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Décisions

Cass. com., 15 juin 2010, n° 09-15.816

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Ajinomoto Eurolyne (SAS)

Défendeur :

Doux aliments Bretagne (SNC), Doux aliments Vendée (SNC), Doux aliments Cornouaille (SNC), Doux aliments Bretagne (SARL), Ceva santé animale (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Thomas-Raquin, Bénabent, SCP Boré, Salve de Bruneton

T. com. Paris, du 29 mai 2007

29 mai 2007

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2009), qu'après que la Commission européenne a, par décision du 7 juin 2000 (2001-418-CE), retenu que plusieurs entreprises, dont la société Ajinomoto Eurolyne de juillet 1990 à juin 1995, ont enfreint les dispositions de l'article 81 § 1 du traité CE (devenu l'article 101 du TFUE) en participant à des accords sur les prix, les volumes de vente et l'échange d'informations individuelles sur les volumes de ventes de lysine synthétique, les sociétés Doux aliments Bretagne SARL, Doux aliments Bretagne SNC, Doux aliments Cornouaille et Doux aliments Vendée (les sociétés Doux), producteurs de volailles, qui avaient, durant cette période, acquis de la lysine, acide aminé synthétique entrant dans la composition des aliments pour animaux, auprès de la société Ceva santé animale qui l'achetait elle-même à la société Ajinomoto Eurolyne, se plaignant du fait que l'entente sanctionnée avait eu pour effet d'augmenter le prix de vente de la lysine, ont assigné la société Ajinomoto Eurolyne (AE), afin d'obtenir réparation de préjudices résultant pour elles d'une perte de marge et d'une baisse de compétitivité ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour condamner la société AE à payer des dommages-intérêts aux sociétés Doux, l'arrêt, après avoir constaté que la réalité d'une faute commise par la société AE résulte de la décision du 7 juin 2000 de la Commission européenne et relevé que cette faute a engendré, pour les sociétés Doux, un surcoût des achats de lysine, retient que la circonstance que les sociétés Doux auraient été en mesure de répercuter ce surcoût sur les hausses de prix du produit est sans incidence sur l'étendue de leur droit à réparation ; qu'il ajoute que les charges accrues supportées par ces sociétés par suite des majorations de prix ont été la cause d'un préjudice constitué par une perte de la compétitivité de leurs produits et constituent la cause d'une perte de chance devant être indemnisée ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les sociétés Doux avaient, en tout ou partie, répercuté sur leurs clients les surcoûts résultant de l'infraction commise par la société AE, de sorte que l'allocation de dommages-intérêts aurait pu entraîner leur enrichissement sans cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Vu l'article 16 du Code de procédure civile ; - Attendu que l'arrêt retient que le préjudice subi par les sociétés Doux s'analyse en une perte de chance ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les sociétés Doux invoquaient un excédent de facturation, la cour d'appel qui, sans inviter les parties à présenter leurs observations, a relevé d'office un moyen tiré de la perte d'une chance, a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.