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Décisions

Cass. 2e civ., 20 mai 2010, n° 08-21.817

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Trois Rois immobilière (Sté)

Défendeur :

CPAM de Mulhouse, DRASS d'Alsace, URSSAF du Haut-Rhin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loriferne

Avocats :

Me Blondel, SCP Gatineau, Fattaccini

Colmar, du 23 oct. 2008

23 octobre 2008

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 octobre 2008), qu'à la suite d'un contrôle de la société Trois Rois immobilière (la société) portant sur les années 1998 à 2000, l'URSSAF du Haut-Rhin a requalifié en contrat de travail le mandat d'agent commercial de Mme X ainsi que l'activité exercée au sein de la société par Mme Y ; que la société a contesté ce redressement devant une juridiction de la sécurité sociale ;

Sur le deuxième moyen qui est préalable : - Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à l'URSSAF certaines sommes au titre des cotisations et majorations de retard, alors, selon le moyen : 1°) que le contrat de travail postule un lien de subordination ; qu'aucune conséquence ne saurait être déduite, quant à ce, de ce que le supposé salarié se serait prétendu cogérant et serait l'associé majoritaire de la société jugée employeur, ces éléments étant au contraire de nature à exclure le lien de subordination ; qu'à cet égard déjà, la cour d'appel viole les articles L. 121-1 et L. 120-3, devenus L. 1221-1 et L. 8221-6, du Code du travail ; 2°) que si l'URSSAF du Haut-Rhin a pu relever, tant dans sa lettre d'observations et dans la décision de sa commission de recours amiable, que dans ses conclusions d'appel, que Mme Z était l'associée majoritaire de la société Trois Rois immobilière et qu'elle s'était présentée comme étant la cogérante, à aucun moment ces faits et propos n'ont été imputés à Mme X, comme le retient pourtant la cour d'appel, d'où il suit qu'en se fondant sur des faits qui n'étaient pas dans le débat et dont l'affirmation repose sur une dénaturation des éléments du débat, la cour d'appel viole les articles 4 et 7 du Code de procédure civile ; 3°) que la société Trois Rois immobilière soulignait que Mme X supportait elle-même ses frais de téléphone portable, lequel constituait son principal outil de travail, compte tenu de la nature de son activité ; qu'en affirmant néanmoins que Mme Chantal X ne contestait que ses outils de travail étaient fournis par la société Trois Rois immobilière, la cour d'appel dénature de nouveau les termes du litige, violant l'article 4 du Code de procédure civile ; 4°) que la lettre d'observations de l'inspecteur de l'URSSAF, la décision de sa commission de recours amiable, ensemble les conclusions d'appel de l'URSSAF, révèlent que si les cartes de visite de Mme X avaient pu être facturées par l'imprimeur à la société Trois Rois immobilière, c'est bien Mme X, et non la société Trois Rois immobilière, qui avait réglé cette facture, d'où il suit qu'en affirmant que même les cartes de visite de Mme X avaient été réglées par la société Trois Rois immobilière, la cour d'appel viole, à cet égard également, les articles 4 et 7 du Code de procédure civile ; 5°) que le contrat de travail postule un lien de subordination, lequel ne saurait être déduit du seul accomplissement du travail dans un service organisé ; qu'en retenant, comme seul indice un tant soit peu concret du lien de subordination qu'elle a cru pouvoir déceler, la cour d'appel procédant pour le surplus par voie de simples affirmations, le fait que les rendez-vous de Mme X auraient été fixés et enregistrés sur son agenda en son absence, sans préciser, comme elle y était invitée, en quoi le fait que Mme Z, qui comme Mme X était agent commercial et n'était donc dotée à son endroit d'aucun pouvoir hiérarchique, avait pu inscrire en son absence des rendez-vous sur son agenda, était susceptible de caractériser le lien de subordination, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 121-1 et L. 120-3, devenus L. 1221-1 et L. 8221-6, du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel qui retient que Mme X occupait sans payer de loyer des locaux au siège de l'entreprise dont elle utilisait le matériel de bureau et de communication, qu'elle n'avait pas de clientèle propre et travaillait selon