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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 17 juin 2010, n° 09-12774

PARIS

Ordonnance

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Aujourd'hui Sport (SAS), Le Parisien Libéré (SNC), Editions Amaury (SA), Amaury Medias (SASU), Intra-Presse (Sté), L'Equipe (SNC)

Défendeur :

Président de l'Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Fossier

Avoué :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Gunther, Ader

TGI Bobigny, JLD, du 12 mai 2009

12 mai 2009

Faits, circonstances et procédure

1- La saisine et l'ordonnance

Par lettre en date du 10 décembre 2008, les conseils de la société " Le Journal du Sport " ont adressé au Président du Conseil de la concurrence une saisine relative à des pratiques anticoncurrentielles sur le marché de la presse quotidienne sportive, susceptibles d'entrer dans le champ des articles L. 420-2 et L. 420-1 du Code de commerce. Cette saisie était assortie d'une demande de mesures conservatoires.

Le 13 février 2009, Mademoiselle Émilie Oquet, rapporteure de l'Autorité de la concurrence, désignée par lettre du 6 février 2009, agissant conformément aux dispositions des articles L. 450-3, L. 450-6 et R. 463-6 du Code de commerce, a entendu Monsieur Michel Moulin, président directeur général de la société Le Journal du Sport, assisté de son conseil, pour recueillir des informations utiles à l'examen de la saisine évoquée ci-dessus.

A la suite de cette audition, par requête en date du 4 mai 2009, Madame la rapporteure générale de l'Autorité a demandé à la juge des libertés et de la détention au Tribunal de grande instance de Bobigny, l'autorisation de pratiquer des opérations de visite et saisie dans les locaux des sociétés du groupe Amaury aux fins d'établir si ces dernières se livraient à des pratiques prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce.

Par ordonnance en date du 12 mai 2009 (ci-après l'ordonnance), la juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Bobigny a autorisé la rapporteure générale à faire procéder aux opérations de visite et saisie sollicitées dans la requête. Sur commission rogatoire, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre a désigné, par ordonnance en date du 13 mai 2009, les agents de police judiciaire compétents pour effectuer les opérations de visite et saisie dans les entreprises ayant leurs locaux à Boulogne-Billancourt.

L'abus de position dominante qu'aurait commis le groupe Amaury consisterait en des pratiques diverses visant à évincer un nouveau journal concurrent de L'Equipe, Le 10 Sport, édité par la société Le Journal du Sport, dans le but de protéger la position dite monopolistique de L'Equipe. Le groupe Amaury s'entend ici des sociétés Aujourd'hui Sport, Le Parisien Libéré, Les Editions P. Amaury, Amaury Medias, Intra Presse et L'Equipe. Ce groupe aurait réagi au lancement du 10-Sport en lançant à la même date et en utilisant les moyens commerciaux, techniques et humains du groupe, un quotidien concurrent, Aujourd'hui Sport. Ce nouveau quotidien sportif présentait de nombreux points communs avec Le 10-Sport.

De plus, selon l'ordonnance, le groupe Amaury aurait procédé à des couplages tarifaires pour les insertions publicitaires dans Aujourd'hui Sport et dans l'Equipe.

L'ordonnance allègue enfin que le groupe Amaury aurait fait pression sur les kiosquiers pour que ceux-ci favorisent l'exposition de ses publications, en particulier l'Equipe.

2 - Les visites

Le 19 mai 2009, sur le fondement de l'Ordonnance, les enquêteurs de l'Autorité ont effectué des opérations de visite et saisie dans les locaux des sociétés du groupe Amaury, à l'issue desquelles des pièces ont été saisies.

Il s'agit des sociétés suivantes :

- Aujourd'hui Sport, 25-33 avenue Michelet, 93400 Saint-Ouen;

- Le Parisien Libéré, 25-33 avenue Michelet, 93400 Saint-Ouen;

- Les Editions P. Amaury, 25-33 avenue Michelet, 93400 Saint-Ouen et 738 rue Yves Kermen 92658 Boulogne-Billancourt;

- Amaury Medias, 25-33 avenue Michelet, 93400 Saint-Ouen et 738 rue Yves Kermen 92658 Boulogne-Billancourt;

- L'Equipe, 4 cours de l'île Seguin 92100 Boulogne-Billancourt.

