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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 1 juin 2010, n° ECEC1015989X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Canal 9 (SAS)

Défendeur :

Les Indépendants (GIE), Ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, Président de l'Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fossier

Conseillers :

Mme Jourdier, M. Gilland

Avoués :

SCP Bolling Durant Lallement, SCP Grappotte-Benetreau Pelit-Jumel

Avocats :

Mes Chapuis, Cohen, Pradelles

CA Paris n° ECEC1015989X

1 juin 2010

Faits, circonstances et procédure

Pour pouvoir participer au marché de la publicité nationale, la société Canal 9, qui exploite la radio "Chante France", a souhaité, en mai 2000, adhérer au GIE "Les Indépendants", qui regroupe 112 radios locales ou régionales (89 à l'époque de la décision litigieuse), détenant 480 fréquences sur l'ensemble de la France. Selon la société Médiamétrie, la part d'audience cumulée des adhérents a varié de 9.2 à 14.6 pour cent des auditeurs, entre novembre 2000 et octobre 2006 (comp. NRJ : 11.9 p.100 ; RTL: 12.2 p.100).

Canal 9 a adressé sa candidature en la forme requise au GIE le 6 novembre 2002.

Le GIE n'a pas fait connaître à Canal 9 si elle remplissait les conditions statutaires d'adhésion, en sorte que Canal 9 a saisi le Conseil de la concurrence le 19 décembre 2003.

Ayant reçu le 16 avril 2004 un rejet de sa candidature de la part du GIE, essentiellement motivé par la prise de contrôle de la requérante par le groupe Orbus (concurrent du GIE, classé en catégorie D, et par ailleurs actionnaire majoritaire de l'exploitant de la station Skyrock), Canal 9 a complété sa saisine du Conseil par mémoire du 9 juin 2004.

Il a été procédé à une évaluation préliminaire des préoccupations de concurrence, par le rapporteur général du Conseil, dont le rapport a été clos le 2 mai 2006. Cette évaluation préliminaire, faite selon les prescriptions du décret du 27 décembre 2005 pris pour l'application de l'article 10 de l'ordonnance du 4 novembre 2004, a conduit à identifier des préoccupations de concurrence concernant certaines dispositions statutaires du GIE ainsi que leur mise en œuvre.

Le Conseil en a déduit (voir notamment paragraphes 44, 46, 49, 50, 52 de sa décision) que les conditions d'adhésion et de maintien dans le GIE seraient susceptibles, au terme d'une instruction approfondie, d'être qualifiées d'entente ou d'abus de position dominante, dans la mesure où elles auraient pour objet ou pour effet d'empêcher l'accès de certaines radios locales au marché de la publicité nationale, dans des conditions pouvant être qualifiées de discriminatoires.

Le GIE, bien que n'ayant pas admis le caractère anticoncurrentiel des pratiques relevées, a proposé au Conseil de la concurrence des engagements qui ont subi, après examen - qualifié par Canal 9 de "négociations" - un certain nombre d'aménagements.

Par une décision n° 06-D-29 du 6 octobre 2006, le Conseil a, sur le fondement de l'article L. 464-2, I du Code de commerce, accepté les engagements présentés par le GIE Les Indépendants, leur a donné force obligatoire et a mis fin à la procédure au visa de l'article L. 464-2 du Code de commerce (version applicable à la cause).

Sur le recours de Canal 9, et par arrêt du 6 novembre 2007, la Cour d'appel de Paris (1° ch. H) a déclaré la société Canal 9 recevable en son recours, a confirmé la régularité de la procédure d'acceptation d'engagements, régie par l'article L. 464-2 C.com. (version applicable à la cause), en estimant notamment que l'évaluation préliminaire ne constitue pas un acte d'accusation au sens de l'article 6-1 de la convention ESDH, en sorte que la confusion prétendue entre la fonction d'instruction et la fonction de jugement, et la partialité prétendue du juge, ne sont pas des arguments recevables ou opérants en la cause. La cour a en outre rejeté le moyen tiré de l'inégalité des armes entre le requérant Canal 9 et le GIE mis en cause, invoquée à propos des "négociations" bilatérales qui se seraient déroulées entre l'enquête et la décision du Conseil. Elle a encore énoncé que le défaut de communication du rapport administratif de l'enquête et d'un avis, obligatoire en pareille matière, du Conseil supérieur de l'audiovisuel ne constituait pas une violation du principe contradictoire. Enfin, elle a, quant au fond (c'est-à-dire sur le point de savoir si les engagements répondaient aux préoccupations de concurrence relativement à la préservation des équilibres géographiques et quant à l'indépendance des adhérents), rejeté le recours.

