CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 24 mars 2010, n° 07-21568
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Callinago Invest (SNC), Philippot (ès qual.)
Défendeur :
SFRI (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zavaro
Conseillers :
Mmes Thevenot, Beaussier
Avoués :
SCP Goirand, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mes Masson, Lacombe Brisou
La SNC Callinago Invest qui regroupe des investisseurs recherchant le bénéfice de défiscalisation, a acquis en 2001 un ensemble immobilier en Guadeloupe destiné à l'exploitation hôtelière. Le fonds de commerce a été acquis par une société Innodev dont les associés sont les mêmes que ceux de Callinago Invest. La société Innodev était gérée par Mademoiselle Shiltz;
La société Callinago Invest a confié à la société SFRI, gérée par M. Shiltz père de Mademoiselle Shiltz, la fourniture de matériaux et des travaux d'aménagements sans marché écrit.
Une partie des factures est demeurée impayée.
Par jugement du 30 octobre 2007 le Tribunal de commerce de Paris a condamné la société Callinago Invest à payer à la société SFRI une somme principale de 369 443 euro à ce titre, avec intérêts depuis le 3 juin 2005 au taux conventionnel de 5 % et a rejeté la demande de délais de la société Callinago Invest.
Le tribunal a retenu qu'il n'était pas démontré de conflit d'intérêts entraînant l'inopposabilité de la convention de travaux aux associés de Callinago Invest, que les pièces produites sur les désordres allégués ne justifiaient pas l'organisation d'une expertise, qu'il n'était pas démontré l'existence de marges dissimulées sur les facturations de SFRI.
La SNC Callinago Invest a fait appel le 17 décembre 2007.
Son gérant ayant démissionné, un administrateur provisoire Maître Philippot, a été nommé le 29 juillet 2009.
Dans leurs conclusions du 17 décembre 2009 la société et son administrateur demandent à la cour de réformer le jugement et de débouter la société SFRI, subsidiairement de la débouter de sa demande d'intérêts, ainsi que de sa demande d'anatocisme, et de la condamner au paiement de la somme de 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses conclusions du 21 octobre 2009 la société SFRI demande à la cour la confirmation du jugement en ce qui concerne la somme principale de 369 443 euro mais forme appel incident sur les intérêts et demande à titre principal de ce chef une somme de 245 717,56 euro sur le fondement de l'article 441-6 du Code de commerce en sa rédaction au 15 mai 2001, à titre subsidiaire la somme de 147 845,45 euro sur le fondement du taux conventionnel de 5 % puis au taux légal majoré à compter du 9 septembre 2008, ainsi que la capitalisation des intérêts.
Elle réclame en outre une somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 13 448,27 euro et 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Motifs de la décision :
Sur l'existence de la créance :
Contrairement à ce que soutient la société Callinago Invest, la société SFRI établit la réalité et le montant de sa créance par la production des pièces suivantes émanant de la société Callinago Invest:
- le bilan comptable et fiscal arrêté au 31 décembre 2004, dressé par l'expert-comptable Comexcom, qui mentionne en page 11 deux dettes envers SFRI à hauteur de 7 689 euro et de 361 254 euro,
- les annexes aux comptes annuels dressés par ce même expert à la même date qui en fait état page 9,
- l'extrait du bilan passif détaillé dressé par le même expert-comptable pour l'exercice clos au 31 décembre 2005 qui mentionne les mêmes dettes,
- la déclaration signée de la société Audit France, commissaire aux comptes, qui le 5 décembre 2005 affirme que, au 31 décembre 2004 la société Callinago Invest devait à la société SFRI la somme de 369 442,30 euro,
- le procès-verbal d'assemblée générale de la société qui, le 30 juin 2006, a approuvé les comptes arrêtés au 31 décembre 2005.
Cette créance sera donc retenue à hauteur de la somme principale de 368 943 euro figurant dans les comptes, le surplus indiqué par le commissaire aux comptes n'étant pas autrement justifié.
