CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 29 janvier 2010, n° 08-22874
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Magnetic Planet (SARL)
Défendeur :
Carrefour France (SAS), CSF (SAS), Jourdain et fils (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Girardet
Conseillers :
Mmes Darbois, Saint-Schroeder
Avoués :
SCP Bommart-Forster-Fromantin, Me Pamart, SCP Gerigny-Freneaux
Avocats :
Mes Lampe, Moreau-Margotin, Grasset
LA COUR,
La société Magnetic Planet expose être titulaire de droits d'auteur sur six modèles de vache stylisés de façon humoristique, qu'elle a par ailleurs déposés à l'INPI, le 20 mars 2000, sous le n° 001 738.
Elle fut informée de la commercialisation par les magasins Carrefour (notamment celui situé à Aulnay-sous-Bois) dont le fournisseur est la société Jourdain & Fils, de modèles identiques, selon elle, à ceux sur lesquels elle déclare détenir les droits précités.
Elle fit procéder, le 27 mai 2003, à des opérations de saisie-contrefaçon dans le magasin Carrefour sis à Aulnay-sous-Bois et dans celui d'Ivry-sur-Seine le 26 février 2004.
Puis, elle assigna au fond la société Carrefour et la société Jourdain & Fils, ci-après Jourdain, devant le Tribunal de commerce de Bobigny, en contrefaçon et en concurrence déloyale. Ayant appris que la société CSF commercialisait les mêmes modèles dans ses magasins à l'enseigne Champion, elle appela cette dernière en intervention forcée.
Par jugement en date du 29 septembre 2006, le tribunal a validé les opérations de saisie - contrefaçon du 27 mai 2003 mais a annulé celles du 26 février 2004; il a également rejeté les demandes formées contre la société CSF, mais a retenu que les sociétés Jourdain et Carrefour Hypermarchés France avaient commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur et de dessins et modèles pour ce qui concerne le seul modèle n° 6 ; il a prononcé les mesures d'interdiction, de confiscation et de publication d'usage, et a condamné les sociétés Carrefour Hypermarchés France, ci-après Carrefour, et Jourdain à verser à la société Magnetic Planet la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts 'en réparation de l'atteinte portée à la valeur patrimoniale du modèle déposé n° 6 et du préjudice commercial'.
A la suite de cette décision, la société Magnetic Planet a fait procéder à des opérations de saisie complémentaires :
- le 4 mai 2007, au siège de la société Jourdain,
- le 4 mai 2007, au siège de la société CSF,
- le 9 mai 2007, au siège de la société Carrefour;
Vu les dernières écritures de la société Magnetic Planet en date du 11 mars 2009, qui soutient que les opérations de saisie-contrefaçon n'encourent pas les griefs que formulent les intimées pour en solliciter l'annulation, qu'elles rapportent toutes la preuve de la contrefaçon des six modèles opposés ainsi que des actes de concurrence déloyale ; elle soutient que chaque modèle est habile à recevoir la protection qu'elle revendique, avant de conclure à la condamnation solidaire des sociétés intimées à lui verser les sommes de 380 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et de 50 000 euro en réparation de son préjudice moral;
Vu les dernières écritures en date du 27 octobre 2009 de la société Carrefour France venant aux droits de la société Carrefour Hypermarchés France, ci-après Carrefour, et de la société CSF qui soulèvent tour à tour la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon en date des 27 mai 2003, 26 février 2004 et 9 mai 2007, soutiennent que les premiers juges ont à bon droit dit que la preuve de la commercialisation par la société CSF des modèles litigieux n'était aucunement rapportée, qu'en tous cas ces modèles ne sont pas éligibles à la protection par le droit d'auteur, que les modèles déposés sont nuls et que l'action en concurrence déloyale est mal fondée, avant de conclure que l'appelante ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle allègue et que le caractère abusif de cette procédure commande de condamner la société Magnetic Planet à leur verser la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts ; subsidiairement, la société Carrefour sollicite la condamnation de la société Jourdain à la garantir;
Vu les conclusions de la société Jourdain qui soulève également la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon en date des 27 mai 2003 et 26 février 2004, fait valoir que les modèles de vache sont dénués d'originalité et de caractère propre et ne peuvent nullement donner lieu à un droit exclusif et, subsidiairement, que l'appelante se méprend sur le calcul de son préjudice, lequel, à le supposer établi, ne pourrait être réparé que par le versement d'une somme de 1 377 euro.
