Cass. com., 15 juin 2010, n° 08-20.999
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Dubois Jardins (SA)
Défendeur :
Silvpol Spolka Zoo (Sté), MNC Altona (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Mandel
Avocat général :
M. Carre-Pierrat
Avocats :
SCP Ortscheidt, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 9 septembre 2008) que la société MNC Altona (société Altona) titulaire de modèles de bacs à fleurs, d'un modèle de cabine de plage et d'un modèle de remise à outils déposés respectivement les 11 juin et 20 décembre 2001 à l'INPI et le 25 novembre 2002 à l'Office Mondial de la propriété industrielle et revendiquant par ailleurs des droits d'auteur sur un modèle de support de fleurs commercialisé sous la référence SUP 1003 A a fait pratiquer le 15 avril 2004 une saisie contrefaçon auprès de la société Dubois Jardins, puis a assigné cette société ainsi que son fournisseur, la société Silvpol Spolka Zoo leur reprochant de commercialiser des modèles de jardinières contrefaisants ses propres modèles, d'avoir porté atteinte à ses droits d'auteur et de s'être également rendues coupables d'actes de concurrence déloyale ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Dubois Jardins fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'en faisant figurer sur leurs catalogues respectifs et en commercialisant les jardinières Manhattan, Philadelphia, Hortensie, Lobelie, Adonis, Provence, Flos, la SA Dubois Jardins et la société Silvpol Spolka Zoo ont reproduit les modèles 636023 et 636024 déposés sous l'enregistrement 13383 du 11 juin 2001 par la société MNC Altona, protégés au titre du droit des modèles, les modèles 2 et 3 de l'enregistrement international OM/0622898 de la société Altona, protégés au titre du droit d'auteur et, en conséquence, d'avoir condamné in solidum la SA Dubois Jardins et la société Silvpol Spolka Zoo à payer à la société Altona 100 000 euro en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon et 40 000 euro en réparation du trouble commercial, résultant des actes de concurrence déloyale alors, selon le moyen : 1°) que dans ces dernières écritures d'appel, déposées et signifiées le 8 mars 2008, la SA Dubois Jardins faisait valoir, notamment, que la preuve d'une similitude entre les produits en cause n'était pas rapportée (p. 9) ; qu'ainsi en affirmant que " la société Altona soutient que les sociétés intimées ont reproduit dans leurs catalogues respectifs 2004 et pour la société Dubois Jardins dans le catalogue 2007 son modèle 636024 et commercialisé ainsi en France les jardinières Manhattan et Philadelphia carrées ou rectangulaires ", et que " ces faits ne sont pas contestés par les sociétés concernées ", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions déposées et signifiées par la société Dubois Jardins le 8 mars 2008, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) que les critères de la contrefaçon par imitation de modèle (à ressemblance) s'apprécie au regard de l'observateur averti et non par rapport au consommateur moyennement attentif ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, sans constater que les jardinières Manhattan et Philadelphia, carrées ou rectangulaires, ne produisaient pas, sur un observateur averti, une impression visuelle d'ensemble différente des jardinières enregistrées sous le n° 636024 de la société MNC Altona, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 511-3 et L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle ; 3°) que l'originalité, comme portant l'empreinte de la personnalité de son auteur, constitue une condition du droit de la protection d'un modèle, quel que soit le fondement juridique revendiqué par le demandeur à l'action en contrefaçon ; qu'en statuant comme elle l'a fait, s'agissant des modèles 2 et 3 de l'enregistrement international OM/0622898 du 25 novembre 2002 pour lesquels la société MNC Altona prétendait bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur, motif pris que " l'association des deux matières, de deux couleurs bois brut et ocre, de lignes verticales et horizontales claires se détachant sur un fond foncé, l'ajout d'un motif décoratif, donne à ces bacs un agrément visuel qui tranche avec les bacs traditionnels sans aucune recherche esthétique, et qui témoigne de la marque de la société Altona ", sans relever que les modèles étaient marqués de l'empreinte de la personnalité de leur auteur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, d'une part, que c'est sans dénaturation des conclusions de la société Dubois Jardins que la cour d'appel a relevé que la société Altona soutient que les sociétés intimées ont reproduit dans leurs catalogues respectifs 2004 et pour la société Dubois Jardins dans le catalogue 2007 son modèle 636024 et commercialisé ainsi en France les jardinières Manhattan et Philadelphia carrées ou rectangulaires et que ces faits ne sont pas contestés par les sociétés concernées ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que les jardinières carrées Manhattan et Philadelphia sont en tous points identiques au modèle 636024 de la société Altona et que les jardinières rectangulaires reprennent les caractéristiques de ce modèle, mise à part la forme rectangulaire et la présence de deux croisillons sur la face longitudinale et d'une latte verticale entre les deux croisillons ; qu'il ajoute que la forme n'est pas essentielle et que la différence tenant à la présence d'un croisillon supplémentaire étant mineure, l'impression visuelle qui se dégage des articles des sociétés intimées et des objets de la société Altona est semblable ; qu'ainsi la cour d'appel qui n'a pas fait référence au consommateur d'attention moyenne mais à l'observateur averti qui est à même de percevoir si une différence entre deux modèles exclut toute identité ou similitude des impressions visuelles d'ensemble, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, enfin, que le moyen, ne tend, sous couvert de manque de base légale, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont caractérisé l'originalité des modèles 2 et 3 de l'enregistrement OM/0622808 en retenant que l'association de deux matières, de deux couleurs bois brut et ocre, de lignes verticales et horizontales se détachant sur un fond foncé et l'ajout d'un motif décoratif donnaient aux bacs un agrément visuel qui tranche avec les bacs traditionnels sans aucune recherche esthétique et qui témoigne de la marque de la société Altona, le sens du mot "marque" étant, dans le contexte de la phrase, dénué de toute ambiguïté et ne pouvant se comprendre comme signifiant "marque de fabrique" ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour accueillir la demande en concurrence déloyale, l'arrêt retient que les jardinières carrées Manhattan, Philadelphia, Hortensie, Lobelie et les jardinières rectangulaires Adonis et Hortensie sont des copies serviles des modèles 636023 et 636024, que la fabrication de ces copies serviles engendre une confusion, que les jardinières rectangulaires Manhattan, Philadelphia, Lobelie reprennent les éléments essentiels du modèle 636024 de même que les jardinières carrées et rectangulaires Flos et Provence par rapport aux modèles 2 et 3 de l'enregistrement international OM/622898 ; qu'il retient également que les sociétés Dubois Jardins et Silvpol Spolka Zoo ont utilisé le travail de création de la société Altona alors que la société Dubois Jardins qualifiait de "nouveau" dans son catalogue les articles concernés ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser des faits distincts de ceux à raison desquels elle prononçait condamnation au titre de la contrefaçon, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré les sociétés Dubois Jardins et Silvpol Spolka Zoo responsables de concurrence déloyale au préjudice de la société MNC Altona et les a condamnées in solidum à lui payer la somme de 40 000 euro en réparation du trouble commercial résultant des actes de concurrence déloyale, l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Douai le 9 septembre 2008 ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Douai autrement composée.