifier une différenciation entre ces catégories distinctes d'acheteurs de produits ; qu'il s'ensuit qu'aucune communication des conditions générales ne pouvait être imposée à France Tambour au profit de la société SMEA ; que l'arrêt doit donc derechef être censuré pour n'avoir pas tiré les conséquences légales de ses énonciations, violant ainsi encore l'article L. 441-6 du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la société SMEA est un groupement de distributeurs grossistes de pièces destinées au marché de l'automobile dont l'activité consiste à commercialiser, par l'intermédiaire de ses adhérents, répartis principalement sur le territoire national, différents matériels, outillages pièces détachées automobiles ou se rapportant à l'automobile ; que la société France Tambour a refusé de lui communiquer les conditions qu'elle consentait à d'autres groupements de grossistes nationaux et, notamment Auto Distribution et Star G/3G au motif que ces conditions avaient été négociées au cas par cas en fonction des volumes d'affaires réalisés avec ces partenaires, qui, en raison de leur chiffre d'affaires plus important que celui réalisé par la société SMEA avec France Tambour, rendaient à cette dernière des services incomparables ; qu'en l'état de ces constatations, dont elle a déduit par une appréciation souveraine que les groupements de grossistes nationaux appartenaient à la même catégorie d'acheteurs de produits de la société France Tambour, laquelle n'avait pas établi de conditions générales de vente différenciées en fonction du chiffre d'affaires des grossistes, et que les conditions concédées à Auto Distribution et Star G/3G ne rémunérant pas des services spécifiques, la société SMEA était en droit d'en obtenir communication, la cour d'appel, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche : - Attendu que la société France Tambour fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en ce qui concerne les conditions particulières éventuelles qui ne seraient pas justifiées par la spécificité des services rendus, l'arrêt aurait dû non seulement formuler expressément dans son dispositif une communication expresse, mais également exiger que cette communication se fasse dans le respect des clauses de confidentialité, comme il est de règle lors de l'intervention de la Commission d'examen des pratiques commerciales en vertu de l'article L. 440-1 du Code de commerce figurant seul sous le chapitre préliminaire, intitulé "Dispositions Générales", gouvernant prioritairement les dispositions des articles L. 441-1 et suivants, dont l'article L. 441-6, relatifs à "La Transparence", ce dont faisaient clairement état les conclusions de France Tambour ; que l'arrêt est ainsi entaché encore d'un défaut de base légale caractérisé au regard des articles L. 440-1 et L. 441-6 du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le refus de France Tambour de communiquer les conditions de vente faites à Auto Distribution et Star G/3G ne saurait être justifié par les dispositions de l'article L. 441-6, 3e alinéa, du Code de commerce qui prévoit que ne sont pas soumises à l'obligation de communication édictée par l'alinéa 1er de ce même article les seules conditions particulières justifiées par la spécificité des services rendus par l'acheteur ; qu'ayant ainsi fait ressortir que, pour ce qui était des conditions particulières de vente qu'elle consentait à Auto Distribution et Star G/3G, la société France Tambour était soumise à l'obligation de communication édictée par les dispositions d'ordre public de l'article L. 441-6, 1er alinéa, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le deuxième moyen, pris en sa seconde branche ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.