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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 2 décembre 2008, n° 08-03855

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Saint-Gobain Emballage (SA)

Défendeur :

Torelli (ès qual.), Schneid Recyclage (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bougon

Conseillers :

M. Legras, Mme Larsabal

Avoués :

SCP Labory-Moussie & Andouard, SCP Arsene-Henry, Lancon

Avocats :

Mes Delagrange, Pouzieux, Calmels

T. com. Cognac, du 25 mai 2007

25 mai 2007

Depuis 1973, Schneid d'abord en nom personnel, puis au travers de la SA Schneid, créée en 1994, exerce une activité de transport et de collecte de verres. En septembre 1993, il signe avec la société Saint-Gobain Emballage un contrat de ramassage et de transport de verre d'origine ménagère. Le contrat est signé pour cinq ans à compter du 1er septembre 1993 avec à l'échéance un renouvellement annuel par tacite reconduction, sauf dénonciation par recommandé avec accusé de réception trois mois avant la date d'échéance.

La SA Schneid est mise en redressement judiciaire le 27 septembre 2002 et en liquidation judiciaire le 31 octobre 2002. Maître Jean-François Torelli, ès qualités, est nommé en qualité de liquidateur.

Le liquidateur recherche la responsabilité de la société Saint-Gobain Emballage dans la déconfiture de la SA Schneid pour rupture brutale des relations commerciales établies et abus de l'état de dépendance économique. En réparation, il réclame la somme de 1 558 246,40 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 1 000 000 euro correspondant aux AZE non versées.

Saisi de la difficulté, le Tribunal de commerce de Cognac, prononce par jugement du 25 mai 2007, rejette le moyen de prescription soulevé par la société Saint-Gobain Emballage, déboute Maître Jean-François Torelli, ès qualités, de sa demande au titre des AZE, explique que la rupture du contrat est imputable à faute à la société Saint-Gobain Emballage et ordonne une expertise avec pour objet de faire l'analyse du contrat qui liait les parties, puis celle des trois bilans de la SA Schneid précédant la rupture contractuelle et d'évaluer la perte de chiffre d'affaires et de résultat net suite à la rupture du contrat passé par les parties avant de proposer un chiffre de base de dédommagement et un coefficient mensuel ou annuel d'application.

Autorisée par ordonnance du premier président en date du 27 septembre 2007, la société Saint-Gobain Emballage relève appel de cette décision. Aux termes de ses dernières écritures, elle conclut à la confirmation de la décision déférée qui déboute Maître Jean-François Torelli, ès qualités, de sa demande au titre des AZE. Elle explique que non seulement SA Schneid n'avait aucun droit à percevoir ces sommes mais surtout que l'action est irrecevable du fait de la renonciation à toutes réclamations de ce chef signée le 26 juin 2001 par le dirigeant en exercice de la SA Schneid. Par contre, elle poursuit l'infirmation de la décision qui lui impute à faute la rupture contractuelle, Elle reprend son moyen de prescription de l'action (un an s'agissant d'un contrat de transport). Elle voudrait que le rapport tronqué versé par l'adversaire soit écarté des débats. Plus subsidiairement, elle souligne les insuffisances de ce rapport établi sur des données recueillies d'une façon non contradictoire et conclut au débouté des prétentions de Maître Jean-François Torelli, ès qualités. Elle sollicite 30 000 euro pour frais irrépétibles.

Maître Jean-François Torelli, ès qualités, qui conclut au débouté des prétentions de la société appelante, poursuit la réformation de la décision déférée lorsqu'elle rejette sa demande au titre des AZE et demande la condamnation de l'appelante à lui verser de ce chef, sauf à parfaire, la somme de 1 000 000 euro, outre 6 000 euro pour frais irrépétibles.