La SAS Canal 9 s'est pourvue en cassation.

Par arrêt en date du 4 novembre 2008, la cour de cassation (chambre CFE) a :

- Sur l'impartialité, rejeté le pourvoi;

- Sur le contradictoire, cassé l'arrêt de la cour d'appel en énonçant : Lorsque la procédure d'engagements est mise en œuvre, les parties à la procédure doivent, sous réserve des dispositions de l'article L. 463-4 du Code de commerce, avoir accès à l'intégralité des documents sur lesquels s'est fondé le rapporteur pour établir l'évaluation préliminaire et à l'intégralité de ceux soumis au Conseil pour statuer sur les engagements ; il appartient à la cour d'appel, saisie par une partie d'une demande tendant à l'annulation de la décision du Conseil faute pour elle d'avoir eu accès à l'intégralité du dossier, de vérifier, au besoin d'office, si le défaut de communication de certaines pièces a porté atteinte à ses intérêts ;

Or, (pour rejeter le recours de Canal 9, la cour d'appel a énoncé que cette société) n'a pas donné suite à la faculté qui lui avait été offerte par la cour d'appel d'en obtenir communication, cette société ne saurait dès lors se plaindre d'une atteinte qu'elle a elle-même contribué à entretenir; En se déterminant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Par arrêt mixte du 6 octobre 2009, la Cour d'appel de Paris, 5°-7, a :

1° Sur le principe d'égalité des armes, dit que ce principe a été respecté, notamment dans la phase que critique Canal 9, et que son moyen doit être rejeté, comme il l'avait été dans l'arrêt du 6 novembre 2007 ;

2° Sur le principe contradictoire,

= dit que lorsque la procédure d'engagements est mise en œuvre, les parties à la procédure doivent, sous réserve des dispositions de l'article L. 463-4 du Code de commerce, avoir accès à l'intégralité des documents sur lesquels s'est fondé le rapporteur pour établir l'évaluation préliminaire et à l'intégralité de ceux soumis au Conseil pour statuer sur les engagements; qu'il appartient au contraire à la cour d'appel, saisie par une partie d'une demande tendant à l'annulation de la décision du Conseil faute pour elle d'avoir eu accès à l'intégralité du dossier, de vérifier, au besoin d'office, si le défaut de communication de certaines pièces a concerné également la partie mise en cause et porté concrètement atteinte au principe de la contradiction; que cette vérification impose la production des pièces litigieuses.

= Réservé tous autres moyens et les dépens.

C'est en cet état que l'affaire revient devant la cour. Les pièces litigieuses (rapport du CSA) ont été produites. Canal 9 expose que si ces pièces avaient été produites en temps voulu, sa défense aurait concrètement été différente de ce qu'elle a été et sans doute plus opérante. L'AdlC estime au contraire que les arguments exposés par Canal 9 devant la cour sont rigoureusement les mêmes que ceux que cette société articulait devant le Conseil, ce qui démontre que le rapport du CSA ne lui a nullement fait défaut et qu'il n'y a pas de violation des droits de la défense.

LA COUR,

Vu la décision n° 06-D-29 du 6 octobre 2006 du Conseil de la concurrence, relative à des pratiques mises en œuvre par le GIE Les Indépendants dans le secteur de la publicité radiophonique (ci-après, " la décision ") ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris (1re chambre, section H) le 6 novembre 2007 (RG n° 06-18379) ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation (Chambre financière et économique) le 4 novembre 2008 (pourvoi 07-21.275) ;

Vu l'arrêt avant dire droit rendu par la Cour de céans (pôle 5, chambre 5-7) le 6 octobre 2009 ordonnant la communication à la SAS Canal 9 et au GIE Les Indépendants du rapport d'enquête et d'un avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel (RG n° 08-21057);

Vu le mémoire récapitulatif en réplique de la société Canal 9 en date du 25 mars 2010, demandant à la cour de :

- dire la société Canal 9 recevable et bien fondée en ses observations;

- débouter le GIE Les Indépendants et l'Autorité de la concurrence de toutes leurs demandes, fins et conclusions;

