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Décisions

Cass. com., 15 juin 2010, n° 08-18.279

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sporazur Morris Sportswear (SA)

Défendeur :

Free (SA), Les Acidules (SARL), Carrasset Marillier (ès qual.), Philippot (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Tric (faisant fonction)

Rapporteur :

Mme Mandel

Avocat général :

M. Carre-Pierrat

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini, Me Bertrand

TGI Grasse, du 5 juill. 2006

5 juillet 2006

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Aix-en-Provence, 24 avril 2008) que la société Free, titulaire de la marque figurative "Free" déposée le 13 septembre 1995 et enregistrée sous le n° 95587880 pour désigner des produits en classes 3 et 25, a assigné le 22 juin 2004 la société Sporazur Morris Sportswear (la société Sporazur) en nullité de la marque "Free Girl" déposée par cette dernière le 6 mars 1997 et enregistrée sous le n° 97667250 pour désigner divers produits en classes 18, 24 et 25, en contrefaçon de la marque "Free" et pour actes de concurrence déloyale ; que la société Les Acidulés qui exploite la marque "Free" et qui a été mise en redressement, est intervenue volontairement à la procédure ainsi que M. Philippot, administrateur judiciaire, et a sollicité la condamnation de la société Sporazur pour contrefaçon de marque et actes de concurrence déloyale ;