Il explique que poussée par la société Saint-Gobain Emballage, la SA Schneid a procédé à de coûteux investissements entre 1998 et 2000 dont l'amortissement était envisageable sur une période de 5 à 7 ans, mais qu'au premier janvier 2000, sa partenaire lui a imposé, sans le moindre préavis, une réduction de 50 % des prix, désorganisant la société, de la même manière, la société Saint-Gobain lui a imposé, sans contrepartie, une baisse du prix du transport de calcin à compter du 21 juin 1999. Enfin, il reproche à la société Saint-Gobain d'avoir conservé les subventions AZE qu'elle aurait dû reverser au transporteur. Toutes manœuvres qui ont conduit la société Schneid au dépôt de bilan et à la liquidation judiciaire.

L'intimé fait valoir qu'en raison de la nature mixte du contrat (collecte et transport), le moyen de prescription est inopérant. Puis, après avoir rappelé l'ancienneté des relations qui existaient entre les parties, il entend démontrer que la décision prise par Saint-Gobain en janvier 2001 de réduire les prix, sans préavis, de 50 % est constitutif d'une rupture fautive des relations. Il explique également que la SA Schneid a été victime de sa dépendance économique puisqu'elle réalisait 70 % de son chiffre d'affaires avec Saint-Gobain.

Relativement aux subventions AZE, il fait valoir que le désistement devant le juge des référés dont se prévaut l'appelante ne peut s'analyser comme un désistement d'action et qu'en tout état de cause, il sera nul pour avoir été obtenu sous la menace de la résiliation de plusieurs marchés. Sur le fond, il soutient que les textes applicables aux contrats en cours désignaient le transporteur et non le verrier comme destinataire de la subvention.

Sur ce :

Le moyen de prescription.

Pour échapper au moyen de prescription soulevée par la société Saint-Gobain Emballage, le liquidateur fait valoir que le contrat conclu entre les parties n'est pas un contrat de transport, mais un contrat de "collecte et de transport", que le collecteur transporteur doit assurer la collecte du verre recueilli par les collectivités, son stockage et sa livraison avec un conditionnement assurant la qualité du verre livré et qu'en conséquence, il ne s'agit pas d'un contrat de transport soumis à la prescription abrégée de l'article L. 133-6 du Code de commerce.

Il ressort de son examen que le contrat signé par les parties le 20 septembre 1993 a pour objet (article 1) le ramassage et le transport des verres d'emballage d'origine ménagère achetés aux collectivités locales. La société Schneid assure le ramassage et le transport de ce verre. Le ramassage se fait aux moyens de véhicules appartenant à la société Schneid (article 3). La société Schneid s'engage à faire respecter la législation du travail et les prescriptions du Code de la route (article 4). La rémunération est effectuée à la tonne ramassée, transportée et livrée (article 6).

Par ailleurs, il ressort de l'examen du document "Evaluation de la SA Schneid" versé aux débats par le liquidateur que le matériel de la société Schneid est essentiellement composé d'engins de transport et que son personnel d'exploitation est quasi-exclusivement composé de chauffeurs ou de conducteurs.

De l'ensemble de ces éléments, il apparaît que l'activité principale de cette société est bien de déplacer de la marchandise d'un lieu à un autre (en l'occurrence des verres d'emballage d'origine ménagère) et que l'activité de collecte n'est que l'accessoire du contrat de transport.

Par voie de conséquence, la société Saint-Gobain Emballage est fondée à se prévaloir de la prescription abrégée de l'article L. 133-6 du Code de commerce. L'action du liquidateur introduite plus d'un an après la rupture du contrat est prescrite.

Les frais irrépétibles de la société Saint-Gobain Emballage seront arbitrés à la somme de 3 000 euro.

Par ces motifs, LA COUR, Déclare l'appel recevable en la forme, Infirme la décision déférée, Dit que le contrat liant les parties était un contrat de transport, Dit prescrite l'action de Maître Jean-François Torelli, ès qualités, Condamne Maître Jean-François Torelli, ès qualités, à payer à la société Saint-Gobain Emballage la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Maître Jean-François Torelli, ès qualités, aux entiers dépens, les répute frais privilégiés de la procédure collective SA Schneid et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.