- dire et juger que le Conseil de la concurrence, aujourd'hui Autorité de la concurrence, a violé le principe de la contradiction, pleinement applicable à la procédure d'engagements, à défaut pour le rapporteur général d'avoir offert aux parties l'accès au dossier de l'affaire avant l'adoption des engagements, privant ainsi la société Canal 9 de la possibilité de consulter notamment le rapport administratif d'enquête et l'avis du CSA du 13 juillet 2004 ;

- dire et juger que le défaut de communication du rapport administratif d'enquête et de l'avis du CSA a concrètement porté atteinte aux intérêts de la société Canal 9 ;

- en conséquence, annuler la décision n° 06-D-29 rendue le 6 octobre 2006 par le Conseil de la concurrence, et renvoyer l'affaire à l'Autorité de la concurrence pour reprise de l'instruction;

- condamner le GIE Les Indépendants à verser à la société Canal 9 la somme de 15 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et le condamner aux entiers dépens;

Vu le mémoire récapitulatif en réplique du GIE Les Indépendants en date du 26 mars 2010, demandant à la cour de :

- dire et juger que la non communication du rapport administratif d'enquête et de l'avis du CSA avant l'adoption des engagements n'a pas constitué une atteinte aux intérêts de la société Canal 9 et que, en conséquence, le Conseil de la concurrence n'a pas violé le principe du contradictoire;

- en conséquence, rejeter la demande d'annulation de la décision n° 06-D-29 du Conseil de la concurrence rendue le 6 octobre 2006 et de renvoi à l'instruction devant l'Autorité de la concurrence présentée par la société Canal 9 ;

- condamner la société Canal 9 à lui payer la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et la condamner aux dépens;

Vu les observations de l'Autorité de la concurrence, légalement substituée au Conseil de la concurrence, déposées le 23 février 2010 ;

Vu les conclusions écrites de Monsieur le Procureur général en date du 22 février 2010 ;

Ouï la SAS Canal 9, le GIE Les Indépendants, et les représentants de l'Autorité de la concurrence et de Monsieur le Procureur général à l'audience du 13 avril 2010, les parties ayant pu répliquer et eu la parole en dernier;

Sur quoi

Considérant que la société Canal 9 soutient qu'est consacré le droit de toutes les parties à la procédure d'engagements d'accéder à l'intégralité du dossier; que l'égalité de traitement entre les parties ne se substitue pas au principe contradictoire et qu'il ne suffit pas que les parties n'aient eu ni l'une ni l'autre accès au rapport d'administratif d'enquête et à l'avis du CSA ; que le principe contradictoire a nécessairement été violé dès lors que les parties n'ont pas pu exercer leur droit d'accès aux documents, peu important le fait qu'ils aient pu ne pas être nécessaires au Conseil pour fonder sa décision ou n'auraient fait que confirmer son analyse;

Que la violation du principe contradictoire a eu en l'espèce des effets concrets; qu'il ressort à ce sujet de la jurisprudence communautaire (Solvay, T-57-01) que l'entreprise doit seulement démontrer que les documents non communiqués auraient pu être utiles pour sa défense et, pour les éléments à décharge, qu'elle aurait pu en invoquer qui ne concordaient pas avec les déductions opérées par le Conseil et auraient donc pu influencer de quelque manière que ce soit les appréciations portées par ce dernier; que lorsque les documents sont communiqués pendant la phase juridictionnelle après l'adoption des engagements, il suffit à la requérante de prouver non pas que les engagements adoptés auraient été différents, mais simplement que les pièces non régulièrement communiquées auraient été simplement utiles pour sa défense, et auraient notamment permis d'invoquer des éléments qui ne concordaient pas; qu'en l'espèce le défaut de communication des pièces à l'occasion de la procédure devant le Conseil a concrètement porté atteinte aux droits de Canal 9 en tant que partie saisissante appelée à ce titre à faire valoir ses observations sur les engagements proposés; que les pièces auraient permis à Canal 9 de contester plus efficacement la pertinence de plusieurs engagements du GIE Les Indépendants;

