Cass. soc., 25 mars 1998, n° 96-16.857
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Défendeur :
SPCA (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Desjardins (faisant fonctions)
Rapporteur :
M. Brissier
Avocat général :
M. Chauvy
Avocats :
SCP Le Bret, Laugier, Me Choucroy
LA COUR : - Attendu qu'en vertu d'un contrat du 1er juin 1990 conclu avec la société Magellan carburants, aux droits de laquelle se trouve la Société pétrolière des combustibles de l'Atlantique (SPCA), Mme X exerce une activité de gérante d'une station-service dans un fonds de commerce dont elle est locataire-gérante; qu'elle a signé une reconnaissance de dette à l'égard de la SPCA; que, se prévalant de cette reconnaissance de dette, la SPCA l'a assignée en paiement devant le tribunal de commerce; que ce tribunal a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Mme X au profit de la juridiction prud'homale; que ce jugement a été confirmé par l'arrêt attaqué (Rennes, 30 avril 1996) qui a renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce ;
Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense : - Attendu que la SPCA soulève l'irrecevabilité du pourvoi au motif que l'arrêt n'a pas mis fin à l'instance, mais a renvoyé l'affaire au fond devant le tribunal de commerce ;
Mais attendu qu'il résulte du second alinéa de l'article 87 du nouveau Code de procédure civile que les arrêts sur contredit de compétence sont susceptibles d'un pourvoi immédiat en cassation; que le pourvoi est donc recevable ;
Sur le moyen unique : - Attendu que Mme X fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le tribunal de commerce était compétent pour statuer sur le litige opposant les parties, alors, selon le moyen, que la seule volonté des parties est impuissante à soustraire un travailleur au statut qui découle nécessairement des conditions d'accomplissement de son activité; que, conformément à l'article L. 781-1, alinéa 2, du Code du travail, issu de la loi du 21 mars 1941, le gérant libre d'une station-service dont les conditions de son contrat le placent sous la dépendance économique de la compagnie pétrolière, son fournisseur exclusif, lui imposant tant l'installation de distribution que les modalités et prix de celle-ci, doit bénéficier pour cette activité de la législation du travail dans ses rapports avec l'entreprise l'occupant ainsi, peu important que ledit gérant ait pris une qualité de commerçant dans le cadre de l'article 2 de la loi du 20 mai 1956 sur la location-gérance; que l'arrêt a méconnu les effets légaux de ses propres constatations, dont ressortait que Mme X, soumise dans le local fourni par la SPCA à une exclusivité de fournitures et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise, ne lui permettant aucun secteur d'indépendance, rentrait, nonobstant le terme de "mandat" figurant, de façon inappropriée, dans le contrat du 1er juin 1990 ou son inscription au registre du commerce et des sociétés au titre d'une location-gérance, qui demeure compatible avec le bénéfice de la législation du travail, dans la définition de l'article L. 781-1 du Code du travail, texte d'ordre public; qu'ainsi, l'arrêt n'a dénié la compétence de la juridiction prud'homale dans le litige portant sur l'exécution du contrat susvisé qu'au prix d'une violation des articles L. 781-1, alinéa 2, du Code du travail, 1134 du Code civil "régissant la loi des parties", ensemble et par fausse application l'article 94 du Code de commerce ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que la reconnaissance de dettes, objet du litige, portait sur une somme provenant des encaissements de vente de carburant, qui auraient été reçus par Mme X et dont elle se serait reconnue débitrice à l'égard de la SPCA; qu'elle a pu, dès lors, en déduire que le litige concernait les modalités commerciales d'exploitation de la station-service et non pas les conditions de travail de la gérante; que, par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.