Cass. soc., 12 février 1992, n° 89-40.052
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Défendeur :
Goulet-Turpin SEC (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Saintoyant (faisant fonctions)
Rapporteur :
M. Laurent-Atthalin
Avocat général :
M. Kessous
Avocats :
SCP Rouvière, Lepitre, Boutet, Mes Delvolvé, Boullez
LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 16 novembre 1988), que M. B a assuré, en qualité de gérant non salarié, la gérance d'une succursale de la société Goulet-Turpin du 8 avril 1977 au 25 février 1983, date de la rupture des relations contractuelles, à l'initiative de la société pour faute du gérant ;
Attendu que M. B reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société une somme à titre de déficit de gestion, alors, selon le moyen, d'une part, que M. B avait réclamé le paiement de salaires que lui avait retenus la société en compensation de prétendus déficits de gestion ; qu'en refusant d'examiner l'existence et la réalité de ces déficits par le motif que le mandataire n'aurait formulé aucune demande à cet égard, la cour d'appel a modifié et dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de M. B faisant valoir qu'il résultait de l'accord national du 18 janvier 1963 que le titulaire d'une succursale n'est pas responsable du vol de marchandises lorsque celui-ci a été déclaré et que ledit vol, n'ayant jamais été contesté dans sa matérialité et son importance, a été déclaré pour la somme de 14 905,09 francs, soit une somme supérieure à la condamnation prononcée par la cour d'appel, il ne pouvait en être tiré parti contre lui au titre des comptes de fin de gérance (défaut de réponse à conclusions, article 455 du nouveau Code de procédure civile) ; alors, en outre, que la cour d'appel ne s'est en aucune manière expliquée sur le fait invoqué par M. B qu'un accroissement de la valeur d'inventaire entre le 25 février 1983, date du départ de M. B, et le 28 février 1983 ne pouvait lui être imputé à titre de déficit d'exploitation ; que la cour d'appel a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 782-1 et suivants du Code du travail ; alors, encore, que la cour d'appel, qui a dit non établi le remboursement total ou partiel du vol par une compagnie d'assurances ne s'est pas expliquée sur le fait qu'au 31 janvier 1983, M. B avait été crédité par la société, sur son compte personnel, de la somme de 18 789 francs, qui lui avait cependant été réclamée à l'appui de la rupture du mandat le 23 février 1983 ; qu'une telle recherche l'aurait conduite à constater que le gérant mandataire ne devait pas cette somme, soit que l'assurance ait payé, soit par le jeu de la convention collective ; que la cour d'appel a en conséquence privé sa décision de base légale au regard des articles L. 782-1 et suivants du Code du travail ; alors, enfin, que la cour d'appel, saisie par M. B d'une demande en paiement de salaires retenus par la société en contrepartie de déficits de gestion, et qui a reconnu cette qualification, aurait dû rechercher, comme il lui était demandé si le mandataire avait bien reçu un salaire mensuel correspondant au SMIC ; que, faute d'avoir procédé à cette recherche, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 781-1 du Code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que, répondant aux conclusions, la cour d'appel a retenu, hors toute dénaturation, par une appréciation des documents de la cause, qu'à la suite de l'inventaire établi contradictoirement le 25 février 1983, date du départ de M. B, celui-ci était redevable à titre de déficit d'inventaire de la somme qui lui était réclamée par la société ; que, d'autre part, dès lors qu'il n'était pas contesté par le gérant que cette somme représentait un déficit d'inventaire et que le gérant n'invoquait pas une convention qui l'eût dispensé de répondre d'un tel déficit, la cour d'appel n'était pas tenue de limiter l'obligation de remboursement à la fraction des commissions excédant le salaire minimum interprofessionnel de croissance ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen : - Attendu que M. B reproche encore à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour rupture abusive en application de la convention collective nationale des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés, "gérants mandataires", alors qu'à supposer que M. B ait pu traiter le représentant de la société de "voleur", un tel propos ne pouvait avoir le caractère de faute grave eu égard aux circonstances puisqu'un paiement injustifié lui était demandé, le privant du droit au SMIC ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail ; alors que, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait tenir pour établis les propos grossiers imputés à M. B qui les contestait sans répondre aux conclusions de l'exposant se prévalant de ce qu'aucune attestation objective n'apportait la preuve de ces propos formellement déniés, et sans prendre en considération l'attestation d'un témoin de l'entretien que le mandataire avait versée au débat ; qu'en conséquence, la cour d'appel a privé sa décision de motif et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que l'incapacité de gestion étant exclue, notamment en l'absence réelle de déficit, ainsi que l'établit le premier moyen du pourvoi, la cassation qui interviendra sur ce moyen devra entraîner ici la censure par voie de conséquence (article 625 du nouveau Code de procédure civile) ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'il était établi que le gérant avait, en présence de clients du magasin, injurié grossièrement un représentant de la société et que son comportement, ainsi que son incapacité de gestion, avait rendu impossible la poursuite des relations contractuelles, la cour d'appel a pu décider que le gérant avait commis une faute grave au sens de la convention collective ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.