Sur ce,
Sur la validité des opérations de saisie-contrefaçon
Sur la validité des opérations de saisie-contrefaçon effectuées le 27 mai 2003 dans l'établissement Carrefour d'Aulnay sous Bois
Considérant que pour solliciter l'annulation de ce procès-verbal, les intimées font valoir qu'il ne comporte aucune mention permettant d'identifier l'huissier instrumentaire et que, n'ayant été signifié que le lendemain, la mention du nom de l'huissier (O. Lasserre) figurant au bas de l'acte de signification ne permet pas d'en déduire que ce même officier ministériel aurait procédé aux opérations attaquées.
Considérant en effet que le procès-verbal de saisie-contrefaçon ne mentionne en tête de l'acte que la SCP dans les termes suivants:
"Nous, Philippe Claude Bernard Trennec et Olivier Frédéric Lasserre, Huissiers de justice associés de la SCP Philippe Trennec et Olivier Lasserre,... représentée par l'un d'eux";
Qu'en bas de l'acte est portée la mention 'Et tout ce que dessus, j'ai fait et dressé le présent procès verbal' sans que celle-ci soit suivie d'une signature ; qu'un troisième feuillet intitulé 'signification de l'acte', porte la signature de, semble-t-il, Olivier Lasserre ;
Que la présence de cette signature est cependant inopérante car l'acte a été signifié le lendemain par acte séparé et que toutes les mentions de ce feuillet ont été barrées sauf l'intitulé, en sorte que l'on ne peut identifier à quoi se rapporte le paraphe;
Considérant que le procès-verbal ne comporte donc pas les mentions permettant d'identifier l'huissier qui l'a dressé et viole ainsi les prescriptions de l'article 648, 3°, du Code de procédure civile qui doivent figurer à peine de nullité sur tout acte d'huissier de justice;
Qu'il s'agit d'une nullité de fond qui fait nécessairement grief au saisi puisqu'elle ne lui permet pas de vérifier la qualité de la personne qui a instrumenté.
Qu'il convient en conséquence d'annuler le procès-verbal du 27 mai 2003.
Sur la validité du constat d'achat du 26 février 2004
Considérant que l'appelante se fonde par ailleurs sur le constat d'achat qu'elle a fait dresser dans les établissements Carrefour d'Ivry-sur-Seine ;
Qu'aux termes de cet acte, l'huissier a pénétré dans le magasin, a procédé à l'achat d'un produit offert à la vente, a précisé les références du modèle acquis ('vache 002') et le rayon où il était offert à la vente ; qu'il a en outre décrit les traits et annexé au procès-verbal le ticket de caisse et la photo du modèle déposé dont l'exemplaire acquis serait la contrefaçon ;
Or considérant que l'huissier ne peut procéder à des opérations de constat que depuis un lieu public que quand bien même ce magasin est-il largement ouvert au public comme le fait valoir l'appelante, il demeure qu'il s'agit d'un lieu privé dans lequel l'huissier ne pouvait s'introduire à l'insu de la société Carrefour pour procéder aux dites constatations, sans y avoir été préalablement autorisé par le Président du tribunal de grande instance ou son délégataire ;
Que, dès lors, c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont annulé le procès-verbal de constat du 26 février 2004.
Sur le procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 4 mai 2007
Considérant que les opérations se sont déroulées dans les locaux de la société Jourdain et donnèrent lieu à la saisie de 15 modèles de vaches dont il contrefont, selon l'appelante, les modèles sur lesquels elle fonde ses prétentions.
Considérant que la société Jourdain qui a sollicité en vain la rétractation de l'ordonnance du 5 février 2007 rendue par le Président du Tribunal de grande instance de Béthune, fait seulement valoir au soutien de ses prétentions d'une part, que la requête était trop invasive et porterait atteinte à ses droits car elle visait toute recherche comptable nécessaire à l'établissement de l'importance du préjudice, et d'autre part, que le procès-verbal de saisie-contrefaçon devrait être annulé car le saisi ne s'en est pas vu remettre une copie à l'issue des opérations.
Mais considérant que si la société Jourdain entend poursuivre l'annulation de l'ordonnance précitée, ce que le dispositif de ses écritures ne mentionne pas, force est de souligner que cette prétention se heurte à l'autorité de la chose jugée par la Cour d'appel de Douai qui par arrêt du 27 mai 2008 a rejeté le moyen en excluant du champ des opérations litigieuses, les constatations utiles à la démonstration du préjudice;
Que par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Jourdain, aucune disposition légale n'impose à l'huissier de remettre au saisi, à peine de nullité, une copie du procès-verbal immédiatement, à l'issue des opérations.
