ADLC, 26 avril 2010, n° 10-DCC-38
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle conjoint de la société Atacla SAS par les sociétés Bamhug SA et ITM Entreprises
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 1er avril 2010, relatif à l'acquisition de la société Atacla SAS ("ci-après " Atacla ") par les sociétés Bamhug SA (ci-après " Bamhug ") et ITM Entreprises, formalisée par un protocole d'accord signé le 19 février 2010 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. La société ITM Entreprises, contrôlée à 100 % par la Société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par 1 330 personnes physiques dits " adhérents associés ", conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de " Groupement des Mousquetaires ". En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l'animation d'un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s'effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d'enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin, ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d'approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au " Groupement des Mousquetaires ".
2. Le groupe ITM Entreprises a réalisé au cours du dernier exercice clos au 31 décembre 2008, un chiffre d'affaires total hors taxes de [20-30] milliards d'euro, dont [15-25] milliards d'euro en France.
3. La société Bamhug est une société de droit français qui a pour objet principal la détention de titres dans des sociétés exploitant un point de vente sous enseigne Intermarché. Elle ne détient actuellement aucune participation et n'a pas d'activité (1). La société Bamhug est détenue à 99,99 % par Monsieur et Madame X. Le solde du capital de Bamhug est détenu par la société ITM Entreprises, à travers une action ne lui conférant pas de droits particuliers.
4. La société Atacla est une société de droit français qui a pour objet principal l'exploitation d'un magasin à dominante alimentaire situé à Lanton (33) sous enseigne Intermarché. L'intégralité du capital de la société est détenue par Monsieur et Madame Y, à l'exception d'une action détenue par la société ITM Entreprise qui ne lui confère aucun droit particulier. En 2008, le chiffre d'affaires total consolidé d'Atacla, exclusivement réalisé en France, s'est élevé à environ 18 millions d'euro hors taxes.
5. Au terme de l'opération, l'intégralité des titres de la société Atacla sera détenue par la société Bamhug, à l'exception d'une action détenue par ITM Entreprises. Les statuts de la société seront modifiés concomitamment à la réalisation de la présente opération. Ces statuts confèreront à ITM Entreprises, pendant une durée de 15 ans, la possibilité de bloquer tout changement d'enseigne, de s'opposer à toute mutation d'actions et d'obliger les actionnaires majoritaires à céder le fond de commerce dès l'instant où ils exploiteraient un fond de commerce similaire sous une enseigne concurrente. Au-delà de cette période, ITM Entreprises conservera un droit de préférence sur toute vente de titres pendant cinq années supplémentaires. De plus, la société Atacla signera, concomitamment à la réalisation de la présente opération, un contrat d'enseigne avec ITM Entreprises par lequel l'utilisation de l'enseigne Intermarché lui sera concédée pour l'exploitation de son fonds de commerce. Ce contrat d'enseigne confèrera à ITM Entreprises pour une durée de 15 ans, un droit de priorité en cas de cession du fond de commerce à un prix calculé selon une formule prédéterminée. Après l'opération, la société Atacla sera donc contrôlée conjointement par Bamhug et ITM Entreprises, via une action de préférence.
6. En ce qu'elle entraîne le passage d'un contrôle exclusif de M. et Mme Y sur Atacla à un contrôle conjoint d'ITM Entreprises et de Bamhug, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
7. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (2), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (3) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
1. LES MARCHÉS DE SERVICE
8. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaire que nationales (4), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
9. Les supermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente inférieure à 2 500 m2 et supérieure à 400 m2. Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d'espèce, compte-tenu que des magasins dont la surface est située à proximité d'un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe dans les faits (5).
10. En l'espèce, le magasin racheté occupe aujourd'hui une surface de vente de 1 948 m2. Ce magasin rentre donc dans la catégorie des supermarchés.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
11. Dans ses décisions récentes (6) relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l'Autorité de la concurrence a rappelé que deux types de marchés sont usuellement distingués, sur la base des zones de chalandise :
- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes, situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.
12. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
13. Au cas d'espèce, le magasin concerné par l'opération occupant une surface de vente inférieure à 2 500 m2 et rentrant dans la catégorie des supermarchés, l'analyse concurrentielle ne portera que sur le second marché, soit sur le marché incluant l'ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs localisés sur une zone de chalandise de 15 minutes autour de Lanton.
B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
14. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (7) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (8).
15. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
16. Sur le marché aval de la distribution alimentaire, comprenant les hypermarchés, les supermarchés, et les maxi-discompteurs sur une zone de chalandise de 15 minutes en voiture autour de Lanton, l'Intermarché exploité par la société Atacla représente un peu plus de 11 % des surfaces de vente. Sur la même zone, un autre point de vente est exploité sous enseigne du groupe Intermarché et dispose d'une part de marché d'environ 7 %. La part de marché des magasins sous enseignes appartenant à ITM Entreprises s'élève ainsi à environ 18 %, avant comme après l'opération. Sur cette zone, ces magasins font face à une concurrence dense, notamment d'un magasin exploité sous enseigne Auchan (41 % de parts de marché) et également de magasins exploités sous enseignes du groupe Casino (16 % de parts de marché cumulées).
17. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché considéré.
18. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, qui ne concerne qu'un seul magasin, n'est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.
Décide
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0036 est autorisée.
Notes :
1 La société Bamhug détenait antérieurement une société exploitant un point de vente sous enseigne Intermarché qu'elle a cédé le 1er janvier 2010.
2 Voir notamment les décisions de la commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.
3 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C 2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.
4 Décisions C 2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C 2007-172 Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008, C 2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C 2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C 2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.
5 Voir notamment l'avis n° 00-A-06 du Conseil du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.
6 Décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC- du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat,
7 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M. 2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.
8 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C2005-98, Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.