les instructions précises que lui donnait la société, qu'elle n'avait aucune faculté de modifier les prix de négociations qui lui étaient indiqués, qu'elle ne décidait ni des annonces ni des supports publicitaires et que même ses rendez-vous étaient fixés et enregistrés sur son agenda en son absence a, par ces seuls motifs, exactement décidé que l'intéressée n'exerçait pas une activité indépendante mais se trouvait dans un lien de subordination à l'égard de la société ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à l'URSSAF certaines sommes au titre des cotisations et majorations de retard, alors, selon le moyen : 1°) que depuis l'entrée en vigueur de l'article 23 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, la requalification d'un contrat d'agent commercial en contrat de travail n'opère pas rétroactivement et n'entraîne donc pas l'obligation, pour la personne dont la qualité d'employeur est reconnue, de s'acquitter des cotisations et contributions afférentes à la période d'activité écoulée avant la requalification, sans qu'il y ait lieu de distinguer à cet égard selon que la personne inscrite au registre des agents commerciaux dont le contrat a été requalifié s'est acquittée ou non de son obligation de cotiser dans le régime de sécurité sociale qui était alors le sien ; qu'en procédant néanmoins à cette distinction, absente de la loi qu'elle se devait de mettre en œuvre, la cour viole, par fausse interprétation, l'article L. 120-3, devenu l'article L. 8221-6, du Code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause ; 2°) que le paiement de rappel de cotisations prévu à l'article L. 120-3 (ancien) du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 97-210 du 11 mars 1997, constituait une sanction dont l'objet était de pénaliser le travail dissimulé, dès lors qu'il ne s'agissait pas seulement de régulariser la situation d'un salarié ayant, pour la période expirée, déjà cotisé dans un régime indépendant ; qu'il s'ensuit que le juge saisi d'une contestation portant sur un redressement opéré avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 n'en doit pas moins statuer au regard de la loi nouvelle, plus douce et comme telle immédiatement applicable ; que le recouvrement des cotisations dues par l'employeur n'est donc possible que pour la période postérieure à la requalification ; qu'en décidant le contraire, motif pris que Mme Chantal X n'avait jamais versé de cotisations, même au régime des travailleurs non salariés, la cour viole l'article L. 120-3, devenu l'article L. 8221-6 du Code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 2 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que les dispositions de la loi nouvelle invoquées par la société visent à ne pas exiger de l'employeur des cotisations au régime général de sécurité sociale pour un salarié, qui, avant la requalification du contrat, a déjà cotisé à un autre régime de sécurité sociale, la cour d'appel, qui relève que Mme X n'avait jamais versé de cotisations, même au régime des travailleurs non salariés en dépit de son immatriculation au registre spécial des agents commerciaux, en a justement déduit que le redressement opéré, qui ne constituait pas une sanction, était justifié ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le troisième moyen : - Vu l'article L. 121-1, devenu L. 1221-1 du Code du travail ; - Attendu que pour valider le redressement opéré par l'URSSAF du chef de Mme Y l'arrêt retient que l'intéressée était présente au siège de la société le 11 octobre 2000, qu'elle a répondu au téléphone et remis des clefs à un client, que la gérante statutaire a admis qu'il lui arrivait d'aider sa tante et qu'elle se trouvait ainsi placée à l'égard de la société dans un lien de subordination dans les mêmes conditions qu'une employée salariée ; qu'en se déterminant par des motifs insusceptibles de caractériser l'existence du pouvoir de la société de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de l'intéressée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Trois Rois immobilière à payer à l'URSSAF du Haut-Rhin des cotisations et majorations de retard incluant des sommes du chef de Mme Y, l'arrêt rendu le 23 octobre 2008, entre les parties, par la Cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Metz.