3- Les recours

Par déclarations en date du 29 mai 2009, et conformément aux dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce issues de la loi de modernisation de l'économie en date du [4] août 2008, les sociétés susdites ont formé appel à l'encontre de l'ordonnance ; leurs recours seront joints comme présentant un lien de connexité.

D'autre part, ces mêmes sociétés ont frappé de recours le déroulement des opérations de visite et saisie effectuées dans leurs locaux le 19 mai 2009 (affaires n° RG 09-12814, RG 09-12781, RQ 09-12788, RG 09-12808, RG 09-12813, RG 09-12809, jointes par ordonnance de ce jour).

Le Président, délégué du Premier président,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Bobigny, en date du 12 mai 2009;

Vu les conclusions récapitulatives des sociétés Aujourd'hui Sport, Le Parisien Libéré, Les Editions Amaury, Amaury Médias et L'Equipe, en date du 13 janvier 2010;

Vu les conclusions de l'Autorité de la concurrence, en date du 8 mars 2010;

Ouï les conseils des sociétés requérantes, le représentant de la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence porteur d'un pouvoir spécial, et Monsieur le Procureur général, à l'audience du 27 mai 2010;

Sur quoi

1° - Principes applicables

Attendu que le juge qui autorise des opérations de visite et saisie sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée;

Que cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite;

Que par suite, le juge doit s'assurer que les éléments produits par l'Administration sont suffisants pour justifier que la mesure intrusive de visite et saisie soit autorisée ; qu'à cette fin, le juge des libertés et de la détention doit vérifier, en se référant aux éléments d'information fournis par l'Administration ou par l'Autorité, qu'il existait des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisie de documents s'y rapportant;

Attendu que les présomptions sont appréciées par le juge en proportion de l'atteinte aux libertés individuelles que sont susceptibles de comporter la visite et les saisies envisagées;

Qu'il s'en évince que les présomptions dont le juge des libertés du TGI de Bobigny aurait dû exiger la présentation devaient être d'autant plus précises, graves et concordantes, qu'il s'agissait d'autoriser des opérations de visite et saisie dans les locaux d'entreprises de presse;

Qu'en pareil cas, en effet, un Etat de droit s'honore, pour reprendre une expression avancée par la Cour EDH (CEDH, 27 mars 1996, Goodwin c/ Royaume Uni, point 45) à "faire pencher la balance des intérêts en présence en faveur de celui de la défense de la liberté de la presse dans une société démocratique" ;

Que le droit reconnu à un journaliste de ne pas révéler l'origine de ses informations, corollaire de la liberté de la presse issu de l'article 10 de la Convention ESDH, impose la plus grande circonspection de la part du juge amené à autoriser des opérations de visite et saisie dans une entreprise de presse;

Que le législateur national impose aussi depuis de nombreuses années, dans l'article 56-2 du Code de procédure pénal, qu'une visite ou perquisition ne puisse porter atteinte au libre exercice de la profession de journaliste;

Que sans conférer une valeur expressément interprétative de la Convention ESDH et de la jurisprudence européenne ou nationale y afférente, au nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, introduit par la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection des sources des journalistes, il n'est pas inutile de relever que ce texte énonce "Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi";

Qu'il faut ajouter autant que de besoin, et comme le rappellent les requérantes sans pouvoir être contredites, que la Cour de cassation a jugé que des perquisitions dans les entreprises de presse sont des actes d'une extrême gravité ; que de telles mesures ne sauraient être justifiées que si la juridiction les autorisant s'est expliquée sans insuffisance ni contradiction sur le caractère nécessaire et proportionné aux buts poursuivis des perquisitions ainsi effectuées et si de telles ingérences respectent les principes de subsidiarité et de proportionnalité;

Attendu enfin que le principe de proportionnalité devait encore être mis en rapport par le juge des libertés avec les missions dont l'Administration ou l'Autorité qui sollicite le droit de visite et de saisie a la charge légale;