Que la demande d'annulation de ces opérations sera rejetée.
Sur le procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 9 mai 2007 au siège de la société Carrefour Hypermarché France
Considérant que la société Carrefour sollicite l'annulation du procès-verbal de saisie aux motifs que l'appelante a été autorisée par ordonnance sur requête du Président du Tribunal de grande instance d'Evry à faire procéder à cette saisie alors qu'elle avait omis de préciser qu'une procédure d'appel était en cours, et qu'elle devait présenter sa requête au juge déjà saisi de l'instance au fond, conformément aux dispositions de l'article 812 alinéa 3 du Code de procédure civile ;
Que l'appelante lui oppose en substance que n'ayant pas sollicité la rétractation de cette ordonnance, elle serait irrecevable en ses demandes d'autant que la déclaration d'appel était jointe à la requête, et que l'article 812 du Code de procédure civile ne peut recevoir application en présence d'un texte spécial, l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle en l'espèce, qui donne compétence au Président du tribunal de grande instance pour autoriser la saisie.
Mais considérant qu'il est loisible à la société Carrefour de soulever la nullité des éléments de preuve qui lui sont opposés quand bien n'a-t-elle pas agi en rétractation de l'ordonnance autorisant la saisie ;
Que par ailleurs, l'article 958 du Code de procédure civile relatif à l'instance d'appel (et non l'article 812 alinéa 3 invoqué à tort alors que le tribunal était déjà dessaisi lorsque la requête a été présentée par la société Magnetic Planet) qui dispose que " le premier président peut, au cours de l'instance d'appel, ordonner sur requête toutes mesures urgentes relatives à la sauvegarde des droits d'une partie ou d'un tiers lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ", a une portée générale à laquelle les dispositions de l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle ne peuvent déroger;
Que dès lors que la juridiction est saisie au fond, seul l'article 958 du Code de procédure civile est applicable.
Considérant en conséquence qu'il convient d'annuler les opérations querellées qui ont été autorisées par ordonnance du Président du tribunal de grande instance alors que la cour d'appel était saisie de l'appel formé contre la décision déférée.
Sur les droits de la société Magnetic Planet
Sur les droits de dessins et modèles
Considérant que la société Magnetic a déposé le 20 mars 2000 à l'INPI sous le n° 00 1738, six modèles de figurines représentant, dans un style humoristique, une vache présentée dans diverses positions dont les caractéristiques sont les suivantes :
- couleur blanche, hormis 4 taches noires irrégulières,
- sabots noirs,
- toupet noir sur le sommet du crâne,
- yeux noirs grand ouverts sur des orbites rosées,
- deux petites narines rosées et une bouche rosée fine, longue et souriante,
- oreilles rosées en leur intérieur,
- cornes grises, noires à la base,
- plumeau de queue noir, cette queue n'étant pas séparée du reste du corps,
- absence de pis.
Considérant que les six modèles déposés représentent l'animal tantôt debout, la tête relevée en avant, tantôt couché les pattes repliées, ou avec une patte dépliée et deux vaches dont le museau de l'une repose sur le dos de l'autre.
Considérant qu'en raison de la date de leur dépôt, c'est au regard de la loi ancienne que doit être appréciée la validité de ces modèles, loi qui faisait de la nouveauté la condition cardinale de la validité ; que cette nouveauté supposait cependant que soit également reconnu le caractère arbitraire des formes dont la protection était sollicitée.
Considérant en l'espèce que les intimées font valoir au soutien de leur demande d'annulation, que cette représentation humoristique de vaches appartient à un genre qui faisait flores bien avant l'année 2000 comme en attesterait un site Internet consacré exclusivement aux vaches www.vacheandcow.com ou des marques figuratives antérieures;
Mais considérant que les pièces produites par les intimées sont soit non datées soit, comme les pages écrans extraites du site précité, portent une date (2005) postérieure à celle du dépôt, étant observé en outre que les vaches présentées sur ces pages sont figurées le plus souvent avec deux ailes, ou en 'suspension'.
Que pour ce qui concerne les marques figuratives déposées en 1992, il s'agit d'un dessin qui ne donne à voir qu'une vache de face avec ni les mêmes yeux, ni les mêmes narines ni les mêmes cornes, en sorte que ces antériorités sont inopérantes.