Considérant que le GIE Les Indépendants soutient que les parties à la procédure ont eu accès dans les mêmes conditions au dossier, et que ni l'une ni l'autre n'ont eu accès aux documents litigieux; qu'il était de jurisprudence constante à l'époque des faits que le principe du contradictoire ne jouait pas pleinement pendant l'instruction et la procédure devant le Conseil tant que les griefs n'avaient pas été notifiés et, en tout état de cause, ne servait qu'à permettre à la partie destinataire des griefs, en l'espèce le GIE, de faire valoir ses droits; que le principe du contradictoire a été respecté dès lors que les deux parties ont eu accès à l'intégralité des pièces que la rapporteure et le Conseil ont utilisé pour aboutir à la décision, à savoir l'évaluation préliminaire et les observations des tiers sur la proposition d'engagements, et ont pu faire savoir leur point de vue régulièrement; qu'en effet, les pièces litigieuses n'ont été nécessaires ni à la rapporteure ni au Conseil pour fonder leur évaluation et décision respectives car elles ne faisaient que confirmer l'analyse retenue par l'évaluation préliminaire à laquelle les parties ont eu accès, les pièces litigieuses ne contenant aucune préoccupation de concurrence ou pratiques anticoncurrentielles autres que celles que retient l'évaluation préliminaire communiquée dès 2006 à la requérante; que la pertinence des engagements proposés ne devant s'apprécier qu'au regard du vice qu'ils ont vocation à purger, les documents régissant le fonctionnement du groupement avant la mise en œuvre de la décision, auxquels la requérante a eu accès, constituent la seule référence utile à l'appréciation de la pertinence des engagements;

Mais considérant que lorsque la procédure d'engagements est mise en œuvre, les parties doivent, sous réserve des dispositions de l'article L. 463-4 du Code de commerce, avoir accès à l'intégralité des documents sur lesquels s'est fondé le rapporteur pour établir l'évaluation préliminaire et à l'intégralité de ceux soumis par l'Autorité pour statuer sur les engagements;

Que dès lors, il convient premièrement d'écarter les arguments du GIE soutenant que le principe contradictoire n'a pas été violé au motif que les parties ont reçu communication des mêmes pièces, le complet respect de la contradiction commandant que toutes les parties à la procédure aient accès à l'intégralité des documents visés par la décision d'engagements;

Que deuxièmement, il ne convient pas, à ce stade du raisonnement consistant à déterminer si l'accès aux documents sur lesquels s'est fondé le rapporteur pour établir l'évaluation préliminaire et à ceux soumis par l'Autorité pour statuer sur les engagements a été intégral, d'apprécier l'utilité de ces pièces au regard des actes adoptés;

Considérant qu'en l'espèce, l'Autorité de la concurrence, simultanément avec la transmission des pièces litigieuses aux parties par lettre en date du 25 novembre 2009, a précisé que ces pièces n'avaient pas été communiquées aux parties au cours de la procédure suivie devant elle;

Que cependant, cette considération ne suffirait pas à la cour, saisie par une partie d'une demande tendant à l'annulation de la décision de l'Autorité faute pour elle d'avoir eu accès à l'intégralité du dossier, si elle ne pouvait s'assurer en outre de ce que le défaut de communication de certaines pièces a porté concrètement atteinte aux intérêts d'une des parties;

Considérant, sur l'identification de ces intérêts, que la procédure d'engagements ne vise point à emporter l'adhésion du plaignant dont les demandes pourraient excéder ce qui est strictement nécessaire au règlement des préoccupations de concurrence, mais uniquement à apporter une réponse satisfaisante de l'autorité à ces dernières; qu'il s'agit donc d'un outil de régulation, et non d'une procédure de sanction;

Qu'ainsi, l'intérêt des parties doit s'apprécier au regard de la mission de l'Autorité de la concurrence, ayant pour finalité la défense de l'ordre public économique, et ce dans l'intérêt général;

Considérant en conséquence que la défense de l'ordre public économique se concrétise dans les engagements eux-mêmes et leur capacité de remédier aux préoccupations de concurrence avant une notification des griefs marquant le début de la phase contentieuse devant l'Autorité;

Qu'ainsi, le défaut de communication de pièces en violation du principe contradictoire n'est susceptible de constituer une atteinte concrète à l'intérêt des parties que s'il est établi qu'en l'absence de cette irrégularité, les engagements n'auraient pas été adoptés ou auraient eu un contenu différent;