Sur la demande d'inopposabilité de la créance à la société Callinago Invest:
La société Callinago Invest verse aux débats divers documents relatifs au rôle ayant pu être joué par Robert Shiltz au sein de la société Innodev, mais cette société Innodev est distincte de la société Callinago Invest, même si les associés en sont pour partie les mêmes, et la créance ne concerne pas la société Innodev.
En ce qui concerne le rôle ayant pu être joué par Robert Shiltz, gérant de la société SFRI, au sein de la société Callinago Invest, il est produit divers courriels qui tous sont datés de 2008 et se rapportent à des opérations de 2007 et 2008, période bien postérieure à celle de 2003-2004 à laquelle est née la créance litigieuse.
Aucun élément ne permet de retenir qu'entre 2003 et 2005 le gérant de SFRI a exercé la gérance de fait de Callinago Invest.
Par conséquent les opérations conclues entre ces deux sociétés à cette époque ne peuvent être déclarées inopposables à la société Callinago Invest.
Sur les intérêts de la créance :
La société SFRI sollicite que les intérêts soient calculés au taux de 5 % de la date de la facture + 30 jours jusqu'au 30 juin 2005 et au taux prévu par l'article L. 441-6 du Code de commerce en sa rédaction de 2001 applicable à l'espèce ensuite.
Cet article dispose que 'les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à une fois et demie le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de financement la plus récente majoré de 7 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire ".
Ce texte est destiné à régir les conditions générales de vente entre professionnels, à assurer la transparence tarifaire et éviter les pratiques discriminatoires. Les parties ne peuvent arguer d'un défaut de prévision contractuelle de pénalités pour se soustraire aux dispositions d'ordre public de ce texte légal. Il en résulte que, les parties n'ayant pas établi en l'espèce de convention écrite, les pénalités qui sont dues sont celles prévues à défaut de toute autre, soit celles calculées suivant le taux d'intérêt appliqué par la BCE comme précisé par l'article L. 441-6 du Code de commerce.
La société Callinago Invest, selon les procès-verbaux d'assemblée générale du 29 juin 2004 a pris acte que la société SFRI donnait son accord au gel de sa créance de 367 254 euro jusqu'au 30 juin 2005, et que la créance porterait intérêts au taux de 5 %.
Compte tenu de ces éléments, du fait que des paiements partiels sont intervenus, du montant total impayé retenu, du fait que les comptes entre parties n'ont été arrêtés qu'à compter du 31 décembre 2003, il y a lieu de dire que la somme de 368 943 euro portera intérêts au taux de 5 % l'an du 1er janvier 2004 au 30 juin 2005 et au taux fixé par l'article L. 441-6 du Code de commerce ensuite et jusqu'au jour du présent arrêt, sauf paiement préalable.
La capitalisation des intérêts est de droit lorsqu'elle est demandée mais le point de départ des intérêts capitalisés ne peut être antérieur à la demande de capitalisation; celle-ci a été faite pour la première fois par les conclusions d'appel du 1er décembre 2008.
Il n'est pas établi que la résistance au paiement de la société Callinago Invest ait revêtu un caractère abusif seul susceptible d'entraîner une indemnisation.
Au titre de l'article 700 du Code de procédure civile il y a lieu d'allouer une somme de 10 000 euro à la société SFRI pour l'ensemble de ses frais.
Par ces motifs, LA COUR, - infirme le jugement et statuant à nouveau, - condamne la société Callinago Invest à payer à la société SFRI la somme de 368 943 euro en deniers ou quittances avec intérêts au taux de 5 % du 1er janvier 2004 au 30 juin 2005 et avec intérêts au taux d'intérêt pratiqué par la banque centrale européenne à son opération de financement la plus récente majoré de sept points de pourcentage pour la période du 1er juillet 2005 au jour du présent arrêt; - ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 1er décembre 2008 dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil; - déboute la société SFRI de sa demande de dommages-intérêts; - condamne la société Callinago Invest aux dépens et au paiement à la société SFRI d'une somme de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel; - autorise le recouvrement des dépens par les avoués de la cause dans les conditions prévues par l'article 699 du Code de procédure civile.