Considérant que la demande d'annulation du dépôt n° 00 1738 ne peut dès lors qu'être rejetée.
Considérant que s'agissant de l'originalité contestée de ces six modèles dont la protection est aussi recherchée sur le fondement du droit d'auteur, il sera relevé que l'animal est représenté sous une forme très stylisée, avec des rondeurs fortement accentuées, et des mimiques ou des attitudes amusantes qui sont plutôt celles que l'on attend d'un animal de compagnie ; que les proportions, les couleurs, les volumes et le style de ces modèles qui déclinent six attitudes différentes, en font des objets dont la prétention est décorative et qui reflètent l'empreinte et la démarche personnelle de leur créateur.
Considérant en effet qu'aucune pièce n'est versée aux débats pour attester que ces créations ne seraient qu'une variante d'un genre préexistant.
Sur les actes de contrefaçon
constatés chez la société Jourdain
Considérant que les opérations de saisie-contrefaçon effectuées le 4 mai 2007 ont permis de constater que la société Jourdain commercialisait sous trois références distinctes correspondant à la taille des modèles, des exemplaires de vaches représentées debout, la tête en l'air, couchées avec la tête dépassant du support, dans le vide, couchées avec le museau de l'une reposant sur le dos de l'autre, couchées avec la patte arrière droite dépassant de son support, assises sur leurs pattes arrière;
Qu'il est constant que ces modèles sont la reproduction des modèles déposés et que la société Jourdain était le fournisseur d'enseignes de grande distribution.
Considérant que la société Jourdain ne saurait utilement soutenir que l'huissier n'aurait trouvé que trois références alors que ses constatations qui sont reprises ci-dessus et qui ne sont pas arguées de faux, démontrent que les six modèles sont reproduits et que des petits, moyens et grands modèles étaient commercialisés.
reprochés à CSF
Considérant que les premiers juges ont examiné les pièces produites et en ont conclu qu'elles ne rapportaient pas la preuve de la vente de modèles identifiables
Considérant qu'ils ont en effet relevé que les tickets de caisse portant la mention 'vache MM' ou encore les attestations qui font état de propos rapportés par des clientes, étaient insuffisants en raison de leur imprécision, à établir la preuve des actes allégués;
Qu'en cause d'appel, l'appelante fait état du procès-verbal de Me Courieult du 4 mai 2007, qui n'aboutit cependant qu'à la communication de numéros de marchandises, sans aucune indication ou description de la nature des produits visés;
Considérant que la preuve des faits incriminés n'est dès lors pas plus rapportée en cause d'appel.
constatés dans les magasins Carrefour
Considérant que les procès-verbaux des saisies-contrefaçon opérées dans ces établissements ayant été invalidés pour les motifs sus exposés, la société Magnetic Planet verse aux débats deux factures d'achats effectués dans les magasins Carrefour de Châteauroux et de Goussainville, portant comme mention: 'vache GM';
Que ces éléments ne sont pas plus que pour la société CSF, et pour les mêmes motifs, de nature à établir la réalité des actes de contrefaçon.
Sur les actes de concurrence déloyale
Considérant que la société Jourdain était une cliente de la société Magnetic Planet et s'était approvisionnée auprès de cette dernière pendant l'année 2000, en négociant avec elle l'obtention de prix avantageux pour plusieurs des modèles en cause, dans différentes tailles sous les références 30 506 et suivantes;
Qu'elle a ainsi fait l'acquisition de plus de 7 000 exemplaires au cours du quatrième trimestre de l'année 2000 avant de les faire reproduire par un façonnier en Chine en septembre 2002 ;
Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont relevé que par la réalisation et la vente des copies, la société Jourdain avait non seulement commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur et de dessins et modèles, mais encore qu'elle avait détourné la clientèle de l'appelante par un moyen déloyal en faisant croire aux acheteurs que les deux produits avaient la même origine ;
Qu'elle a ainsi trompé la confiance de l'appelante en se servant de la connaissance qu'elle avait acquise de ces modèles et après avoir testé le succès qu'ils rencontraient dans la clientèle, pour les vendre à moindre prix et les diffuser dans la grande distribution.
Sur la réparation
Considérant que l'appelante fait valoir que la vente des modèles en cause a constitué en 2001 plus de 20 % de son chiffre d'affaires annuel et qu'elle s'est écroulée entre 2002 et 2004, comme en atteste son expert comptable, M. Barthélémy (pièce 50), alors que la vente de ses autres modèles ne cessait de croître.
