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Décisions

Cass. com., 29 juin 2010, n° 09-15.692

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Messier Bugatti (SA)

Défendeur :

Paul Boye technologies (SAS), Ouvry (SAS), Ouvry

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Beaudonnet

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Me Le Prado, SCP Boré, Salve de Bruneton

T. com. Versailles, 7e ch., du 10 déc. 2…

10 décembre 2007

LA COUR : Joint les pourvois n° 09-15.692 formé par la société Messier Bugatti et n° 09-67.997 formé par M. Ouvry et la société Ouvry, qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 avril 2009), que la SA Manufacture de vêtements Paul Boye, devenue SAS Paul Boye technologies (la société Boye), spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de vêtements de protection à usage civil et militaire pour la protection nucléaire, bactériologique et chimique (NBC) et la société Messier Bugatti (la société Bugatti), spécialisée en équipement aéronautique, et en particulier, dans le développement, la fabrication et la commercialisation de textures de carbone activé (TCA) destinées à des applications industrielles, après avoir, le 26 novembre 1999, signé un accord de confidentialité concernant leurs discussions sur une collaboration pour travailler à la mise au point de nouveaux textiles de protection NBC comprenant des TCA, ont, les 22 et 28 juin 2001, signé un contrat de collaboration de développement avec effet rétroactif au 19 avril 2000 et ce, pour une durée de cinq années ; que, le 26 juin 2002, la société Bugatti a informé la société Boye qu'elle cessait son activité de textile de carbone et a résilié le contrat de coopération de développement ; qu'au mois de juillet 2002, M. Ouvry, salarié de la société Bugatti, a quitté cette société et a créé la société Ouvry ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de vêtements ; qu'exposant avoir appris que la technologie relative au textile TCA avait été cédée à la société Blücher, société allemande, qui est sa principale concurrente et que cette société est associée de la société Ouvry, la société Boye a assigné la société Bugatti, M. Ouvry et la société Ouvry en dommages-intérêts ;

Sur le second moyen du pourvoi n° 09-15.692 : - Attendu que la société Bugatti fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait manqué à son engagement de préserver les droits d'exploitation de la société Boye en cas de cession à un tiers à l'occasion de la cession à la société Blücher et qu'elle devait réparer le préjudice causé, alors, selon le moyen : 1°) que l'obligation, imposée à chaque partie par l'article 3.2 du contrat de collaboration des 22 et 28 juin 2001, de "notifier préalablement à tout cession partielle ou totale" de sa "quote-part de copropriété" des "résultats obtenus dans le cadre des travaux menés en commun" et de préserver les droits d'exploitation de son partenaire à l'intérieur du domaine d'exploitation défini par l'article 4, supposait, selon les termes clairs et précis du contrat, que cette cession ait pour objet une part indivise du résultat commun ; que les perfectionnements non brevetés d'un brevet n'étant pas compris dans le transfert de droits attaché à la cession, et leur communication au cessionnaire ne pouvant résulter que d'une clause spécifique faisant peser sur le cédant une obligation de communication de ces perfectionnements, la cour d'appel ne pouvait, pour estimer que le projet de cession consentie à la société Blücher par la société Messier Bugatti aurait dû être notifié à la société Paul Boye, se borner à relever que cette cession portait sur un brevet ayant fait l'objet d'un développement en commun avec la société Paul Boye ; qu'en décidant, par des motifs impropres à établir que la cession litigieuse avait pu porter sur la quote-part indivise de la société Messier Bugatti dans le résultat commun, que celle-ci avait manqué aux obligations prévues par l'article 3.2 du contrat de collaboration, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à son arrêt au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; 2°) qu'en tout état de cause, pour débouter la société Paul Boye de son action en responsabilité fondée sur un manquement de la société Messier Bugatti à son obligation de confidentialité, l'arrêt retient, à juste titre, que si "la société Messier Bugatti avait vendu à la société Blücher son brevet relatif au produit Cellox (fabrication de fibres de carbone activé à partir duquel ont été effectuées les recherches communes avec la société Paul Boye) et le four de production du tissu de carbone activé", ces éléments, "en vertu du contrat de juin 2001, ... restaient la propriété de la société Messier Bugatti", et qu'il n'était "pas démontré que la société Messier Bugatti avait communiqué à la société Blücher les résultats et tests menés en commun avec la société Paul Boye" ; qu'ayant, par ces motifs, expressément constaté que la cession de brevet consentie à la société Blücher par la société Messier Bugatti n'avait donné lieu, de la part de cette dernière, à aucune communication du savoir-faire ou des résultats obtenus en commun avec la société Paul Boye, ce dont il résultait nécessairement que la société Messier Bugatti n'avait pas respecté, préalablement à ladite cession, la procédure de notification prévue par l'article 3.2 du contrat de collaboration et à respecter des droits d'exploitation que cette cession n'affectait pas, la cour d'appel, en décidant le contraire, n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, violant les articles 1134 et 1147 Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que les travaux menés en commun par les sociétés Bugatti et Boye en vertu du contrat de collaboration qu'elles avaient signé les 22 et 28 juin 2001, avaient conduit à des résultats liés à l'utilisation du "cellox 400°", dont le brevet appartenait à la société Bugatti et que, procédant du développement de ce brevet, ils avaient abouti à un tissu S4CP (produit Carbotox) et après avoir constaté que la société Bugatti n'avait cédé à la société Blücher que le matériel et les brevets qui lui appartenaient et précisé qu'il n'était pas établi que la société Bugatti ait communiqué à la société Blücher les résultats des travaux menés en commun avec la société Boye, l'arrêt rappelle qu'en vertu du contrat des 22 et 28 juin 2001, la société Bugatti s'était engagée à préserver les droits de la société Boye tels que définis par le contrat et notamment le droit pour cette dernière d'exploiter les résultats communs dans le domaine de la fabrication de supports textiles de protection bactériologique et chimique pour la protection de l'homme et de son environnement proche ; qu'il retient qu'en cédant le brevet, qui avait connu un développement commun avec la société Boye, au profit de la société Blücher qui intervenait également dans le domaine du textile pour la protection de l'homme, sans en informer préalablement la société Boye, bénéficiaire d'un droit de préemption, la société Bugatti a méconnu ses obligations contractuelles ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des termes du contrat conclu entre les sociétés Bugatti et Boye, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le premier moyen du pourvoi n° 09-15.692 ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi n° 09-67.997, pris en sa première branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu qu'après avoir relevé qu'aucune responsabilité ne peut être retenue à l'encontre de M. Ouvry à titre personnel dès lors que devant la cour d'appel sa responsabilité n'est recherchée qu'en sa qualité de gérant de la société Ouvry, l'arrêt décide que la société Bugatti, M. Ouvry et la société Ouvry sont responsables envers la société Boye et doivent l'indemniser in solidum du préjudice causé ;