Que si la poursuite d'infractions pénales, qui constituent les bornes dont la société ne permet en aucune circonstance le dépassement, est par essence un impératif prépondérant d'intérêt public et peut conduire le juge des libertés à apprécier en conséquence les présomptions qui lui sont soumises, en revanche la recherche de preuves de pratiques anticoncurrentielles indépendamment d'une qualification pénale ne peut justifier des visites et saisies, notamment dans des locaux de presse, qu'en présence d'indices particulièrement troublants de ces pratiques;

2° - Application à l'espèce

Attendu qu'en vérifiant le bien-fondé de la requête qui lui était soumise, en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce, le juge des libertés et de la détention du TGI de Bobigny ne s'est nulle part attaché à vérifier si, dans la circonstance et en fonction de l'avancement de l'enquête de concurrence, les opérations de visite et saisie étaient nécessaires (a) ni si elles étaient justifiées par un impératif prépondérant d'intérêt public et proportionnées entre cet impératif et l'atteinte envisagée aux libertés (b);

(a) Attendu, sur la nécessité de la mesure autorisée, que l'ordonnance déférée se contente d'affirmer que l'utilisation des pouvoirs définis à l'article L. 450-3 du Code de commerce "ne paraît pas suffisante pour permettre à l'Autorité de la concurrence de corroborer ses soupçons" (page 7, 2e attendu, 1re phrase) ; et que le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce constitue " le seul moyen d'atteindre les objectifs recherchés " (attendu suivant, 10 phrase) ;

Qu'une telle formulation, une fois négative et une fois positive, faite sans aucune motivation spéciale ni référence aux éléments dont l'Autorité disposait alors et aux éléments qu'elle espérait découvrir, ne constitue pas une démonstration de la nécessité de visiter des locaux de presse;

(b) Attendu, sur la proportionnalité de la mesure autorisée et sa justification, que l'ordonnance recourt d'abord à des motifs hypothétiques en évoquant (page 6, dernier attendu) des agissements dont l'énumération n'est probablement pas exhaustive, laissant ainsi entendre que sa motivation n'est pas complètement relatée dans la décision, ou que les présomptions qu'il a retenues ne sont pas suffisantes en elles-mêmes, alors que le juge de l'apparence qu'est le juge des libertés et de la détention peut se satisfaire de présomptions mais pas de probabilité de présomptions et doit faire état de tout ce qui l'a amené à autoriser l'atteinte aux libertés qu'est une perquisition;

Attendu que pour le surplus, ladite ordonnance retient des présomptions qui ne sont suffisantes ni isolément (i) ni en faisceau (ii) ;

(i) Attendu, d'abord élément par élément, que les principales pièces annexées à la requête au juge des libertés étaient les suivantes :

* la note et la demande d'enquête de la rapporteure générale (pièce n° 1);

* la lettre des conseils du plaignant en date du 10 décembre 2008 (pièce n° 2);

* les annexes de cette lettre, non inventoriées dans l'ordonnance mais qui sont retenues essentiellement pour relater la mauvaise situation financière du 10-Sport à l'époque de la création d'Aujourd'hui Sport, et la pratique de couplages publicitaires;

* le procès-verbal de déclaration du plaignant du 13 février 2009 (pièce n° 3);

* une dizaine d'articles de presse concernant les lancements de 10.Sport.com et Aujourd'hui Sport (pièce n° 4);

* deux constats d'huissiers établis les 20 novembre 2008 et 13 janvier 2009 faisant état du fait que Le 10.Sport.com n'était pas exposé sur les présentoirs de certains kiosquiers (pièces n° 5 et 6);

* des pièces formelles (n° 7 à 9);

* la pièce n° 10, dite " documents concernant le groupe Amaury ", dont la dénomination générique ne permet pas au premier président d'exercer son contrôle ;

Attendu, sur la lettre des conseils du plaignant Moulin, les déclarations de sa salariée et de son avocat placées en annexes et le procès-verbal de déclaration du même plaignant, que ces pièces émanaient de M. Moulin lui-même ou de ses obligés ; que la saisine de l'Autorité par la société Le Journal du Sport et les déclarations de son dirigeant auraient dû être examinées avec la plus grande prudence par le juge, qui aurait dû s'assurer que les allégations qu'elles contenaient étaient corroborées par les éléments émanant de tiers avant d'autoriser l'atteinte très considérable au domicile et à la liberté de la presse qu'il a permise dans l'ordonnance critiquée;

