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Décisions

Cass. soc., 31 octobre 1989, n° 87-13.376

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

L'Epargne (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Goudet (faisant fonction)

Rapporteur :

Mme Beraudo

Avocat général :

M. Franck

Avocats :

SCP Le Prado, SCP Tiffreau, Thouin-Palat

Agen, du 16 févr. 1987

16 février 1987

LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Agen, 16 février 1987) et la procédure, les époux de X, qui avaient conclu, le 3 juillet 1978, avec la société l'Epargne un contrat de " gérance " concernant un magasin d'alimentation au détail, ont cessé leurs fonctions le 18 décembre 1981 ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elle avait été liée aux époux de X par un contrat de travail alors, selon le moyen, que, d'une part, le contrat conclu entre les époux de X et la société l'Epargne prévoyait que les rapports entre les parties seraient régis par les dispositions de la loi du 3 juillet 1944 et les clauses de l'accord national du 18 juillet 1963, que les époux de X se voyaient confier l'exploitation d'un magasin de ventes au détail, qu'ils étaient rémunérés par des commissions sur les ventes et qu'ils avaient toute indépendance dans leur gestion et toute latitude d'embaucher du personnel ou de se substituer des remplaçants à leurs frais et sous leur entière responsabilité ; que l'arrêt, en refusant à ce contrat conforme aux dispositions de l'article L. 782-1 du Code du travail la qualification de contrat de gérance non salariée de maisons d'alimentation de détail, en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé l'article 1134 du Code civil ; alors que, d'autre part, en affirmant que les heures d'ouverture du magasin n'étaient pas conformes aux usages locaux mais n'étaient que la reprise des horaires des gérants précédents, l'arrêt a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise qui énonçait que les heures d'ouverture étaient différentes de celles des gérants précédents et étaient, selon les déclarations de M. de X lui-même, conformes aux usages locaux ; qu'il a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ; alors, enfin, que la condition juridique d'un travailleur à l'égard de la personne pour laquelle il travaille ne saurait être déterminée par sa dépendance économique et ne peut résulter que du contrat liant les parties ; qu'aucune des circonstances de fait retenues par l'arrêt n'est de nature à établir l'existence d'un lien juridique de subordination et à exclure la qualité de gérants non salariés impartie aux époux de X par le contrat les liant à la société l'Epargne dont les termes sont conformes aux dispositions des articles L. 782-1 et suivants du Code du travail ; qu'en déniant néanmoins aux époux de X cette qualité, l'arrêt a méconnu les textes susvisés par refus d'application ;

Mais attendu que la cour d'appel, à laquelle il appartenait de qualifier les relations juridiques ayant lié les parties, a constaté que les époux de X ne jouissaient d'aucune liberté dans l'exploitation de leur commerce, qu'ils étaient contrôlés régulièrement et fréquemment par des inspecteurs de la société, lesquels étaient habilités à leur donner des ordres et à contrôler le moindre détail de leur mode de gestion des points de vente, et a retenu qu'ils avaient des obligations d'une précision qui ne différait en rien de celles d'un salarié, devant rendre des comptes à dates fixes, envoyer des documents comptables au jour dit, et étant passibles de sanctions en cas de modification ou de mauvaise qualité ou présentation des produits livrés ; Qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième branche du moyen, a caractérisé un lien de subordination non seulement économique, mais encore juridique entre les parties ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société l'Epargne fait encore grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de remboursement d'un déficit d'inventaire, alors, selon le moyen, que le contrat liant les parties prévoyait que l'Epargne demeurait propriétaire des marchandises détenues par les époux de X à titre de dépôt, ainsi que des espèces provenant de la vente, et que les époux de X étaient tenus de couvrir immédiatement le déficit qui pourrait être constaté lors d'opérations d'inventaire ; que les époux de X auraient-ils même été salariés, l'engagement pris par eux de rembourser le déficit correspondant à des manquants en marchandises et en espèces était licite, même en l'absence de faute lourde de leur part ; qu'en rejetant néanmoins la demande de la société l'Epargne, l'arrêt a refusé d'appliquer le contrat liant les parties et a violé les articles 1134 et 1927 et suivants du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a retenu qu'il avait existé, entre les parties, un contrat de travail, a exactement décidé que l'exécution de ce contrat ne pouvait engager la responsabilité des salariés envers leur employeur qu'en cas de faute lourde ; Que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen : (sans intérêt) ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.