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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 juin 2010, n° 08-04444

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe Volkswagen France (SA)

Défendeur :

Europe Garage (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fevre

Conseillers :

MM. Roche, Vert

Avoués :

SCP Monin d'Auriac de Brons, SCP Grappotte Benetreau Jumel

Avocats :

Me Bertin, Selas Vogel & Vogel

CA Paris n° 08-04444

16 juin 2010

LA COUR,

Vu le jugement du 24 janvier 2008 par lequel le Tribunal de grande instance de Paris a :

- retenu que la société Groupe Volkswagen France n'avait pas satisfait à son obligation de rapporter la preuve que les conditions de recours à la procédure extraordinaire de résiliation pour cause de réorganisation du réseau avec préavis réduit à 12 mois étaient réunies et condamné celle-ci à 300 000 euro de dommages et intérêts outre 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- écarté, par contre, la responsabilité de l'intéressée concernant le rejet de la candidature de la société Europe Garage en qualité de distributeur de véhicules neufs Volkswagen ainsi qu'au titre des conditions d'exécution du contrat de réparateur de cette dernière ;

Vu l'appel interjeté par la société Groupe Volkswagen France et ses conclusions du 4 mai 2010 tendant à faire :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle avait engagé sa responsabilité en résiliant les contrats de concession en accordant un préavis d'une année et l'avait condamnée en conséquence à payer à la société Europe Garage la somme de 300 000 euro à titre de dommages et intérêts, outre celle de 20 000 euro au titre de ses frais irrépétibles,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Europe Garage de ses autres demandes,

- ordonner la restitution de la somme de 151 000 euro versée entre les mains de la SCP Monin d'Auriac de Brons en exécution du jugement du 24 janvier 2008 et de l'ordonnance du premier Président de la Cour d'appel de Paris du 11 juillet 2008,

- dire, à titre subsidiaire, que la société Europe Garage ne démontre pas son préjudice, ni le lien de causalité entre le préjudice allégué et les fautes dont elle excipe,

- condamner la société Europe Garage à payer la somme de 7 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions de la société Europe Garage du 4 mai 2010 et tendant à faire :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité de la société Groupe Volkswagen France à l'occasion de la notification de la résiliation extraordinaire pour cause de réorganisation de ses réseaux des contrats de concession exclusive Volkswagen et Audi les liant,

- y ajoutant, dire que la société Groupe Volkswagen France a rompu brutalement une relation commerciale établie et ininterrompue depuis 32 ans en violation de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce,

- infirmer le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau:

- dire et juger que la société Groupe Volkswagen France a opposé un refus d'examen abusif et discriminatoire de la candidature qu'elle avait présentée en qualité de distributeur des véhicules neufs de marque Volkswagen,

- dire et juger que la société Groupe Volkswagen France a encore engagé sa responsabilité en la gratifiant de divers actes malveillants et discriminatoires à l'occasion de l'exécution des contrats de réparateur agréé Volkswagen et Audi liant les parties,

en conséquence :

- condamner la société Groupe Volkswagen France à lui payer :

- 433 300,50 euro en réparation du préjudice résultant à la fois du caractère irrégulier de la résiliation des contrats de concession exclusive et de la brusque rupture des relations commerciales établies,

- 330 369,35 euro en réparation du préjudice consécutif au refus d'examen de sa candidature en qualité de distributeur de véhicules neufs Volkswagen,

- 186 396 euro au titre du préjudice causé par les agissements malveillants et discriminatoires de la société Groupe Volkswagen France,

- 15 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Groupe Volkswagen France est l'importateur en France de véhicules neufs et des pièces de rechange neuves des marques Volkswagen, Volkswagen utilitaires, Audi et Skoda.

La société Europe Garage était concessionnaire exclusif à Montluçon en vertu de trois contrats de concession portant respectivement sur la représentation des marques Volkswagen véhicules particuliers, Volkswagen véhicules utilitaires, et Audi véhicules particuliers, conclus pour une durée indéterminée conformément aux dispositions du règlement d'exemption n° CE 1475-95 du 28 juin 1995 dont l'article 5 § 3 al. 1 dispose que les conditions d'exemption prévues ne préjugent pas du droit du fournisseur de résilier l'accord moyennant un préavis d'au moins un an en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau.