Considérant que pour chiffrer son préjudice, l'appelante prend comme base le niveau des achats que la société Jourdain a réalisés auprès d'elle (7 272 exemplaires acquis entre le 31 août et le 1er décembre 2000, représentant un total de 77 309,04 F) pour effectuer une projection à montant d'achats égal sur 4 ans, ce qui aboutit à une masse contrefaisante estimée à 87 264 exemplaires, tous modèles confondus ; qu'elle en déduit, en partant d'un prix de vente au public, variant selon les modèles, mais qu'elle fixe à 4,10 euro moins un prix d'achat de 0,30 euro, un montant de 331 603,20 euro au titre des bénéfices illicitement réalisés.
Qu'elle chiffre la réparation de son préjudice à cette somme augmentée des ventes par elle manquées.
Mais considérant que si le montant des ventes effectuées par la société Jourdain pendant le dernier semestre 2000 peut servir de référence, il ne peut constituer la base d'une projection dans la mesure où les produits contrefaisants n'ont été distribués qu'à partir de 2002, démontrant par là-même, le temps d'écoulement des produits acquis ; qu'il permet cependant d'approcher un niveau de vente annuel d'autant que la société Jourdain ne démontre nullement que le nombre total d'exemplaires contrefaisants qu'elle a fait réaliser et qu'elle a commercialisés serait limité à 17 000 de 2002 à 2005 ;
Considérant, dès lors, que la cour prend pour acquis le fait qu'il s'agit d'exemplaires destinés à un large public, comme en témoigne leur commercialisation non contestée par des enseignes de très grande distribution et le fait qu'ils ont été commercialisés sur près de 4 ans;
Qu'au vu des marges dégagées par la société Jourdain, et des bénéfices manqués par l'appelante, la réparation du préjudice subi par cette dernière sera fixé à la somme de 40 000 euro compte tenu du bénéfice que la société Jourdain a pu ainsi injustement réaliser; que cette somme couvre la réparation des actes de contrefaçon et des actes de concurrence déloyale, l'appelante ne formant pas de demande séparée pour chacun de ces chefs;
Considérant en outre que la société Magnetic Planet est également bien fondée à solliciter la réparation du préjudice subi du fait de la banalisation de ses modèles par la très grande diffusion des modèles contrefaisants et, partant, de la dépréciation de ses droits d'auteur et de ses droits de dessins et modèles.
Que son préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme complémentaire de 15 000 euro à ce titre.
Que par ailleurs les mesures complémentaires, d'interdiction, de confiscation et de publication seront confirmées en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Jourdain.
Sur les demandes reconventionnelles
Considérant que les demandes formées à l'encontre des sociétés Carrefour et CSF n'apparaissent nullement abusives en sorte que les demandes reconventionnelles formées par ces dernières seront rejetées.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Considérant que l'équité commande de condamner la société Jourdain à verser à la société Magnetic Planet la somme de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, et de laisser aux sociétés CSF et Carrefour la charge de leurs frais et dépens.
Par ces motifs, Confirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 27 mai 2003, en ce qu'elle a retenu la responsabilité de la société Carrefour France, venant aux droits de la société Carrefour Hypermarchés France, au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale commises au préjudice de la société Magnetic Planet, en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts au paiement desquels elle a condamné la société Jourdain & Fils, et sauf en ses dispositions relatives aux frais et dépens concernant les sociétés Carrefour et CSF, L'infirmant de ces chefs et y ajoutant, Annule les procès-verbaux des saisies-contrefaçon effectuées les 27 mai 2003 et 9 mai 2007, Rejette la demande d'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 4 mai 2007, Condamne la société Jourdain & Fils à verser à la société Magnetic Planet la somme de 40 000 euro en réparation de son préjudice matériel et de 15 000 euro en réparation de la vulgarisation de ses modèles et de l'atteinte à la valeur de ses droits, Rejette les demandes reconventionnelles, Dit que la mesure de publication tiendra compte du présent arrêt, Dit que les sociétés Carrefour France et CSF conserveront la charge de leurs frais irrépétibles et de leurs dépens de première instance et d'appel, Condamne la société Jourdain & Fils à verser à la société Magnetic Planet la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel qui seront recouvrés dans les formes de l'article 699 du même code.