Que la société Canal 9 soutient que la communication des pièces litigieuses lui aurait permis de mieux se défendre sur trois points qu'il convient d'examiner successivement;

a- Sur le critère de la conservation des équilibres régionaux

Considérant que Canal 9 soutient que l'accès au rapport d'enquête de la DNECCRF et ses annexes ainsi qu'à l'avis du CSA lui aurait permis de démontrer que la conservation des équilibres régionaux n'a pas été le motif du refus d'adhésion du GIE, ni n'a été un critère d'éligibilité des autre radios candidates, puisqu'elle n'est en aucun cas un critère pertinent, les conditions de concurrence sur le marché de la publicité nationale ne justifiant nullement une telle restriction; que ces éléments n'avaient pas été mis en lumière par le rapporteur dans son analyse préliminaire;

Mais considérant qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'apprécier de manière particulière la nature et la pertinence des motifs du refus opposé à la demande d'adhésion de Canal 9 ;

Que de plus, ces arguments avaient déjà été soulevés par Canal 9, ou auraient pu l'être avant la communication des pièces, en se fondant sur des documents similaires que le rapport d'enquête confirme ; qu'ainsi Canal 9 avait déjà dénoncé l'application du critère de la conservation des équilibres régionaux à certaines candidatures, qu'elle considérait comme discriminatoire, ou le défaut de pertinence du critère; que de même, Canal 9 n'avait pas eu communication du "mode d'emploi 2004" adressé aux radios candidates avec le dossier de candidature à remplir et informant sur les conditions d'entrée au GIE Les Indépendants, document qui faisait référence à une condition " situation géographique " imprécise dont le rapport d'enquête faisait état, mais avait en sa possession le " mode d'emploi 2000 " strictement identique sur ce point et en conséquence la liberté de l'invoquer plus en amont dans la procédure;

Que le Conseil avait tenu compte de ces arguments en procédant à la modification des engagements initialement proposés par le GIE ; qu'en effet, Canal 9 avait relevé dans ses observations en date du 31 juillet 2006 que l'engagement initial proposant que le rapport entre l'audience cumulée de la région considérée et l'audience totale des Indépendants ne doive pas être sensiblement supérieur au rapport entre la population de cette région et la population de la France métropolitaine laissait au GIE une trop grande marge d'appréciation lui permettant éventuellement de faire une application arbitraire et discriminatoire du critère; que le Conseil avait en conséquence précisé que cette différence ne devait être supérieure à 5 points, et que dans le cas contraire, la radio candidate devait être inscrite sur une liste d'attente si elle remplissait les autres conditions d'éligibilité; que de même, Canal 9 critiquait déjà le critère de la conservation des équilibres régionaux en lui-même, le qualifiant notamment de "critère de circonstance" et d'"illusoire" ;

Qu'il est d'autant moins évident que la production du rapport d'enquête aurait pu permettre à Canal 9 de démontrer que les engagements pris n'étaient pas pertinents que certains éléments du rapport vont à l'encontre de ses considérations; qu'en effet, le rapport administratif d'enquête affirme notamment que le poids trop important de l'Ile-de-France dans le produit national Les Indépendants apparaît comme un motif de refus de sa candidature;

Que l'absence du critère de la conservation des équilibres régionaux dans les procès-verbaux du GIE traitant de la candidature de Chante France, dont fait état le rapport administratif, avait été pris en compte par le Conseil et donné lieu à un engagement de motivation des décisions de rejet des candidatures de la part du GIE ;

Qu'ainsi, il n'est pas démontré que la consultation du rapport aurait permis d'affirmer plus efficacement que l'engagement du groupement n'éliminait pas la préoccupation de concurrence portant sur ce point;

b- Sur le critère de l'indépendance vis-à-vis des réseaux nationaux

Considérant que Canal 9 soutient que le rapport d'enquête administrative contient plusieurs séries d'éléments qui contredisent radicalement la justification retenue par l'Autorité de la concurrence, à savoir que les assemblées générales du GIE ne traitaient pas de questions stratégiques à l'exception de la gestion du contrat de régie, que seuls les membres du GIE ont en principe accès aux AG et non pas les adhérents, et que les déclarations des experts du marché publicitaire contredisent radicalement la justification donnée par le GIE pour légitimer le critère de l'indépendance vis-à-vis des réseaux nationaux ; qu'elle aurait pu, si elle avait eu accès à ces informations absentes de l'évaluation préliminaire, être en meilleure position pour contester la pertinence de l'engagement du GIE relatif à cette condition d'adhésion et même demander au Conseil de la concurrence, conformément à l'article L. 463-7 du Code de commerce, d'entendre comme témoin les représentants des agences médias;