Le 31 juillet 2002 la Commission européenne a promulgué un nouveau règlement d'exemption catégorielle n° 1400-2002 réformant le cadre juridique de la distribution automobile en prévoyant la mise en place de réseaux de distribution sélective et non plus exclusive.

L'entrée en vigueur du nouveau règlement était fixée au 1er octobre 2002, différée, pour les contrats en cours d'exécution au 30 septembre 2002, à la date du 30 septembre 2003.

Par courrier recommandé du 23 septembre 2002 la société Groupe Volkswagen France a notifié à la société Europe Garage la résiliation extraordinaire de ses contrats de concession Volkswagen et Audi, moyennant le respect d'un prévis de un an au lieu de deux ans expirant le 30 septembre 2003.

A l'expiration du délai de préavis, soit à compter du 1er octobre 2003, la société Groupe Volkswagen France a agréé la société Europe Garage en qualité de réparateur officiel de ces deux marques sans toutefois examiner sa candidature en vue d'être agréée en qualité de distributeur de véhicules neufs pour la marque Volkswagen véhicules particuliers, désignant la société Garage Saint Christophe en tant que distributeur de véhicules neufs pour les marques Volkswagen et Audi et en qualité de réparateur de ces deux marques.

C'est dans ces conditions que, par acte du 10 décembre 2004, la société Europe Garage a assigné la société Groupe Volkswagen France devant le Tribunal de grande instance de Paris aux fins de constat de l'irrégularité des résiliations des contrats de concession les liant ainsi que de celle du refus d'examen de sa candidature de distributeur agréé et d'octroi de dommages et intérêts à ce double titre, outre l'indemnisation des discriminations dont elle aurait fait l'objet à l'occasion de l'exécution des contrats de réparateur agréé Volkswagen et Audi conclu entre elles à effet au 1er octobre 2005.

Le jugement susvisé présentement entrepris a ainsi été rendu le 24 janvier 2008.

Sur la résiliation des contrats de concession susmentionnés

Considérant que si la société Europe Garage reproche à la société Groupe Volkswagen France de ne lui avoir accordé qu'un préavis d'une année au lieu de celui de droit commun de deux ans et si l'article 18 des contrats litigieux stipule effectivement que ceux-ci peuvent être résiliés "de façon ordinaire, selon la jurisprudence, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un motif par chacune des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'autre partie, avec un préavis de 24 mois", il convient, toutefois, de rappeler que l'article 19 desdites conventions précise que le concédant "est en droit de résilier le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'autre partie, avec un préavis de 12 mois, en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau";

Considérant qu'il sera rappelé qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (arrêts du 7 septembre 2006, Vulcan Silkeborg, C-125-05, point 37; du 30 novembre 2006, Brünsteiner e.a., C-376-05 et C-377-05, point 36 ; ordonnance du 26 janvier 2007, Auto Peter Petschenig, C-273-06, point 26) que la nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau de distribution de nature à ouvrir au fournisseur le droit de résilier un accord moyennant un délai de préavis d'un an, en application de l'article 3, paragraphe 5, sous b, sous ii) du règlement CE n° 1400-2002, implique que cette résiliation se justifie d'une manière plausible, par des motifs d'efficacité économique, fondés sur des circonstances objectives internes ou externes à l'entreprise du fournisseur qui, à défaut d'une réorganisation rapide du réseau, seraient susceptibles, compte tenu de l'environnement concurrentiel dans lequel opère ce fournisseur, de porter atteinte à l'efficacité des structures existantes de ce réseau ; qu'il résulte également de cette jurisprudence (arrêt précité, Vulcan Silkeborg, point 38, et Brünsteiner, point 37 ; ordonnance précitée, Auto Peter Petschenig, point 27) que, pour apprécier la nécessité d'une réorganisation rapide du réseau, il est pertinent de tenir compte des éventuelles conséquences économiques défavorables que serait susceptible de subir un fournisseur dans l'hypothèse où ce dernier procéderait à une résiliation de l'accord de distribution avec un préavis de deux ans, au lieu d'un préavis abrégé d'un an ; qu'il appartient ainsi au juge national saisi d'apprécier en fonction de l'ensemble des éléments concrets du litige et en particulier des preuves apportées à cette fin par le fournisseur si l'entrée en vigueur du règlement CE n° 1400-2002 a pu, en fonction de l'organisation spécifique du réseau de distribution considéré, rendre nécessaires des changements d'une importance telle qu'ils constituent une véritable réorganisation dudit réseau ou d'une partie substantielle de celui-ci ; que, par ailleurs, l'article 4 du règlement susvisé doit être interprété en ce sens que, après l'expiration de la période transitoire prévue à l'article 10 de ce règlement, l'exemption par catégorie prévue par celui-ci était inapplicable aux contrats remplissant les conditions de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 1475-95 qui avait pour objet au moins l'une des restrictions caractérisées énoncées audit article 4, de sorte que l'ensemble des clauses contractuelles restrictives de concurrence contenues dans de tels contrats étaient susceptibles d'être interdites par l'article 81, paragraphe 1, CE, si les conditions d'une exemption au titre de l'article 81, paragraphe 3, CE n'étaient pas remplies;