Que faisant ainsi apparaître une contradiction entre les motifs et le dispositif de l'arrêt, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 09-67.997, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 16 du Code de procédure civile ; - Attendu que, pour dire le comportement de la société Ouvry constitutif d'un agissement parasitaire envers la société Boye, l'arrêt retient que la société Ouvry, grâce aux connaissances acquises par son gérant lorsqu'il était salarié de la société Bugatti, a pu immédiatement se mettre en position pour être à même de satisfaire aux besoins de la société Sagem sans avoir dû au préalable engager des démarches pour se constituer cette clientèle et sans engager d'investissement puisqu'elle savait précisément par l'intermédiaire de M. Ouvry que la société Sagem avait auparavant fait connaître à la société Boye son intérêt pour les vêtements de protection NBC ;

Attendu qu'en relevant ce moyen d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi n° 09-67.997, pris en sa sixième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que l'arrêt, qui a relevé que les travaux menés en commun par les sociétés Boye et Bugatti en vertu du contrat de collaboration qu'elles avaient signé les 22 et 28 juin 2001 avaient conduit à l'utilisation du "cellox 400°" dont le brevet appartenait à la société Bugatti, retient que le fait que la société Ouvry ait eu connaissance par l'intermédiaire de M. Ouvry de ce que le procédé "cellox 400°" avait des possibilités de développement dans les tenues de protection NBC caractérise un comportement parasitaire de la société Ouvry ;

Attendu qu'en statuant ainsi, tout en constatant que les tenues de protection dites Saratoga commercialisées par la société Ouvry sont fabriquées à partir d'une technologie qui utilise des microbilles de carbone pour filtrer l'air contre les agents NBC et qu'il n'est pas établi que cette technologie utilise les résultats des recherches effectuées en commun par les sociétés Boye et Bugatti, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en l'absence d'indivisibilité ou de lien de dépendance nécessaire entre la condamnation de la société Messier Bugatti pour résiliation fautive du contrat des 22 et 28 juin 2001 et manquement à ses obligations contractuelles, et celle de M. Ouvry et de la société Ouvry pour déloyauté, la cassation prononcée sur le pourvoi formé par ces derniers, est limitée au chef de dispositif portant condamnation de ces derniers ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, en ses seules dispositions concernant M. Ouvry et la société Ouvry, l'arrêt rendu le 30 avril 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles, autrement composée.