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Décisions

Cass. com., 18 mai 2010, n° 09-12.763

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Papeteries du Rhin (SAS)

Défendeur :

Thorel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Laporte

Avocat général :

Mme Batut

Avocat :

Me Blondel

T. com. Marseille, du 16 nov. 2006

16 novembre 2006

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 novembre 2008), que le contrat d'agent commercial qui le liait à la société Papeteries du Rhin ayant été rompu, M. Thorel a assigné cette société en paiement d'indemnités de préavis et de cessation de contrat ;

Attendu que la société Papeteries du Rhin fait grief à l'arrêt, en écartant l'existence d'une faute grave de M. Thorel, de la condamner à lui payer certaines sommes alors, selon le moyen : 1°) que constitue une faute grave, de nature à priver l'agent commercial de toute indemnité lors de la cessation du contrat, le manquement par l'agent commercial à son obligation de loyauté, essentielle au mandat d'intérêt commun caractérisé par la commission d'actes de concurrence déloyale au détriment de son mandant ; qu'en l'espèce, la société Papeteries du Rhin démontrait que M. Thorel avait, après avoir obtenu de la société Papeteries du Rhin une offre de prix pour la commande de l'un de ses clients, transmis cette offre à la société Grégoire, concurrente de la société Papeteries du Rhin, en l'informant que le client était d'accord pour s'approvisionner auprès d'elle si elle s'alignait sur le prix proposé par la société Papeteries du Rhin; que pour exclure que ces faits fussent constitutifs d'une faute grave, la cour d'appel relève que M. Thorel avait, auparavant, apporté à la société Papeteries du Rhin la clientèle de la société Grégoire ; qu'en statuant ainsi, par des motifs tirés des relations antérieures de l'agent commercial avec la société Grégoire, impropres à justifier la décision, la cour d'appel viole les articles L. 134-3, L. 134-4 et L. 134-13 du Code de commerce ; 2°) que constitue une faute grave, de nature à priver l'agent commercial de toute indemnité lors de la cessation du contrat, le manquement de l'agent à son obligation de loyauté, essentielle au mandat d'intérêt commun, caractérisée par le fait d'avoir caché à son mandant l'exercice d'une activité parallèle à celle exercée pour le compte de ce dernier; qu'en excluant les faits reprochés à M. Thorel, qui avait proposé à la société Grégoire de s'aligner sur les prix proposés par la société Papeteries du Rhin pour remporter le marché qui devait être confié à cette dernière, sans rechercher si, comme la société Papeteries du Rhin le faisait valoir, celle-ci n'ignorait pas que M. Thorel avait maintenu une activité pour le compte de son concurrent pour des produits qui pouvaient concurrencer ceux qu'elle commercialisait elle-même, la cour prive sa décision de base légale au regard des articles L. 134-3, L. 134-4 et L. 134-13 du Code de commerce ; 3°) que le juge, pour apprécier si les manquements de l'agent commercial sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat sans indemnité, doit prendre en compte toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu'au jour de la décision; que la rupture de la convention d'agence n'est soumise à aucune condition de forme ; que pour refuser de tenir compte des faits reprochés à M. Thorel au titre de l'activité parallèle menée de façon déloyale pour le compte de la société Grégoire, postérieurs à l'assignation délivrée par l'agent commercial à son mandant, faits susceptibles de caractériser la faute grave privant l'agent commercial de toute indemnité compensatrice, la cour d'appel relève que la faute grave du mandataire a été invoquée a posteriori pour tenter de justifier les propres fautes du mandant ayant prétendument empêché l'agent commercial d'exécuter son mandat, et plus précisément que les faits litigieux n'ont pas été visés dans la lettre de résiliation; qu'en statuant par tels motifs, impropres à exclure que la faute reprochée à l'agent commercial ne suffise à justifier la résiliation sans indemnité, la cour d'appel prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-13 du Code de commerce, violé ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que lors de la cessation de la production de tube par la société concurrente Grégoire dont il était antérieurement l'agent commercial, M. Thorel avait apporté cette clientèle à la société Papeteries du Rhin, l'arrêt retient que l'information sur des prix pratiqués par sa mandante donnée par une télécopie fortuite transmise par l'agent à la société Grégoire n'est pas significative et ne peut à elle seule être constitutive d'une faute grave, d'autant que la société Papeteries du Rhin n'en a pas fait état dans sa lettre de résiliation adressée à M. Thorel neuf mois plus tard; qu'ayant ainsi écarté la poursuite d'une activité de représentation des produits de la société Grégoire par M. Thorel et relevé le caractère imprévu de l'échange d'information intervenu entre ces derniers qui pouvait s'expliquer par leur relations passées, et fait ressortir que cet unique manquement, que la société Papeteries du Rhin connaissait depuis plusieurs mois mais n'avait pas dénoncé lors de la résiliation du contrat, ne présentait pas une gravité suffisante pour priver l'agent de son droit à indemnité de cessation de contrat, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.