Considérant, par ailleurs, que l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce doit s'interpréter conformément aux exigences du droit communautaire;

Considérant, en l'espèce, qu'il est constant qu'à compter du 1er octobre 2003 les réseaux de concessionnaires exclusifs Volkswagen et Audi qui assuraient à la fois la vente et l'après-vente ont été supprimés pour être remplacés par deux réseaux de distribution sélective concernant la vente de véhicules neufs des marques considérées, outre la mise en place de deux réseaux de réparateurs agréés (Volkswagen et Audi) concernant le service après-vente;

Considérant que cette réorganisation a été permise par l'intervention du règlement communautaire n° 1400-2002 du 31 juillet 2002, celui-ci autorisant une séparation entre les activités de vente et d'après-vente de véhicules neufs et celle de réparation et supprimant le modèle de contrat unique antérieur comportant à la fois exclusivité de revente et une sélectivité des distributeurs et entraînant, de ce fait même, une modification du système de distribution précédent où les concessionnaires exerçaient leurs activités sur un territoire déterminé ; que la modification du mode de distribution et la suppression de la concession de territoires exclusifs sont, en elles-mêmes, constitutives du caractère substantiel de la modification intervenue, peu important qu'elle porte sur la nature juridique des accords de distribution structurant et régissant le réseau et peu important le nombre des nouveaux distributeurs et celui des anciens concessionnaires exclusifs ;

Considérant que, de même, le fournisseur qui choisit de conserver le mode de distribution autorisé par le précédent règlement d'exemption n'est désormais plus en droit d'interdire à son concessionnaire exclusif de revendre des véhicules neufs à des revendeurs non membres du réseau, ce qui a, en ce cas, pour effet obligé la perte d'étanchéité de celui-ci et justifie la célérité apportée par la société Groupe Volkswagen France à organiser son réseau uniquement selon le système de la distribution sélective et à procéder aux modifications litigieuses dans un délai rapproché, condition même de l'efficacité de la modification entreprise;

Considérant que si cependant la société Europe Garage, pour contester le recours par l'appelante au préavis d'une année, soutient, tout d'abord, que cette dernière pouvait amender les contrats pour la seconde année de préavis afin de les rendre conformes au règlement en cause, il sera relevé que la prestation caractéristique d'un contrat de distribution exclusive n'étant pas seulement la fourniture du produit mais aussi l'obligation d'assurer l'exclusivité de distribution au cocontractant, la modification proposée eût porté sur l'objet même de la convention et eût nécessairement généré la conclusion d'un nouveau contrat, laquelle supposait l'acceptation préalable par le concessionnaire considéré de ses nouvelles conditions ainsi qu'une durée d'engagement d'au moins cinq ans dès lors que le règlement communautaire n'accorde l'exemption qu'à des contrats à durée indéterminée ou à durée déterminée minimale de cinq ans, ce qui exclut, en tout état de cause, toute possibilité légale d' " adaptation " de seulement une année ; qu'un tel contrat eût privé pendant cinq ans le concédant du bénéfice de l'étanchéité; qu'en outre le maintien du contrat de concession litigieux pendant une année supplémentaire eût interdit la prospection personnalisée et nominative hors du territoire exclusif concédé de Montluçon et eût également interdit aux autres membres du réseau de vendre activement - fut-ce conformément aux restrictions imposées jusqu'au 30 septembre 2005 - sur ledit territoire, ce qui n'aurait pu que créer une distorsion dans le jeu de la concurrence et porter atteinte à la cohérence et à l'efficacité de la réorganisation engagée;