Sur le premier moyen : - Attendu la société Sporazur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les conclusions qu'elle avait déposées le 25 mars 2008 et écarté du débat les pièces 28 et 29 communiquées le 26 mars 2008, alors, selon le moyen : 1°) que les juges ne peuvent dénaturer les pièces soumises à leur appréciation ; qu'en l'espèce, en annexe de ses conclusions en date du 25 mars 2008, la société Sporazur produisait un bordereau de communication de 29 pièces, dont elle prenait soin de rappeler qu'elles avaient toutes été déjà communiquées en première instance ; qu'il résultait ainsi clairement dudit bordereau que la pièce n° 28 notamment (consistant en des factures comportant le tampon de l'avocat de première instance) avait déjà été communiquée en première instance ; que dès lors en retenant, pour l'écarter des débats qu'il s'agissait de " pièces nouvelles " communiquées l'avant-veille de l'audience du 27 mars 2008, quand il s'agissait de la simple réitération de la communication aux seules fins d'information de pièces déjà communiquées en première instance, la cour d'appel a dénaturé le bordereau de communication de pièces en violation de l'article 1134 du Code civil ; 2°) que les juges ne peuvent procéder par voie de simple affirmation ; qu'en se contentant en l'espèce, pour écarter des débats les conclusions de la société Sporazur en date du 25 mars 2008, d'affirmer péremptoirement que leur dépôt l'avant-veille de la clôture était contraire à la loyauté des débats en ne permettant pas "d'évidence" aux intimées de disposer d'un temps utile pour y répondre, sans nullement examiner le contenu de ces conclusions par rapport aux conclusions déposées antérieurement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 du Code de procédure civile ; 3°) que de surcroît, il résulte des termes de l'arrêt que la société Les Acidulés avait déposé des conclusions le 14 mars 2008, soit 13 jours avant l'ordonnance de clôture fixée le 27 mars 2008 ; que pour rejeter les conclusions en réponse récapitulatives déposées le 25 mars 2008 par la société Sporazur, la cour d'appel s'est contentée de relever que "les conclusions de la SA Free par lesquelles elle avait fait connaître sa position étaient de beaucoup antérieures à la clôture (le 7 juin 2007) et que l'appelante (la SA Sporazur Morris Sportwear) avait déjà déposé des conclusions (admises au débat) dites récapitulatives, le 28 février 2008, l'affaire paraissant alors en l'état d'être jugée" ; qu'en statuant ainsi sans nullement rechercher si le dépôt de conclusions par la société Acidulés le 14 mars 2008, après injonction du magistrat de la mise en état, ne justifiait pas le dépôt de conclusions en réponse par la société Sporazur le 25 mars 2008, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que le bordereau de communication de pièces du 26 mars 2008 indiquant que les pièces n° 28 et n° 29 étaient nouvelles, c'est hors toute dénaturation que la cour d'appel les a écartées ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que les conclusions ont été signifiées par la société Sporazur, l'avant veille de la clôture de l'instruction fixée au même jour que l'audience des plaidoiries, qu'elles ont pour objet de répliquer aux conclusions de la société Free du 7 juin 2007 et de la société Les Acidulés du 5 décembre 2007 ; qu'il en déduit qu'elles n'ont pas été déposées en temps utile au sens de l'article 15 du Code de procédure civile ;que la cour d'appel qui a fait la recherche prétendument omise, a, par une décision motivée, souverainement décidé de les écarter des débats ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Sporazur fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait commis des actes de contrefaçon de la marque "Free" n° 95587880, d'avoir prononcé la nullité de la marque "Free Girl" n° 97667250, de l'avoir condamnée à payer à la société Free diverses sommes et d'avoir prononcé des mesures d'interdiction et de publication de l'arrêt alors, selon le moyen, que si le dépôt de la marque seconde n'a pas en lui-même de caractère public, il en va autrement de la publication ultérieure au bulletin officiel de la propriété industrielle de son enregistrement qui tout à la fois porte son existence à la connaissance du titulaire de la marque première et caractérise un acte d'usage de la marque seconde ; qu'en l'espèce, la société Sporazur invoquait notamment, au titre de la connaissance de l'usage de la marque seconde, la publication au Bulletin officiel de la propriété industrielle de son enregistrement ; qu'en se contentant d'affirmer que la société Sporazur n'apportait aucun élément de preuve de la connaissance par la société Free de l'existence et de l'usage de la marque seconde, sans nullement rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si cette connaissance ne pouvait résulter de la publication du bulletin officiel de la propriété industrielle de l'enregistrement de la marque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 714-3 et L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que la simple publication de l'enregistrement de la marque seconde au Bulletin officiel de la propriété industrielle ne constitue pas un acte propre à caractériser la tolérance en connaissance de cause par le propriétaire de la marque première de l'usage de la marque seconde ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Sporazur fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'il y a lieu pour l'examen d'un risque de confusion entre les signes en présence, de comparer l'impression d'ensemble produite par chacun d'eux en prenant en compte tous les facteurs pertinents à ce propos, et, partant, de caractériser en quoi les autres éléments de cette marque complexe sont insignifiants et ne peuvent constituer de tels facteurs ; qu'en l'espèce, il ressort des termes de l'arrêt que la marque première "Free" est une marque complexe en ce qu'elle est accompagnée d'une demi-feuille d'érable, tandis que la marque seconde "Free Girl" est exclusivement dénominative ne contenant aucun élément graphique ; qu'en se déterminant au seul vu de l'élément verbal des signes en présence sans expliquer en quoi l'élément figuratif était insignifiant et ne pouvait constituer un facteur pertinent du risque de confusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 et 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt relève par motifs adoptés que la marque "Free", qui bénéficie d'une notoriété certaine dans le domaine de la mode, est accompagnée d'une demi-feuille d'érable alors que la marque "Free Girl" est exclusivement dénominative ce qui révèle des différences tant au niveau phonétique que visuel mais que ces différences ne sauraient l'emporter sur les points communs ; qu'il relève encore que le terme commun "Free" ressort particulièrement dans la marque seconde, tant en raison de sa position d'attaque qu'en raison de sa prononciation en une seule syllabe et que l'adjonction du terme "girl" ne lui fait pas perdre sa signification propre ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen : - Attendu que la société Sporazur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Free des dommages-intérêts pour faits de concurrence déloyale et d'avoir ordonné la publication de l'arrêt alors, selon le moyen, que l'action en concurrence déloyale ne peut se cumuler avec une action en contrefaçon qu'à la condition de reposer sur un fait distinct ; qu'en l'espèce, après avoir condamné la société Sporazur à réparer, au titre de la contrefaçon, le préjudice résultant de la diffusion des produits prétendument contrefaisants, la cour d'appel l'a en outre condamnée au titre d'une prétendue concurrence déloyale ; qu'en se contentant de la caractériser par le seul fait de s'être inscrit dans le sillage de la société Free et d'avoir créé une confusion dans l'esprit du public en commercialisant des articles sous la marque "Free girl" qui est aussi une imitation de la raison sociale de la SA Free - tous faits déjà réparés au titre de la condamnation au titre de la contrefaçon -, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Sporazur a commercialisé des articles de prêt-à-porter féminin sous la marque "Free girl" qui est une imitation de la dénomination de la société Free, créant ainsi une confusion dans l'esprit du public entre les deux entreprises se livrant à la même activité ; qu'ainsi la cour d'appel a caractérisé l'existence de faits distincts de concurrence déloyale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que la cinquième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.