Attendu, sur l'annexe relative à la description de la situation financière du 10-Sport, de novembre 2008 à janvier 2009 qui montre une baisse significative du chiffre d'affaires du titre au cours de ce trimestre, annexe 2 à l'audition de M. Moulin, plaignant, qu'aucun lien n'a été établi dans l'ordonnance entre la situation financière du 10-Sport et les prétendues pratiques commerciales du groupe Amaury ;

Que d'autres explications parfaitement plausibles auraient pu, sinon retenir l'Autorité, en tout cas l'inciter à la prudence, et le juge des libertés à sa suite, notamment les difficultés générales de la presse écrite, spécialement de la presse sportive, dont a souffert Aujourd'hui Sport autant que Le 10-Sport ou l'impréparation du lancement du 10-Sport;

Attendu, sur l'annexe relative aux couplages publicitaires, qu'un courriel d'un tiers, Christophe Brossard, à Michèle Denoux, salariée du groupe Moulins Participations, en date du 28 novembre 2008 (annexe 1 à l'audition de M. Moulin, plaignant) indique que FedEx a finalement choisi de travailler avec Manchette Publicité (ancien nom d'Amaury Médias, régie publicitaire du groupe Amaury) du fait de ses tarifs publicitaires attractifs et d'une prétendue offre couplée pour une annonce dans Aujourd'hui Sport et L'Equipe;

Que comme le font observer les requérantes, l'Autorité n'a pas vérifié la teneur exacte des conditions proposées [par] Manchette Publicité et le caractère généralisé ou isolé des pratiques auxquelles il est fait référence ; qu'il semble qu'en réalité, l'offre tarifaire faite à FedEx pour des annonces dans Aujourd'hui Sport et dans L'Equipe était légèrement supérieure à celles accordées aux annonceurs s'adressant à l'une de ces publications de manière exclusive ; que l'Autorité aurait pu en déduire que l'offre faite à FedEx n'était pas particulièrement incitative, ne relevait pas d'une pratique de couplage anticoncurrentielle et que, dès lors, les affirmations contenues dans cette pièce ne pouvaient justifier une perquisition dans des locaux de presse;

Attendu, sur les constats d'huissier relatifs à l'attitude des kiosquiers, que les 20 novembre 2008 et 13 janvier 2009, "le 10-Sport n'a pas été exposé sur les présentoirs à journaux [...] Le marchand cherche sous son comptoir ce dernier et le remet contre paiement";

Que ces énonciations ne précisent pas si le journal Aujourd'hui Sport était, quant à lui, exposé dans les points de vente visités;

Que comme le font observer les requérantes, aussi bien le 10-Sport que Aujourd'hui Sport avaient une diffusion très limitée (20 à 30 000 exemplaires) et ayant choisi une distribution via les NMPP, celles-ci ont distribué ces publications sur la totalité de son réseau de points de vente, à savoir environ 30 000 kiosques en France ; que compte tenu de la place limitée dont disposent ces points de vente, il n'était pas rationnel pour eux d'exposer ces titres, au détriment de journaux à plus fort tirage;

Qu'en somme, le soupçon de pressions exercées par le Groupe Amaury sur les kiosquiers était singulièrement fragile ; qu'en l'état de ces explications diverses sur les raisons d'un phénomène décrit de manière très sommaire par les huissiers de justice, l'Autorité de la concurrence ne pouvait s'en contenter pour requérir le droit de visiter des locaux de presse;

(ii) Attendu cette fois, sur le faisceau de présomptions présentées au juge des libertés, que l'enquête de concurrence visait un abus de position dominante ; que l'ensemble des indices d'un tel abus devait être clairement distingué des comportements commerciaux qui n'auraient pas relevé de l'article L. 420-2 du Code de commerce ni de la compétence de l'Autorité requérante, mais de celle des juridictions de droit commun;

Que de ce point de vue, l'ordonnance critiquée présente d'abord (page 4 et haut de la page 5) les conditions de naissance d'un journal baptisé " Aujourd'hui Sport ", concurrent du journal "10-Sport" fondé par le plaignant; que le juge y relève, à titre de présomption de comportement illicite, que les deux journaux concurrents se présentent similairement, alors qu'un tel élément de fait ne saurait relever du droit de la concurrence;