Considérant que si, en outre, l'intimé prétend également que la société Groupe Volkswagen France n'aurait subi aucune conséquence défavorable en accordant un préavis de droit commun de deux années à la seule société Europe Garage, il convient de souligner qu'ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé l'appelante a procédé à la réorganisation d'ensemble de son réseau sur tout le territoire national dès le 1er octobre 2003 afin de permettre sa mise en conformité avec le nouveau règlement d'exemption et, plus particulièrement, afin de pouvoir continuer à assurer son étanchéité externe tout en bénéficiant, à l'échéance de la période transitoire, de l'exemption de restriction de la concurrence relevant de l'interdiction énoncée à l'article 81 du traité européen ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Groupe Volkswagen France justifie de la nécessité de la réorganisation de son réseau de distribution de manière plausible par des motifs d'efficacité économique, fondés sur des circonstances objectives externes à son entreprise qui, a défaut d'une réorganisation rapide du réseau de distribution considéré, seraient susceptibles, compte tenu de l'environnement concurrentiel dans lequel elle opère, de porter atteinte à l'efficacité des structures existantes dudit réseau; que Groupe Volkswagen France était dès lors fondée à procéder à la résiliation opérée moyennant un préavis d'un an ;

Sur le refus opposé par la société Groupe Volkswagen France d'examiner la candidature de la société Europe Garage en qualité de distributeur de véhicules neufs Volkswagen

Considérant qu'il sera rappelé que s'agissant de l'appréciation d'une candidature à l'intégration dans un réseau de distribution sélective mis en place en application du règlement communautaire susmentionné du 31 juillet 2002 il appartient au concédant d'examiner chaque candidature de façon non discriminatoire à partir de critères précis et objectifs appliqués de façon uniforme à tous les candidats ; que l'intéressé est, au demeurant, tenu d'apporter la preuve tant de l'objectivité des critères retenus que de leur application non discriminatoire, le refus d'agrément ne pouvant reposer que sur des critères déterminés ; qu'en effet si un ancien concessionnaire exclusif ne bénéficie d'aucun droit acquis à la poursuite de relations contractuelles ni d'aucun droit de préférence à l'agrément, il ne saurait d'avantage subir de traitement de défaveur ou de discrimination sauf à ce que soit démontré que sa candidature ait été présentée de mauvaise foi;