Mais considérant que Canal 9 avait déjà critiqué le critère de l'indépendance des réseaux nationaux avant la communication des pièces, ne faisant que réitérer des arguments qu'elle avait déjà fait valoir devant le Conseil et dont le Conseil avait d'ailleurs tenu compte en modifiant les engagements initialement proposés par le GIE Les Indépendants; qu'ainsi, l'accès au rapport administratif d'enquête ne lui aurait permis que de confirmer, au vu de la résolution adoptée en 2004 par l'assemblée générale du GIE sur la candidature de Chante France, la prise en compte par le GIE du fait qu'elle soit contrôlée par le groupe Orbus, ce qu'elle n'ignorait pas et qu'elle avait elle même revendiqué dans ses observations dès 2006 ; que de même, Canal 9 observant en 2006 que le critère d'indépendance vis-à-vis des réseaux nationaux n'excluait pas l'adhésion des réseaux nationaux eux-mêmes mais uniquement celle des radios qui auraient un lien direct ou indirect avec une société exploitant directement ou indirectement un réseau national, le Conseil avait modifié la proposition initiale d'engagements en décidant qu'un réseau national ne pouvait entrer dans le GIE ; que l'avis du CSA ne fait que confirmer ce que Canal 9 contestait sur ce point;

Qu'il n'est pas démontré que Canal 9 aurait été en mesure de mieux se défendre en faisant procéder à l'audition des représentants des agences médias, et ce d'autant plus que l'absence d'accès au rapport n'a pas privé Canal 9 de la possibilité de faire citer des témoins devant le Conseil de la concurrence;

c- Sur les dispositions relatives aux modalités de sortie du GIE

Considérant que Canal 9 soutient que si elle avait eu accès à l'avis du CSA et à ses annexes, elle aurait pu dénoncer le caractère totalement illusoire de l'engagement du GIE, car il démontre que ce dernier, par l'intermédiaire de ses fondateurs et au moyen de pactes d'actionnaires, use de montages juridiques destinés à empêcher certaines radios adhérentes de sortir du GIE dans le but d'éviter l'émergence d'un groupement concurrent; qu'elle aurait aussi pu contester l'efficacité de l'engagement concerné du GIE compte tenu de ses pratiques via la société Federi ; que ces éléments nouveaux importants auraient nécessairement permis à Canal 9 d'influencer la teneur de l'engagement validé par l'Autorité, et qu'ils sont des indices sérieux de l'existence d'une pratique anticoncurrentielle non relevés dans l'évaluation préliminaire;

Mais considérant que l'annexe 8 à l'avis du CSA ne contient qu'une analyse ponctuelle et hypothétique de ce dernier, auquel le CSA n'a pas jugé utile de se référer dans son avis, laissant présumer de l'impact mineur de l'annexe dans l'appréciation des engagements soumis au Conseil ; que l'existence de Federi ayant été considérée par le CSA lui-même comme mineur, il n'est pas démontré que si Canal 9 en avait eu connaissance, elle aurait conduit le Conseil, qui avait connaissance de l'existence de Federi, à ne pas accepter les engagements du GIE de supprimer la pénalité de 25 % au motif qu'il n'éliminait pas une des préoccupations de concurrence identifiées; que le CSA consacre principalement son avis à la durée du préavis de sortie et aux pénalités de sortie, qui ont été soumis au contradictoire dans l'évaluation préliminaire de la rapporteure, débattus devant le Conseil de la concurrence et examinés dans la décision d'engagements;

Considérant qu'il s'évince du tout qu'aucun des éléments avancés par Canal 9 sur les trois critères allégués ne permet d'affirmer que la communication du rapport administratif d'enquête, de l'avis du CSA et de ses annexes aurait conduit à une décision différente du Conseil sur les engagements; qu'il n'est donc pas établi que les intérêts de Canal 9 ait été concrètement atteints;

Que la persistance de la société Canal 9 dans sa procédure jusqu'au quatrième arrêt après la décision qui lui était défavorable, a occasionné au GIE Les Indépendants des frais de procédure importants, que la requérante devra répéter dans les termes du dispositif ci-après;

Par ces motifs, Rejette la demande d'annulation de la décision n° 06-D-29 du Conseil de la concurrence rendue le 6 octobre 2006 et de renvoi à l'instruction devant l'Autorité de la concurrence présentée par la société Canal 9 ; Condamne la société Canal 9 à payer au GIE Les Indépendants la somme de vingt mille (20 000) euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne la société Canal 9 aux dépens.