Qu'ensuite, toujours selon le juge, la création du journal "Aujourd'hui Sport" a été présentée par le milieu comme une riposte à la création de " 10-Sport ", alors qu'une telle opération pourrait constituer en soi un évènement pro-concurrentiel;

Que "Aujourd'hui Sport" bénéficie, encore selon l'ordonnance critiquée, des moyens matériels et humains du groupe Amaury, et semble (sic) pouvoir bénéficier de ses moyens commerciaux et techniques, alors que de telles affirmations ne relatent pas en elles-mêmes un fait anticoncurrentiel ; qu'une entreprise disposant d'une position dominante est en droit de défendre ou de développer sa part de marché lorsqu'elle est confrontée à l'arrivée d'un concurrent; qu'elle doit seulement le faire dans les limites d'un comportement loyal et légitime (Com. 14 février 1995, pourvoi n° 93-18.178), autrement dit s'abstenir de limiter l'accès du marché à son concurrent en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d'une concurrence par les mérites ; qu'en l'espèce, le juge des libertés ne disposait pas d'indices d'un tel comportement déloyal ou illicite, puisque comme il a été dit (supra, (i)), les pressions sur les kiosquiers n'étaient nullement avérées et les autres éléments du dossier présenté à ce juge manquaient de pertinence;

Que suivent les déclarations du plaignant, que le juge adopte sans explication particulière ni mention d'indices objectifs et concrets, en sorte qu'elles ne peuvent constituer un élément crédible d'un faisceau de présomptions;

Qu'enfin, le juge (page 6 et haut page 7) résume sous forme d'indices les éléments susdits, qu'il baptise finalement " nos (sic) présomptions ", mais sans rien y ajouter;

Que certes, les écritures de l'Autorité de la concurrence devant le premier président explicitent d'autres éléments réunis tout au long de l'enquête; que cependant, elles ne peuvent pas éclairer le premier président, qui statue au jour où le juge des libertés lui-même a statué;

Que du tout, il résulte que l'Autorité de la concurrence ne disposait pas d'un faisceau de présomptions suffisant pour solliciter une visite dans des locaux de presse aux fins d'établir la preuve d'un comportement anticoncurrentiel relevant de sa compétence et constituant un impératif prépondérant d'intérêt public ; que fondée en première part sur ce faisceau prétendu, la mesure autorisée par le juge n'apparaît pas proportionnée à l'atteinte envisagée aux libertés;

3° - Conséquences

Attendu que le recours des sociétés Amaury et autres apparaît recevable et bien fondé ; que l'ordonnance critiquée doit être non point annulée mais infirmée, conformément aux règles du Code de procédure pénale applicables au présent appel;

Attendu qu'il sera donné acte aux appelantes et au besoin ordonné que les actes faits en exécution, sur commission rogatoire, de l'ordonnance mise à néant, sont nuls et que toutes les pièces saisies doivent être restituées;

Attendu qu'il n'y a pas de demandes accessoires mais qu'il échet de statuer d'office sur les dépens;

Par ces motifs, Déclare recevables les sociétés Aujourd'hui Sport, Le Parisien Libéré, Les Editions P. Amaury, Amaury Medias et L'Equipe en leur recours; Infirme l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Bobigny du 12 mai 2009; Statuant à nouveau, Rejette la requête de l'Autorité de la concurrence aux fins de visite domiciliaire dans les locaux des sociétés : - Aujourd'hui Sport, 25-33 avenue Michelet, 93400 Saint-Ouen; - Le Parisien Libéré, 25-33 avenue Michelet, 93400 Saint-Ouen; - Les Editions P. Amaury, 25-33 avenue Michelet, 93400 Saint-Ouen et 738 rue Yves Kermen 92658 Boulogne-Billancourt; - Amaury Medias, 25-33 avenue Michelet, 93400 Saint-Ouen et 738 rue Yves Klermen 92658 Boulogne-Billancourt; - L'Equipe, 4 cours de l'île Seguin 92100 Boulogne-Billancourt; Dit que la commission rogatoire donnée au juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre est nulle et que toutes les pièces saisies doivent être restituées ; Condamne le Trésor public aux dépens.