Considérant en l'occurrence qu'il ressort de l'examen des correspondances échangées entre les parties que la société Groupe Volkswagen France a écarté d'emblée sans même l'examiner la candidature de la société Europe Garage en qualité de distributeur de véhicules neufs de sa marque pour ne prendre en considération que sa seule candidature en qualité de réparateur agréé pour l'après-vente des marques Volkswagen et Audi ; qu'ainsi l'appelante qui a retenu la candidature de la société Garage Saint Christophe bien que présentée postérieurement à celle de la société Europe Garage doit être regardée comme s'étant abstenue d'organiser la sélection de ses candidats dans les conditions d'impartialité exigées pour la mise en place d'un réseau de distribution sélective ; qu'à ce sujet la société Groupe Volkswagen France ne saurait utilement justifier un tel refus d'office d'examen d'une candidature en prétendant que celle-ci ne serait pas de "premier ordre" car l'intimée n'aurait pas souhaité "s'inscrire dans la durée, souhaitant être cédée" dès lors que seuls des critères qualitatifs de sélection préalablement définis et spécifiés auraient pu être opposés à un candidat mais aucunement des conditions floues subjectives dont le non-respect par l'intimée n'était au surplus pas démontré ; qu'enfin il sera souligné que la société Garage Saint Christophe ne respectait nullement, pour sa part, les critères qualitatifs de sélectivité afférents à la signalétique et l'identification des points de vente pourtant exigibles préalablement à l'octroi de l'agrément, les travaux correspondant de mise en conformité engagés par ses soins n'ayant débuté qu'un an après l'intervention dudit règlement ; que la société Groupe Volkswagen France n'établit ni même n'allègue sur ce point que la société Garage Saint Christophe eût pu en l'espèce bénéficier d'une dérogation appliquée de façon uniforme à tout nouvel entrant au soin de son réseau de distribution ; que, par suite, en refusant de façon discriminatoire d'examiner la candidature de l'intimée remplissant les critères de sélection en qualité de distributeur de véhicules neufs au profit d'une société ne les remplissant pas, l'appelante a engagé sa responsabilité délictuelle sur le double fondement des articles 1382 du Code civil et L. 420-1 et suivants du Code de commerce ; que ce refus d'agrément irrégulier a fait perdre à la société Europe Garage la chance de poursuivre son activité de distributeur qu'eu égard à la marge brute dégagée au cours des trois derniers exercices à ce titre de 330 369,35 euro, selon les déclarations non utilement contestées d'Europe Garage, et au développement du marché considéré de la distribution de véhicules automobiles de la marque dont s'agit, la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour évaluer le dommage subi de ce chef à la somme de 300 000 euro;

Sur les conditions d'exécution des contrats de réparateur agréé Volkswagen et Audi détenus par la société Europe Garage

Considérant que cette dernière fait état de diverses difficultés entachant l'exécution des contrats susvisés et excipe, notamment, à cet effet de retards dans la fourniture de la nouvelle signalétique lui permettant d'être identifié en qualité de réparateur officiel des marques Volkswagen et Audi ainsi que de "discriminations" en matière d'édition de la liste des membres officiels des réseaux Volkswagen et Audi, dans le rapatriement des véhicules en panne, dans le remboursement des créances dont elle est détentrice de même que dans le cadre des campagnes d'entretien et de service ; que l'exactitude matérielle des reproches susmentionnés ressort des courriers échangés entre les parties fin 2003 et courant 2004, l'appelante reconnaissant elle-même avoir dû faire face à des difficultés induites par la mise en place de son nouveau réseau de distributeurs ; que si l'intéressé déclare y avoir ultérieurement remédié, les "dysfonctionnements" considérés et dont la matérialité est établie ont été à l'origine d'un préjudice spécifique subi par la société Europe Garage dans l'exécution des contrats dont elle était titulaire ; qu'au regard, en particulier, de la perte de marge brute enregistrée au cours de l'année 2004 qu'Europe Garage, produisant une note d'expert comptable non utilement contestée, déclare avoir été de 186 396 euro sur les activités après-vente Volkswagen et Audi par rapport à l'exercice précédent de l'année 2003 et, plus généralement, de l'évolution des perspectives de l'activité considérée pendant cette période, la cour évalue le préjudice dont s'agit à la somme de 100 000 euro;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, notamment de la différence de fondement des condamnations au paiement de la somme de 300 000 euro, qu'il y a lieu d'infirmer le jugement susvisé en toutes ses dispositions à l'exception de celles afférentes aux dépens et frais hors dépens et, statuant à nouveau, de condamner la société Groupe Volkswagen France à payer à la société Europe Garage la somme de 300 000 euro en réparation du préjudice consécutif au refus d'examen de sa candidature en qualité de distributeur de véhicules neufs Volkswagen ainsi que celle de 100 000 euro au titre du dommage subi dans le cadre de l'exécution des contrats de réparateur agréé liant les parties, celles-ci étant déboutées du surplus de leurs demandes respectives;

Considérant que l'équité commande de condamner Groupe Volkswagen France à payer à Europe Garage la somme de 10 000 euro au titre de ses frais irrépétibles d'appel;

Par ces motifs, Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens. Condamne la société Groupe Volkswagen France à payer à la société Europe Garage les sommes de 300 000 euro et 100 000 euro de dommages et intérêts, outre celle supplémentaire de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Groupe Volkswagen France aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.