Cass. soc., 2 juin 2010, n° 08-43.525
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
JG diffusion (Sté)
Défendeur :
Deuvletian
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Rapporteur :
Mme Sommé
Avocat général :
M. Aldigé
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Laugier, Caston
LA COUR : - Attendu selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 juin 2008), que M. Deuvletian a été engagé le 1er avril 1979 en qualité de VRP exclusif par la société de diffusion commerciale et hôtelière, devenue la société JG diffusion ; qu'il a exercé ses fonctions dans le cadre d'un contrat d'agent commercial du 1er juin 1994 au 30 mars 1999, puis à nouveau en qualité de VRP exclusif suivant contrat du 1er avril 1999 ; qu'invoquant divers griefs à l'encontre de son employeur, le 9 octobre 2006, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de demandes en paiement à caractère salarial et indemnitaire ;
Sur le premier moyen : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Deuvletian à ses torts à la date du 9 octobre 2006, alors, selon le moyen : 1°) qu'en l'absence de disposition du contrat de travail sur ce point, la société JG diffusion pouvait modifier les modalités de remboursement des frais exposés par M. Deuvletian ; qu'elle pouvait ainsi réduire le montant de la somme qui lui était versée au titre du remboursement de ses frais de déplacement, par suite notamment de la mise à disposition de celui-ci d'un véhicule de fonctions, ou subordonner ce remboursement à la production de justificatifs sans commettre de manquement à ses obligations contractuelles ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) qu'en se bornant à affirmer que la société JG diffusion n'établissait pas que M. Deuvletian ait commis des abus sans répondre aux conclusions qui lui étaient soumises dans lesquelles elle faisait valoir que "les justificatifs de frais fournis par le salarié présentaient bon nombre d'anomalies, et notamment : - que certaines de ces notes correspondaient à des repas du salarié et de son épouse dans de grands restaurants situés en dehors de son secteur géographique de prospection, notamment le week-end ; - que bon nombre de ces notes émanaient de l'établissement "L'Auberge des amis", petit client de l'entreprise, situé bien loin de toute zone d'activité (vers le col du Lautarey) et que la numérotation des factures se suivait alors que les repas pris au sein de cet établissement étaient réputés avoir été pris bien à plusieurs jours d'intervalle ! - que bon nombre des notes fournies portaient mention de bouteilles de champagne et faisaient état de plusieurs couverts sans indiquer le nom des personnes invitées", ce que le salarié ne contestait pas, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) qu'en l'absence de précision à cet égard du contrat de travail, la modification par l'employeur du montant d'une avance sur commissions ne constitue pas une modification du contrat de travail ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 4°) qu'en se prononçant de la sorte sans répondre aux conclusions d'appel de la société JG diffusion dans lesquelles elle faisait valoir que "M. Deuvletian a présenté cette demande par-devant le conseil de prud'hommes lors de l'audience de plaidoiries ; il n'a jamais adressé à l'employeur le moindre courrier quant au versement éventuel de cette indemnité et la cour constatera qu'elle ne figure pas sur le bordereau de saisine initiale de la juridiction ; ce grief allégué par le salarié ne pourra donc pas être pris en considération pour apprécier le bien-fondé de la demande de résolution judiciaire", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que la prise d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur ; qu'en prononçant la résiliation du contrat de travail de M. Deuvletian aux torts de la société JG diffusion à la date du 9 octobre 2006, date de la demande, la cour d'appel a violé les articles L. 122-4, devenu L. 1231-1, du Code du travail, 1134 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'appréciant souverainement les éléments de faits et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a retenu que les faits invoqués par le salarié, relatifs à la suppression de son indemnité de frais de déplacement, à la modification de son mode de rémunération et au défaut d'indemnisation de ses périodes d'absences pour rechute d'un accident de travail, étaient établis et justifiaient la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
Attendu, ensuite, que la société JG diffusion n'a jamais contesté avoir remplacé son salarié dès septembre 2007 et n'a développé aucun moyen quant à la date de la résiliation du contrat de travail ; d'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit est irrecevable en sa dernière branche et mal fondé pour le surplus ;
Sur le quatrième moyen : - Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. Deuvletian une certaine somme à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen : 1°) que l'ancienneté à prendre en considération pour se prononcer sur l'indemnisation d'un salarié dont le licenciement est déclaré abusif est celle résultant du contrat de travail au cours duquel le licenciement est intervenu ; qu'en se prononçant de la sorte après avoir constaté que le second contrat de travail de M. Deuvletian était séparé du premier par une période de cinq années durant laquelle M. Deuvletian n'avait pas été lié à la société JG diffusion par un contrat de travail, le contrat de travail initial ayant pris fin à cette occasion, mais par un contrat d'agent commercial, contrat de mandat, qu'il avait exercé à titre indépendant, de sorte que seul ce second contrat de travail pouvait être pris en considération à cet égard, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-5, du Code du travail, ensemble l'article L. 134-1 du Code de commerce ; 2°) qu'en toute hypothèse, en retenant une ancienneté de vingt-sept ans, correspondant à la période du 1er avril 1979 au 9 octobre 2006, la cour d'appel, qui a ainsi alloué à M. Deuvletian des dommages-intérêts au titre d'une période de cinq années durant laquelle il n'était pas salarié de la société JG diffusion, a derechef violé l'article L. 1235-5, du Code du travail, ensemble l'article L. 134-1 du Code de commerce ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que si entre le 1er juin 1994 et le 1er avril 1999, M. Deuvletian, qui avait été engagé en 1979, avait vu son statut de VRP transformé en celui d'agent commercial, en fait, il n'avait jamais cessé d'exercer son activité de manière similaire en se conformant aux instructions de son employeur ; qu'elle en a déduit à bon droit que son ancienneté au service de la société JG diffusion, en qualité de salarié, était de vingt-sept ans et non de six ans ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième, troisième, cinquième et sixième moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi : Rejette le pourvoi.