ADLC, 14 juin 2010, n° 10-DCC-56
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à l'acquisition de la société Noukat par la société Olicours
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 11 mai 2010 relatif à l'acquisition de la société Noukat par la société Olicours, formalisée par un protocole de cession d'actions signé le 14 avril 2010 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES
1. Le groupe Carrefour est actif dans la distribution à dominante alimentaire. En France, il exploite des hypermarchés sous enseignes Carrefour et Champion et des supermarchés sous enseignes Champion et Carrefour Market. Le groupe Carrefour exploite également des magasins de proximité sous enseignes Shopi, 8 à huit, Marché plus, Sherpa, Proxi, et des magasins discompteurs sous enseigne Ed. Les sociétés Amidis & Compagnie et Profidis sont des filiales du groupe Carrefour. En 2008, le groupe Carrefour a réalisé un chiffre d'affaires total mondial hors taxes d'environ 87 milliards d'euro, dont environ 38 milliards d'euro en France.
2. Le 9 juillet 2009, la société d'exploitation Amidis & Compagnie, filiale du groupe Carrefour, a acquis la totalité des titres de la société Noukat (1). L'activité principale de la société Noukat consiste à assurer la gestion de 50 % du capital de la société Idec dont elle est propriétaire, les 50 % restants étant la propriété du groupe Carrefour via la société Profidis.
3. Ainsi, avant la présente opération, le groupe Carrefour détient, via deux de ses filiales, la totalité du capital de la société Idec, propriétaire d'un fonds de commerce à dominante alimentaire sous enseigne Carrefour Market, situé à Courseulles-sur-Mer (14470).
4. La société Olicours est une société à responsabilité limitée dont le capital est intégralement détenu par Monsieur X et des membres de sa famille qui contrôlent par ailleurs d'autres sociétés actives dans le commerce de détail. En 2009, le chiffre d'affaires hors taxes de l'ensemble des entreprises contrôlées par la famille X s'est élevé à 45,9 millions d'euro, réalisé exclusivement en France.
5. Aux termes d'un protocole d'accord en date du 14 avril 2010, la société d'exploitation Amidis et Compagnie s'est engagée à céder l'intégralité des titres qu'elle détient au capital de Noukat à la société Olicours. L'opération entraînera la prise de contrôle conjoint de la société Idec, et donc du magasin de Courseulles-sur-Mer par M. X et sa famille, le groupe Carrefour en conservant le contrôle conjoint. Elle constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (2), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (3) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION A DOMINANTE ALIMENTAIRE
1. LES MARCHÉS DE SERVICES
7. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaire que nationales (4), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés :
(i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
8. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente égale ou supérieure à 2 500 m2. Quant aux supermarchés, ils sont usuellement définis comme ayant une surface de vente inférieure à 2 500 m2 et supérieure à 400 m2. Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d'espèce, compte-tenu que des magasins dont la surface est située à proximité d'un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe dans les faits (5).
9. En l'espèce, le magasin de Courseulles-sur-Mer (14) occupe aujourd'hui une surface de vente de 3 515 m2. Celle-ci devrait être portée à 4515 m2, extension pour laquelle le groupe Carrefour a obtenu une autorisation de la Commission Départementale d'Equipement Commercial du Calvados le 22 octobre 2008. Ce magasin rentre donc dans la catégorie des hypermarchés.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
10. Dans ses décisions récentes (6) relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l'Autorité de la concurrence a rappelé qu'en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s'apprécier sur deux zones différentes :
- une première zone où se rencontrent la demande des consommateurs en biens de consommation courante et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- une seconde zone où se rencontrent la demande des consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes, situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.
11. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
12. Au cas d'espèce, comme l'Autorité l'a déjà souligné dans la décision 09-DCC-04, il convient de tenir compte de la densité géographique de l'offre d'hypermarchés de la zone concernée. Courseulles-sur-Mer est situé en bord de mer, à 20 minutes de trajet en voiture environ de l'agglomération caennaise, qui compte 8 hypermarchés, de Bayeux, qui compte 2 hypermarchés et d'Ouistreham, qui compte aussi 2 hypermarchés. Tous les consommateurs dont le domicile ou le lieu de travail est situé à plus de 20 minutes de trajet de Courseulles-sur-Mer sont susceptibles de trouver plusieurs hypermarchés plus proches, notamment ceux de l'agglomération caennaise, de Bayeux, ou d'Ouistreham. En revanche, les consommateurs dont le domicile ou le lieu de travail est situé à moins de 20 minutes de trajet de Courseulles-sur-Mer sont susceptibles, en fonction de leur localisation, d'arbitrer entre l'hypermarché de Courseulles-sur-Mer, celui de Douvres-la-Délivrande et ceux de l'agglomération caennaise, de Bayeux et d'Ouistreham. La présente délimitation correspond donc à une zone de chalandise légèrement supérieure à 20 minutes autour de l'hypermarché de Courseulles-sur-Mer, incluant l'ensemble des hypermarchés mentionnés.
13. En ce qui concerne le second marché, il apparaît, d'après les données transmises par les parties, que 5 hypermarchés, supermarchés ou maxi-discompteurs localisés près de Courseulles-sur-Mer, Bernières-sur-Mer, Douvres-la-Délivrande et Lion-sur-mer, sont situés à moins de 10 minutes de trajet de l'hypermarché concerné. Aucun magasin n'est situé à une distance entre 10 à 15 minutes de trajet de l'hypermarché concerné. De plus, il est peu probable qu'un nombre significatif de consommateurs consente un temps de trajet supérieur à 15 minutes pour se rendre à l'hypermarché concerné, compte-tenu notamment de la plus grande proximité de nombreux hypermarchés, supermarchés ou maxi-discompteurs, en particulier ceux situés près de Caen (plus de 40 magasins), Bayeux ou Ouistreham. Au cas d'espèce, la dimension géographique de ce second marché incluant l'ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs localisés près de Courseulles-sur-Mer, Bernières-sur-Mer, Douvres-la-Délivrande ou Lion-sur-mer, correspond à une zone de chalandise de 15 minutes autour de l'hypermarché de Courseulles-sur-Mer.
B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
14. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (7) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (8).
15. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
16. Sur les marchés aval de la distribution à dominante alimentaire précédemment délimités, la présente opération n'entraîne aucune évolution de la situation concurrentielle dans la mesure où les sociétés contrôlées par M. X et sa famille ne sont pas actives sur les zones géographiques concernées et où le groupe Carrefour conserve un contrôle conjoint sur le magasin concerné.
17. Sur les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, qui ne porte que sur un seul magasin, n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence.
Décide
Article unique : l'opération notifiée sous le numéro 10-0054 est autorisée.
Notes :
1 Voir la décision d'autorisation de l'Autorité de la Concurrence n° 09-DCC-04 du 29 avril 2009 relative à la prise de contrôle de la société Noukat par la société d'exploitation Amidis & Compagnie, filiale du groupe Carrefour.
2 Voir notamment les décisions de la commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.
3 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C 2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.
4 Décisions C 2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C 2007-172 Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008, C 2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C 2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C 2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.
5 Voir notamment l'avis n° 00-A-06 du Conseil du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.
6 Voir notamment les décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC- du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat,
7 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.
8 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C2005-98, Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.